Are you the one you seem to be ?

Un peu de repos ne pouvait faire de mal à personne. Les yeux clos, Shinji se détendait après avoir passé plus d’une heure en extérieur à poursuivre discrètement un homme qui, autant dire, ressemblait plus à une femme. Il avait été contraint de l’espionner et c’était même rapproché de lui sur la fin de manière à obtenir quelques informations. Cela l’avait épuisé bien que ça l’avait amusé également. Le monde était rempli de personnes tellement bizarre parfois que lui-même peinait à comprendre celui-ci faisait pour tourner correctement. Divers scénarios tournoyaient dans sa tête quant il pensait à ce qu’il adviendrait de cet individu et à une esquisse sadique orna ses lèvres tandis qu’il se reposait.

Cruel, Shinji l’était. Il ne le niait pas. Il l’avait toujours été. Depuis tout petit, il était très malin et se servait des gens qui l’entouraient alors qu’on croyait le plus souvent le berner. On se trompait. C’était lui qui avait toutes les meilleures cartes en main, toujours. Il n’était jamais le fautif et se débrouillait à chaque fois pour qu’on soit accusé à sa place. Et on ne doutait jamais de lui. Lui qui semblait si attachant, si gentil derrière ses tendres sourires mais qui plantait des couteaux dans le dos de tous ses camarades de classe. Son meilleur ami y avait eu le droit lors de leur première année de lycée, il n’en avait pas cru ses yeux et même si Shinji avait déclaré à cet instant là qu’il n’avait pas eu d’autre choix, la lueur se reflétant dans les pupilles de son vis à vis avait montré toute la haine et la rancoeur qu’il éprouvait à son égard. Pourtant le NSA n’avait pas riposté, il avait même souri déclarant qu’il ne comprenait pourquoi autant de drame pour au bout du compte pas grand chose. Le renvoi de son camarade ne lui avait fait ni chaud ni froid et si on avait commencé à douter de lui à l’école, Shinji avait rétabli facilement l’ordre, mettant toujours la faute sur ce jeune homme qui avait été contraint de trouver un autre établissement pour ses études.

Plus tard, le garçon avait emménagé à Nishinaka et sa vie passée à Tokyo avait été vite oublié. Il n’éprouvait aucun remord, encore moins des regrets. Si les gens n’étaient pas aussi stupides, qu’ils n’apportaient pas autant d’importance au reste, ils ne seraient pas aussi confiants et ne se feraient pas berner aussi aisément.

C’était une voix féminine qui le sortit de ses rêveries et l’obligea à ouvrir ses paupières. Miki Ueyama. Elle aussi, elle était tellement idiote... Il suffisait de sourire aux femmes pour qu’elles tombent toutes dans le panneau et croient que chaque individu est parfait, sans défaut... Shinji profitait de ce trait de caractère pour les manipuler bien souvent, pour s’amuser et faire du mal. Parce que plus que tout, il aimait ça et la satisfaction que cela lui apportait était immense.

- Ca va et toi ? Rétorqua le professeur en quittant son fauteuil, installé dans le fond de la pièce, Désolé de t’avoir effrayé.

Sur ses mots, il lui adressa un merveilleux sourire et partit derrière le bar qui se trouvait en face de lui afin de se servir à boire.

- Je te sers quelque chose ?

Attendant sa réponse, il trempa ses lèvres dans son verre et toujours avec cet éclat sur son visage, il enchérit de plus bel :

- Tu n’as pas de travail ? Ca se passe bien d’ailleurs ? Je ne pensais pas te croiser à cette heure-ci.

Il ne songeait à rien du tout. Et il n’en avait que faire de sa pauvre vie en vérité seulement si le jeune homme souhaitait attiser la pitié des gens, il fallait savoir les charmer.

La petite n’avait pas l’air dans son assiette. Shinji l’avait aussitôt remarqué cependant il n’en avait rien dit, songeant que ce serait un détail à noter pour plus tard. Qu’est-ce qu’il pourrait lui apporter de plus si ce n’était encore plus de souffrance ? Même si, malheureusement pour elle, Miki était incapable de s’apercevoir que la personne qu’elle avait en face d’elle était liée au mal. Shinji n’était pas le diable. Il était pire. Derrière ses airs doucereux, il était sadique et sournois. Rares étaient ceux qui doutaient de lui bien qu’au fond, il ne s’en cachait pas forcément. S’il avait été un véritable soldat, il aurait probablement fait partie des mauvais. Ceux qui dans les films se tournent du bien pour se rendre vers le mal. Et encore, il les battait sans aucun doute tous.

