Well, you look a bit different than what I expected....

Après de longues recherches, elle avait fini par le retrouver ! Rina n'en était pas moins fière d'elle, bien qu'elle ne saurais avec qui partager sa joie. Si elle disait à ses parents qu'elle avait retrouvé le fameux voisin avec qui elle jouait étant petite, elle doutait qu'ils sautent de joie. Il n'y avait pas un repas de famille sans que cela ne tourne en « Tu te souviens, nos voisins qu'on avait à Tokyo... » avant de les critiquer. Donc c'était un peu limite. Ses amies ne comprendraient pas, alors elle ne pourra exprimer sa joie de le retrouver que lorsqu'elle sera face à lui.

Rina n'avait pas pu voir de photo comme il n'apparaissait mystérieusement sur aucune photographie et sur aucun site particulier. Ce qui était plutôt étrange. Elle se demandait comment il était devenu en regardant distraitement une des seules photos d'eux que ses parents avaient pris, un jour de grâce.  Il devait être devenu beau ! Beau et grand, avec un petit style soigné et classe, comme une idole. Elle était presque à ça d'en faire un croquis, même si elle l'idéalisait peut-être. Non, allez, elle allait éviter de penser qu'il avait des muscles parfaitement dessinés, il restait Japonais. Mais soyons optimiste, il ne pouvait qu'être beau.

La journée n'était pas suffisante pour s'apprêter, mais elle n'avait pas le choix. Sa coiffure était impeccable, de même pour sa petite robe d'été qui lui allait parfaitement bien. Une capeline et des lunettes pour se protéger du soleil (enfin, surtout pour la classe !) et elle s'était rendue en début de soirée dans le fameux quartier de Shizen. Elle aurait préféré pouvoir l'appeler avant, mais elle n'était pas parvenue à avoir son numéro de téléphone, malheureusement. En guise de preuve de qui elle était, elle avait pris son petit bracelet rouge pour le lui montrer une fois qu'il aurait ouvert, et c'est d'ailleurs après avoir vérifié une dernière fois le nom sur la porte, qu'elle frappa quelques coups sur cette dernière, attendant de le voir ouvrir.

Nooon ? Elle avait dû se tromper. Il lui ressemblait, c'est vrai, et il n'était pas laid, du moins, son visage, ça allait. Mais le reste ! Il était tellement mal habillé, elle avait envie de lui arracher ses vêtements pour en mettre d'autres. Pas possible. Elle se recula un peu pour vérifier le nom sur la sonnette, puis le regarda encore. Non. Allez, c'était une blague ? Peut-être qu'il hébergeait quelqu'un dans le besoin. Bon, il lui ressemblait, mais ça pouvait être un cousin. Elle essaya de voir discrètement au dessus de son épaule pour voir s'il y avait une autre personne. On dirait bien que non, mais l'espoir faisait vivre.

« Hm... Je suis Mizuhara Rina. Je crois que je me suis trompée, je cherche votre homonyme. » Celui qui est grand, beau, et qui ressemble à une idole, lui, là. Pas toi. « Pardonnez-moi pour le dérangement. »

Elle baissa un peu la tête pour s'excuser plus platement, avant de remonter son sac sur son épaule et le dévisager à nouveau. Peut-être qu'il faisait une dépression et que c'était pour ça qu'il portait ce genre de vêtement ? Le pauvre, si c'était ça, il devait vraiment être au bout de tout !

