Caution, we are just married • |

Les mains posées contre ses côtes, Kyohei ne pouvait s’empêcher d’observer l’intérieur de son appartement d’un air songeur. C’était la première fois depuis longtemps que celui-ci était autant en bazar. Des tas de cartons étaient éparpillés au milieu de la pièce, un panier pour chien, des accessoires pour chat... Pour sûr, que son logement allait prendre de la couleur désormais. En soit, il n’était pas compliqué, il ferait avec. Du moment qu’on ne peignait pas ses murs en rose fuchsia, ça irait probablement. Inspirant profondément comme pour s’encourager, le jeune homme fit demi-tour, descendant les escaliers en courant afin d’aller se saisir d’autres affaires qui traînaient à l’extérieur et qu’ils avaient emmené. Oui « ils », Yui et lui, car ils emménageaient ensemble. Ce serait un peu bizarre qu’un mari et sa femme ne partagent pas le même toit. Oui aussi, ils s’étaient réellement mariés. Sur un coup de tête également. Néanmoins, le jour suivant leur soudaine lubie, ils en avaient discuté avec plus de sérieux, expliquant les avantages et les inconvénients d’une telle union. Presque ils auraient inscrit une liste des choses sur ordinateur cependant ils s’étaient contentés d’en parler pendant de longues heures. Ils n’avaient jamais été aussi calmes et assidus ensemble, sans tenter une blague, sans se disputer non plus. Finalement, ils avaient conclu que se marier, ce n’était pas si bête. Premièrement, ça leur permettait de ne pas être placé au même stade que les vieux trentenaires célibataires mais en plus être en couple, marié, ça apportait beaucoup d’avantages. Que cela soit pour acheter un appartement, faire un crédit ou tout autres types d’affaires. Donc, ils s’étaient mariés. Comme ça.

Flash back :

Être NSA avait vraiment ses privilèges. La date qu’on leur avait donné à la mairie n’était pas très éloigné mais assez pour eux qui avait espéré plus tôt. Alors sans l’annoncer à sa futur femme, le magicien avait profité d’un arrêt au QG pour voir le maire en personne. Si cet homme impressionnait beaucoup de monde, il ne l’impressionnait pas lui et c’était sûrement l’une de ses plus grandes qualités au sein de ce travail. Ceux qui avaient peur étaient les premiers à couler en général. Bref, grâce à Terazawa, le mariage avait été avancé et une semaine plus tard, les voilà tous les deux à la mairie. Quelques jours avant, ils en avaient profité pour aller choisir leur alliance et ne s’étaient pas pris la tête. De beaux bijoux, argentés et qui étaient évidemment assortis l’un à l’autre. Ca les avait fait sourire comme deux gamins à qui on annonçait un départ en vacances. Non, eux, ils allaient se marier. Pareil.

Vêtu d’un somptueux costume noir, Kyohei avait sorti le grand jeu, après tout même s’il s’agissait d’un mariage à la « one again », ce n’était pas un jour comme les autres. Yui avait opté pour un tailleur assez chic, de couleur blanc cassé et ses cheveux longs étaient détachés, tout juste posés sur son épaule. Il avait été agréablement surpris, peu habitué à l’avoir dans de tels vêtements mais ça aurait été mentir de dire que ça ne lui allait pas.

Ils n’avaient pas d’invités, ils n’étaient que tous les deux, préférant n’ameuter personne et rester dans leur petite bulle. Ils ne souhaitaient pas qu’on les dissuade, ils avaient fait leur choix et de toute manière, selon eux, c’était mieux en intimité.

Très vite les salutations se firent, tous deux devant le bureau d’un adjoint du maire qui commençait le discours habituel. Chacun lisant ce qu’on lui disait de lire, s’échangeant des sourires complices parfois, on pouvait ressentir malgré tout à quel point ces deux là étaient proches.

Fin du flash back

Posant le dernier carton sur le sol de son appartement, Kyohei essuya son front d’un revers de bras avant de partir dans la cuisine, enjambant tous les obstacles sur son chemin puis revint avec deux verres et une bouteille de soda. Le sourire aux lèvres, il tendit le sien à celle qui était désormais sa femme.

- Allez maintenant on trinque, on l’a bien mérité ! Dit-il avant de cogner les coupes ensemble, Tu te rends comptes un peu ? On est marié. Et tu vas vivre chez moi. Si on m’avait dit ça il y a quelques mois, je ne l’aurais jamais cru.

En plus elle avait des animaux et s’il aimait bien les chiens, le jeune homme n’avait jamais eu un excellent feeling avec les bêtes. En particulier avec son chat qui devait encore avoir en travers le gorge cette soirée où il l’avait arrosé sous la douche. Mais tant pis. La famille Tachibana s’agrandissait, il fallait s’y habituer.

Un petit sourire aux lèvres, Yui montait les escaliers tranquillement, un carton en mains. Elle était un peu trop perdue dans ses pensées pour se rendre compte que le carton faisait son poids. Ce n'était que des habits, mais ils étaient lourds. Et depuis quand avait-elle autant de vêtements d'ailleurs ?
Elle était mariée. Elle-même n'en revenait pas. Elle avait toujours pensé être la dernière femme au monde qui serait mariée. Elle avait toujours eu du mal à s'imaginer dire oui à quelqu'un. Et voilà qu'elle l'avait fait. Avec Kyohei en plus. Les raisons de ce mariage soudain étaient encore un peu floues,
Mais elle s'en fichait, elle était heureuse, et c'était le plus important. Elle entra dans l'appartement du jeune homme et déposa le carton sur un tas d'autres cartons. Elle sourit à Sou qui était couché dans son panier et s'amusa de voir Black faire le tour de l'appartement.

Profitant de ce moment, elle tendit le bras devant elle et regarda sa main, plus précisément son doigt. Une bague y était accrochée et brillait joliment. Elle sourit. Ce qu'ils avaient fait était totalement idiot. Voir pire. Mais ils pouvaient en tirer certains avantages.
Yui, elle, voyait là un moyen de ne pas se retrouver seule. Elle avait toujours été accompagné de ses animaux, mais après une longue journée de travail, elle pensait que se confier à une autre personne était plus enrichissant. Elle se plaignait souvent auprès de Sou et Black, mais ça n'avait pas le même effet qu'une présence humaine à ses côtés.