Pourquoi éprouver un tel désir ? Même à lui, cela lui arrivait de se poser la question et il n’avait jamais la réponse. Il n’aimait pas voir tout ce monde autour de lui qui rayonnait d’amour alors que tout n’était pas si rose. Ca l’écoeurait de voir cet amas de bonheur qui n’en était pas forcément avec tous ces faux semblants. Il avait vécu dans un immense mensonge depuis sa tendre enfance sauf que malheureusement pour ses parents, intelligent, il l’avait rapidement deviné. C’était l’une des raisons qui l’avaient rendu aussi sournois, aussi calculateur... On croit que c’est lui qu’on arnaque, hors c’est lui qui arnaque les autres. S’il pouvait tuer, peut-être qu’il le ferait. Cependant la prison ne l’avait jamais réellement attiré et il n’éprouvait aucune envie de fuir tel un fugitif. Alors il faisait le mal autrement... Après tout, comme on dit, il fallait de tout pour faire un monde.

- Non. Il est quand même assez tard. Et puis ne pas les voir de temps en temps fait du bien, Rétorqua le jeune homme avec un sourire aux lèvres.

C’étaient plus eux qui devaient être heureux de ne pas le voir que le contraire.

- Et toi ? Tu es sûr que ça va ? Ca n’a pas l’air d’être la grande forme ?

Une petite goutte d’alcool en plus dans son verre ne lui ferait sûrement pas de mal. Attendant un moment opportun, lorsque la demoiselle ne regardait plus en sa direction, il versa malencontreusement un peu trop de vodka dans son verre avant de ranger la bouteille ailleurs. Miki avait déjà bu donc cela ne pouvait pas être de sa faute s’il y avait plus d’alcool n’est-ce pas ? Surtout qu’il n’y avait de bouteille nul part désormais. Shinji était fort à ce jeu. Toujours commettre des tas d’erreurs sans jamais se faire voir.

La laisser tomber au sol. Voilà ce qu’il aurait dû faire. Pourtant pris d’un élan de bonté - ou non - le jeune homme l’avait rattrapé, songeant que malheureusement il n’aurait pas eu d’excuses s’il ne l’avait pas fait. Pourtant cette fille mériterait de s’aplatir à terre. Qu’est-ce qu’elle y gagnait à s’apitoyer autant sur son sort ? Sa vie ne l’intéressait nullement néanmoins elle était là à « pleurnicher ». Si elle n’était pas satisfaite, Miki aurait dû faire comme lui, trouver un intérêt, un but qui la rendrait heureuse. Peut-être aurait-il du dés le début essayait de la tourner vers le mal. Ce sont en général les plus faibles qui s’avèrent être facilement influençable.

Ecoutant ses paroles, l’entendant lui dire de la « lâcher », le jeune homme leva ses yeux au ciel, se retenant bien évidemment de dire que son unique envie était de le faire. Au lieu de ça, il se contentait de sourire.

- Calme-toi, Rétorqua l’agent, Tu as failli tomber. Tu pourrais au moins me remercier.

Parce que d’autres se seraient blessés à sa place et Shinji avait eu la gentillesse de lui donner un coup de main pour qu’elle n’en pâtisse pas.

- Mais la prochaine fois je te laisserais te faire mal si tu veux, pas de problème.

Sa voix était le paradoxe de ses pensées. Elle était calme, posée voir un peu douce. Il la déposa sur l’un des canapés puis lui offrit ensuite un verre d’eau, lui disant que ça lui ferait du bien.

- Maintenant dit-moi ce qu’il se passe ? Je peux faire quelque chose pour toi ?

C’était dans le propre intérêt de sa collègue que de dire « non ». Jamais il ne ferait le bien pour quelqu’un, du moins pas sans avoir une récompense derrière.

C’était triste. La pauvre. Perdre des êtres chères, c’était si dramatique... Malheureusement pour elle, Shinji était la dernière personne à la comprendre, il serait sûrement le premier à tuer ses proches. Mais il n’en était encore jamais arrivé à ce stade là. La prison ne l’enchantait pas trop, quand bien même il s’en sortirait sûrement pas trop mal, il préférait encore la liberté. Toutefois Miki ne lui semblait vraiment pas dans son assiette... Faire toute une mise en scène pour rien, cela le désespérait quand même. Entre Ryuhei qui était en mal d’amour et elle en manque de ses proches, ils pourraient sûrement se donner la main tous les deux.

- Je ne crois pas que ça soit une bonne idée de rentrer chez toi au vue de ton état, Remarqua le professeur sans pour autant se lever pour l’aider, Tu ferais mieux de t’assoir et essayer de penser à autre chose. Je peux comprendre...

Pas vraiment.

- C’est triste de perdre quelqu’un mais je ne pense pas qu’on voudrait te voir comme ça. Reprend-toi. Tout le monde se plaint ici, c’est fou mais je pense qu’à un moment il faut savoir dire stop et se reprendre. Ce n’est pas en te lamentant de la sorte que les choses vont s’arranger. Désolé de dire ça comme ça mais moi ça m’énerve ce genre d’attitude.

Au fond, il n’était pas si désolé que cela puisqu’il pensait ce qu’il racontait et que les agissements de sa camarade le sidérait au plus au point. Certainement car il n’avait jamais eu pour habitude de s’apitoyer sur son sort, ni de pleurer un proche.