L'ambiance à Nishinaka avait toujours semblé bizarre aux yeux de Kazuma. Il n'avait jamais aimé cette technologie parasite et exubérante qui menait tout un chacun à s'isoler et à considérer les autres comme de potentiels... suiveurs ? Des moutons ! Ils devenaient tous des moutons, autant les jeunes que les plus âgés, une fois qu'ils entraient dans le monde soi-disant merveilleux de la technologie. Au final, qu'est-ce que cela leur apportait ? Ces gadgets leur facilitaient prétendument la vie et leur permettaient de gagner quelques précieuses minutes d'existence, mais dans quel but ? C'était uniquement du temps disponible pour s'abrutir un peu plus devant un écran ou l'autre, pour oublier un peu plus les choses importantes de la vie, et devenir finalement un produit de consommation qu'il refusait d'être. Il ne voyait vraiment aucun intérêt à une telle façon de vivre et, même s'il connaissait les risques, Kazuma refusait de se plier à de telles règles de vie, quitte à mener son existence en marge des autres.

Pourtant, même en agissant de la sorte, ce très cher professeur de mathématiques avait ses habitudes, ses coutumes auxquelles il ne pouvait déroger. Se faire un peu de café le matin, corriger des copies avant le repas du midi, prendre son repas calmement, relire les copies, lire quelques chapitres du énième livre dont il avait entamé la lecture, et finalement se reposer un peu, en vérifiant que tout était prêt pour la journée suivante. Une existence palpitante, en son sens, puisqu'il n'avait jamais vraiment cherché à acquérir une quelconque vie sociale, ou du moins pas au sens que bien d'autres connaissaient. Il vivait bien, tranquille chez lui, avec ses livres, ses habitudes et son intelligence, au sens où il l'entendait, car il était certain qu'il possédait une meilleure mémoire qu'une personne habituée à accéder à toutes les informations en un clic ou deux.

Quand on vint frapper à sa porte, Kazuma leva un oeil intrigué en direction de cette dernière. Qui pouvait-ce être ? Il n'attendait personne, et espérait sincèrement qu'il ne s'agissait pas de l'un de ces idiots qui venaient parfois vanter les mérites de l'un ou l'autre appareil électronique ultra-sophistiqué dont il faisait bien peu de cas. Qu'en aurait-il fait ? Il n'en aurait de toute façon pas voulu. Il fut encore plus sceptique au moment où il ouvrit la porte et découvrit le visage d'une prétendue Mizuhara Rina. Rina ? Voilà qui était bien surprenant, mais pas impossible. Quand elle expliqua s'être trompée, il ne sut que penser, mais abandonna un peu cet air incrédule.

« Rina ? » Répéta-t-il après un moment. « La Rina du bracelet ? »

Le bracelet en question serait devenu bien trop petit pour le poignet de l'homme qu'il était devenu, s'il l'avait porté, mais il le conservait précieusement. Rina était une personne qu'il ne pouvait pas oublier, mais même si le visage de la femme qui se trouvait là lui semblait familier, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle était différente, bien différente.

«   Qu'est-ce qui vous amène ici ? »

Oh, queue de cochon, c'était bien lui. C'était Kazuma. Il n'aurait pas pu lui parler du bracelet si ça n'avait pas été lui, n'est-ce pas ? Donc, pas vraiment de doute possible. Rina ne savait pas trop quoi faire, ni quoi dire. Elle hocha la tête, presque timidement quand il lui demanda si elle était « La Rina du bracelet ». Elle avait envie de lui demander s'il était en dépression, de lui expliquer pourquoi il était si mal habillé, mais il paraît que ce n'était pas le genre de question qu'on posait à un type qu'on retrouvait après des années. Elle ne savait même plus quoi lui dire, et l'entendre lui parler si formellement la déstabilisa davantage. Elle avait vu qu'il était devenu professeur, c'était peut-être pour ça qu'il avait l'air un peu... Vieux ?

Pour le coup, elle avait juste envie de baisser la tête et de faire demi tour, de repartir d'ici, comme si elle n'était jamais venue. Voilà ce qu'elle aurait sincèrement envie de faire face à lui actuellement, mais ça ne se faisait pas, et il connaissait son nom. C'est bête. Allez, trouve un truc à dire. Pourquoi t'es là ? Un peu sans réfléchir, elle leva le bracelet rouge qu'elle avait amené avec elle, souriant de manière étrange, ne sachant pas elle-même ce qu'elle pouvait dire à ce type.

