Totally sick of everything • |

Assis sur une chaise, les bras croisés à ma poitrine et les yeux plissés, je dévisageai mon mari installé en face de moi sur son lit d’hôpital et qui affichait une mine grincheuse. Il n’y avait pas plus enfant que lui et la situation était bien loin de m’amuser. Parce que j’étais terriblement inquiète. Je faisais de mon mieux pour ne pas le montrer puisque je savais qu’au fond de lui, Ryuhei devait être anxieux également. Sa santé était malgré tout en jeu... Quand je lui disais de ne pas la négliger, voilà où nous en étions à présent. Et je ne cessais de tapoter mon pied contre le carrelage, le réprimandant gentiment afin qu’il arrête de se comporter comme un gamin de six ans et plus comme un adulte.

Lui qui parlait de signe, je me demandais si je ne lui portais pas un peu la « poisse ». On se remettait à peine ensemble et voilà qu’il tombait malade. Bien sûr j’avais pleinement conscience qu’avec les soucis qu’il avait eu ces derniers jours, cela n’aurait pas pu être autrement. Néanmoins je n’aurais cru que cela pourrait être si... Grave ? Il n’en mourrait pas. Normalement, il n’en mourrait pas mais c’était inquiétant... Pire encore. Et moi j’étais complètement inutile, je ne pouvais que rester là à m’occuper de cet idiot qui refusait d’admettre qu’il était malade. C’était toute sa vie qui allait être bousculer. Il ne pourrait plus vraiment travailler comme avant... Les dialyses ça fatigue et ça prend beaucoup de temps dans une journée. Est-ce que Ryuhei avait conscience de cela ? Soit il était en état de choc, soit il ne s’apercevait réellement de la gravité de la situation... J’étais vraiment angoissée pour lui. Je n’avais pas l’intention de le laisser tomber mais je ne voulais pas qu’il abandonne non plus, qu’il se renferme par faute de ne pas pouvoir sortir comme il le souhaiterait, de pouvoir moins profiter qu’avant. Baissant la tête, je soufflais discrètement, ne sachant quoi faire pour soutenir celui que j’aimais et que je venais tout juste de retrouver.

- Ryuhei, arrête de tirer cette tête, Le grondais-je à nouveau avant de lui attraper la main, Tu es obligé de rester donc ça ne sert à rien de bouder.

Oui, parce que monsieur boudait, persuadé qu’il n’était pas malade. Alors que oui, il était malade. J’avais eu si peur... Cela m’avait amusé en début de semaine lorsqu’il m’avait appelé pour choisir une date et une heure pour un rendez-vous. Telle une adolescente de quinze ans, je m’étais fait plus belle en ce jour, désirant me maquiller légèrement tout en restant naturel et de choisir les meilleurs vêtements qui ferait battre un peu plus son coeur qu’à la normale. On avait opté pour la fête foraine, c’était génial comme premier rendez-vous et cela pouvait être à la fois drôle, à la fois romantique. Je nous imaginais en train de marcher ensemble et manger notre barbe à papa que nous aurions commandé exprès pour deux. Nous connaissant, on aurait certainement fait les pitres dans le train fantôme ou le palais des glaces. Comme des gosses. Mais rien de cela n’était arrivé. En premier, nous étions parti nous ressourcer dans un bar près de la foire et en sortant, j’avais remarqué la figure du jeune homme qui était devenu tout à coup blafard. Je n’avais eu le temps d’analyser la situation - lui non plus d’ailleurs - qu’il s’était évanoui. J’avais rapidement remarqué que quelque chose n’allait pas, que ce n’était pas uniquement à cause d’un manque de nourriture ou trop de fatigue... J’avais de suite appelé les pompier et voilà où nous nous trouvions à présent. A l’hôpital. Ryuhei était malade... Un problème au rein. Rien que ça... Comme si sa vie n’était pas assez compliqué ces derniers temps, il fallait qu’autre chose s’y ajoute.

- Comment tu te sens ? L’interrogeais-je alors, caressant le dos de sa main avec mon pouce, Ne me dis pas que tu n’es pas malade, répond-moi sérieusement s’il te plaît. Tu as mal quelque part ? Est-ce que je peux faire quelque chose ? Tu veux boire ou manger quelque chose ?

