Tu vas te décider oui !? ft. Ryûhei

Ren arriva devant la boutique plus tôt que prévu ce matin. La patronne l'avait appelé, en panique, pour lui demander s'il pouvait s'occuper de l'ouverture, car pour une raison ultra secrète, elle ne pouvait pas le faire elle-même, et étant donné qu'à part elle, Ren était le seul à avoir la clé...

C'était donc pour cette raison qu'il se tenait actuellement devant la vitrine, la regardant d'un air passif. Il n'était pas encore bien réveillé et avait des courbatures sur tout le corps. Et tout ça, ce n'était qu'à cause de cette devanture !
La veille, la patronne et lui avaient travaillé dur pour que la vitrine soit parfaite. La nouvelle collection de vêtements qui était arrivée devait être mise en avant. Et pour se faire, il avait fallu déplacer des tas de cartons, des tas d’objets de décoration.. bref, des tas de trucs. Et Ren n'était vraiment pas une flèche pour ce qui était physique. Son sport favori ? La sieste. Et il était certainement le meilleur. Courir dans tous les sens, les bras chargés de vêtements valant le triple -voir plus- de son salaire... ce n'était pas du tout sa tasse de thé.

Il s'était donc levé avec d'atroces sensations de brûlures au niveau des bras et du dos.

Soupirant bruyamment, il ouvrit la porte du magasin. Il regarda quelques secondes l'endroit plongé dans le noir, avant de se rendre compte que c'était sans doute l'une des premières fois qu'il s'occupait d'ouvrir le magasin. En règle générale, la patronne était toujours là avant lui et s'était donc elle qui ouvrait la porte la première. Heureusement qu'elle lui avait confié le double des clés : ils auraient été bien embêté aujourd'hui sinon.
Il alluma les lumières, et vérifia que tout était en ordre.
Tout étant à sa place, il alla dans l'arrière boutique et rangea sa veste dans son casier. Il prépara ensuite du café : il savait que la patronne adorait boire du café pendant ses pauses. Et puis, il en aurait peut-être besoin aussi. Il se servit tout de suite une tasse avant de regagner l'avant de la boutique. Il alla se mettre derrière la vitrine, laissant son regard traîner sur l'extérieur pendant que le liquide chaud couler le long de sa gorge. Il pouvait voir les autres magasins ouvrir leurs portes : il était 7h55.
Arriva ensuite la vendeuse qui travaillait ici, et cinq minutes plus tard, un client fit déjà son apparition, fixant avec un intérêt certain un des vêtements exposés dans la vitrine.
La jeune femme qui venait d'arriver alla directement accueillir cet acheteur potentiel : il y en avait au moins une qui était matinale.
Puis ce fut au tour de Ren d'aller aider un client, le premier d'une longue liste.

La pause midi arriva, et Ren n'avait qu'un seul mot à la bouche : enfin. Il n'avait pas arrêté d'aller à gauche et à droite depuis ce matin, répondant aux demandes de chacun de ses clients. La patronne étant arrivé entre temps, et Ren avait pu souffler.
Ils étaient habitués de se répartir le travail à 4, mais l'un des vendeurs ne s'étant plus présenté depuis quelques temps, sa supérieure n'avait eu d'autres choix que de le licencier. Mais ce manque se faisait ressentir : il était plus qu'urgent qu'une nouvelle personne intègre l'équipe. D'ici là, Ren allait devoir se faire à ce rythme endiablé.

Il profita d'être seul dans la pièce pour relaxer ses muscles, encore engourdis par la veille. Il se massa lentement la nuque et lâcha un bruyant soupir. Encore un peu, et il aurait déraciné un baobab. Il n'avait envie que d'une chose : dormir.
Il soupira une nouvelle fois avant que la patronne n'arrive et s'installe face à lui. Elle lui sourit avant de lui tendre son repas : des onigiri. Ses lèvres s'étirèrent en un magnifique sourire : la nourriture, il n'y avait que ça de vrai pour redonner de l'énergie à un homme ! Enfin, surtout à un Ren affamé et épuisé.
Sa collègue vint alors se joindre à eux et débuta une conversation qui dura tout le temps de la pause.

Avant de reprendre, la supérieure de Ren l'autorisa à rentrer plus tôt. C'était une façon de le remercier d'avoir assuré l'ouverture ce matin.
Ils s'étaient donc mis tous les deux d'accord : Ren quitterait son poste à 16h. Il avait de la chance d'avoir une supérieure avec qui il pouvait bien s'entendre. Même si elle avait un fort caractère, elle pouvait être très compatissante et généreuse.
Rentrer plus tôt voulait dire qu'il allait pouvoir profiter d'un bon bain bien chaud et y rester pendant au moins une heure. Ses muscles en avaient aussi besoin.

Les clients se faisant moins nombreux qu'en début de journée, Ren pensait qu'il allait pouvoir souffler pour le reste de l'après-midi, jusqu'à ce que ce soit l'heure pour lui de s'en aller.
Quelques chemises replacées sur leurs cintres plus tard, la clochette suspendue au-dessus de la porte sonna à nouveau. La patronne demanda à Ren de se charger de ce nouveau client : elle était occupée au téléphone tandis que l'autre vendeuse s'occupait déjà d'un client.
Il hocha rapidement la tête, et se tourna, un sourire aux lèvres, pour faire face à ce nouvel arrivant.

« Ah... c'est toi... »

Un procès, voilà le cadeau que m'offrait ma chère femme, qui devrait être « ex » depuis longtemps. Ah, tristesse. Je n'avais pas broncher en recevant la convocation dans ma boîte aux lettres. Pour dire vrai, ça m'a plutôt fait sourire. Je savais qu'elle était obstinée à divorcer, mais aussi vite ! J'avais ouvert la lettre puis l'avait jeté dans un coin, me trouvant mollement un avocat pour défendre ma cause. Ils m'avaient presque tous trouvé fou mais j'en avais déniché un aussi dingue que moi pour pourrir un peu la vie de ma chère Hanae et m'aider à bousiller cette demande de divorce. On s'était vu plusieurs fois pour trouver une stratégie, mais j'en avais trouvé une encore meilleure pour faire en sorte de faire traîner les choses. Mais ça, je ne pouvais même pas en parler à mon avocat.

Cependant, c'était une toute autre affaire qui me causa une sortie. Il fallait bien que je m'habille pour le tribunal ! Et je savais parfaitement dans quelle boutique je voulais aller. Le Shopping Center, déjà. Mais j'avais ma petite boutique de prédilection. J'avançais vers cette dernière, collant mon nez à la vitrine pour m'assurer qu'il était là. Oui, je le voyais. Là-bas, au fond ! Ren ! Un sourire des plus sadiques se glissa sur mes lèvres et je me hissais discrètement jusqu'à l'entrée. J'adorais venir ici pour le forcer à travailler correctement. Son job était trop simple sinon !

Depuis des années, nous étions inséparables lui et moi. C'était mon meilleur ami, une sorte de frère, beaucoup mieux que les vrais. J'aimais bien passer du temps chez lui, surtout parce qu'il me faisait rire. Parfois à ses dépend, mais ce n'était pas trop grave, je suppose. Il devait aimer ça aussi.

-Cache ta joie ! Lançais-je avec un air faussement offusqué en entendant ses mots. Fais gaffe, je suis client. Tu dois être gentil avec moi.

Sourire presque mesquin, je lui tapotais l'épaule avant de passer à côté de lui, lui « ordonnant » de me suivre avec malice. Je n'étais pas le type avec le plus d'autorité sur terre, mais j'aimais bien faire comme si parfois. Ma main se perdit dans mes cheveux et je me tournais vers lui pour lui expliquer, m'autorisant un air extrêmement ennuyé, comme si j'étais désolé de venir l'embêter ici.

-Tu sais, j'ai divorcé avec Hanae il y'a quelques années. Mais comme on a envoyer les papiers à la va vite, ça n'a pas été fait à l'époque. Du coup, cette garce est revenue et veut qu'on divorce correctement. Réaction normale, j'ai refusé. Du coup, j'ai rendez-vous au tribunal jeudi. Il me faut une tenue ! Tu me feras une réduction, hein ?

Bien sûr qu'il allait m'en faire une, j'étais tout pour lui, il devait me faire une réduction. C'était primordial à notre bonne entente de BFF. Ou oui, un peu. En quelque sorte. Mais je restais persuadé qu'il devait le faire. Pour Hanae, soit, elle avait bien raison de me faire un procès. Elle n'allait pas restée mariée à un type avec lequelle elle n'était plus. Mais si elle ne m'avait pas balancé ces conneries avec son mec ou tout ça, j'aurais pu reconsidéré la question, peut-être signer les papiers et basta. Mais c'était une déclaration de guerre qu'elle me faisait, et je refusais de perdre sans m'être battu !

-Faut que je sois classe, mais pas non plus comme si j'allais à un cocktail, t'vois ? Enfin faut que je sois beau-gosse aussi, comme ça, elle verra ce qu'elle a raté. Je veux qu'elle pleure. Fais de ton mieux. Et pas trop cher !

On était dans une boutique de luxe, mais j'avais encore l'illusion qu'il allait me ramener un truc à un prix décent qui serait néanmoins d'une grande marque. Oui, j'étais naïf. Mais l'espoir, pour l'instant, ça ne coûtait rien !