Elle laissa tomber son bras mollement le long de son corps, songeant à la réaction de ses parents. Elle avait juste envoyé un message à sa mère pour lui dire qu'elle devait leur annoncer quelque chose... Elle ne savait même pas comment ils allaient réagir.
Elle avait aussi envoyé un message à sa meilleure amie, Hanae. Elle ne lui avait pas encore tout raconté en détails, mais lui avait juste dit qu'elle s'était mariée. Elle était curieuse de voir sa réaction.

Le sourire aux lèvres, elle accepta volontiers le verre que lui tendait son mari. Elle trinqua avec lui, puis but quelques gorgées. Elle hocha simplement la tête : elle non plus n'y aurait pas cru !

Le plus dur allait certainement être de convaincre les proches que oui, c'était une bonne idée. Pour deux adolescents perdus en pleine crise rebelle, oui, c'était une bonne idée. Pour deux adultes réfléchis et ordonnés, ça l'était moins. Mais ils allaient trouvé de bons arguments, elle en était certaine.

Elle déposa son verre sur la table basse et regarda les différents cartons qui traînaient sur le sol. La journée allait être pleine de rangement dis donc.
Elle s'accroupit et en ouvrit un premier. Des vêtements. Elle en ouvrit un autre. Oh, encore des vêtements. Elle jeta un rapide coup d’œil vers Kyohei, espérant qu'il y aurait assez de place dans l'armoire pour pouvoir tout mettre. Elle lui lança un petit sourire désolé avant d'ouvrir un troisième carton. Oh, elle venait de trouver sa tablette et son ordinateur portable ! Bien. Elle avançait. Doucement. Qu'est-ce qu'elle cherchait déjà ?

« J'ai combien de cartons de vêtements ? Trois ou quatre non ? », demanda-t-elle en observant les cartons autour d'elle, « Peut-être cinq. De toute façon, le plus important, c'est dans ce carton », finit-elle en désignant un carton déjà ouvert.

Il y avait dedans sa tenue de sport préférée, ainsi que d'autres vêtements qu'elle adorait porter. Donc le meilleur carton, en soit.

« On commence par quoi ? J'pense que le plus long ce sera de ranger les habits. Y a assez de place dans l'armoire au moins ? Sinon c'est pas grave, on improvisera. Je peux laisser des habits dans un carton, y en a que je mets pratiquement jamais. C'est utile de les avoir tu me diras », raconta-t-elle tout en fouillant dans les cartons ouverts, « Par contre, comme t'as rien accroché aux murs, je veux pas t'imposer d'accrocher mes photos, donc je pourrais toujours les poser sur un meuble »

Elle leva la tête vers le mur en face d'elle avant de se tourner vers Kyohei.

« Tu voudrais pas changer la couleur de tes murs, d'ailleurs ? »

Des vêtements ? Kyohei avait le stricte nécessaire, il n’aimait pas se surcharger et pensait que s’encombrait de choses inutiles ne servait à rien. Evidemment, dire qu’il n’avait quand même pas beaucoup d’affaires serait mentir toutefois comparé à Yui, probablement que ce qu’il avait n’était rien comparé aux siens. Quand elle lui avait fait la remarque, le jeune homme n’avait pu s’empêcher d’écarquiller les yeux, songeant qu’il ne comprendrait jamais les femmes. Entre les tas d’ustensiles de maquillages, les shampoings et soins pour les cheveux, les crèmes pour les corps, elles avaient toujours ce besoin incessant d’avoir une tonne de fringue. Heureusement, il avait une grande armoire, elle pourrait y mettre ce qu’elle voulait du moment qu’elle rangeait bien et qu’elle lui laissait sa part dans le placard.

Lui-même commença à ouvrir un des cartons, tombant à son tour sur des affaires et il leva les yeux au ciel avant de les diriger vers sa femme. Comment ça « repeindre les murs » ? Ils étaient blancs et ils étaient très bien ainsi. Il en était hors de question. Kyohei aimait la simplicité et le blanc ça s’accordait avec tout, ça agrandissait la pièce aussi. Il ne voulait pas de beige, encore moins du rose, du bleu ou dieu ne savait quelle couleur. Certes, il s’agissait de leur appartement désormais et il était prêt de faire des efforts pour que ça leur aille à tous les deux néanmoins la peinture des murs, il resterait catégorique là-dessus. Il pouvait comprendre que ça donnait un point froid, que ça faisait triste également parce qu’il n’y avait rien de fixer dessus, qu’il n’y avait de cadres nul part cependant il était comme ça. Il n’aimait pas vraiment les photos non plus même s’il en avait quelques unes avec ses amis, elles étaient soigneusement rangées dans un album, dans un tiroir de sa chambre. Non pas qu’il en avait honte pour les afficher, simplement qu’à ses yeux c’était quelque chose de privée, quelque chose de précieux et qu’il préférait garder pour lui plutôt que les exposer. Peut-être que ça avait un petit côté égoïste, lui-même l’ignorer toutefois il se plaisait ainsi. Heureusement que Yui n’avait pas demandé une photographie pour célébrer leur union, fêter leur connerie, le garçon n’aurait su comment y échapper puis n’aurait pas eu d’autres choix que de la faire.

- Mes murs sont très bien comme ça, Finit-il par répondre en dressant son regard en sa direction, Si tu veux accrocher des choses, je ne t’en empêche pas. C’est moi qui suis ainsi, je ne vais pas t’obliger à faire de même donc si tu as envie, tu peux. Mais la peinture, non.

Yui pouvait le comprendre non ? En plus, c’était son appartement il y avait encore quelques jours, il s’y était attaché. S’ils avaient pris le sien plutôt que celui de la jeune femme était simplement que ce dernier était une location alors que Kyohei avait acheté son logement, il y a quelques années.

- Je pense que y a largement de la place pour tes vêtements dans la chambre, je te laisse t’en occuper, je vais ranger le reste.

