Don't lie to me • |

Cela faisait déjà quelques jours que Ryuhei avait quitté l’hôpital. Plus que quelques jours même. Au début, tout allait bien. Peut-être un peu trop. Il semblait être en meilleur forme qu’avant et pour le temps qu’on passait ensemble, je n’avais pas eu à me plaindre. J’avais eu l’impression de revivre nos premiers mois, notre rencontre, nos premiers rendez-vous bien que ceux-ci avaient été plus passionnels qu’à présent. On avait décidé d’aller doucement, d’avancer tranquillement pour ne pas répéter les erreurs d’autrefois cependant quelque chose clochait. Si avant je parvenais à lire en lui comme dans un livre ouvert, il m’échappait littéralement à l’heure actuelle. J’avais changé, lui aussi, toutefois j’étais incapable d’expliquer en quoi.

Dés qu’il fut réellement rétabli, on se voyait moins rarement et quand je passais chez lui - ou plutôt à notre ancien chez nous - je l’attendais pendant longtemps avant que Monsieur ne daigne faire son apparition. Si apparition il y avait. Je m’inquiétais, ne saisissant pas pourquoi subitement, dés lors qu’il n’avait plus eu besoin de moi, Ryuhei avait déjà commencé à prendre des distances dans nos vies. Est-ce qu’il se lassait de moi ? Après tout, on en avait vécu des choses tous les deux, si nous nous étions séparés, c’était pour une raison n’est-ce pas ? J’avais moins confiance en moi lorsque ça le concernait et je partais vite défaitiste. Parfois je regrettais d’avoir accepté de nous offrir une seconde chance puisque je revoyais cet amour défiler sous mes yeux. Et dire que je songeais à cela, un jour comme un autre où je l’attendais - encore - j’étais tombée sur un dossier. Je connaissais le nom, je connaissais le visage de ce garçon et je n’eus besoin de réfléchir pour savoir qu’il s’agissait en réalité de mon ex petit ami. J’avais d’abord cru que mon mari avait fait des recherches à son sujet pour se renseigner sur ce qu’il devenait, s’il n’avait plus rien à craindre le concernant toutefois en feuillant les pages une à une, ça avait commencé à être louche. Très louche. Mon coeur s’était serré alors que ne désirant pas en savoir plus, j’avais aussitôt refermé la pochette. Des milliers de questions tournoyaient dans mon esprit, des hypothèses aussi farfelues les unes que les autres et je n’avais pas voulu accepter l’une d’entre elle qui aurait dû m’être évidente. Ca m’avait fatiguée et j’étais rentrée chez moi ce soir-là. J’aurais dû lui en parler, lui poser la question clairement cependant j’en avais été incapable et depuis, je peinais à trouver correctement le sommeil la nuit parce que je me tracassais. C’était comme si depuis cet instant, je voyais le jeune homme encore moins souvent, comme si j’avais mis les mains là où je n’aurais pas du alors que Ryuhei ignorait tout de tout cela. Ses excuses devenaient de plus en plus bidons que tous mes soupçons à son sujet s’étaient tournés sur d’autres doutes. Des doutes qui m’avaient longtemps meurtri avant que notre divorce soit décidé.

Assise sur son canapé, me rongeant discrètement les ongles, je patientais encore, exténuée de tout ça. Je ne pouvais plus tout garder pour lui et j’avais besoin qu’on discute. Bien que discuter entre lui et moi, ça avait souvent été difficile. On se criait dessus plutôt qu’établir une véritable conversation...
Les jambes recroquevillées à ma poitrine, j’essayais de réfléchir, de me préparer psychologiquement et d’agir calmement peu importait ce que Ryuhei avouerait. La porte claqua et je m’installai correctement, détournant mon visage en sa direction. Je ne lui souriais même pas, quant à l’expression de mon regard, elle en disait long quant à mes sentiments.

- Quelle excuse tu vas trouver encore ? L’interrogeais-je sèchement, Tu as croisé une vieille qui a perdu son chat et tu as voulu l’aider ? Waouh... Tu es un homme tellement charitable, Ryuhei.