J’avais fait des études de médecine, je m’y connaissais plus ou moins dans le domaine et pourtant, je me sentais terriblement inutile.

Plutôt amusé par l'idée de reprendre à 0, j'avais joué la comédie de l'adolescent amoureux jusqu'à répéter plusieurs fois devant mon miroir ce que j'allais pouvoir lui dire pour l'inviter à sortir. Bon d'accord, ça, c'était plus parce que j'étais vraiment redevenu un gosse qui essayait de draguer la plus jolie fille du lycée. Finalement, j'avais réussi à l'inviter. À une fête foraine. Je savais qu'elle adorait ça, on aimait bien y aller avant, alors c'était l'occasion d'avoir huit ans à nouveau. Mes journées n'étaient pas bien différentes que depuis la dernière fois que je l'avais vu. Sauf que je retournais travailler, quand bien même je n'étais plus aussi efficace et convainquant que je ne l'étais avant. Mais tant pis. Je plaçais mes priorités sur Hanae et sur ce mensonge. J'avais essayé de téléphoner à mon père, lui demander. Il n'avait même pas réagit. Il n'a pas cherché à démentir. « Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Il fallait bien que tu le saches un jour » sans même tenter de m'en dire davantage, pourquoi ne m'avait-il rien dit jusque là ? Pourquoi ne m'avait-il pas tout simplement expliquer ? « Ecoute Ryûhei, j'ai du travail. Passe à la fin du mois si tu veux, une heure ou deux. » et ce même discours. Comme s'il allait faire des kilomètres jusqu'au sud juste pour le voir hausser les épaules.

Avant le fameux rendez-vous, j'avais fait de mon mieux pour être le mieux possible. J'avais dormi plus de trois heures, mangé correctement. J'étais douché et habillé pour être le mieux possible. Décontracté pour aller à la fête foraine, mais beau gosse quand même. Ça donnait un style « je suis beau quoiqu'il arrive, regarde ». Les efforts étaient cachés. Enfin, les efforts étaient gâchés, plutôt.
Bouguon, j'étais assis sur ce lit d'hôpital, les sourcils froncés et les bras fermement croisé contre mon torse tandis que je regardais dehors. On était aller boire un verre, je me suis évanoui, sans doute le froid, ou je ne sais pas. Et voilà que je me retrouvais là, à l'hôpital et qu'on me parlait de problème au reins, ou je ne sais quelle connerie. Une conspiration, voilà ce que c'était. J'allais très bien.

-Je veux rentrer, déclarais-je fermement, la laissant quand même prendre ma main. Ils n'ont pas le droit de me kidnapper.

Ouais, d'abord. J'étais adulte, je pouvais faire ce que je voulais ! Puis, qui allait s'occuper de Maru si je suis là ? Je ne pouvais pas laisser mon chat crever. Vraiment, c'était ridicule. C'est vrai, j'avais un peu mal ces derniers temps par là-bas. Mais un tout petit peu. Et s'évanouir, ça arrive à tout le monde ! Vraiment, c'était stupide de s'emporter pour si peu, les médecines étaient trop inquiet de nos jours.
Mon regard se tourna vers Hanae qui me demandait comment je me sentais. Honnêtement, comment je me sens d'après elle ?

-Bien, très bien. C'est ridicule de me garder ici. Je devrais être chez moi. Qui va s'occuper de Maru? Il te déteste. Il faut que je rentre à la maison, Hanae.

Comme pour la convaincre, j'avais pris mon air le plus sérieux en la regardant, hochant la tête. J'avais envie de rentrer chez moi. Je n'avais pas envie d'être malade, j'avais trop de choses à faire, je n'avais pas le temps pour ça. Bien sûr que ça me faisait peur, mais je n'avais pas envie de lui dire, je n'avais pas envie de la voir s'inquiéter.

-Désolé, c'est un peu nul, comme premier rendez-vous.

Dépité, je ris un peu tout en caressant sa main qui tenait la mienne. J'aurais aimé lui offrir tellement mieux.