« Tu te souviens ? On avait dit qu'on devait se marier avant nos trente ans ! »

Sérieusement, t'as envie de te marier avec un type comme ça ? Non. Mais quelque part, s'il s'habillait aussi mal, il devait faire des économies. Donc il avait de l'argent. Alors... De sa vie, elle n'avait, il lui semblait, jamais autant en osmose avec lui qu'avec quelqu'un d'autre. Mais peut-on comparé des sentiments d'enfant à ceux qu'elle ressentait une fois adulte ? C'était stupide. Pourtant, quelque part, elle était un peu déçue. Elle avait longtemps pensé le recroiser un jour, mais elle avait tout imaginé sauf cela.

« Enfin, je ne veux pas dire que je suis venue là pour qu'on se marie ! »

Oui, bon, un peu quand même, mais elle avait comme un doute maintenant.

« Mais je voulais quand même te revoir un jour. »

Histoire d'être déçu, voilà, comme ça. Ça lui prenait parfois, elle aimait bien être déçu, c'était son sentiment de prédilection ; la déception. C'était un peu abusé, quelque part, elle le jugeait sans le connaître et elle n'aimait pas ça. C'était juste son aspect physique, sa façon de parler, ce qu'il dégageait... Ça inquiétait un peu trop la jeune fille qui se demandait vraiment s'il était juste dans un mauvais jour où s'il avait réellement changé à ce point.

C'était pour le moins inattendu. Une ancienne voisine, dont il n'avait plus eu de nouvelles depuis bien longtemps, qui refaisait son apparition soudainement, un jour où il s'attendait à ne voir personne. S'il avait osé, Kazuma aurait pensé qu'il s'agissait là d'une magnifique intrigue pour un bouquin, mais il n'écrivait pas et préférait lire qu'inventer, alors il garderait cette pensée pour lui à jamais. Dans tous les cas, il se demandait pourquoi Rina était soudainement revenue dans sa vie, à l'instant même, et sa réponse lui fit légèrement froncer les sourcils. S'il s'en souvenait ? Bien évidemment qu'il s'en rappelait.

Cela devait faire quelques années qu'il ne l'avait plus vue et, même si cela pouvait paraître étrange, Kazuma n'avait jamais oublié cette promesse qu'il avait faite. Oh, il n'en avait pas pour autant fait une règle de vie, bien que ses parents continuent d'espérer pour lui qu'il trouve un jour une personne avec laquelle il ferait sa vie, mais il n'avait pas pu effacer de son esprit le souvenir de son amie, sa voisine, dont il avait été séparé sans rien pouvoir y faire.

« Bien sûr que je m'en rappelle. » Dit-il en souriant un peu.

Arriver comme cela et lui rappeler qu'ils devaient se marier aurait été mal venu de la part de la jeune femme, mais la raison qu'elle donna ensuite était bien plus rassurante et cela arracha un sourire au professeur, qui n'arrivait pas pour autant à reconnaître l'amie avec qui il avait vécu une bonne partie de son enfance. Elle semblait bien moins naturelle, bien plus... proche de tout ce qu'il pouvait voir dans son environnement, avec toute cette technologie et ces gadgets stupides. Il espérait vraiment qu'elle n'était pas devenue l'une de ces personnes qui ne juraient que par cela. Sa beauté n'aurait alors d'égale que sa bêtise.

« Vous... , commença-t-il avant de se raviser, tu veux rentrer un peu ? »

Lui parler comme à une parfaite inconnue n'était pas la solution la plus judicieuse, et il était plutôt heureux de retrouver son amie, alors il ne pouvait que lui montrer en lui proposant d'entrer, et de boire un verre si elle le souhaitait. De manière générale, il ne recevait pas grande monde, n'étant pas forcément proche de ses collègues ou de ses voisins, mais il avait toujours de quoi offrir quelque chose. C'était pourtant évident ; il ne fallait pas prévoir à la dernière minute et une visite pouvait parfaitement arriver, alors il ne fallait pas compter sur l'immédiat. Il n'aimait, de toute façon, pas devoir faire les choses dans l'urgence.