Ren eut un sourire amusé avant de hocher simplement la tête : Ryûhei avait raison, il était un client, il devait le traiter comme tel. … enfin... Le jeune homme n'était pas non plus n'importe quel client, il était son meilleur ami. Mais bon, ce n'était pas comme s'il allait le traiter comme un porte-monnaie ambulant ; il connaissait le côté radin de l'autre, donc il ne s'attendait pas à recevoir un pourboire ou quelque chose du genre.
Et puis, si Ryûhei était là, il allait pouvoir se détendre. Enfin, il l'espérait...
Il sortit de ses pensées lorsqu'on lui tapa doucement sur l'épaule. Il suivit le ténébreux, plus par réflexe qu'autre chose : pas que son meilleur ami n'avait pas d'autorité sur lui mais presque. Tout dépendait des situations bien sûr !

Il croisa les bras sur son torse et regarda avec attention Ryûhei dont il écouta le petit monologue. Il hocha la tête à sa première phrase : oui il savait pour le divorce, et pour ce qui suivait aussi d'ailleurs. Puis il fronça les sourcils. « Cette garce » ? Il pouvait être poli, au moins !
En parlant de Hanae, Ren s'entendait toujours très bien avec elle, même encore aujourd'hui.
Il lui arrivait parfois de se demander pourquoi ces deux-là s'était mariés. Mais connaissant le côté impulsif de la jeune femme et le côté pas toujours très net « j'agis sur un coup de tête » de son meilleur ami, sa question partait aussi vite qu'elle était venue. Il aimerait parfois demander plus de détails à Hanae sur les vraies raisons de ce mariage, s'il y en avait, mais ils n'abordaient jamais ce sujet ; et c'en était de même pour le divorce.
Et quand il y réfléchissait, c'était sans doute mieux ainsi. D'abord parce qu'il n'avait pas à s'en mêler : ce n'était pas ses affaires. Et ensuite parce que si un jour on venait à lui demander de quel côté il était, ou bien lequel des deux il soutenait le plus... Il se retrouverait entre deux chaises et ce n'était pas une situation dans laquelle il souhaiterait se trouver.

« Une réduction ? C'est pas les soldes hein. Et c'est pas non l'armée du salut... »

Il soupira doucement en secouant la tête : son meilleur ami ne pouvait décidément pas ouvrir son porte-monnaie ! Il regarda rapidement vers sa patronne avant de laisser une petite grimace se peindre sur son visage. S'il allait lui demander une réduction, elle lui répondrait certainement que ce serait déduit de son salaire. Mais ça, il n'en avait pas envie non plus.

« On verra pour la réduction », soupira-t-il finalement.

Puis il écouta à nouveau son meilleur ami, hochant la tête à chaque fin de phrase pour finalement soupirer à nouveau et lever les yeux au ciel à la fin de son rapide discours.

« C'est pas bien de faire pleurer une femme, tu le sais ? Surtout Hanae. Et je fais toujours de mon mieux j'te signale, ce serait à toi de bien vouloir ouvrir ton porte-monnaie un peu plus »

Il fit signe à son ami de le suivre.

« Je sais pas pourquoi tu espères toujours avoir quelque chose de pas trop cher ici. J'ai pas besoin de te rappeler où tu es, non ? », lui rappela-t-il en lui montrant le prix, 59 295 yen, d'une ceinture qui passait par là, « Je peux pas faire mieux, mais bon, comme c'est toi je vais essayer de trouver quelque chose de beau, de classe et de pas 'trop' cher »

Il lui sourit, mais savait pertinemment que la tâche n'allait pas être facile.
Arrivé devant le rayon spécialement dédié aux chemises, Ren en indiqua quelques unes à son 'client' puis montra d'un geste rapide l'emplacement dédié aux pantalons.

« Sinon on peut faire plus simple : un costume. T'as juste besoin d'une chemise et de belles chaussures », dit-il en commençant à se rendre vers les vêtements.

Il n'était pas encore totalement arrivé qu'il en désignait déjà un. Il connaissait tous les costumes qui se trouvaient exposés ici. Autant profiter de ce moment pour montrer à Ryûhei qu'il connaissait son métier.
Il décrocha le cintre où était posé l'ensemble et se tourna vers son ami pour le lui montrer.
C'était un costume deux pièces. La veste et le pantalon étaient tous les deux en noir rayé : de fins traits blancs étaient présents sur tout l'ensemble. Le col était classique et les poches à rabats donnaient l'impression d'être inexistantes. La doublure de la veste était rouge.

« Donc, col classique, des poches à rabats sur la veste, deux poches sur le pantalon et la possibilité de mettre une ceinture, au cas où », commenta-t-il tout en montrant en détail chaque élément dont il parlait, « Après tu peux faire plusieurs combinaisons : une chemise blanche, un mouchoir de poche blanc et une cravate noire. Un mouchoir de poche et une cravate rouge, et ainsi de suite. Par contre, je te conseille de garder la chemise blanche, ça fera mieux ressortir ta cravate »

D'un signe de main, il montra les mouchoirs de poche situés sur une étagère non loin de là, ainsi que les cravates, un peu plus vers la gauche.

« Ce costume-là est plutôt facile à porter. Pour la légèreté et le confort, je miserai pas dessus. Mais ! Et là ça devrait te faire plaisir, c'est l'un de nos moins chers : il est à 92 125 yen. Tu veux l'essayer ? »

Connaître les costumes et leurs prix était toujours très pratique, et cela se vérifiait une fois encore aujourd'hui. Ren avait pu choisir le costume qui pourrait correspondre à l'ouverture du porte-monnaie de Ryûhei sans y passer des heures.
Tout ce qu'il espérait était que ce dernier dise oui. Pas que sa baignoire l'appelait mais... presque.

Hé... Héhéhé. Surtout Hanae, hein ? Ren avait toujours cette fâcheuse tendance à vouloir la défendre. J'avais cette fâcheuse tendance à ne pas aimer qu'il la défende. Hey, c'était mon meilleur ami, non ? Il devrait être de mon côté ! Pas du sien, bordel. Si je n'avais même plus de solidarité avec lui, j'en aurais avec qui ? Il était mauvais, vraiment. Après tout ce qu'elle m'avait fait ! Bon, c'était donnant donnant avec elle, en quelque sorte, mais peu importe, il devait me soutenir moi, pas elle. Et ça, il allait le regretter. Il allait regretter le vilain affront qu'il était entrain de me faire en affirmant que c'était mal de faire pleurer une femme. Tant pis, les larmes qu'elle ne versera pas, il les versera pour elle.

Un fin sourire se glissa sur mes lèvres et je hochai la tête en guise d’approbation, sans lui montrer que je n'appréciais que très peu ce qu'il avait dit. Mais il me connaissait, une partie de lui, une partie de son inconscient, devait savoir qu'il allait souffrir.
En client docile que je semblais être, je le suivis, écoutant son speech sur les vêtements, grinçant des dents en voyant le prix d'une vulgaire ceinture. Bordel, elle était en peau de bonne femme ou quoi ? C'était horrible de voir que ça coûtait aussi cher, on ne leur avait rien fait, pourquoi est-ce qu'ils voulaient nous escroquer de la sorte ? Je me permis de glisser « Je veux ce qu'il y'a de meilleur » dans un sourire presque insolent en le regardant. Le client est roi, donc quand même ! J'ose espérer qu'il allait me trouver ce que je voulais. Enfin, quoique, je m'en fichais un peu maintenant. J'avais d'autres projets pour nous maintenant.

Avec attention – ou pas – je le laissais me parler du costume qu'il voulait me refiler, lui jetant un bref regard. Bon, ce n'était pas trop mon style, mais peu importe. Je ne bronchais pas, me contentant de rire un peu quand il en fit une description peu vendeuse. Sans légèreté, ni confort. Le pied. Un sourire presque hypocrite s'étendit sur mon visage et je pris le costume quand il me proposa d'essayer. « Bien sûr » lançais-je d'un ton mielleux avant d'entrer dans la cabine. Minutieux, enfin, surtout pour perdre du temps, j'enfilais l'ensemble, prenant le temps de me regarder longuement avant de sortir, l'air ravi.

-J'adore ! M'exclamais-je en tournoyant sur moi-même. La coupe me va à merveille, les rayures me donnent l'impression d'être même plus grand. Le top, quoi. Enfin, presque... La chemise... Enfin, je sais pas, elle est fade. J'aimerais bien en essayer une autre, genre... Toutes celles qui sont là. Tu vois ?

Mon doigt désigna un mur où s'empilaient plusieurs étagères, sur chacune trônaient plusieurs chemises de coloris différentes. De mon air le plus innocent, je laissais mon doigt pointé vers elle, détournant la tête vers lui en murmurant « Toutes » au cas où il n'avait pas bien compris. Sans rien ajouter, j'ôtais la veste de costume, retournant dans la cabine, commençant à déboutonner les boutons.

-Ne t'en fais pas, j'ai eu une promotion au club, j'peux me permettre des trucs un peu plus cher !