Je n’arrivais même pas à lui en vouloir. Ryuhei avait toujours été un grand enfant et ça avait ce petit côté mignon. Alors, je souriais, tentant de le rassurer du mieux que je le pouvais même si j’étais énormément inquiète. Je ne souhaitais simplement pas lui montrer parce qu’il se tracasserait un peu plus dans ce cas là. Il jouait au dur mais je le connaissais assez pour savoir qu’il jouait au « je vais bien tout va bien ». Il avait toujours eu cette manie là cependant j’étais malheureusement plus perspicace que lui et il était forcé d’écouter mes sages conseils.

Afin de m’approcher de lui, je quittai ma chaise pour m’assoir sur le lit et lui embrassai la tempe. Il n’avait pas à se faire du souci pour le reste... Je voulais avant tout qu’il se préoccupe de sa santé, le chat je m’en chargerais, pour le premier rendez-vous, cela n’avait aucune importance. On pouvait toujours reporter et puis du moment que nous étions tous les deux, c’était ce qui comptait.

- Ne te tracasse pas pour ça. C’est sur que ce n’est pas le rendez-vous que toutes les filles rêveraient mais au moins, tu as fait original pour une fois.

Je le taquinais pour finalement me mettre à rire tendrement à mon tour. Glissant ma main libre dans ses cheveux, je le contemplai en silence, cherchant quoi faire pour qu’il réalise, pour qu’il ne se tracasse pas et qu’il aille bien. Je voulais qu’il voit que je ne l’abandonnerais pas comme je le lui avais promis. Quoi qu’il arrive, je serais là.

- Je m’occuperais de Maru d’accord ? Tu ne peux pas rentrer Ryuhei et tu le sais. Arrête de bouder et ça ira. Ce n’est pas grave s’il ne m’aime pas, il va bien falloir qu’il se réhabitue à ma présence tu ne crois pas ?

Plus que les mots, je songeais au fait que les gestes étaient sûrement plus rassurant. Je n’avais pas l’impression d’être douée pour réconforter les autres alors en silence, j’entourai mes bras autour de ses épaules, lui rétorquant que tout irait bien. Au fond, j’essayais probablement de me convaincre moi-même seulement je savais que ça irait... Sa vie serait juste plus compliqué que précédemment... Il suffisait d’avoir du courage. Et s’il n’en avait pas, j’en avais assez pour deux. Quitte à lui donner de gros coups de pieds aux fesses, je ne le lâcherais pas. Jamais.

- Je sais qu’au fond ça te fait peur, Lui chuchotais-je sans me séparer, effectuant de tendres caresses sur son dos, Et je mentirais si je disais que ça ne m’inquiète pas non plus. Mais je te promets que ça va aller. Ca sera peut-être difficile au début mais on peut y arriver non ? Alors arrête de faire ta tête de mule et écoute sérieusement ce que les médecins te disent. Après, seulement, on rentrera à la maison.

« On rentrera à la maison », ma propre phrase résonnait dans ma tête comme une douce mélodie que je rêvais d’entendre à nouveau depuis quelques années. Non, on ne vivait pas à nouveau ensemble toutefois à mes yeux, c’était presque pareil.

« Pour une fois ? », répondis-je au tac au tac, les sourcils un peu froncés en regardant Hanae. Par le passé, j'avais vraiment fait de mon mieux pour faire des rendez-vous qui sortait de l'ordinaire. Bon, parfois, c'était de vraies catastrophe ! Mais ça nous avait bien faire rire, aussi. Je regrettais ces rendez-vous improvisé qu'on s'offrait parfois, j'aimerais tellement revenir à cette époque, surtout pour ne plus être enfermé dans ce lit. J'aurais vraiment envie que ce rendez-vous se passe bien, qu'il soit comme on l'avait imaginé, ou mieux encore.
Maru n'aimait pas Hanae, mais de toute façon, il n'aimait personne, quand bien même elle devait être bien placé dans son échelle des personnes qu'il n'aimait pas. Alors bon, j'étais quand même inquiet pour elle. Si jamais le chat se mettait à inventer des plans bizarres...

Je serrais Hanae un peu plus fort dans mes bras, soupirant un peu tout en allant me lover dans son cou, profitant de son odeur.j'aimais tellement son odeur, en fait, j'aimais tellement l'avoir près de moi comme ça. Il n'y avait pas meilleur réconfort qu'elle, même si je m'en voulais un peu de profiter autant d'elle à peine l'avais-je retrouvé. J'aurais préféré montrer ma bonne foi en m'occupant moi d'elle plutôt que l'inverse. Un petit sourire se glissa sur mes lèvres en l'entendant dire « on rentrera à la maison ». Si seulement cela arrivait littéralement. Peut-être, avec le temps...