Parce que bon, avec la chance qu’il avait, il tomberait sur le carton de sous vêtement et marié ou pas, le magicien préférait éviter ce genre de dérapage. Sa femme était assez grande pour se débrouiller toute seule, elle verrait où et comment les affaires du jeune homme était rangée, elle n’aurait qu’à mettre le reste à côté. Posant ce qu’il avait en main, il lui indiqua de la suivre, désirant lui montrant la pièce malgré tout. Yui n’avait jamais eu l’occasion de visiter et à présent, c’était le moment. Quitte à ne pas s’y rendre les mains vides, il avait porté un carton de vêtement et ouvrant la porte, il le déposa près de son armoire.

Même si le lieu restait assez froid, la chambre dégageait déjà une atmosphère plus chaleureuse que la pièce principale. Une guitare se trouvait au fond dans un coin, posé soigneusement sur son cercle alors que sur son bureau se trouvait différents papiers classés comme il le fallait. Et puis, il y avait sa bibliothèque. Celle dont il ne pourrait jamais se lasser avec des tas de livres à l’intérieur. Il y avait aussi un autre meuble où dedans, le garçon mettait ses accessoires de magie, ses cartes et tout autres objets qui pouvaient lui servir ou lui tenaient à coeur. Sur sa table de nuit, en plus d’un vieux réveil et d’une lampe située sur chacune d’elles, il y avait enfin un cadre avec une photo d’enfance : Ren et lui, au collège où les deux ados riaient comme des idiots.

- Voilà, si tu as besoin, je suis à côté.

Il lui sourit sincèrement, n’ayant pas grand chose d’autres à ajouter. Et dire que maintenant, ils partageraient également cette chambre tous les deux. Non, Kyohei ne réalisait toujours pas.

Hochant simplement la tête, Yui ne répondit rien. Elle voulait plus le taquiner qu'autre chose en demandant à changer la couleur des murs. Il s'attendait à quoi, qu'elle les peigne en rose ? Elle rit légèrement à cette pensée, imaginant mal le jeune homme vivre dans un monde où tous les murs étaient roses. Même ceux des toilettes.
D'ailleurs, elle aussi aurait du mal à vivre dans un appartement où les murs avaient cette couleur...

Elle se mit ensuite à regarder les murs autour d'elle, tentant d'imaginer ses photos ici et là. Mais elle avait vraiment du mal à imaginer la chose. Elle se voyait mal mettre que des photos de sa famille ou de ses animaux. Ca pourrait donner une impression bizarre aux gens qui allaient leur rendre visite. Ils ne verraient que des photos de la famille de Yui, son chien et son chat et rien qui concernait le mari. C'était étrange non ? Elle préférait alors rester sur sa première idée : elle se contenterait de poser ses cadres sur quelques meubles, dans la chambre là où ils ne dérangeraient pas.

Imitant Kyohei, elle prit un carton en mains et le suivit dans la chambre, où elle détailla la pièce du regard. Elle trouvait la chambre plus accueillante que le reste de l'appartement. Un petit sourire étira ses lèvres alors qu'elle posait le carton au salon avant de contempler à nouveau la pièce dans laquelle elle se trouvait.
Elle s'arrêta sur ce cadre photo qui traînait sur la table chevet. Elle voulut demander qui étaient les deux garçons, devinant que l'un d'eux devait être Kyohei. Enfin, logiquement...
Kyohei ayant quitté la pièce, elle se permit de prendre la photo en main pour la regarder d'un peu plus près. Elle reposa le cadre à sa place quelques minutes plus tard, le sourire aux lèvres avant de tourner sur elle-même.
C'était une guitare là-bas ? Elle s'approcha de l'instrument et l'observa. Elle ne savait pas jouer, mais trouvait le son d'une guitare vraiment envoûtant. Alors comme ça, son mari jouait de la guitare ? Elle en apprenait tous les jours.
Elle tomba ensuite nez à nez avec tous ses livres et ne put s'empêcher de sourire. Elle laissa glisser sur doigt sur l'un d'eux, se souvenant du regard que Kyohei avait ce jour-là, dans les archives. Elle n'en avait pas douté, mais elle pouvait en être sûre maintenant, Kyohei aimait lire.

Se secouant mentalement, elle commença à ranger ses habits dans l'armoire, faisant attention à ce qu'ils ne soient pas trop dépliés. Elle fit plusieurs fois le chemin entre la chambre et le salon.
Une fois tout parfaitement ordonné dans l'armoire, elle lâcha un gros « Tadaaaaaam !!! » qui fit sursauter Black non loin d'elle.
D'un pas bien trop énergique après tous les efforts fournis, elle rejoignit Kyohei.

« J'ai fini de ranger ! Et j'ai pas touché à tes habits, t'en fais pas. Y avait largement assez de place pour tout », déclara-t-elle tout sourire.

Elle se mit à jouer avec ses mains avant de les glisser dans ses poches, pour les croiser sur sa poitrine, avant de finalement les laisser tomber le long de son corps. Elle avait encore trop d'énergie à revendre et ne savait donc ni quoi faire ni où se mettre. Elle pouvait très bien courir sur place pour se dépenser un peu, mais elle n'aurait pas l'air maligne. Elle se mit donc à ouvrir un autre carton. Une fois la boîte ouverte, elle lâcha un « Oh ! » tout en se redressant et en se tournant vers son mari. Elle lui montra la photo.

« Ce sont mes frères, le plus jeune et le plus vieux », dit-elle en les désignant du doigt, « Cette photo date d'une bonne dizaine d'années, mais je l'aime trop pour la laisser dans un carton »

Elle aimait cette photo parce que l'on voyait qu'ils s'entendaient bien tous les trois. Ils étaient près d'un arbre, Yui était déjà accrochée à celui-ci, prête à le grimper, tandis que ses deux frères étaient de part et d'autre d'elle. Ils étaient toujours là, derrière elle, pour la retenir si elle tombait.

« J'espère que tu pourras bientôt les rencontrer. Ce sont des crèmes ! »

Et le sourire qu'elle avait aux lèvres démontrait parfaitement qu'elle aimait ses frères. Son regard brillant confirmait qu'ils lui manquaient, et son dandinement prouvait qu'elle était pressée de les lui présenter. Ils faisaient partis de la même famille maintenant !