Ouais, enfin, on verra. J'étais un super host, des primes, j'en avais tout le temps. Mais bon, les clopes, ça coûtait cher, et ça me soulait de mettre des mille et des cents dans des vêtements. Il le savait, je le savais, on le savait, mais ça n'était pas une raison pour ne pas me donner les plus jolies chemises. Je souris de façon presque détestable pour chacune qu'il me donnait, les essayant scrupuleusement en lançant un « J'aime pas » presque machinal avant de les retirer. Je fis ça. Pour toutes. Enfin presque, je ne savais pas combien j'en avais essayé lorsque mon corps décida de dire stop. Je commençais à avoir mal aux épaules et aux muscles à force d'enfiler, de boutonner, de retirer...

-C'est bon, elle est parfaite ! Tu peux ranger les autres, je suis vraiment sexy dedans. Pas assez pour faire pleurer Miss Tôda, mais tant pis, c'est pas le but, hein ? Maintenant, il me faut une nouvelle cravate ! Sans attendre son avis, j'allais vers le lieu où était exposé les cravates, les regardant une par une avant de revenir vers lui. Je veux toutes les essayer, il faut vraiment que je suis au top, tu comprends ? Par contre, j'ai du mal à le nouer, il faudra que tu le fasses.

J'ajoutais une fois encore un « Toutes » d'une petite voix emplit d'un pur sadisme, mes bras croisés devant mon torse. Le pauvre, il avait déjà l'air à bout, qu'est-ce que je lui rajoutais ! Mais je m'en fichais bien. Il n'avait qu'à être de mon côté et tout irait pour le mieux.

Au début, il avait presque cru que tout allait bien se passer. Son ami l'avait écouté sans l'interrompre, et avait même été d'accord pour essayer le costume.
Mais lorsque son « J'adore ! » avait résonné à ses oreilles, une petite voix sortit de ses douces pensées pour lui susurrer amoureusement « Eh oh ! Ren ! Ryûhei, c'est pas un bisounours !! »
Ce n'était pas la nouvelle du siècle mais il avait espéré un peu de clémence, surtout aujourd'hui. Il ne voulait que son bain !

Il écouta son ami et lui lança un regard plein d'effroi lorsqu'il désigna les chemises. Il se tourna face à elles et ouvrit légèrement la bouche, le « Toutes » de son ami faisant écho dans son esprit.
Il leva les yeux au ciel lorsqu'il lui parla de sa promotion. Promotion au travail peut-être, mais promotion dans son porte-monnaie : jamais. Et même s'il disait pouvoir se permettre les articles les plus chers, Ren savait que ce n'était pas le cas et que son meilleur ami ne pourrait... non... ne voudrait jamais dépenser autant.
Lui passant d'un air las chaque chemise, Ren s'égara quelques minutes dans ses réflexions. Il avait dû dire quelque chose de mal, sinon Ryûhei n'aurait pas réagi comme ça... tout du moins, il n'aurait voulu essayer qu'une dizaine de chemises et non toutes celles exposées. Au fond, il se doutait que c'était à cause de ce qu'il avait dit à propos de Hanae. Enfin, pour le peu qu'il avait dit... Il secoua la tête en soupirant : Ryûhei était pire qu'une femme lorsqu'on parlait de son ex ! Il devait sans doute penser qu'il n'était pas de son côté. Ha. Et Ren qui voulait encore éviter ce genre de discussions sans fin... Bon, ce n'était pas comme s'il allait lancer la conversation là-dessus.
De plus, si son tortionnaire pensait le vexer en agissant de la sorte, il se trompait.
Des clients infernaux aux caprices idiots, il en voyait tous les jours. Néanmoins, il commençait à ressentir une légère douleur au niveau des bras... et son ami certainement aussi, puisque la chemise qu'il portait devint subitement parfait.

« Tu peux ranger les autres, je suis vraiment sexy dedans. Pas assez pour faire pleurer Miss Tôda, mais tant pis, c'est pas le but, hein ? »

Et nous y voilà, Ren avait vu juste.
Ryûhei s'était dirigé vers les cravates, et avait maintenant la sublime idée de toutes vouloir les essayer. Génial...
Il voulait juste rentrer et prendre son bain, pour se reposer. C'était trop demander ? Il devait avoir l'air au bout du rouleau et l'était, à moitié. Autant les chemises, il avait réussi à passer, par habitude, mais les cravates...

« Par contre, j'ai du mal à le nouer, il faudra que tu le fasses. », phrase rapidement suivie par un « Toutes ». Comme si Ren n'avait pas compris la première fois ! Et ce sadisme dégoulinant dans sa voix... Ugh.

Il passa rapidement sa langue sur ses lèvres, et fit signe à son ami d'attendre. Il prit son temps pour aller ranger les chemises, demandant de l'aide à sa collègue qui passait par là et qui ne semblait pas occupée.

« Le client est roi » … quelle stupide règle ! Ce genre de chose ne devait pas s'appliquer en présence de Ryûhei !

« Toutes les cravates alors ? », dit-il en revenant vers son ami, « Très bien »

Il n'était pas spécialement d'une nature méchante, ou sournoise. Non, Ren était plutôt calme. Et heureusement pour lui, et pour Ryûhei. Il lui en fallait encore beaucoup avant de réellement perdre son calme. Là, il avait juste l'impression que son meilleur ami s'amusait avec lui comme il aurait pu s'amuser avec un pantin. Et quand il y pensait, tout ça n'était que parce qu'il avait suggéré à son ami de ne pas faire pleurer Hanae... Il devait apprendre à se taire de temps en temps, ça pourrait être pas mal.
Il alla donc du côté des cravates et les observa plusieurs minutes avant d'en prendre une et de la présenter devant le nez de son sadique préféré.

« Comme tu le vois, elle est rayée », commença-t-il lentement en passant le bout de tissu sur la nuque de son ami, « Ça te donnera un air plus grand... », continua-t-il d'une voix affreusement lente tout en débutant le nœud, « Mais bon, faut pas non plus croire aux miracles... », conclut-il en terminant le nœud ; si son ami l'attaquait, c'était son droit de se défendre, non ?

Il passa rapidement ses mains sur les épaules de ce dernier, remettant ainsi le vêtement droit. Il le tourna ensuite face au miroir d'un geste professionnel, et le laissa se contempler quelques secondes dans la glace.
Une moue déçue se dessina sur son visage alors qu'il secouait la tête de gauche à droite.

« Cette cravate fait pas l'effet voulu. T'es pas plus grand que d'habitude. Et vu ta tête, je sais qu'elle te plaît pas donc je vais en chercher une autre »

Et ce manège dura un petit moment.
De temps en temps, son visage se tordait légèrement de douleur : ses épaules le faisaient souffrir. Et il tentait du mieux qu'il le pouvait de ne pas le montrer à Ryûhei, car il savait que ce dernier serait plus que ravi par cette découverte, mais aussi parce que sinon son petit manège ne s'arrêterait pas de si tôt. Déjà qu'il n'était pas sûr qu'il allait s'arrêter un jour...

Pour la énième fois de la journée maintenant, il se plaça devant son ami, et lui enleva le bout de tissu avant d'en chercher un autre.
Il ne regardait même plus les prix, il savait que Ryûhei s'en fichait royalement, alors il n'allait pas s'embêter avec ça. Il opta pour la cravate noire. Il se retrouva à nouveau face à son meilleur ami et planta son regard dans le sien. Il n'avait pas besoin de regarder ce qu'il faisait, ses mains connaissaient ces gestes par cœur à présent. Alors il les laissa faire tout le travail : elles enroulèrent gracieusement le tissu autour de la nuque de son porteur, avant de glisser le long dudit tissu pour se retrouver à l'avant. Là, elles s'arrêtèrent quelques secondes avant de commencer à faire le nœud, faisant danser chaque bout de tissu l'un contre l'autre.
Son regard toujours ancré dans celui de Ryûhei, un sourire presque trop angélique pour l'être vint peindre ses lèvres alors qu'une idée lui venait en tête.

« Tu sais... », commença-t-il doucement en s'humectant les lèvres, « C'est pas très malin de me demander, à moi, de faire le nœud des cravates ... Mais je dis ça, je dis rien »

Ses mains serrèrent lentement le nœud. Son regard toujours planté dans celui de l'autre se fit lourd de sens, tandis que le sourire que son visage portait quelques minutes auparavant disparut. Il s'écarta de quelques centimètres et tourna à nouveau son ami vers son propre reflet, avant d'éclater de rire, tout en se tenant quelque peu le ventre.

« Pardon mais je m'imaginais en train de t'étrangler devant les yeux de ma patronne, et... ça m'a fait rire. Et puis, t'aurais dû voir ta tête... », avoua-t-il, « Tu sais, c'est pas comme si je pouvais réellement le faire hein... T'es plutôt un chouette meilleur ami, même avec ton sale caractère, ce serait plutôt embêtant de devoir en trouver un autre. Et j'pense pas être fait pour la prison, après réflexion... »

Un léger rire s'échappa une nouvelle fois de ses lèvres alors qu'il enlevait lentement la cravate autour du cou de son ami.