-J'écouterais, grommelais-je. Et je vais me remettre sur pieds rapidement, comme ça, tu seras obligée de m'accorder un autre rendez-vous et il sera encore mieux. Tellement mieux que tu me proposeras de monter chez toi, boire un dernier verre, et...

Un sourire espiègle s'était formé sur mes lèvres et j'avais placé mon visage face, aux siens, regardant ses lèvres avant de lever mon regard vers le sien, l'embrassant furtivement. « Tu connais la suite », terminais-je en riant un peu. Je n'aimais pas les trucs dramatiques, j'avais toujours besoin de dédramatiser, de rire d'un peu près tout ou d'imaginer des situations à venir dans lesquels je me sentirais plus heureux. Je ne voulais pas penser au fait que j'étais malade, que c'était peut-être grave. Sinon, j'allais déprimer, pour de vrai ; et j'étais un terrible optimiste, au fond de moi.

-On pourra même se faire un  voyage. On avait dit qu'on irait à Hawaii un jour, mais on n'avait pas d'argent...

Notre voyage de Noce s'était fait à Okinawa, et ça avait déjà été beaucoup pour nous. Maintenant, je suppose qu'on pourrait s'offrir un voyage à Hawaii. Du moins, une petite semaine, c'était déjà  beaucoup. Me laissant me rallonger en sentant une douleur au niveau des reins, je soupirais un peu, entremêlant mes doigts avec le sien.

-Tu devrais rentrer, Hana, c'est chiant de rester à l'hôpital. Et je veux que tu me vois quand je suis beau, parfait, et en bonne santé. C'est pas facile de séduire quelqu'un dans une chambre d'hopital. Ça ira mieux rapidement, je te jure. On doit être ensemble, mais je ne veux pas qu'on le soit comme ça. Pas tout de suite, peut-être quand je serais vieux.

C'est connu, d'abord on s'aime, ensuite on se soutient professionnellement et psychologiquement, puis on se soutient dans la maladie, tout ça... Mais une fois vieux. J'avais peur qu'elle pense que ça allait devenir trop compliqué et qu'elle regrette cette seconde chance. Je n'avais pas envie de lui créer de l'inquiétude, bien au contraire. Je voulais qu'elle sourit, pas qu'elle devienne un peu plus ridé à penser à ce qui pourrait bien m'arriver... Nous arriver, même.

J’avais envie de le taper. Même dans un tel état, je voulais le frapper. Ce garçon était le dernier des idiots mais je m’abstiendrais de lui dire et de le frapper. En contrepartie, je le frappais intérieurement et le dévisageai de mes yeux plissés. Malade, il était encore capable de sortir de tels âneries. Heureusement qu’on avait parlé de prendre notre temps seulement monsieur envisageait déjà un premier rendez-vous se terminant sur une partie de jambes en l’air. J’étais navrée pour lui néanmoins il devrait s’abstenir. Ryuhei me connaissait mieux que personne et savait que lorsque je le désirais, je pouvais être très sévère. Même à ce niveau là. Je n’étais pas un homme et je n’avais pas besoin de me satisfaire autant que ses messieurs donc je pouvais facilement patienter. Et il en ferait de même. Pour le bien et la préservation de notre couple.

Le voyage aussi... J’étais pour mais pas pour de suite. On avait largement le temps de se rattraper et j’avais bien l’intention de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’autrefois. Il était vrai que pour notre voyage de noces nous n’étions pas partis très loin néanmoins cela nous suffisait. On était heureux ainsi, un peu dans notre petite bulle pourtant rien d’autre n’importait à mes yeux. Je crois que si on nous observait d’un point de vue extérieur, on dirait de notre couple qu’il était un peu bizarre et loufoque cependant c’était juste qu’on ne se prenait pas la tête. Je pouvais passer une soirée avec lui devant un match de foot ou de baseball, une bière à la main que cela ne m’avait jamais posé de problèmes. Tout comme les jours où nous nous brossions les dents dans la salle de bain, qu’il s’amusait à me maquiller ou qu’en se chamaillant, je le menaçais de l’épiler avec de la cire s’il n’arrêtait pas ses bêtises. C’était vrai qu’en y songeant, nous étions un couple assez bizarre et je n’avais pas vraiment envie que ça change. On ne faisait pas les choses comme les autres, on était unique dans notre genre et on n’en avait que faire de ce que pensait dans notre entourage. Du moment qu’on était bien ensemble, c’était ce qui comptait.