Une esquisse narquoise traça finement mes lèvres avant que je ne me mette à soupirer. Rester calme. Je m’étais pourtant promis de l’être.

- Je ne te crois plus. Et je suis vraiment fatigué alors je t’en prie, dis-moi la vérité maintenant.

Non, pas de grand accueil, je n’avais même pas envie de savoir s’il allait bien. Parce qu’en cet instant précis, c’était moi qui étais blessée. C’était moi qui avait mal et si je ne me retenais pas, je me serais jeter dessus pour lui hurler à quel point je le haissais de me tourmenter de la sorte. Il avait promis qu’on ne ferait pas les mêmes erreurs mais j’avais l’impression d’être retombée des années en arrière. Etait-ce si difficile d’être honnête ne serait-ce qu’une fois dans sa vie ?

En quittant l'hôpital, il était simplement retourné chez lui, l'air de rien, et n'avait pas cherché à retourner dans le club d'host pour se refaire embauché. À quoi bon ? Il partait du principe qu'une partie de sa vie était passée, peut-être que c'était mieux ainsi. Au fond il craignait de regretter d'avoir perdu cela, mais c'était probablement pour mieux repartir. En tout cas, Ryûhei avait été fichtrement heureux de retrouver son chat en rentrant, il n'aurait jamais imaginé être aussi heureux de revoir cette bête. Il l'avait certes snobé et griffer toute la soirée pour montrer son désaccord envers l'abandon dont il avait été victime. Puis il allait mieux.

Afin de ne pas se retrouver totalement à la rue, il avait dû doubler son travail pour les NSA en attendant de trouver un autre job. Ça lui occupait ses journées, ses soirées aussi et il avait par conséquent un peu de mal à voir Hanae. Il avait commencé à être NSA quand ils étaient encore en couple, mais à l'époque, ça allait. Il travaillait en même temps, là il n'avait pas tant d'excuses pour ses absences. Ren, ou ses amis, où qu'il passait des entretient d'embauche... Il trouvait mille et une excuse et au final, il la voyait à peine.

Pour le moment, il était un peu inquiet qu'elle se lasse de ne pas le voir et de cette vie de couple qui n'en était pas tout à fait une mais il n'avait pas le choix. Bien sûr qu'il trouvait ça horrible de devoir dénoncer toujours plus de gens pour gagner sa vie, mais il n'avait pas le choix. Ryûhei devait bien faire avec le peu qu'il lui restait.
Extenué, il grimpa les escaliers menant jusqu'à son appartement, ne rêvant que de boire un bon thé et terminer le livre qu'il avait commencé la semaine passée avant de s'endormir. Cependant, en voyant de la lumière, il ressentit un léger moment d'inquiétude. Qui pouvait bien être là ? Il priait pour que ce soit Ren, si fort. Eh puis non, ce n'était pas lui et il resta un peu bête en voyant Hanae, surtout qu'elle l'agressait tout de suite. Il lâcha un soupir agacé, posant ses affaires avant de s'appuyer contre la table, la laissant terminé.

-Wow, doucement, tu peux pas dire bonsoir, genre comme tous le monde ? Répondit-il, l'air presque blasé. Nope, pas de chat cette fois, même si on m'a proposé un chaton avant, une vieille m'a arrêté dans la rue pour me le proposer ! Et ça, ce n'était même pas un mensonge ! J'étais sortie boire un verre. J'ai bien le droit de faire ça, non ?

A ses souvenirs, il n'y avait pas écrit que c'était interdit dans le contrat de mariage, mais il ne l'avait pas lu de toute façon. Passant sa main dans ses cheveux, il regarda Hanae furtivement avant de détourner le regard. Il n'avait pas le droit de lui parler de la NSA. Il détestait devoir lui cacher quelque chose ainsi, mais, plus que l'interdit de leur contrat, il savait qu'elle était une Denshou engagée et dévouée, il ne voulait pas qu'elle lui en veuille ou qu'elle refuse de le revoir à cause de cela.