« Tu résides dans le coin ? »

Il s'en rappelait ! Rina ne devrait pas être aussi contente et déçue à la fois. En réalité, elle se sentait un peu comme si elle avait commandé des chaussures chez Zalando et qu'en ouvrant la boite ce n'était pas comme elle se les était imaginée. Elles étaient jolies, mais pas aussi jolies que ce qu'elle aurait voulu et ça n'allait pas aussi bien à son pied que ça ne devrait. Retrouver Kazuma, c'était pareil. Il n'était pas aussi beau qu'elle l'aurait voulu, pas aussi bien habillé et il n'allait pas vraiment avec elle. Elle était trop jolie pour ça.

Cependant, Rina ne put que rire un peu quand il lui proposa d'entrer, parvenant enfin (ou, plus ou moins) à la tutoyer. Enfin un peu de familiarité. Ils avaient passé leurs enfances ensemble, ce n'était pas rien. C'était tellement bizarre de se revoir, quinze ans après. Elle avait gardé une photo d'eux deux chez ses parents, et ils avaient tellement changés. Quelque part, elle pouvait encore le reconnaître, grâce à ses yeux, mais tout était différent sinon. Une fois à l'intérieur, elle regarda autour d'elle, profondément fasciné par le lieu de vie de cet homme. Pas de télévision ? Et ce truc là-bas, c'était un ordinateur ? Non ? On dirait mais en même temps, ça avait l'air tellement vieux. Fronçant un peu les sourcils, elle releva le visage quand il prit la parole, lui demandant si elle vivait dans le coin. À Shizen ? Sérieusement ? Jamais de la vie !

« Heu, non, pas vraiment, j'habite à Narikin pour l'instant, dans la Diamonds Street. Mais je pense que je ne vais pas tarder à déménager, je ne peux pas garder mon appartement. »

Elle le savait, il y avait de fortes chances qu'on vienne lui dire qu'elle devait vendre ses meubles et quitter son appartement puisqu'elle était incapable de payer le loyer. C'était triste. Elle avait du mal à se voir vivre chez Kazuma, ce n'était pas vraiment son genre d'endroit, mais bon, ses parents ne voulaient plus d'elle. Et elle était en âge de se trouver un homme, elle ne pouvait pas squatter chez Erena, ça ne se faisait pas !

« On m'a dit que tu étais prof à la mairie. Qu'est-ce que tu enseignes ? Tu dois avoir de la patience pour enseigner à des ado', j'en serais totalement incapable. »

Un petit sourire orna ses lèvres. À vrai dire, elle n'avait pas la patience d'expliquer à une vendeuse ce qu'elle voulait concrètement alors faire cour à des enfants, certainement pas. Ce serait le comble du comble pour elle !

Était-il bizarre à ce point? Kazuma n'en avait pas l'impression. Depuis toujours, il jugeait que la technologie n'était que facultative et que son mode de vie était parfaitement acceptable comme il était, alors pourquoi aurait-il du se préoccuper à un tel point de l'image qu'il donnait aux autres? Pour être honnête, il ne pensait même pas qu'il soit possible de lui reprocher quoi que ce fut, comme il n'accordait pas de réelle importance à ce qui pouvait se dire de lui. La seule chose qui le perturbait un peu, à cet instant, était le changement qu'il pouvait constater chez son amie d'enfance. Elle était bien différente avant, sans doute l'était-il également, mais il n'estimait pas avoir changé dans une telle mesure.