« Faut pas croire Ryû, j'en ai connu des clients avec des envies bizarres comme les tiennes, et même si j'ai mal aux épaules comme tu as certainement dû le remarquer, je peux y faire face », dit-il d'un air fataliste, « Je sais pourquoi tu agis comme ça, je sais que c'est parce que, dans ton langage, ce que j'ai dit voulait dire que je prends la défense de Hanae », continua-t-il doucement, « Mais tu sais mieux que quiconque que je me place du côté de personne dans cette histoire »

Pensant ainsi calmer le jeu avec ces douces paroles, il se massa légèrement l'épaule droite, car c'était celle qui lui faisait le plus mal. Où était Hanae ? Il aurait bien besoin d'elle pour un petit massage, histoire de détendre ses muscles et de... Ah.
Il arrêta tout mouvement : il venait de se rendre compte que répéter une nouvelle fois à Ryûhei qu'il n'était du côté de personne, n'était pas une brillante idée. Car, il le savait, son meilleur ami était en train de penser « T'es du côté de personne donc ça veut dire que t'es pas du mien ! Et tu dois être de mon côté ! » ou quelque chose comme ça... l'idée était là au moins.
Il soupira, laissant son regard désespéré se poser sur le reste des cravates. Il n'allait pas rentrer à temps pour son bain.

Ren n'était pas farouche, c'était un truc que j'aimais bien chez lui. Il avait une patience incroyable aussi, il fallait le remarquer. Enfin, ça m'arrangeait la plupart du temps, sauf ce soir. J'avais envie qu'il s'énerve un peu bon sang. Mais rien, il restait tout sourire, allait me chercher mes fichues cravates sans broncher. Et du coup, c'était moi qu'il agaçait. Ah ben, bien joué. Vraiment. Cependant, je gardais espoir, un léger sourire sur les lèvres tandis qu'il allait cherchait ce que je lui avais demandé. Je tentais de garder mon sourire même si j'avais envie de lui faire bouffer ces cravates avec ses commentaires. Bon, il m'avait décroché un léger sourire. À force, j'étais habitué à ses remarques sur ma taille. Je savais qu'il était jaloux de voir combien j'étais beau gosse avec ma taille alors que lui avait besoin de faire 26 mètres de haut pour attirer l'attention. Bon, j'abusais un peu. Il avait du charme, on le regardait probablement plus facilement que moi dans la rue. Je me contentais de claquer ma langue contre mon palais d'un air faussement vexé en lui demandant très poliment de fermer sa bouche.

Petit à petit, le tas rétrécissait et je souris à sa remarque. Ouais, maintenant que j'y pensais, tenter de le pousser à bout en le faisant nouer des trucs autour de mon cou... C'était un peu bête. Mais je crois que j'avais tellement confiance en lui que je savais qu'il ne me fera jamais rien. C'était assez compliqué d'avoir ma confiance, mais je pourrais confier ma vie à Ren et ne jamais douter. Le voir exploser de rire me décrocha un léger sourire. Sans qu'il me dise pourquoi il riait, je savais très bien ce qu'il avait dans la tête. Et c'était méchant.

-Ouais, je sais que tu serais incapable de me faire du mal, tu m'aimes trop, répondis-je à ses explications. Tu serais perdu sans moi, tu sais que t'y perdrais si tu me tuais.

Comme je ne serais probablement plus rien s'il venait à disparaître. Ouais aussi. Mais ça, il n'avait pas besoin de me l'entendre dire. Il le savait, certes, mais il n'avait pas besoin de me l'entendre le lui dire. Bon, j'allais déclarer forfait pour les cravates, ça devenait agaçant de rester debout en attendant qu'il me les enfile. Il me fit rire quand il me parla de ses clients. « Moi qui souhaitait être le plus chiant » rétorquais-je sur un ton taquin. Cependant, la suite était un peu moins plaisante. Hanae, et encore Hanae. Je ne tenais pas à ce qu'on revienne sur le sujet, et je tentais de cacher mon exaspération.

Un silence face à ses derniers mots et je le fixais d'un air mécontent, mes sourcils froncés tandis que je le regardais se masser l'épaule. Je ne savais même pas quoi dire. À chaque fois, je lui faisais payé sans lui dire clairement ce que je pensais. Il devait savoir très bien ce que je pensais. Il ne devait avoir aucun doute là-dessus.

-Tu devrais être de mon côté ! M’exclamais-je finalement sèchement. T'es censé être mon meilleur ami, mais je sais pas,  pas le bon copain d'Hanae ou tout ce que tu veux. Et c'est là le problème Ren.  T'as pas le droit de me laisser tomber bordel !

Sans m'en rendre compte j'avais légèrement haussé le ton et une dame guindée s'était penchée pour voir ce qui se passait. Je lui souris comme je pouvais, hochant la tête pour lui assurer que tout allait bien avant de reposer mon regard sur Ren, toujours mécontent. Non, c'était ridicule, je ne voulais pas qu'on ait ce genre de conversation. Comme un sale gosse en pleine crise, je désignais un autre objet « Je veux une ceinture » articulais-je sans baisser mon doigt vers les quelques unes qui se présentaient à moi.

S'il pouvait taquiner Ryûhei toute la journée au sujet de sa taille, il le ferait ! C'était certainement son sport favori ; puisqu'à part dormir et râler, il n'excellait dans aucun sport. Il avait réussi à décrocher des petits sourires de la part de son ami ici et là, et ça semblait l'apaiser.
Il leva les yeux au ciel face aux paroles de son client, avant de hocher la tête vigoureusement. Il avait pas tort, il serait incapable de faire du mal à Ryûhei. Bon, de là à dire qu'il serait perdu sans lui... Il rit légèrement suite à ça. Et en y pensant, Ryûhei n'avait peut-être pas tort. Vivre sans lui... Ca avait l'air d'être d'un ennui... Malgré son caractère, il restait son meilleur ami, celui qu'il avait toujours voulu avoir. Il avait toujours rêvé avoir ce relation avec quelqu'un, et il était heureux de partager ça avec le jeune homme. Si ce dernier n'était pas là, qui est-ce que Ren pourrait bien embêter ? Ou plutôt, qui l'embêterait surtout ? Personne. Donc non, la vie sans Ryûhei était impossible.
Néanmoins, il n'ouvrit pas la bouche pour nier ou confirmer. Il ne fit que secouer la tête d'un air détaché, un petit sourire aux lèvres. De toute manière, il se voyait mal partir dans un discours sans fin pour vanter les points positifs de connaître Ryûhei et partir en larmes vers la fin à cause du trop plein d'émotion. Ca lui ressemblait pas. Et ça ne ressemblait pas à son ami.
Il préférait adopter son air détaché, ou parfois répondre sur le même ton ironique. Puis, ce n'était pas comme si son meilleur ami avait besoin de longues phrases pour comprendre à quel point il comptait pour lui. Il le savait, il n'avait pas besoin de s'amuser à lui répéter à chaque fois qu'ils se voyaient.

Il rit une fois encore lorsque Ryûhei répondit qu'il aurait souhaiter être le plus chiant de ses clients. Pour ça, il avait encore beaucoup de boulot, même s'il se débrouillait pas trop mal pour le moment. Il n'était pas encore dans le top 5 des pires clients que Ren ait connu.

Il sursauta légèrement, perdu dans les méandres de ses pensées sur l'abomination qu'étaient certains acheteurs. Ryûhei venait de hausser le ton. Il fronça les sourcils face à ses paroles.
Son meilleur avait une chance incroyable de tomber face à Ren. Car si Ren avait eu le sang chaud et s'il n'était pas aussi calme, Ryûhei serait déjà certainement accroché au plafond par une cravate. Ou une ceinture, maintenant que son client en parlait. C'était pas mal une ceinture... et le cuir était surtout beaucoup plus résistant !

Il passa rapidement sa main dans ses cheveux, laissant un faible soupir mourir au coin de ses lèvres. Ses mèches brunes retombèrent mollement contre son front tout comme son bras qui retombait d'un air las contre son corps.

« Franchement Ryû... là tu me vexes. Tu veux dire quoi par « t'as pas le droit de me laisser tomber » ?  », dit-il avant de se pincer rapidement les lèvres.

Oui, il était vexé. Il n'aimait pas entendre dans la bouche de son meilleur ami ces mots-là. Il ne l'avait jamais laissé tomber et ne pourrait jamais le faire, même si tous les éléments étaient pour qu'il le fasse. Ryûhei était comme un frère qu'il n'avait pas eu, c'était alors totalement inimaginable pour lui de le laisser tomber.
Ses épaules s'affaissèrent légèrement. Il comprenait la réaction de son meilleur ami. L'entendre parler de Hanae comme il le faisait devait lui donner le sentiment qu'il était plus de son côté à elle qu'à lui.

« Je suis du côté de personne dans cette histoire. Ou plutôt j'ai à être du côté de personne. Merde à la fin ! J'ai rien à voir là-dedans, c'est pas mes affaires. J'suis pas votre fils, j'ai pas à décider de quel côté je veux être  », lâcha-t-il rapidement, « Et t'as pas le droit de dire que je te laisse tomber ! », finit-il dans un murmure qui laissait deviner un léger soupçon de colère.