-Il faut bien que je me détende entre mes recherches qui ne donnent rien, au passage. Ça devient carrément frustrant, je devrais peut-être revoir mon manager et le supplier de me reprendre. J'aurais dû faire ça dès le départ.

Bien sûr ! Quelle charmante idée ! Surtout qu'il n'y pensait pas sincèrement, il faisait juste tout comme pour qu'elle y croit et qu'on change de sujet. Il priait intérieurement pour que ça marche, même s'il perdait un peu espoir. Hanae était forte et perspicace, c'est bête pour lui, quand même.

J’aurais pu répondre au tac au tac à sa remarque désobligeant quant au « bonsoir » néanmoins j’étais restée silencieuse. Si j’avais réagi, je lui aurais crié dessus, lui hurlant que non je ne pouvais pas parce que j’étais à bout, que j’avais des tas de doutes et que je ne savais plus quoi penser. Pourquoi fallait-il toujours qu’il me cache des choses ? Ne pouvait-on donc pas être honnête l’un envers l’autre ? C’était tant demandé ? En plus cet abruti se moquait de moi. Je lui en mettrais des claques. Et pas que... S’il me semblait fatigué, ne voyait-il pas que j’étais complètement épuisée. Je savais que ce n’était pas vrai, qu’il n’était pas sorti boire un verre, peut-être qu’il était avec une femme... Peut-être qu’il enquêtait encore sur mon ex petit ami. Pourquoi faisait-il ça à la fin ? Je ne pouvais m’empêcher de le dévisager, le mot « menteur » se répétant sans arrêt dans mon esprit alors que je serrais mes poings afin de ne pas m’emporter. J’étais sincère quand je disais l’aimer tout comme lorsque j’avais souhaité lui offrir une seconde chance. J’avais eu envie de croire en ce changement cependant j’avais l’impression d’être retournée des années en arrière. Je me rendais compte que malgré tout la confiance ne tenait qu’à un fil et peu importait ô combien j’essayais de croire en lui, Ryuhei tentait de me faire penser le contraire.

- Tu mens, Finis-je par lancer sèchement après un long silence.

Je pouvais lire dans ses yeux que ce qu’il me racontait n’était pas vrai mais pas uniquement. Il me connaissait mieux que personne et savait que je n’aurais jamais été d’accord à ce qu’il retourne travailler au club d’hôte. Premièrement son patron était un idiot et ensuite, j’étais sa femme, j’étais obligatoirement jalouse de ces potiches qui se rendaient là-bas et qu’il était censé « satisfaire ». Si déjà à l’époque j’étais contre, je l’étais encore plus à l’heure actuelle.

- Quand vas-tu arrêter de me donner des excuses bidons ?! Qu’est-ce que tu crois ? Que je suis stupide, que je ne remarque rien ?!

J’avais peur qu’il ne me trompe, c’était vrai, cependant il y avait cette part de moi qui n’y pensait pas. Il n’avait pas de raison de le faire. Autrefois, on était en conflit, on ne se supportait plus... Là, on venait tout juste de se retrouver. Je refusais d’émettre cette hypothèse et si je l’avais fait, c’était car en réalité, j’avais peur de cette vérité qui m’était peu à peu évidente. Me levant, je partis reprendre ce dossier que j’avais trouvé et que j’avais moi-même rangé pour lui balancer sur la table du salon.

- Maintenant, dit-moi la vérité. Ne me sort pas que c’est parce que c’est mon ex, que tu as voulu enquêter sur lui sans raison. C’est la dernière fois que je te le demande Ryuhei, qu’est-ce que tu caches ?

Je n’avais pas envie de lui poser la question décisive parce que finalement, je voulais l’entendre me le dire. Si ça venait de moi, ma rancune risquait d’être plus forte que tout alors j’espérais que pour une fois dans son existence, il arrête de me mentir.