Changement troublant...

La vie pouvait-elle tourner aussi violement ? Etait-ce réel ? J’avais l’impression de vivre dans un perpétuel cauchemar mais en même temps, je ne m’en rendais pas totalement compte. J’ignorais quel jour on était ni cela faisait combien de temps j’avais quitté l’hôpital. Les seuls fois où je sortais était pour travailler puis je rentrai, sans pour autant dormir. J’en étais incapable. Dés que je fermai les paupières, ces affreux flashs me sautaient aux yeux et je sursautais. Mes patrons m’avaient ordonné à plusieurs reprises de rentrer, de me reposer néanmoins le jour d’après, je me rendais toujours à mes différents jobs malgré le peu d’entrain que j’avais. J’arrivais encore à tourner des films, ce n’était pas compliqué mais sourire aux clients du Konbini était plus complexe. S’il m’énervait, je leur répondais mal plutôt que les aider, je crois que je ne les respectais même pas. Je me contentais simplement de faire ce qu’on me demandait comme une machine qu’on aurait programmé. Et ses tâches se répétaient chaque jour. J’avais minci un peu mais pas énormément parce que je continuais de manger. Moins qu’avant certes. Je tenais malgré tout à ma vie et je n’avais pas envie de mourir. Surtout de faim, cela serait tellement pitoyable quand on pensait que quelque part dans ce monde des milliers d’individus rêveraient être à ma place et pouvoir manger autant de fois qu’il le désirait. Je me fichais pas mal de mon apparence, encore plus de ces cernes qui étaient apparus sous mes yeux. Ce qui était quelque chose d’extraordinaire me concernant lorsqu’on me connaissait. J’avais juste envie de tout envoyer valser. Je n’avais pas touché à mon téléphone portable depuis et ne comptais pas y toucher avant un moment. De ce fait, je n’avais revu personne non plus et en vérité cela m’arrangeait puisque je ne souhaitais voir personne. Si c’était pour encore commettre une erreur aussi grave, à choisir, je préférais encore rester seul. J’étais incapable de penser correctement et j’aurais voulu m’arracher les cheveux. Jamais je ne souhaitais à quelqu’un de vivre avec une telle culpabilité sur la conscience... J’ignorais ce que j’étais en train de devenir. Ce que j’étais devenu non plus d’ailleurs.

J’avais toujours cru être fort, m’en être sortis et avoir atteint la perfection. Alors que la perfection n’existait pas. Personne n’était parfait. Surtout pas moi. J’avais souffert par le passé, blessé de subir autant d’injustice parce que je n’avais pas un physique avantageux, parce que je ne prenais pas soin de moi. Et j’avais désiré corriger ça, devenir quelqu’un de plus beau, de plus à la mode. Je disais m’aimer alors que je me berçais d’illusion. Je me détestais. Moi, celui que j’étais devenu et celui du passé. J’en aimais aucun des deux et à l’heure actuelle, je m’apercevais de cet affreux complexe qui m’avait poursuivi pendant toute mon enfance jusqu’à présent. Tandis que je contemplais mon reflet dans mon miroir, je me demandais qu’est-ce que j’avais bien pu me trouver ? J’avais honte et plus je m’observais, plus mes poings se serraient tant je me haissais. L’apparence ne faisait pas tout... La mode non plus. Je n’avais fait que suivre le mouvement, m’enfermant dans cet univers mondain et par mon idiotie, j’avais failli tout perdre. Est-ce que je pouvais encore changer ? Je supposais que oui cependant cela ne semblait pas être de la meilleure des façons. Mais plus rien ne serait pareil, j’aurais peur de la moindre chose. Je n’étais pas si fort et j’étais fatigué de ce visage que j’avais face à moi. Si seulement je le pouvais, j’aurais aimé qu’on me retire ce masque de peau... Mais c’était comme si, peu importait le nombre de fois où on me l’enlèverait, j’entreverrais toujours cette tête. Je n’avais pas de phobie particulière cependant plus j’avançais, plus je me rendais compte que ce dont j’avais peur en réalité n’était rien d’autre que... Moi.

Enervé, j’avais élancé mon poing contre la glace mais m’arrêtai aussitôt à l’entente de la sonnette de mon entrée. Qui était-ce encore ? Ne voyait-on pas que je n’étais pas disponible ? Je ne répondis pas de suite, crispant puissamment mes doigts au lavabo avant d’inspirer profondément. Ce n’était pas la première fois qu’on venait me rendre visite et j’avais bien conscience qu’à faire leur mort aussi longtemps, c’était la police que je finirais par avoir sur le seuil de mon palier. Après m’être aspergé la figure d’eau fraîche, j’enfilai un tee-shirt pour aller ouvrir à mon « invité ». L’expression que j’affichai en voyant mon amie d’enfance ne changea pas plus que ce qu’elle était déjà auparavant. Elle était si neutre, si impassible qu’on aurait dit que ça m’indifférait complètement de l’avoir ici. Ce qui était le cas par ailleurs. Tout m’était passé au-dessus de la tête dés le moment où j’avais eu cet accident de voiture. J’avais déjà oublié que j’avais promis à la jeune femme de l’appeler et je ne prêtais pas attention à sa fatigue, à sa santé et au ton inquiet qu’elle employait.

- Mon téléphone est cassé, Avais-je rétorqué froidement.

Même les paroles que j’adoptais, je ne les contrôlais pas. Je répondais machinalement comme un robot le ferait. Harumi n’était pas stupide, sans obligatoirement se rendre à mon appartement, elle avait dû comprendre que quelque chose était arrivée. Ce n’était pas si grave en soit. A mes yeux ça l’était.

- Je vais bien. Tu devrais rentrer maintenant. Ce n’est pas le moment et je n’ai pas envie de te voir.

En somme, je n’aurais plus jamais envie de la voir. Qu’elle ne cherche même pas, je risquais de me mettre en colère. Certainement que ce n’était qu’une façon de tout garder pour moi, de me dire que tout allait bien alors que tout allait mal. J’étais égoïste. Je lui avais promis de ne pas la lâcher mais encore une fois, je la laissais tomber. Et j’étais désolé pour elle, sincèrement. Même si je ne m’en rendais pas compte.