Et voilà, il venait lui aussi de hausser la voix. Ce n'était pas son genre, mais ça l'énervait de s'énerver ; quel cercle vicieux. Il fit un rapide signe de main à sa collègue pour dire que tout allait bien. Ce dernière devait être aussi surprise que lui. Ren, qui commençait à s'énerver... c'était pas tous les jours non plus.
Cependant, il n'avait pas envie de se donner en spectacle. Pas ici, pas devant sa patronne, pas devant d'autres clients. Il n'avait pas non plus envie de donner à Ryûhei ce plaisir-là.
Il prit une longue respiration, et ferma les yeux quelques instants. Lorsqu'il les rouvrit, son regard accrocha directement celui de Ryûhei.
Il partit en direction des ceintures, laissant les traits de son visage s'adoucir pendant ce petit laps de temps. Il n'aimait pas être énervé et il venait de monter le ton de sa voix. Contre son meilleur ami. Il aimait encore moins. Sauf que la dernière phrase de ce dernier l'avait légèrement mis hors de lui ; mais alors très légèrement.
Il s'assura que Ryûhei était bien à ses côtés avant de parler :

« T'es mon meilleur ami, je te soutiendrai, peu importe ce que tu fais. Si demain tu décides d'aller tuer quelqu'un, tu peux compter sur moi, je t'aiderai à planquer le corps et tout ce qui suit. Et tu le sais »

Il n'avait pas tout dit, mais l'essentiel était là. Il ferait vraiment tout pour lui. Il irait cacher le corps, il irait l'enterrer à des kilomètres, il défendrait l'alibi de Ryûhei, il ferait absolument tout.
Seulement tout cela devenait plus compliqué lorsque deux de ses amis étaient en cause. Il soutenait Ryûhei, mais il soutenait aussi Hanae. Si à la rigueur il ne connaissait pas Hanae, la balance aurait rapidement penché vers son meilleur ami. Mais il les connaissait tous les deux et ne pouvait pas laisser la balance s'affaisser plus d'un côté que l'autre. Si c'était le cas et que, par exemple, il décidait de soutenir Ryûhei, il avait l'impression de trahir Hanae. De trahir l'amitié qu'il pouvait avoir avec elle. Et inversement s'il décidait de soutenir Hanae.

« Tu t'es marié, je t'ai soutenu. Tu divorces, je te soutiens. Je vous soutiens tous les deux... Alors ne viens pas me voir et sous-entendre que je dois choisir un camp pour finalement dire que je te laisse tomber. On est plus des gamins non ? »

Il termina sa phrase en penchant légèrement la tête afin de pouvoir capter le regard de Ryûhei. Il lui offrit un petit sourire,voulant l'inciter à accepter tout ça.
Sauf qu'il avait la mauvaise impression de tourner en rond : son meilleur ami allait encore lui reprocher de ne pas le soutenir, ou quelque chose du genre non ?
Il baissa rapidement les yeux sur les ceintures, les regardant sans vraiment le faire. Il en désigna rapidement une du doigt ; la moins chère.

« C'est celle qui irait le mieux avec ta tenue »

Un gamin, j'étais un vrai gamin incapable de réagir calmement quand j'avais l'impression de perdre mon seul appui. Je connaissais assez Ren pour savoir qu'il n'avait nullement apprécié ma rétorque. Sans même chercher à me rattraper, je haussais les épaules quand il me dit être vexé. Moi aussi, je l'étais. Mais je suppose que ça devait semblé plus évident vu la crise que j'étais entrain de faire. Je savais que j'étais puéril, mais je l'étais justement trop pour l'admettre. Au fond, je savais qu'il avait raison, je n'avais pas le droit de lui imposer de choisir entre elle et moi. Et justement, c'était notre fils, puisqu'on en avait la garde alterné. Mais je l'avais plus qu'elle, quand même. Je sursautai en l'entendant hausser le ton, peu habitué à voir mon meilleur ami s'emporté de la sorte.

Ren, c'était par excellence le mec zen, tranquille, qui ne se prenait pas la tête. Il me faisait rire, on arrivait à parler de tout et de rien et on était un peu décalé tout les deux. Je ne regrettais pas de l'avoir rencontré, il était la personne qui, depuis le décès de ma mère, ne m'avait jamais quitté, ni abandonné. J'étais paumé sans lui, sincèrement. Ce qu'il dit ensuite me toucha davantage et je me sentis encore plus ridicule. Quel crétin, à toujours tout tourner à son avantage. Après, c'est toujours moi qui ai l'air idiot. Je savais bien qu'il serait toujours là pour moi. Cacher un corps ou me passer un pot de confiture, il n'hésiterait pas. C'était pareil pour moi, s'il voulait que je creuse un trou pour enterrer sa patronne ou s'il voulait, je ne sais pas, partir faire le tour du monde et qu'il avait peur d'y aller seul, j'irais avec lui sans hésiter.

Voilà, j'étais juste planté là maintenant à me trouver bête, ne pas savoir quoi faire. Bordel, il était vraiment trop fort pour moi, ce type. Je me sentais idiot de douter de lui, de craindre que... Je ne sais pas, qu'il me laisse. Je crois que j'avais plus besoin de lui que ce que je pouvais m'imaginer. Sans réagir, je regardais la ceinture qu'il me tendait, l'ignorant totalement tandis que je levais mon regard vers lui (ouais, bon, okay, pas de commentaire sur la taille, hein).

-Désolé... Je ne disais pas que tu allais le faire, enfin... Tu vois ce que je veux dire quoi. Papa a toujours peur que tu préfères Maman, lançais en riant un peu. Que tu le veuilles ou non, t'es un peu notre fils ! Et c'est moi qui t'aime le plus, mets toi bien ça dans ta petite tête ! Un doigt accusateur se pointa vers lui tandis que je tentais de garder mon sérieux. Et pour rester dans les déclaration, tout ce que tu as dit, je le pense aussi. Je savais déjà tout ça, Ren. Tu peux être sûr que, quoi que tu aies envie de faire au milieu de la nuit, un brunch ou un petit meurtre, je serais là. J'ai tout ce qu'il faut à la maison.

Un sourire taquin se posa sur mes lèvres. Voilà, j'étais plus détendu et même plutôt content. J'avais envie de danser un peu. Et de lui faire un câlin. Mais ça faisait bizarre et un peu gay. Ça nous était déjà arrivé, mais nous n'étions plus nous-même. Bon, tant pis. Si je lui demandais avant, ça faisait encore plus bizarre de toute façon. N'hésitant plus, je m'approchais de lui, passant mes bras autour de lui pour lui faire une accolade un peu plus marqué qu'une simple accolade, soit.

-Merci d'exister... Et de rien d'exister aussi. Je sais que ta vie serait trop tranquille sans moi.

Une fois certain que ma passe « love & gay » fut passé, je m'écartais de lui, prenant la fameuse ceinture pour l'essayer. Bon, soit, pas trop mal. Je me tournais un peu sur moi même, avant de le regarder, un air narquois sur le visage.

-Et si je t'appelle cette nuit pour te demander de m'aider à planquer le corps d'Hanae, tu fais quoi ? M'enquis-je en souriant de manière cynique avant d'agiter ma main devant lui. Allez, ça va, je rigole. Elle est trop mignonne pour que je la tue de toute façon.

Avec ses grands yeux brillants, je sais que je n'arriverais même pas à l'attaquer. Cette femme était forte, trop forte pour moi. Elle m'aurait détruit à coup de mignonitude et truc du genre. Lâchant un soupir, je finis par me tourner vers mon meilleur, un air désolé sur le visage. « Finalement, je vais rien prendre. Trop cher, tu vois ? ». Bizarrement, j'étais certain qu'il s'y était attendu !

Il ne se prit même pas la peine de détourner le regard des ceintures lorsque Ryûhei prit l'objet. Il s'en voulait tout de même d'avoir hausser la voix. Il le faisait rarement contre son meilleur ami ; il le faisait rarement tout court d'ailleurs. Plutôt que de crier à tort et à travers, Ren préférait lâcher des sarcasmes à tout va. L'une des meilleurs défenses.. et puis, ne dit-on pas que les mots peuvent blesser, plus que les coups ?
Il fut cependant contraint de lever le regard vers Ryûhei. Il ancra son regard au sien et écouta attentivement ce qu'il avait à dire. Il fronça les sourcils à l'évocation de « Papa » et « Maman » avant de comprendre où Ryûhei voulait en venir. Il ne fit que lever les yeux au ciel pour toute réponse, un petit sourire amusé dessiné sur les lèvres.
Il savait déjà tout ça, mais c'était parfois bon de lui rappeler non ? Il aimait lui rappeler. Et aussi que son meilleur ami lui rappelle. Ca faisait du bien de savoir que quelqu'un était là pour lui, en toutes circonstances. C'était ça qui était bien avec Ryûhei, il pouvait être sûr qu'il serait toujours là pour lui. Dans les moments de joie, comme de peine. Ca sonnait très mariage tout ça...
Un petit rire quitta ses lèvres. Décidément... ils avaient envie de tuer quelqu'un tous les deux à faire ce genre de propositions ? Pour le meurtre, il repassera cela dit. En revanche le brunch... c'était assez tentant. Il voyait Ryûhei s'approcher et arqua un sourcil.. qu'est-ce qu'il allait faire encore ? Ah. Un câlin. Même si la proximité avec les gens l'avoir toujours mis mal à l'aise, du moins cette proximité là, il ne refusa pas ce geste. Il passa rapidement son bras dans le dos de son ami, répondant ainsi à cette douce étreinte. Ca faisait chaud au cœur tout ça ! Il ne put cependant pas réprimé un sourire mi-amusé, mi-gêné quand sa collègue les observa, les yeux ronds. Ren tactile, c'était tout aussi rare que Ren énervé ; promo spéciale aujourd'hui.
Son ami le remercia d'exister, et il ne put empêcher l'immense sourire qui étira ses lèvres.