Finalement je n’avais pas résisté que, les sourcils froncés, je l’avais frappé gentiment derrière la tête en le traitant d’idiot. Qu’il passe son temps à parler de « sexe » ça encore je pouvais le supporter, peu importait les années passés, j’étais habituée avec lui et son esprit mal placé. Mais qu’il me demande de partir parce que Monsieur ne trouvait pas ça joyeux d’être dans un tel endroit, je le refusais. J’étais inquiète et il n’avait pas le droit de me demander de le laisser. Surtout que je le connaissais, si je m’en allais, il se tracasserait pour sa santé. Déjà qu’il devait se faire du souci, je savais qu’il jouait au fort pour se rassurer lui-même mais également afin de ne pas me tourmenter plus que je ne l’étais déjà.

- Qui t’a demandé de me séduire ? Le grondais-je d’une voix sévère, Si j’ai décidé de me remettre avec toi, c’est que je suis déjà séduite, abruti. Que tu le veuilles ou non, je resterais avec toi. Je suis ta femme, ça serait le comble que je t’abandonne ici tout seul.

En accompagnement à mes paroles, je lui adressai un tendre sourire puis me penchai afin de lui embrasser doucereusement le front.

- Ensuite, oui, tu vas te remettre sur pied rapidement. J’ai confiance en toi et on aura un second rendez-vous. Pour ce qui est du chez toi, on verra. Seulement si tu es sage et que tu te tiens bien jusque là. Parce que pour l’instant, ce n’est pas trop le cas, Monsieur Sekino.

Je souris puis l’obligeant à se pousser légèrement, je m’allongeai à côté de lui, essayant de ne pas lui faire mal. Ainsi, il ne pourrait plus me forcer à partir. De toute manière je n’avais nullement l’intention de l’écouter.

- Après, plus tard, on ira à Hawaï. Même faire le tour du monde si tu veux mais ça je crois que, ça risque d’être un brin plus compliqué.

Ce n’était pas parce qu’on avait un peu d’argent qu’on pouvait tout se permettre aussi. C’était juste qu’avec lui, j’avais l’impression que je pouvais tout faire. Même n’importe quoi, si c’était avec lui, alors ça m’allait. On n’avait pas besoin de ce monde pour être heureux. On avait déjà notre monde à nous.

Personne ne m'a jamais demandé de la séduire, j'avais envie de le faire, c'est tout. J'avais envie d'être parfait pour elle, de ne pas me laisser aller, pour lui plaire, pour qu'elle soit fier de moi, ou même. Juste parce que c'était moi l'homme, et qu'un homme se doit d'être le plus fort des deux. Ma bouche s'ouvrit pour répondre à sa remarque, se refermant aussitôt. Déjà séduite ? Ça me faisait une belle jambe, ça. Je ris un peu en l'entendant dire qu'elle était ma femme... C'est juste. Il n'empêchait que c'était bizarre de l'entendre dire. J'avais passé quelques années sans avoir de « femme » et d'un coup... Elle était là. Ça me faisait plaisir de me dire qu'elle était là. Mais... Elle ne comprenait pas.

Sans rien dire, je tentais de ne pas soupirer trop fort tandis qu'elle s'allongeait près de moi, mon bras l’entourant simplement pour la serrer contre moi. J'étais bien avec elle, j'oubliais presque le mal qui me tiraillait au reins. En fait, j'aimerais juste que ça soit réparer, sortir d'ici, et pouvoir reprendre ma vie. Avec Hanae. C'était le souhait le plus cher que j'avais actuellement. Elle me fit sourire une fois encore en me parlant d'Hawaii. Et un tour du monde ? J'en rêvais ! Mais je savais qu'elle n'était pas sérieuse.