Après avoir quitté la chambre, c’était les affaires fragiles que Kyohei avait décidé de ranger. Au moins ainsi il était sûr de ne pas tomber sur des objets trop personnels et il n’était pas nécessaire d’être deux pour savoir où aller tel ou tel objet. En silence, il avait déballé un à un les cartons, jetant de temps à autre des coups d’oeil vers sa chambre comme si faire ce geste lui permettrait de voir au travers et observer ce que faisait sa femme. Malgré lui, ça le perturbait. Sa chambre était l’endroit de cet appartement qui le représentait le plus et en dehors de ses amis les plus proches, très peu de personne avait mis un pied dans cette pièce. Il n’avait pas le choix aujourd’hui mais dire que ça ne le déstabilisait pas serait mentir. Haussant les épaules afin de se convaincre que ce n’était pas très grave, il s’en alla dans la cuisine pour ranger les nouvelles assiettes et tout autre couvert qui allait avec.

Lui-même n’avait pas compté les différents allées-retours qu’il avait effectué qu’alors qu’il s’apprêtait à ouvrir un nouveau carton, Yui revint dans la pièce, le faisant également sursauter. Il fallait réellement que Kyohei s’habitue à sa nouvelle vie, qu’il réalise que non, ça ne serait plus aussi calme et serait ainsi. Il avait toujours été habitué à vivre dans le silence que côtoyer des animaux et entendre sa compagne s’exciter de la sorte, il peinait à s’y faire. D’un sourire, il la remercia à son tour, ouvrant le fameux paquet dans lequel se trouvait différents cadres. La demoiselle en sélectionna un et c’était avec un véritable intérêt que le magicien l’écoutait tout en la regardant, toujours un peu plus curieux d’en apprendre sur elle. Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle ait des frères ou des sœurs... Lui qui n’avait jamais eu de famille s’imaginait souvent que c’était la même chose pour son entourage avant de se rappeler que non, certains avaient eu de la chance d’avoir des personnes pour s’occuper d’eux et les aimer comme il le fallait. Il ignorait comment ça aurait été pour lui s’il avait eu un petit frère ou une grande soeur, si sa mère l’aurait éduqué plus correctement et si son père serait resté auprès de lui pour lui apprendre la vie, à grandir. Quelque part, peu importait comment ça aurait été, il aurait adoré avoir quelqu’un avec qui il pouvait partager certaines choses. Il avait longtemps jalousé ses camarades de classe qui parlaient et racontaient leur joie quand ils rentraient à la maison pour jouer avec leurs frangins. Lui n’avait personne et traînait la plupart du temps dans la rue.

Maintenant, bien qu’il ne pouvait s’empêcher d’envier tous ces gens, quand on lui racontait un tel bonheur, ça lui donnait le sourire. Lui-même se surprenait à vouloir rencontrer les frères de Yui, sa famille tout court par ailleurs. Il aimerait voir de ses propres yeux comment c’était.

- J’espère aussi, Dit-il presque naturellement avant de s’emparer du cadre pour contempler la photographie de plus près, Vous avez l’air proche en tout cas.

Et pas uniquement grâce à l’image, l’esquisse sur les lèvres de la jeune femme montrait à quel point, elle avait l’air d’y tenir sincèrement.

- Et tu essayais de faire quoi là ? Grimper à l’arbre ? Se moqua Kyohei, Tes frères devaient avoir du pain sur la planche avec une soeur comme toi.

Ce n’était pas méchant et le rire doux qui s’échappait de ses lèvres en étaient la preuve. Si une part de lui restait toujours attristée, il y avait cette autre part qui adorait entendre les anecdotes et au bout du compte, plus il y songeait, plus il se disait que la famille qu’il construirait à l’avenir, il voudrait qu’elle soit comme ça. Il n’avait jamais réfléchi sur le sujet : avoir des enfants. Néanmoins cette histoire avec Ayumi l’avait longtemps perturbé. Il n’était certes pas prêt pour l’instant et ignorait s’il serait un bon père toutefois, s’il avait un enfant un jour, il espérait le rendre heureux autant que les pupilles de Yui reflétaient son bonheur d’antan.

Sans s’en apercevoir réellement le garçon s’était plongé dans un silence, observant une à une les différentes photographies qui se trouvaient dans le carton. Il y en avait un grand nombre mais celles qui le marquaient le plus étaient en général celles de famille. Même de ses parents, la jeune femme en avait l’air proche.

- Tu as l’air d’avoir une sacré famille, Ne put-il s’empêcher de remarquer dans un sourire, ses prunelles s’égarant vers elle.

Vraiment, s’il pouvait les rencontrer, bien qu’il stresserait assurément, Kyohei avait déjà hâte d’y être.

Elle se mit à rire à la remarque de son mari. Elle ne nia pas cela dit. Elle les plaignait, ils avaient dû la suivre partout à partir d'un certain âge. Surtout après sa blessure et sa chute. Ses deux frères la collaient comme jamais, sous demande de leur mère, pour veiller à ce qu'elle ne tombe plus de la même manière. Tomber, ça ne la dérangeait pas. Pas quand c'était pour accomplir quelque chose comme grimper au plus grand arbre du jardin, ce genre de choses. Se blesser à la cheville comme dernièrement, ça par contre, ça la dérangeait. Heureusement toute cette histoire était du passé maintenant. Sa cheville allait mieux, elle avait pu courir à nouveau.

« Je grimpais souvent aux arbres avec eux. C'était drôle. Ca l'est toujours d'ailleurs. Mais maintenant on préfère faire de l'escalade, c'est encore mieux », dit-elle doucement, « Le jour où tu les rencontreras, ils te le diront, que c'était terrible de me suivre partout. Ils se reposaient jamais, les pauvres », finit-elle en riant.

Ca devait être épuisant de suivre une pile électrique courir et sauter et grimper et ramper partout, toute la journée. Elle devait penser à les féliciter un jour, pour la peine. Elle pouvait même leur offrir des nouveaux mousquetons pour l'escalade, ou bien des nouvelles paires de chaussures. Ou bien les deux, tant qu'à faire.