« Merci à toi aussi. Et ouais, ce serait trop tranquille.. et trop chiant sans toi, j'avoue »

Oui vraiment, sans son meilleur ami, sa vie serait trop monotone. Il lui apportait quelque chose de bien plus qu'une simple amitié. C'était plus fort que ça. Il l'avait toujours vu comme un frère, le meilleur des frères qui puisse exister, et ce sentiment se confirmait à chaque fois qu'ils passaient du temps ensemble.
Son ami s'écarta pour essayer la ceinture. Il en profita pour glisser négligemment l'une de ses mains dans la poche arrière de son pantalon, laissant l'autre reposer contre son corps alors que Ryûhei s'apprêtait à dire une nouvelle bêtise.
Il se mordit légèrement la lèvre, avant de rire d'un ton léger.

« Hmmmm... Je pense que je t'aiderais à planquer son corps... », dit-il un doigt collé au menton pour se donner un air pensif, « Puis je te tuerais et planquerais ton corps avec le sien. J'fais pas de préférence comme ça et l'affaire est réglée »
Il resta silencieux quelques secondes avant de rajouter un « Tu pourrais même pas lui arracher un cheveux alors encore la tuer... »

Ryûhei ? Tuer Hanae ? Quelle bonne blague. Et oui, Hanae était trop mignonne pour finir au fond d'un trou.
Il claqua sa langue contre son palet devant l'air désolé de son meilleur ami. Il fit mine d'être catastrophé par la nouvelle. Non, franchement, il ne s'y attendait pas. Mais alors pas du tout. Genre du tout du tout… Il l'avait venu venir gros comme une maison.

« Je m'en doutais... », déclara-t-il lentement, « Mais quand même, tu pourrais acheter un truc. Genre... je sais pas... Il te faudrait pas par hasard une nouvelle paire de chaussettes ? »

Il lui montra toutes ses dents pour tenter de l'amadouer. Pas sûr que tout cela ait l'effet escompté... Sauf qu'il ne pouvait pas laisser Ryûhei partir comme ça, les mains dans les poches, sans dépenser un centime. La patronne savait que Ren était avec un client, et s'il ne vendait rien, elle risquait de lui faire la remarque.
Il prit alors son ami par la main et le traîna, avec douceur, vers le rayon des dites chaussettes. Il joua au ping-pong quelques secondes entre les articles et son meilleur ami avant de soupirer. Les chaussettes, c'était peut-être pas la meilleure solution, mais il avait devant lui les prix les plus bas.

« Tu voudrais pas que ton meilleur ami que t'aimes tant, sans qui tu serais rien de rien finisse à la rue ? Parce que si je finis à la rue, ce sera de ta faute », lâcha-t-il en le pointant rapidement du doigt, « Et si je suis à la rue, tu devras m'héberger, et me nourrir, m'habiller... »

Il allait l'avoir à l'usure. Ou au chantage. Bref, il allait l'avoir d'une façon ou d'une autre, mais Ryûhei devait acheter quelque chose. Rien que pour se faire pardonner d'avoir amplifié la douleur aux épaules de Ren. Et pour la beauté du geste aussi.
C'était rare de voir un client sortir d'ici sans rien avoir acheté, ça arrivait, mais ce n'était pas fréquent. Même les clients les plus insupportables ressortaient avec des habits plein les mains.
Il joint rapidement ses deux mains devant lui, le regard implorant et la bouille triste, murmurant un « S'il te plaîîîîîîît »
Il pencha légèrement la tête sur le côté, activant ainsi ses neurones. Il cogita quelques secondes, ou alors quelques minutes, il ne savait pas vraiment. Quand Ryûhei était là, le temps ne semblait plus compter.
Il déplia ses bras, les croisant derrière son dos et se pencha lentement vers son client difficile.

« Allez... Prouve à ton fiston chéri que toi, son papa qu'il adore plus que n'importe qui, tu l'aimes fort et achète un truc dans le magasin où il travaille... », dit-il en se redressant finalement, « Sinon je serais obligé d'aller me plaindre à maman. Et elle obtiendra ma garde du coup », finit-il en se pinçant les lèvres pour ne pas rire, les yeux brillant d'une malice et d'un amusement non dissimulés ; c'était plutôt amusant de voir Ryûhei et Hanae comme ses parents.

La réponse de Ren était attendu comme les paroles du messie, même si je savais que je n'allais pas forcément entendre qu'il allait m'aider à cacher son corps et sans faire d'histoire. Et je crois que je ne fus pas déçu de sa réponse. Si j'avais été un peu surpris en entendant le début, au final, c'était tout à fait comme j'aurais du me l'imaginer. Sérieusement. Il était bête. Même si on parlait de mon « meurtre » je me mis à rire, secouant la tête en ne manquant pas de lui dire combien je le trouvais stupide.
Je lâchais un soupir soulignant la fatalité de ce qu'il disait. Ouais, je serais incapable de lui arracher le moindre cheveux, alors la tuer ! Si on s'était envoyé les pires horreurs à la figure au moment de notre séparation, ça n'était jamais allé plus loin. C'était elle qui me frappait. Enfin, avec sa force de femme, pas très fort quoi. J'aurais pu plaider l'homme battu pour la forcer à garder le chat, mais je n'y pense que maintenant. Mince alors. Bon, maintenant, on arrivait à s'entendre plutôt bien. Même s'il m'agaçait parfois et que j'hésite à le charcuter pour le manger.

Un beau sourire fut lancé à mon meilleur ami quand il lança qu'il se douterait que je n'achèterais rien. Bien évidemment, si je voulais l'emmerder jusqu'au bout, il fallait bien passer par là. Paré à m'en aller et à rejoindre un magasin moins cher, je ris un peu quand il tenta de me faire acheter quelque chose quand même. Jamais. Il pouvait toujours rêver ! Des chaussettes, qu'est-ce que je ferais de ça ? Voulant lui faire comprendre que c'était hors de question, il ne m'en laissa pas le temps puisqu'il me traîna à sa suite jusqu'au rayon. Le moulin à parole était déclenché, puisqu'il reprit son mélodrame. Il abusait un peu, il se voyait déjà renvoyé si je n'achetais pas quelque chose. C'était quoi cette technique commercial ? Genre utiliser la pitié ?

-Comme si j'achetais une paire de chaussettes allait changer quelque chose ! Me prends pas pour un idiot, Ren !

Mais le fameux Ren ne sembla pas l'entendre de cette oreille. Non, du tout. Puisque ce traître, ce fourbe, après avoir tenté de m'amadouer sur sa tragique vie à venir, vint le pire, le fourbe. Le chantage affectif. Les sourcils froncés, je le fusillais du regard. Il osait. Il osait jouer sur ce point ! S'il voulait jouer le jeu jusqu'au bout, Papa pourrait très bien lui mettre une bonne fessée ! Ça lui apprendra. Mais après il ira pleurer chez Hanae. C'est sûr, Maman est plus douce, Maman est plus compréhensive. Tss. Saleté. Je le fixais, comme pour vérifier s'il plaisantait ou pas. Il se moquait de moi.

-Sale petit... J'ai envie de te taper, sifflais-je en faisant claquer ma langue contre mon palais. Vas, vas pleurer chez ta m... Enfin chez Hanae. Vas donc ! Tu verras comme tu vas t'ennuyer avec elle. Sale con. Voilà.

Mécontent, je croisais mes bras sur mon torse, regardant ailleurs. Il ne pouvait pas préférer vraiment Hanae de toute façon. Je le savais. J'étais le préféré. Parce que j'étais largement plus cool et largement plus drôle. D'accord, elle était mignonne, tout ce qu'on veut, mais ça ne comptait pas. Les copains d'abord, non ? Est-ce que moi je lui faisais du chantage affectif sur ses exs ? Bon, je n'ai gardé contacte avec aucunes de ses exs, mais si c'était le cas, je ne ferais pas ça. Je le ferais maintenant, parce que j'était puéril et que j'aimais bien me venger, mais sinon, non, pas du tout.
Mes sourcils se froncèrent davantage et je gardais quelques secondes de réflexion avant de m’éclipser en cabine pour ôter le costume et remettre mes vêtements normaux. Soigneusement, je pliais les affaires avant de retourner vers Ren, la veste de costume toujours en main que j'agitais devant son nez.

-Je la prends, lançais-je l'air sérieux, bien au courant de son prix exorbitant. Cependant le sérieux ne dura pas longtemps, puisqu'un sourire tout aussi fourbe se dessina sur mes lèvres. A une condition. Non deux, en fait. Déjà, je veux que tu m'invites à manger dehors ce soir, j'ai les crocs. Ensuite, tu diras à « Maman » que « Papa » est vraiment génial. Le meilleur ami que tu n'aies jamais eu et que tu as toujours rêvé d'avoir. Et je veux que tu t'enregistres en le disant. Tu le diras de façon naturel, je veux pas qu'elle pense que je t'ai forcé.