« Oh, je vois... » Dit-il en réfléchissant un peu aux propos de son amie. «  Tu as eu des problèmes?  »

Dans cette ville, on n'était jamais sûr de rien, même s'il ne comprenait pas vraiment quelles pourraient être les raisons pour lesquelles elle ne pourrait pas le garder. Peut-être s'agissait-il juste de problèmes avec son propriétaire? Ou d'un animal qu'elle aurait voulu adopter, chose impossible dans certaines résidences? Il y avait beaucoup de solutions. Mais il n'était pas question de la questionner de trop à ce sujet, évidemment, et il préféra se tourner vers sa cuisine, espérant y faire passer du café ou y préparer un peu de thé.

« Tu souhaites boire quelque chose?  » Demanda-t-il alors, avant d'entendre la question de Rina. « J'enseigne les mathématiques.  »

Ah, cette fierté que l'on pouvait lire dans son regard était si belle! Si seulement il avait su à quel point ce n'était pas une passion pour le reste du monde. Après tout, généralement, les élèves fuyaient ce cours comme la peste lorsqu'ils en avaient l'occasion. Pourtant, au fond de lui, Kazuma avait l'intime conviction qu'il avait toutes les chances de son côté pour ce qui était de motiver ses élèves à suivre le même parcours que lui. Il sourit un peu à son amie, se préparant du café tranquillement, attendant la réponse de son amie à sa question. Il finit néanmoins par reprendre la parole en souriant un peu.

« Et toi? Je présume que tu n'oeuvres pas dans l'enseignement, du coup. »

Cela semblait être une évidence, compte tenu de ce qu'elle avait dit, mais peut-être travaillait-elle avec des enfants plus jeunes, ou dans un domaine bien différent. Il ne savait pas vraiment dans quoi Rina aurait pu se lancer et, compte tenu du temps qui s'était écoulé et des changements qui avaient du s'opérer, il avait un peu de mal à cerner son amie qui, pourtant, avait été extrêmement proche de lui dans leur enfance.

Un brin nostalgique, Kazuma s'était remis à penser à ce moment où ils étaient encore voisins et où ils s'étaient si naïvement offert ces bracelets. Il avait du mal à se dire que tant de temps était passé, mais cela ajoutait un peu au bonheur de la revoir.

En tout cas, Kazuma avait l'air toujours aussi gentil, c'était déjà ça. Elle ne savait pas trop comment faire avec un homme comme lui. Il était bizarre, complètement opposé à tout ce qu'elle connaissait. Des hommes dans sa vie, elle en avait eu, et elle avait appris avec chacun d'eux. Mais aucun ne ressemblait à Kazuma, et elle pouvait l'affirmer après le peu de temps passé ici. Elle haussa juste les épaules quand il lui demanda si elle avait eu des problèmes, pas encore assez folle pour raconter toute sa vie à quelqu'un qu'elle venait de rencontrer.

« Du thé, s'il te plait. »

Elle était presque sûre qu'il en avait donc bon, tant qu'à faire. Elle n'avait pas très envie de boire quelque chose mais en général, ça tenait les conversations et les faisait durer plus longtemps. Rina était sincèrement fasciné par cette rerencontrer. Parce que ça lui semblait surréaliste, il était si loin de ce qu'elle avait pu imaginer, pourtant, si elle y réfléchissait bien, le garçon qu'elle avait connu n'était pas tellement différent. Il se prenait déjà pour un petit prof quand ils jouaient dehors, avec des découvertes incroyables et des explications faramineuses à chaque fois qui la faisait autant rire que piquait sa curiosité. Les mathématiques, c'était barbant, et elle avait grimacé à l'entente de cela quand bien même ce n'était pas non plus la chose la plus surprenante du monde.

« Non, l'enseignement, ce n'est pas mon truc, je n'ai jamais eu de patience et je divague assez rapidement. » Au moins, elle avait la foi de l'avouer. Elle passait d'un sujet à l'autre sans s'en rendre.  « En fait je suis dans le mannequinat mais en ce moment c'est assez calme, j'essaie de réfléchir à, je sais pas, peut-être changer de carrière, même si je n'ai pas la moindre idée de ce que je pourrais faire. »

Ce qui était assez bête, surtout qu'elle avait vraiment besoin d'argent mais qu'elle ne voulait pas faire n'importe quoi non plus. Professeur, il fallait du courage. Elle n'avait jamais rien aimé d'autres que le mannequinat, avoir de l'attention, de beaux cadeaux et être adulé. Que faire après ça ?