« Oh oui, un sacré famille. Enfin, je dis ça en parlant juste de mes frères et de mes parents. Ma mère a aussi un sacré caractère et mon père... Bon mon père vit encore à une autre époque mais son caractère est tout aussi insupportable que le mien »

En y pensant, elle avait hérité du caractère de qui exactement ? Le mélange des deux probablement.. Ses mains se posèrent sur ses joues alors que sa bouche formait un joli petit « o ». Elle lança un regard compatissant à Kyohei avant de rire. Le pauvre, il allait devoir la supporter... et elle le plaignait presque déjà !
Le seul bémol de son caractère était peut-être cette envie de toujours vouloir mieux faire que les hommes. Elle pensait que sa force d'esprit était une bonne chose. Après tout, si elle n'en avait pas, elle n'en serait pas là aujourd'hui. Elle n'était que bibliothécaire, mais malgré ça, elle était tout de même assez respectée dans son travail.
Et puis, détail important, il avait impressionné Kyohei au début ! Elle avait réussi à impressionner un homme. Tellement qu'il la fuyait. C'était pas beau ça ?

« Au fait », commença-t-elle lentement, « Tu n'as pas de photos de ta famille ? »

A part la photo sur sa table de chevet, elle n'en avait pas vu. Elle n'avait pas vu de photo de sa mère ou même de son père. Est-ce qu'il avait des frères ou des sœurs ? Il n'avait pas de photos non plus.

« Le garçon sur la photo dans ta chambre, c'est ton frère ? », demanda-t-elle en déballant le carton et en commençant à ranger.

Etant donné que c'était la seule photo qu'elle avait vue, elle pensait que l'autre garçon devait avoir une certaine importance aux yeux de Kyohei. Donc un frère, peut-être.
Elle était curieuse de savoir à quoi pouvait ressembler la famille de Kyohei.
Maintenant qu'elle y pensait, que se passerait-il si elle ne convenait pas aux parents du jeune homme ? Après tout, elle n'était pas une femme comme les autres... et ça pouvait en déranger certains. Elle s'habillait à la mode, se maquillait de temps en temps, portait des talons, mais ne se comportait pas comme si elle était une petite chose fragile. Ca devait se voir ou se ressentir dans sa façon de parler ou même de marcher.

« Ce serait chouette qu'on puisse se faire un dîner, tous ensemble. Pour apprendre à se connaître », dit-elle tout en lui offrant un sourire doux, avant de poursuivre, « En tout cas je suis sûre d'une chose, mes frères t'adoreront »

Ils ne donnaient pas l'impression d'être « des crèmes » comme elle les avait décrit. Ils paraissaient robustes, et sûrs d'eux. Enfin, ils ne paraissaient pas, ils l'étaient.
Fort ou pas, une fois que ça concernait leur petite sœur, ils se transformaient presque aussitôt en deux peluches adorables.
Le pouvoir des femmes était sans limite !

Pas besoin de leur poser la question que Kyohei se doutait déjà de comment ça devait être d’avoir une Yui à la maison. Bien qu’elle avait grandi désormais, lui aussi allait devoir la côtoyer et la supporter mais en parallèle, elle devrait le supporter en retour. Parce que malgré tout, ils étaient assez différents et n’avaient pas d’autres choix que de s’adapter à l’autre. Il était loin d’être un grand sportif par ailleurs, ça lui arrivait parfois d’aller courir le matin pour se dégourdir les jambes néanmoins ça s’arrêtait là. La natation ce n’était pas son truc, l’escalade encore moins. Même s’il n’avait pas le vertige, il n’aimait pas l’adrénaline et avait toujours songé qu’il s’agissait d’une chose sans intérêt. En plus de ça, ça pouvait être dangereux. Paradoxalement, s’il y avait quelque chose que le jeune homme pouvait apprécier, c’était la vitesse. C’était pareil néanmoins lui certifierait que non, la sensation était différente.

Il adorait l’écouter, hochant la tête par moment, tentant vainement d’imaginer les parents de la jeune femme et l’ambiance qui devait y avoir chez eux le soir lorsque chacun rentrait de l’école. Ca devait être quelque chose. Vraiment. Au dîner, ça ne devait pas être comme lui qui mangeait tout seul dans sa chambre ou dehors grâce à cette épicière qui lui offrait un bentô tout juste préparé. La famille de Yui lui semblait grande et tellement conviviale à chaque parole que celle-ci prononçait. C’était assez incroyable de constater toutes ces différences qui existaient entre eux mais qui ne les éloignaient pas pour autant. Ca les rapprochait et qui savait, peut-être même que cela renforcerait leur lien qui s’élargissait déjà de jour en jour.

En silence, le magicien avait détourné son regard dans ceux de sa vis-à-vis, sans pour autant répondre à sa question. Il n’avait rien dit, se contentant de la contempler alors qu’il réfléchissait à ce qu’il aurait pu avouer. Ca l’avait replongé à une époque où pour se faire bien voir, le garçon s’amusait à s’inventer une vie, prétendre qu’il avait des parents géniaux mais qui n’étaient pas tout le temps là pour lui, que cela ne signifiait pas pour autant qu’ils ne l’aimaient pas. C’était sa manière d’essayer de s’intégrer, qu’on arrête de critiquer la femme qu’était sa mère et à lui, ça lui permettait de se rassurer, de se dire que sa vie n’était pas désastreuse du moment que lui même s’en convainquait. Jusqu’au jour où, à ses seize ans, il avait choisi de jeter les clefs de la maison et de s’envoler de ses propres ailes afin d’effacer ce passé qui l’avait plus blessé que ce qu’il répliquait. S’il avait une famille, pour l’instant, il s’agissait de ses amis. Et si Ren n’était pas son frère, Kyohei le considérait comme tel. Il n’y avait que le sang qui manquait mais ce n’était qu’un détail sans importance.

Pour le dîner ensemble, ça risquait d’être plus compliqué, du moins pour ses parents à lui et l’esquisse sur ses lèvres avait quelque peu faibli à la proposition de la demoiselle. Il aurait tant aimé pouvoir lui dire qu’il n’y avait aucun problème, qu’il essaierait d’arranger ça seulement il n’avait pas pu et s’était plongé dans un court mutisme, soufflant simplement. D’un geste assez vif, il reposa le cadre qu’il tenait entre ses mains avant de refermer le dessus du carton et de se redresser. Il en avait assez vu pour aujourd’hui.