-On ira partout, sauf là où c'est pauvre. J'ai du mal à supporter la misère, lançais-je sur le ton de la plaisanterie, riant un peu. Tu sais, Hana, ce n'est pas parce que tu es déjà « séduite » qu'il ne faut pas que je tente de te séduire encore plus. J'veux que dès que tu me vois, ça soit comme la première fois. Tu sais genre « Wahou ! » un peu comme ça. Bon, dans ce style là, tu vois.

Mon idée était là, je ne savais pas si elle comprenait, mais ce n'était pas bien grave. Délicatement, je passais ma main dans ses cheveux, la regardant un peu. Il y avait tellement de choses que j'avais envie de faire, que j'avais envie de changer maintenant qu'elle était à nouveau près de moi. Mais je n'arrivais même pas à les mettre en place correctement dans mon esprit.

-On fera le tour du monde un jour, vraiment.

Même si c'était compliqué de bouger de mon devoir d'NSA. Mais ça, Hanae ne le savait pas. Je ne lui en avait jamais parlé, elle n'avait pas le droit de savoir de toute manière. J'étais devenu NSA peu après notre mariage je crois, mais je ne lui en avais jamais parlé. Ça m'était interdit, et je savais qu'elle était le genre de femme que nous devions dénoncer de toute manière donc...

-Je veux rentrer. En plus, j'ai faim. Il faudrait peut-être que j'appelle le boulot, pour dire que je ne pourrais pas venir travailler pendant quelques temps...

Lorsque j'avais eu ma période « psychose » à chercher des informations sur les Takano, j'avais oublié de prévenir que je ne viendrais pas travailler, et cela durant plusieurs jours. Donc j'étais un peu sur la scelette avec eux, mon manager m'avait prévenu qu'il pourrait me licencier sans préavis s'il le souhaitait. Au fond, peut-être que je le souhaitait aussi. J'avais de plus en plus la flemme de jouer à l'host. « Tu veux pas les appeler ? » m'enquis-je en la regardant comme un gosse qui a peur d'aller voir sa maîtresse parce qu'il n'était pas là. Je n'avais vraiment envie d'expliquer pourquoi je ne pouvais pas venir, alors, tant qu'à faire... Si déjà elle était là.

Je ne pouvais que sourire face à ses mots, parce que je les comprenais. Et puisque ça le touchait lui, je trouvais ça mignon. Alors que quand c’était moi, j’avais le sentiment d’être tellement niaise. Que cela soit maintenant ou avant, au début, lorsqu’on ne se frappait pas encore dessus, je voulais tellement être belle pour lui. Toujours un peu plus. Même si un rien aurait pu lui suffire, pour lui, je souhaitais toujours être parfaite. Je ne me formalisais pas souvent de ma tenue, de savoir quelle sorte de maquillage j’allais mettre aujourd’hui cependant pour Ryuhei, je pouvais passer des heures dans ma salle de bain à me préparer, sans jamais trouver le vêtement adéquat qui le ferait fondre. Malheureusement, on ne pouvait pas être beau dans toutes les situations et à mes yeux cela n’avait pas d’importance. Je refusais de le laisser tomber dans cette épreuve et le soutenir du mieux que je le pouvais.

Le côté misère, ça avait étiré mes lèvres. Il n’avait pas changé à ce niveau là non plus cependant je pouvais parfaitement comprendre. Enfin, ce ne serait pas des vacances, si on partait dans des populations pauvres et me connaissant, j’aurais plus envie de les aider que d’aller m’amuser. J’avais souvent rêvé de faire des missions d’humanitaire toutefois sans savoir pourquoi, je ne m’étais jamais lancée. Pourtant moi qui étais aventurière, qui adorais agir sur des coups de tête, je n’avais jamais su me décider sur ce propos là.

En silence, je l’écoutais attentivement. En fait, sa voix me berçait, m’apaisait. Je pourrais rester là pendant des heures à l’entendre me parler. Cela sonnait comme une mélodie et je ne m’en lassais jamais. Je me demandais comment je faisais quand il n’était plus là, bien sûr je faisais la fière et j’avais cette peur perpétuelle qui me gagnait toutefois, il me manquait. Lui, son amour, ses gestes, ses bêtises aussi... Tout.

- Donne, Dis-je gentiment en lui tendant ma main afin qu’il me passe son téléphone et le numéro allant avec.