Un sourire fier flotta sur mes lèvres. Il ne pouvait pas me refuser ça, la veste valait sa petite somme, c'était bien mieux que de perdre une demi heures pour de pauvres chaussettes. Enfin, il devait se douter que ce n'était pas l'un ou l'autre. Il refusait, je ne prenais rien. Ah, nous étions vraiment de vrais ordures, lui comme moi. C'est beau, cette amitié, d'un coup, je me sens tout ému.

Ryûhei venait tout juste de lui dire qu'acheter une chaussette ne changerait rien. Il ne connaissait pas la loi du marché lui  Enfin, en réalité, son meilleur ami avait raison, ça ne changerait absolument rien. Il aurait juste droit à une ou deux remarques de sa patronne et l'affaire s'arrêterait là. Sauf qu'embêter Ryûhei, c'était drôle. Et apparemment, l'inverse l'était aussi. Quand il y pensait, la seule chose qu'il voulait, le seul et unique petit but de sa journée, avait été de rentrer prendre un bain. Mais son meilleur ami, ce vilain petit être, avait cru bon de venir l'ennuyer. Ah c'était beau l'amitié ! Sérieusement, rien que pour ça, il devrait le traîner en justice, et lui coller un procès aux fesses. Son avocate ? Hanae. Il croyait suffisamment en elle pour le défendre au mieux.

Un petit sourire en coin prit place sur ses lèvres alors que son ami le fusillait du regard et son sourire ne fit que grandir que son meilleur ami formula l'envie de le taper. Un rire s'échappa de ses lèvres alors que Ryûhei lui disait d'aller chez sa mère, Hanae. Son amusement ne cessa même pas quand il le traita de « con », au contraire. Il riait de plus en plus, et se tenait à présent le ventre, tandis que son ami croiser les bras sur son torse.
Il essuya rapidement une petite larme au coin de l’œil. Il prit le temps de calmer son fou rire quand sa meilleur ami le quitta pour aller se changer. Il arqua un sourcil quand ce dernier s'amusait à agiter la veste dans tous les sens devant lui. Mais qu'est-ce qu'il cherchait à faire enfin ?!
« Je la prends », certainement les trois meilleurs mots qu'il avait entendu depuis le début de la journée. Ses yeux se mirent à briller d'espoir. Une impression de victoire l'envahit soudainement. Non. C'était trop beau. Il se passait un truc, c'était pas possible. En plus Ryûhei affichait un sourire fourbe. C'était pas bon, pas bon du tout. Toute lueur d'espoir quitta son corps. « A une condition », certainement les trois pires mots qu'il avait entendu depuis le début de la journée. Oh mais... c'était qu'il était fourbe le petit ! Traître. Vil. Assassin d'espoir !
Il écouta avec une attention quelque peu lointaine ce que racontait son ami. L'inviter à manger ? Oh bien sûr. Quoi d'autre ? Dire à Maman que Papa est vraiment génial ? Ouiiiiii, bien sûr. Surtout que Hanae n'allait ab-so-lu-ment pas se douter qu'il racontait des bêtises. Et en plus il devait s'enregistrer ? Eh mais... ça faisait trois conditions ça non ? Pour lui ça faisait trois conditions donc c'était trois conditions, point. Têtu comme une mule, même Ryûhei ne pourrait pas lui prouver par A + B que non, ça n'en faisait que deux. Puis dire ça de façon naturel... Pas qu'il ne le pensait pas, mais le dire naturellement c'était un peu difficile. S'il devait le dire de cette façon deux choix s'offraient à lui : il disait ça en pensant qu'il était en train d'avouer : « J'ai faim » ; c'était la seule phrase naturelle qui lui venait en tête. Ou alors, il devait lancer une conversation sérieuse et profonde sur le sens de la vie, de la mort, des enfants et des chats avant de finir par remercier son meilleur ami d'être là, etc etc.

Il secouait la tête, son doigt sur son menton, l'air pensif une nouvelle fois. Décidément, Ryûhei ne lui simplifiait pas la vie. Il laissait croire à son ami qu'il comprenait tout à fait les conditions, comme si elles étaient normales.

« Tu sais que ça fait trois conditions au moins ? », dit-il finalement en souriant à son ami.

Et s'il acceptait, il y avait une condition qu'il n'allait pas accepter.a condition mais il ne dirait rien à Ryûhei, il lui laisserait la surprise. Ou peut-être qu'il lui dirait, ça demandait réflexion.
Pour le reste, il y avait MasterCard : le repas n'allait pas se payer tout seul, donc ce n'était pas menti. Il prit alors le vêtement des mains de son meilleur ami et regarda à nouveau l'étiquette. Il fit une légère grimace face au prix avant de poser son regard sur Ryûhei. Il était vraiment prêt à dépenser ça ? C'était pas une blague ? Non, ça devait encore cacher quelque chose. Ou peut-être qu'il se méfiait trop de Ryûhei maintenant ? Son cœur balançait. Il regarda à nouveau le prix, et sourit.

« Oh mais c'est qu'il a l'air généreux aujourd'hui mon papa ! »

Puis, une idée lui vint en tête. D'abord, il n'avait pas encore accepté les conditions. Même s'il avait parlé du fait qu'il y en avait trois et qu'il n'allait pas remplir l'une d'entre elle, il n'avait pas encore dit oui. Il sourit légèrement. Sauf qu'il devait prendre l'esprit pervers de son meilleur ami, et ça, ça faisait foirer tous ses calculs.
Il devait se battre, il ne pouvait pas se laisser faire comme ça ! C'était hors de question. Son entêtement allait le mener quelque part. Il ne savait pas où mais il allait bien trouver quelque chose. Et même s'il devait trouver quelque chose par rapport à un mot que Ryûhei avait prononcé ou à l'un de ses gestes … ou … à l'étiquette de la veste. Son regard s'attarda de longues secondes sur cette dernière. Il n'avait pas fait attention la première fois mais quelque chose clochait, ce n'était pas le bon prix. Il fronça les sourcils, l'air embêté, avant de comprendre ce qui n'allait pas. Et ce fut à ce moment-là qu'il eut une idée.
Il prit la veste sous son bras et articula rapidement qu'il devait aller voir la patronne. Il ne laissa même pas le temps à son ami de réagir qu'il s'en allait déjà vers elle. Regardant Ryûhei du coin de l’œil il lui lançait de temps à autre de légers sourires. Pas pour le rassurer non, mais plutôt pour lui dire « Attention, je prépare un truc, c'est petit, c'est nul, c'est vicieux, et c'est pas tout à fait réglo, mais sois prêt quand je reviens »
Oui, ses sourires en disaient toujours beaucoup sur ses intentions.

Il retrouva Ryûhei, et lui indiqua la caisse d'une signe de tête tout en s'y rendant.
Il fit signe à son ami de commencer à préparer l'argent alors qu'il passait l'étiquette du produit devant la machine.

« Je sens qu'Hanae va se douter que tu m'as fait du chantage pour que je dise que t'es le meilleur des meilleurs des meilleurs du top 3 des meilleurs amis. Elle est pas bête à ce point »

Il rangea lentement la veste dans un beau sachet sur lequel était inscrit le nom du magasin et le contempla quelques secondes avant de le poser devant son meilleur ami.

« Ah par contre... J'ai oublié de te le dire, mais... », dit-il doucement en s'appuyant sur le petit comptoir où trônait la caisse, « Le prix qu'il y avait, c'était pas le bon. Enfin si, mais c'était juste celui de la veste. Et je peux pas te vendre la veste sans le pantalon »

Il haussa les épaules d'un air désolé pas si désolé que ça avant de feinter un soupir blasé, trop exagéré. Ah franchement, les gens devaient apprendre à préciser les choses aux clients ici. Comment ça c'était son métier ?

« Donc... », commença-t-il alors que sa collègue remplissait le sachet : le pantalon du costume rencontra à nouveau sa moitié et elle mit une cravate en plus, « La cravate c'est cadeau t'en fais pas. Elle t'allait bien. J'ai discuté avec la patronne, mais c'est pas possible de séparer le costume, tu comprends... Le marketing, les affaires, tout ça »

Il suivit les mouvements de sa collègue avant de la remercier et de faire un signe de main rapide à sa patronne située plus loin dans le magasin. Il se tourna à nouveau vers son ami avant de lire le prix qui était indiqué sur la machine.

« Ca te fera donc 92 125 yen, comme j'avais dit dès le départ, et oui, c'est le moins cher, et non pas de réduction possible », commenta-t-il.

Oui, c'était petit. Oui, c'était fourbe aussi. Mais Ren, têtu comme il l'était, ne pouvait pas tout de suite plier face à son meilleur ami. Cela dit, il l'avouait lui-même, faire ce qu'il venait de faire, c'était très bas. Mais c'était de bonne guerre non ? Ce genre de comportements, cette manière de se faire des coups bas... c'était tellement puéril, mais pourtant, c'était tellement eux. C'était sans doute là le meilleur moyen qu'ils avaient trouvé pour se dire « Je t'adore tu sais ! ». Comme ils étaient tous les deux un peu semblable de ce côté-là, à ne pas s'avouer tous les jours combien ils s'aimaient, ils tentaient de se le montrer différemment.
Ren savait aussi qu'avec une autre personne, il n'aurait pas pu le faire. C'était ça, le charme de sa relation avec Ryûhei. Le jour où ils ne se feraient plus ce genre de trucs... Non, il y aurait toujours ce genre de trucs entre eux, c'était pas possible autrement. Un léger rire amusé quitta ses lèvres. Son regard rieur se posa sur son meilleur ami ; non vraiment... l'amitié, c'était trop beau.