- Tu veux boire quelque chose ? Demanda-t-il en ignorant toutes les questions précédentes, Tout ça m’a donné soif.

Sauf qu’il ne lui donna pas le temps de répondre qu’après avoir déclaré partir chercher de l’eau, il s’était échappé dans la cuisine afin de les servir. C’était dans un énième soupir que Kyohei avait quitté la pièce pour rejoindre sa femme au salon, lui offrant sa boisson dans un doux sourire. Il en but quelques gorgées avant d’aller se laisser tomber sur son canapé, ses coudes posés sur ses cuisses tandis que ses mains tenaient le verre.

- Ren n’est pas mon frère mais c’est tout comme, Finit par expliquer le jeune homme, non pas sans la regarder lorsqu’il parlait, C’est un ami d’enfance. On s’est connu au collège.

De toute manière, même s’il détestait parler de lui, il n’avait pas trop le choix. Ils étaient mariés à présent et il était impératif qu’ils connaissent des choses sur l’autre, en particulier sur leur famille respective.

- Mais je suis désolé, il n’y aura pas de dîner. Ma famille n’est pas aussi cool que la tienne. Enfin, elle n’existe carrément pas. Si j’appelle ma mère je la dérangerais sûrement même si ça fait des années que je ne l’ai plus vu. Et je n’ai pas envie de la voir de toute façon. On se contentera de la tienne, ce n’est pas grave.

Haussant les épaules comme pour montrer que ça ne l’affectait pas, le garçon reporta son attention à son eau qu’il but à nouveau. Bien sûr que ça lui faisait quelque chose, bien sûr qu’il aurait aimé avoir leur deux parents assis autour d’une table, malheureusement ce n’était pas possible donc il était inutile de se prendre la tête pour des détails futiles.

Yui avait la ferme impression que Kyohei était plus rapide que son ombre quand il s'agissait de fuir quelque part. Il avait le don pour trouver de bonnes excuses en plus. Parce que oui, elle avait aussi un peu soif.
Lorsqu'il revint, elle accepta le verre tout en le remerciant d'un signe de tête. Elle imita son mari, buvant quelques gorgées avant de prendre place à ses côtés sur le canapé.

Elle se tourna vers lui alors qu'il expliquait qui était le garçon sur la photo. Un petit sourire fin étira ses lèvres. Ce n'était pas son frère mais il le considérait tout comme, elle trouvait ça mignon. C'était un peu comme elle, qui considérait Jiro comme un grand frère. Même si Kyohei et son ami se connaissaient depuis bien plus longtemps qu'eux.

Elle voulut boire une autre gorgée d'eau mais fut interrompue quand son mari lui dit qu'il n'y aurait pas de dîner. Elle tourna donc son visage vers lui, écoutant attentivement chaque mot qui sortait de sa bouche. C'était tellement rare qu'il parle de lui qu'elle ne voulait rien louper.
A la fin des paroles de Kyohei, elle se sentit soudainement triste pour lui. Mais aussi désolée d'avoir lancé ce sujet de conversation-là. Elle aurait pu en choisir un autre, elle aurait parler du ciel, des oiseaux, et de la vaisselle. Néanmoins, elle n'aurait pas su tout cela si elle n'avait pas demandé.

« C'est pour ça que tu as parlé d'une dame la dernière fois ? Que c'était elle qui s'était occupée de toi quand tu t'étais blessé », lâcha-t-elle subitement.

Yui avait retenu cette information, parce qu'elle avait trouvé ça bizarre que des parents ne s'occupent pas de leur enfant.

Voyant bien que Kyohei semblait touché par tout ça, elle s'excusa rapidement. Après tout, qui ne le serait pas ? Elle trouvait ça plutôt triste de l'entendre dire qu'il dérangerait sans doute sa mère. Etait-ce vraiment possible de déranger sa génitrice ?
Yui savait que sa mère serait capable de parcourir des kilomètres rien que pour la voir, et même si ce n'était que pour 5 minutes. Son père aussi le ferait, mais à la différence de sa mère, il ne l'avouait pas. La fierté masculine, tout ça, tout ça.

D'un geste hésitant, mais doux, elle posa sa main sur l'avant-bras de Kyohei tout en lui offrant un sourire doux. Elle lui était reconnaissante d'avoir parlé, d'avoir répondu à sa question, et de ne pas avoir fuit sans dire quoi que ce soit.
Elle resta comme ça quelques secondes, avant de retirer sa main tout en s'excusant.
Elle voulait lui dire qu'il n'avait pas besoin de se faire de soucis, puisqu'elle était là maintenant. Mais elle ne voyait pas en quoi ça pourrait le faire relativiser. Elle se tut donc et tourna plusieurs fois son verre entre ses mains.

« Désolée d'avoir parlé de famille et tout ça. J'avais pas vu que ça te mettait mal à l'aise », dit-elle en jetant un regard vers lui.

Pour appuyer ses dires, un sourire désolé se dessina sur ses lèvres avant que son regard ne retombe sur son verre. Maintenant au moins, elle savait.
Elle grimaça légèrement, n'aimant pas l'ambiance qu'elle avait instauré. Ca devait changer.
Elle avala le reste de sa boisson puis se leva d'un bond.

« On a encore du pain sur la planche matelot ! »

Elle partit déposer son verre dans l'évier avant de revenir d'un pas déterminé. Ils allaient tout rangé aujourd'hui. Du moins, le plus de choses possible.
Elle s'accroupit donc, rouvrant le carton que Kyohei avait fermé et commença à aller et venir. Elle rangeait où elle le pouvait, où elle pensait que ça n'embêterait pas son mari.
Elle posa la photo avec ses frères et une avec ses parents dans la chambre. Elle laissa les autres dans le carton, et allait certainement les laisser là.
Elle regarda dans le fond du carton, et ne put s'empêcher de rire en voyant ce qu'il y avait. Il s'agissait de lunettes, avec un nez et une moustache accrochée, le genre de truc utile pour se déguiser rapidement.