Chose faite, je me décalai et me levai pour appeler. La conversation fut assez brève et j’étais moi-même restée choquée par les paroles du gérant à l’autre bout du fil. Sauf que ce dernier ne me connaissait pas alors les sourcils froncés, je n’avais pu me retenir que je l’avais insulté avant de raccrocher. Il m’avait mis en colère ce vieux « con ». J’en avais même oublié mon mari à qui je tournais le dos. Dans un soupir, tandis que je me retournais, je finis par m’excuser avant de lui afficher une mine désolé.

- Il a dit que ce n’était plus la peine de revenir...

Je revins m’installer auprès de lui sur ses mots avant de me blottir contre lui de plus bel.

- Personnellement, je mentirais si je disais que cela ne me rassurait pas mais je suis quand même désolé. Ton patron est un idiot. On cherchera autre chose... En attendant repose-toi.

Il n’eut le temps de dire quoi que ce soit qu’on frappa à la porte et qu’un médecin rentra dans la chambre, souhaitant savoir comment Ryuhei se sentait. Ensuite, il expliqua plus clairement comment tout se déroulerait pour lui à l’avenir, les dialyses mais aussi, il lui parla d’une greffe. Parce que même si une insuffisance rénale n’est pas forcément « vitale », cela devient facilement invivable toutefois malheureusement, au vue de sa famille, il risquait de devoir attendre... Mais ça irait.

- Est-ce que tu vas leur en parler ? Osais-je lui demander, une fois le docteur sorti, incertaine.

Je pourrais même aller les voir s’il le désirait. Il est possible de vivre avec un seul rein néanmoins je doutais que ses frères se formalisent de ce détail. J’aimerais tant que tout s’arrange pour lui... Je voulais juste qu’il aille bien.

Dès qu'elle fut d'accord de les appeler, je tendis mon téléphone vers ma table de chevet, attrapant mon téléphone pour le lui tendre. C'était lâche de ne pas appeler. Mais bon. J'étais un homme. La lâcheté était dans mes gênes ! Surtout quand on avait une femme pour le faire à sa place. Et j'avais une femme. Enfin , j'avais à nouveau une femme. Je souris en la regardant. Je compris rapidement que la conversation ne tournait pas comme il fallait, surtout quand elle l'insulta. J'ouvris un peu ma bouche, la refermant tout de suite. Bon, elle était impulsive, mais elle n'insultait pas non plus sans raison. Je crois que même sans qu'elle me dise ce qu'avait dit le manager, je savais.

Prêt à ce qu'elle allait me dire, je me préparais à sourire quand elle se tourna vers moi, comme si ce n'était pas grave. Il avait dit de ne pas revenir ? Je ne pus empêcher un rire nerveux de quitter mes lèvres. Je me demandais si quelque chose allait dans ma vie en ce moment. Bon, j'avais retrouvé Hanae... Mais bon. Je ne serais même pas fichu d'être bien pour elle. Qui veut d'un mari malade, obsessionnel et chômeur de surcroît? J'étais toujours NSA. Oui. Mais ça ne m'apportait rien, comme j'étais un agent pitoyable. Ou plutôt, que je ne tenais pas à être bon. Même, je ne sais même pas ce qu'elle penserait si elle savait que j'étais un NSA.  On a toujours été contre ça elle et moi, on s'amusait à se moquer de Terazawa, des Shinki... Et voilà que je faisais partie de cette sale bande, même malgré moi.

Un médecin entra dans ma chambre et je tentais de me redresser un peu, afin d'écouter ses explications que j'avais du mal à suivre. En gros, j'étais pas sortie de ma misère quoi. Je souris au médecin, le remerciant en le laissant sortir. Je ne savais même pas quoi dire, ni quoi penser. Je lâchais un léger soupir avant de regarder Hanae. Leur en parler ? Ahaha. Quelle bonne idée.

-Non, répondis-je en riant un peu. Ça ne sert à rien que j'en parle à mon père puisqu'il ne peut rien pour moi. Hatori me dira que son corps est trop parfait pour être charcuté. J'imagine que Kyohei ne prendra pas le temps de me répondre. C'est pas si grave, de faire quelques dialise dans la semaine.