« Tu vis seul ? Enfin j'espère que je ne vais déranger personne, ta petite-amie va se demander ce que fait une inconnue dans ton salon si elle arrive. »

Allez, c'est une manière comme une autre de savoir s'il avait quelqu'un dans sa vie, et avec le rire innocent de Rina, il y avait fort à parier qu'il n'imaginait pas qu'il s'agissait là d'une odieuse stratégie pour dénicher la vérité !

Quand il entendit la réponse de son amie, il hocha la tête. Il faudrait un peu de temps pour cela, mais il ne jugea pas nécessaire de lui expliquer qu'il n'utilisait pas des sachets, "comme toute le monde". Il trouvait que l'arôme n'était pas le même, que c'était gâcher de belles plantes, ou tout simplement qu'il ne servait à rien de faire du thé si c'était pour le faire de cette manière. Il sortit donc une théière afin de la remplir d'eau, s'occupant de la mettre à bouillir alors qu'il discutait avec la demoiselle, de son travail et de toutes ces choses qui faisaient d'eux ce qu'ils étaient devenus avec le temps.

À l'entente du mot mannequinat, le visage du professeur se fendit d'un sourire. Cela lui allait bien, même si son intérêt pour le domaine était aussi petit qu'un micron. Aurait-il pu nier la beauté de son amie sans avoir l'impression de mentir? Elle était belle, et il n'était pas difficile d'affirmer qu'elle devait compter parmi les plus belles qu'il connaissait, car il n'avait pas fréquenté beaucoup de femmes au cours de sa vie.

« Ça te va bien... » Répondit-il, un peu amusé, avant de reprendre. « Tu n'as vraiment aucune idée? »

Dans tous les métiers qu'il connaissait, combien étaient abordables pour une demoiselle comme Rina? Il réfléchit un peu avant de reprendre la parole, pensif.

« Quel diplôme possèdes-tu? »

Oui, car il allait de soi qu'elle possédait un diplôme, tout comme lui en avait eu un. C'était presque une évidence pour celui qui ne jurait que par l'enseignement et les examens qu'il faisait passer à ses étudiants lorsque le moment était venu. L'idée qu'elle ait pu faire carrière sans cela lui semblait totalement folle et ne lui avait pas effleuré l'esprit un seul instant.

Continuant sa préparation du temps, il rit un peu à la question de la demoiselle, abandonnant le tout derrière lui pour la rejoindre, désignant le canapé du salon pour l'inviter à s'y asseoir une fois qu'il avait saisi le livre qui gisait dessus depuis qu'il était allé ouvrir la porte à la jeune femme.

« Oui, je vis seul. » Répondit-il alors qu'il allait remettre le livre à sa place dans la bibliothèque qui trônait fièrement au milieu de la pièce, pleine de livres en tous genres. « Vu la taille de l'endroit, ce n'est peut-être pas plus mal. »

L'appartement en lui-même était plutôt petit, et il allait sans dire que l'équipement n'était pas des plus sophistiqués, pour ne pas dire qu'il était carrément rudimentaire. Jamais il ne s'était résolu à utiliser ces objets que tant admiraient, louaient. Il était bien plus à l'aise avec ses habitudes, bien que celles-ci soient légèrement difficiles à combiner. Il jeta d'ailleurs un regard à son horloge avant de retourner à la cuisine pour servir le thé, revenant avec les deux tasses avant d'en poser une devant la demoiselle.

« Si j'avais su que tu vivais dans le coin, j'aurais pris des nouvelles plus tôt. » Avoua-t-il ensuite, souriant un peu.