« C'est à moi ça ? », dit-elle en sortant l'objet, « J'avais complètement oublié... »

Elle se tapa mollement la main sur le front, un rire toujours suspendu aux lèvres. Elle enfila alors l'objet sur son nez tout en se levant et se tourna vers Kyohei.

« Alors, ça me va bien ? »

Ca devait être très sexy tout ça...

Cette épicière, à l’heure actuelle, Kyohei s’en souvenait comme si c’était hier. Madame Ishikawa, s’il l’avait pu, il aurait voulu que cela soit elle sa mère. Malheureusement on ne choisit pas sa famille néanmoins pour le peu qu’il la voyait, la dame était toujours attentionnée et souriante avec lui. Il aurait bien aimé la revoir un jour néanmoins il lui semblait qu’elle avait quitté la ville il y a quelques années et que l’épicerie avait fermé. Mais malgré tout, ça ne l’avait pas aidé à être plus heureux à l’époque parce qu’elle n’était pas sa génitrice et que l’amour dont il aurait eu besoin manquait. C’était triste, avec le temps il s’y était habitué bien qu’il n’appréciait pas pour autant se confier et revenir à cette période. Ca ne l’avait pas déranger d’en parler à elle, elle était sa femme, elle était en droit de savoir et c’était presque naturellement que le garçon avait choisi de s’expliquer. Il avait eu envie de lui dire que ça ne l’avait pas mis mal à l’aise, qu’il avait été content d’apprendre ses diverses anecdotes et que de toute manière, il fallait bien qu’ils se tiennent au courant sauf qu’aucun mot n’avait franchi ses lèvres. Le sourire aux lèvres, il avait acquiescé avant d’ouvrir un autre carton et de commencer à ranger ce qu’il pouvait dans l’appartement. Concentré, et encore quelque peu perdu dans ses réflexions, Kyohei ne disait plus grand chose jusqu’à ce que Yui décide - encore - de faire le pitre. Et ça l’avait bien fait rire.

- Plus sexy, tu meurs, La taquina-t-il, amusé.

S’approchant sur ses paroles, le magicien lui fit signe de lui donner les lunettes et les plaça à son tour sur ses yeux. Ca ressemblait à certains de ses gadgets qu’il utilisait pendant un spectacle et qui permettait d’alléger une ambiance trop sérieuse dans les salles. Si bien que, contemplant sa femme, le jeune homme fut incapable de se retenir et mima une grimace des plus stupides avant de rigoler de sa propre bêtise.

- Aller, range moi ça au lieu de faire des conneries.

Comment ça c’était lui qui jouait aux idiots ? Non, Kyohei était une personne calme, timide et discrète, il n’était pas du tout ainsi. C’était sa colocataire qui risquait d’être surprise. Il savait également profiter et faire n’importe quoi lorsqu’il le voulait. En cet instant, probablement qu’il essayait de se changer les idées toutefois il lui était difficile d’effacer toutes ces choses qui encombraient son esprit.

Puis, il était reparti dans son rangement, les cartons se vidant les uns après les autres si bien qu’il ne restait désormais plus grand chose.
Assis sur son lit, le jeune homme essuya son visage de son bras avant d’admirer la chambre qui se retrouvait plus charger. Une nouvelle vie allait commencer, enfin, elle commençait déjà. Peut-être que ce n’était pas si mal. Il n’était plus seul et pouvait partager des tas de choses à présent. Il ignorait ce qu’adviendrait leur relation et pour l’instant, il n’y pensait pas en réalité. Juste que plus ils avançaient, plus il réfléchissait et plus il s’apercevait à quel point il avait besoin de ça. Personne n’aime la solitude de toute façon.

Quand sa femme arriva à l’entrée de la pièce, Kyohei lui arbora un doux sourire sans savoir ce qu’il signifiait vraiment. Il se surprenait tellement ces derniers temps que lui-même peinait à comprendre ses actes. Avec ses bras derrière la nuque, il se laissa tomber en arrière, s’affalant littéralement sur le matelas pendant que ses yeux fixaient le plafond.

- Est-ce que tu te rends compte sérieusement qu’on est marié ? Et tout ce que ça engendre aussi.

Parler de famille l’avait fait réfléchir sur un tas de choses et en particulier, sur eux.

- Ca veut dire plus de petit copain/copine, plus de bêtises non plus. Ce n’est pas bien que sur les impôts, c’est un vrai engagement. Et ce n’est pas que se côtoyer l’un l’autre comme de bons amis. On est censé être un couple.

Ca lui faisait bizarre de rétorquer cela mais n’était-ce pas l’indéniable vérité ? Un couple des plus farfelus soit, mais un couple malgré tout. Kyohei s’installa correctement ensuite, la regardant avec une expression des plus sérieuses collée à son visage.

- Puis, tu sais, fonder une famille tout ça. Tu veux des enfants ? J’ai jamais pu connaître tout ça alors moi, j’adorerais en avoir plein.

Si on abordait un tel sujet, ça devenait rapidement effrayant n’est-ce pas ? Mais, le magicien plaisantait, si bien qu’il se mit à rire précisant qu’il la taquinait. Il était bien ainsi pour le moment et si plus tard, il en avait déjà un, ça lui serait amplement suffisant.

Déposant ses quelques serviettes sur un nouveau tas, elle quitta la salle de bain tout en s'étirant. Ils avaient bien avancé, et il n'y avait presque plus rien à ranger maintenant. Elle observa rapidement les alentours et se dirigea lentement vers la chambre. Arrivée à l'entrée, elle répondit au sourire de son mari avant de s'avancer dans la pièce.
Elle n'aurait jamais cru pouvoir être aussi proche de lui. C'était difficile à croire, il la fuyait il y a quelques mois encore. Et aujourd'hui ils étaient mariés. Il n'y avait décidément aucune logique ces deux-là.

Elle prit lentement place aux côtés du jeune homme sur le lit, s'asseyant tout en observant la chambre à présent un peu plus pleine qu'avant.
Quand elle l'entendit à nouveau parler elle tourna la tête vers lui avant de laisser son regard se perdre sur le mur d'en face. Honnêtement, elle n'en revenait toujours pas d'être mariée. Elle savait que cela engendrait pas mal de choses.