Hein ? C'est pas trop grave, si ? Puis c'était rien, on allait juste prendre mon sang, le laver, et me le rendre tout neuf, tout beau. Oh et j'allais peut-être me remettre naturellene t de mon plein chef, qui sait ? Bon, c'était impossible, concrètement, mais on pouvait toujours espérer. Doucement, je me laissais retomber contre le matelas, passant mon bras autour de ma femme.

-Ne dis rien à Ren s'il te plait. Enfin, je lui en parlerais, mais je veux attendre, ne pas l'inquiéter pour rien. Ce n'est peut-être pas si grave que ça.

Oui, il était assez grand pour savoir et que je lui dise, mais je ne voulais pas l'inquiéter quand même. Je ne pense pas que le diagnostique qu'on m'a donné s'amoindrira, mais quand même. Puis si elle lui disait plutôt que moi, il allait se vexer et penser que j'essayais de lui cacher. Je lui dirais quand je sortirais d'ici.

-Je crois que je commence à fatiguer, tu devrais vraiment rentrer. Tu reviens demain ?

Cette nuit, j'étais sûr de ne pas fermer l'oeil, mais j'avais besoin de me retrouver seul. J'avais pris l'habitude d'être seul la plupart du temps, alors je pense que j'en avais besoin pour réfléchir. Je souris à Hanae, caressant doucement sa joue, comme pour la convaincre et lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à s'inquiéter, que tout irait bien.

Je n’avais pas été surprise de sa réponse et au fond je n’avais pas cherché à insister non plus. Je voulais lui parler de son « nouveau » frère néanmoins je m’étais abstenu, songeant qu’il me trouverait également une excuse pour celui-là. Après tout, ils ne se connaissaient pas énormément, qui offrirait son rein à un inconnu ? Puis Ryuhei ne souhaitait pas le revoir donc il avait encore plus de raisons de refuser... Seulement cela ne coûtait rien d’essayer non ? Il fallait vraiment que je fasse des recherches pour trouver ce type. Si lui ne voulait plus en entendre parler, il allait falloir que je le trouve par moi-même. C’était la dernière solution... Parce que je savais que moi-même que la famille de Ryuhei ne l’aiderait pas donc peut-être que lui l’accepterait. J’en doutais néanmoins j’avais envie d’espérer. Pour mon mari. Je n’avais pas envie que sa vie devienne enfer et qu’il finisse par ne plus supporter ces jours de dialyses. Au début, cela n’est pas dérangeant, on pense que l’on peut s’y habituer toutefois à force, cela devient de plus en plus pesant...

D’un hochement de tête, j’avais acquiescé, entremêlant un peu plus mes doigts au sien tandis que je rétorquai ne rien dire à notre ami. Je n’en avais pas l’intention de toute façon, ce n’était pas à moi de le faire et je ne voulais pas le tourmenter non plus. Ren s’inquiétait si facilement... Mais on finirait par trouver une solution. J’avais foi en cela. Il le fallait de toute manière car si Ryuhei jouait au fort, il ne l’était pas forcément. J’aimais ce trait de caractère chez lui... Il ne me l’avait jamais avoué, c’était juste une impression que moi-même j’avais de lui mais je le trouvais si fragile parfois. Si doux aussi. Et j’entrevoyais cette fragilité encore aujourd’hui.

Je le connaissais par coeur, comme si je l’avais fait. Je savais qu’il ne dormirait pas. Qui dormirait dans de telles conditions de toute façon ? Cependant, c’était une excuse pour que je parte, que je le laisse réfléchir parce que dans ces moments, on a également besoin d’être seul n’est-ce pas ? Je n’aimais pas cette idée seulement en avais-je réellement le choix ?

- Oui. Je reviendrais, Dis-je en souriant et lui embrassant le front, Ne fait pas de bêtises d’accord ? Et essaie quand même de te reposer.

Evidemment que je me faisais du souci néanmoins je n’avais pas envie de le tracasser plus qu’il ne l’était déjà alors je lui souris tendrement avant de lui déposer un baiser sur ses lèvres.

- Au moindre problème, n’hésite pas à m’appeler. Je répondrais.

Sur ses mots, je partis ensuite. Je crois que finalement, j’allais entamer mes recherches ce soir. Je préférais être prévoyante. Bon, Ryuhei me tuerait sûrement d’avoir fait ça. Mais il fallait qu’il comprenne que c’était pour la bonne cause.