Hanae était une femme, elle sentait les coups foireux à des kilomètres. Mais, et alors, hein ? Vraiment, et alors ? Au moins, ce sera dit, et elle aura en tête que oui, je suis un homme merveilleux qui mérite de l’attention et d’être vénéré comme un dieu vivant ! J’étais tellement incompris, c’est dingue. Même Ren avait du mal à me comprendre. Pourtant, c’était mon meilleur ami, plus que jamais il devrait se rendre compte de sa fichue chance d’en être là où il en est actuellement ! A mes côtés, à m’avoir comme meilleur ami. D’être ma Demi Lovato, mon Roucky, mon Pumba, mon Laurel… Et j’en passe. Parce que j’avais pleins d’exemple sous le bras. Le message était là. J’étais génial, voilà.

Fatigué de mes mauvais coups, je m’appuyais contre la caisse en le laissant faire ses conneries de vendeur, regardant distraitement autour de moi. Presque ennuyé lorsqu’il me parla, je lui lançais un regard en attendant ce qu’il allait me dire. Pas le bon prix ? Il allait peut-être me faire une réduction, en bon meilleur ami qu’il était ? C’était beau de rêver. Je commençais à sentir l’embrouille, vraiment. Pas prendre la veste sans le pantalon ? C’est quoi cette connerie, encore ? Je lançais un regard vers sa collègue qui me fit son plus beau sourire commercial. Elle avait de la chance d’être là, sinon j’aurais probablement déjà tapé Ren, violemment. Tellement je suis rebelle.

Marketing, affaire, mon poing dans ta gueule, tout ça, tout ça… Combien ça allait me coûter, cette connerie, encore ? Le prix de la veste était déjà abusé, alors avec le pantalon en plus ! J’étais host, pas ministre. Et je me fichais de sa cravate, vraiment. Mais vraiment, quoi.
En entendant le prix, je dus me tenir à la caisse pour ne pas tomber et mourir. Autant ? Mais c’était fait en cheveux de gosse d’usine thaïlandaise ou quoi ? Pourquoi c’était beaucoup trop pour être vrai. Il se moquait de moi, ce type.

-Ren… Tu es la pire personne qui soit sur cette putain de planète. De l’univers même, commençais-je avant de m’écarter, mettant ma main devant moi avant de la monter progressivement. Corée du nord, pédophiles, terroristes, Hitler, Ren.

Petit à petit, j’allais de plus en plus haut, hiérarchisant les grands méchants pas beau qu’il y’a sur cette terre. Bon, l’ordre était subjectif, sauf Ren qui était tout en haut. Ça, c’était indiscutable. Maintenant, j’hésitais. Le foutre dans la merde en prenant mes jambes à mon cou, ou payer et pleurer dans ce costume ? Eh puis merde, c’était encore la faute d’Hanae, ça ! Si elle n’existait pas, on aurait pas eu ce « conflit » et j’aurais encore de l’argent sur mon compte ! Furieusement, je sortis ma carte bancaire, la tendant à celui qui fut un temps, presque l’homme de ma vie, lui lançant un regard assassin.

-Je te tuerais dans ton sommeil. Un jour. Tu ne sauras pas quand, peut-être ce soir, ou demain. Ou même dans quinze ans. Mais je le ferais. Avec ce costume, j’te ferais la peau.

Pour montrer que j’étais un grand vilain tueur, je lui fis signe avec mon pouce que j’allais lui couper la tête avant de finaliser le paiement et de prendre le sachet. Le pantalon était trop long, il faudrait que je fasse des ourlets… Non, hors de question que je lui dise. Je sais qu’ils ont un service couture et raccord, mais il allait encore ce moquer.

-T’as intérêt à tenir ta parole. Ai l’air presque gay en vendant ma surpuissance. T’sais quoi ? Dis lui-même qu’on est gays ! Elle pensera que c’est de sa faute si j’ai changé de bord… Non, elle va pas y croire. Bref, je pars de ce lieu maudit. Et je te tuerais, souviens-toi en !

Maintenant, il allait vivre dans la peur, pour sûr ! En tout cas, je n’en pouvais plus de lui et de sa méchanceté. Je l’avais bien cherché ? Mais pas du tout ! J’étais un amour sous la joule d’un tortionnaire sans cœur. Traînant ma triste carcasse de mec ruiné hors du magasin, je me demandais si je pourrais ramener le costume pour me faire rembourser dans la semaine ?

Voir Ryûhei se tenir à la caisse quand il avait annoncé le prix était l'une des choses les plus drôles de la journée. Si seulement son meilleur ami savait à quel point il jubilait intérieurement... Mais c'était mal. Très mal. A surtout pas faire chez vous !
Il glissa ses mains dans ses poches, un sourire plus que satisfaite aux lèvres quand son meilleur ami lui annonçait qu'il était la pire des personnes. Ah si Ryûhei continuait, il allait rougir. Il était presque heureux d'être en haut de sa liste. Son but était atteint, il pourrait mourir en paix maintenant, en digne combattant de guerre, en homme fort et courageaux. Il était celui qui avait fait plier Ryûhei, ou plutôt qui lui avait fait sortir sa carte de crédit. Un petit pas pour l'Homme, un grand pas pour l'humanité... Ren était tout de même prêt à se sacrifier pour faire avancer les choses. Qu'on ne vienne pas dire qu'il n'avait jamais rien fait, non mais. Il prit la carte de crédit de son ami entre ses doigts, laissant un petit gloussement glisser sur ses lèvres. Non vraiment, c'était trop bon. Il s'en fichait royalement des conditions de Ryûhei, voir sa tête ça les valait toutes. Il allait dire tout et n'importe quoi à Hanae et s'enregistrer, se prendre en photo et même une selfie avec elle. Le visage de son meilleur ami resterait à jamais graver dans sa mémoire.
Il rendit sa carte à son propriétaire, fredonnant le rythme d'une chanson inexistante. Il se mit à rire doucement quand Ryûhei lui avoua venir le tuer. Il haussa légèrement un sourcil, un sourire plus qu'amusé aux lèvres.

« Tu serais triste sans moi. Un peu plus riche peut-être, mais très triste »

C'était pas menti ! Enfin, il espérait. Puisqu'après le coup qu'il venait de lui faire, tout était à revoir... Hum.
Oh et puis non, il en était sûr, Ryûhei ne pourrait pas vivre sans lui. Qui serait là pour lui faire des coups bas sinon ? Qui serait là pour lui vider son compte en banque ? Hein, qui ? Personne. Il n'y avait que lui qui pouvait occuper ce rôle-là.

Il se mordit la lèvre suite au signe de son meilleur ami pour ne pas éclater de rire. Non vraiment, Ryûhei pensait vraiment que Ren allait le prendre au sérieux ? De toute manière, Ren était bien trop satisfait pour avoir peur de ces menaces en l'air.

« Au prix du costume, j'pourrais faire croire tout ce que tu veux à Hanae. Qu'on est gays, cousins, jumeaux, aliens... Tout.  Ah beh oui tiens, j'lui dirais qu'on est gays. On a découvert nos sentiments aujourd'hui, suite à l'achat d'un costume. J'lui raconterais à quel point c'était beau et romantique. Tu voulais me tuer, j'voulais rire... Le romantisme à son plus haut niveau en gros », lâcha-t-il, le sourire toujours aux lèvres, « Tu pourras pas me tuer Ryû. Mais je vais m'en souvenir. Et sache que si tu me tues, je viendrais te hanter. Et j'suis certain que j'peux être un fantôme très chiant »

Déjà qu'en tant que vendeur/meilleur ami il pouvait l'être à un haut très élevé, il imaginait même pas en fantôme. En y réfléchissant, ce serait très drôle de pouvoir embêter Ryûhei.
Qu'est-ce qu'il avait peur. Bon, c'était pas tout mais son bain l'attendait. Il allait devoir demander à sa patronne que ce jour soit un jour férié, rien que pour lui. Il allait l'appeler : Le jour où Ryûhei capitula. Ou quelque chose comme ça. Il trouverait un nom plus cool demain, là il était trop fatigué et encore trop euphorique.

« A la prochaine Ryû, et merci ~ », finit-il, faisant un signe de main au dos de son meilleur ami.

Il était sûr que son ami allait souvent lui reprocher cette journée. Au moins c'était une journée qu'ils ne pourraient oublier tous les deux.
Il fit un signe du pouce à sa patronne que le costume venait de partir avec son acheteur. Il regarda une nouvelle fois vers la porte tout en souriant avant d'aller voir sa collègue. Il lui rappela que ce client-là, Ryûhei, était un de ses clients exclusifs. Il n'y avait que lui qui pouvait lui faire acheter quelque chose de toute façon.
Le beau sourire commercial et vendeur de sa collègue ? C'était du vent pour son meilleur ami. Puis ça ne marchait pas comme ça avec ce dernier. Il fallait faire preuve de ruse... à la limite d'être un connard, en fait.

Un sourire triomphant aux lèvres, il alla récupérer sa veste. Il salua rapidement sa patronne et sa collègue avant de quitter le magasin. Son bain, il allait le savourer. Et encore plus qu'il n'en aurait profité à la base.