Elle s'allongea doucement, ses yeux fixés au plafond alors que Kyohei énumérait tout ce qu'il lui semblait important. Concernant le premier point, elle était plutôt tranquille de son côté, ça faisait un moment qu'elle n'avait plus eu de petit-ami.
Elle se perdit alors dans ses pensées. Un couple pouvait se comporter comme de bons amis non ? Ils n'avaient pas besoin de se lancer des « mon amour » ou « mon chériiii » à longueur de journée, encore moins des « oh que je t'aime et que t'es beauuu » … De toute manière, pour Yui, on tapait dans le trop niais. Elle serait capable de dire ces choses-là, mais pas tous les jours. Une fois dans le mois, ça suffisait. Et encore, ça faisait déjà trop pour elle. Elle préférait montrer ses sentiments autrement, par d'autres gestes et d'autres paroles.

La question de Kyohei la sortit immédiatement de ses pensées. Elle le regarda avec des yeux ronds avant de se passer la main sur le visage en remarquant qu'il plaisantait.
Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas d'enfants, c'était juste qu'elle n'y avait jamais réfléchi. Elle n'avait jamais cru bon de le faire, en réalité. Elle se disait qu'elle avait encore un peu de temps devant elle avant d'être mère. Du plus, elle avait des doutes : est-ce qu'elle serait une bonne mère ?

« Sérieusement, j'y ai jamais pensé », déclara-t-elle, « Je veux dire, je suis jeune, j'ai encore le temps. Et comme j'étais seule, je pensais pas à avoir des enfants »

Parce que bon, c'était plutôt difficile d'avoir des enfants lorsqu'on était célibataire. Il y avait toujours des solutions, certes...

« J'aimerais bien avoir une fille ! », lâcha-t-elle tout en regardant le plafond à nouveau, « Comme ça je pourrais l'emmener faire de l'escalade, l'aider à grimper aux autres. On pourra courir ensemble toutes les deux. J'lui montrerais qu'elle a pas besoin d'être une princesse pour se sentir vivre »

En gros, elle voudrait en faire une Yui 2.0.

« Bon je pourrais faire ça avec un garçon aussi. Escalader et tout ça, mais c'est pas pareil. Je crois que ce serait plus amusant avec une fille. Parce que je me vois mal dire à mon fils qu'il n'a pas besoin d'être une princesse... Par contre j'peux lui apprendre à traiter les femmes comme il se doit. C'est important ça aussi »

Là, en gros, elle voudrait en faire une Yui 2.0, mais version garçon.
Rien qu'en y pensant, elle plaignait déjà le père... Devoir supporter des Yui miniatures, ça ne devait pas être de tout repos tous les jours...

« En tout cas, j'espère qu'ils seront aussi énergiques et sportifs que moi ! », dit-elle fièrement.

Elle tourna son visage vers Kyohei, le sourire aux lèvres.

« Mais pour le moment, c'est bien comme ça »

De toute manière, elle ne se voyait pas déjà avec un enfant. Elle-même se trouvait trop jeune. Elle voulait encore un peu attendre et profiter un peu de ses passions avant d'être obligée de s'engager pour une vingtaine d'années au moins.
Elle plongea son regard sérieux et déterminé dans celui de son mari. Parler de tout ça lui avait donné des idées, mais elle avait surtout une seule et unique chose très important à lui confier.

« … J'ai trop faim... »

C'était important, non ?

En même temps si elle y avait pensé, Kyohei aurait été extrêmement surpris. Déjà que le mariage ne semblait pas avoir franchi leurs esprits avant quelques semaines alors les enfants... Pourtant, il aurait dû y réfléchir. Il se considérait certes comme trop jeunes néanmoins avoir un bébé à quarante ans ne l’enchantait pas non plus. S’il devenait père, il voulait pouvoir s’occuper de son fils ou sa fille, l’emmener à l’école, l’éduquer correctement et peut-être même lui préparer de bon petit plat. S’il était trop vieux, il ne pourrait pas en profiter et qu’est-ce que cela lui apporterait ? C’était l’enfant qui serait triste.

Par contre, pour le coup, il priait de ne pas avoir une fille. Ses yeux rivés vers la jeune femme, la bouche légèrement entrouverte, le magicien voulait crier qu’il en était hors de question, qu’il ne laisserait jamais sa fille s’aventurer dans des sports extrêmes et qu’il aimerait en prendre soin comme il se devait. Il adorait sincèrement Yui - Ah, c’était nouveau ça, dire qu’il y a quelques semaines, il la fuyait encore - cependant il refusait catégoriquement d’avoir une deuxième version à la maison. Et puis, une éducation d’enfant, ce sont les deux parents qui sont censés s’en charger non ? Pas qu’un seul. S’il avait une fille, c’était peut-être cliché cependant Kyohei avait déjà conscience qu’il serait sûrement plus protecteur avec elle qui ne le serait avec un garçon. A l’heure actuelle, il y a si facilement de brimades, si facilement d’agression, qu’être une femme pouvait être compliqué. Il pensait à Harumi qui même à son âge et même ô combien elle l’insupportait, ne parvenait pas à faire face à un homme. Yui aussi faisait la fière, elle savait très certainement se défendre cependant il ne fallait pas se voiler la face, si quelqu’un de plus baraque qu’elle se présente devant elle, elle ne pourra rien y faire. De toute façon, il serait catégorique et sa femme n’aurait pas son mot à dire. Il était hors de question que sa fille fasse de l’escalade. Elle ferait ce dont elle avait envie et il était inutile de l’influencer. Voilà, pourquoi il réfléchissait à ce genre de choses maintenant ?!

Un faible rire s’échappa de ses lèvres alors qu’il se tourna vers la demoiselle qui avait apparemment faim.

- La cuisine est à présent aussi à toi, va te faire à manger si tu en as envie.

On le sentait là, l’homme qui n’avait pas envie de se salir les pattes ? Il acceptait de faire la cuisine occasionnellement cependant il lui avait déjà dit plusieurs fois, il ne fallait pas que ça devienne une habitude. Il n’aimait pas ça.

- Sérieusement, Reprit-il avant de se rallonger, Je ne veux pas d’une fille qui fasse de l’escalade ou je ne sais quoi. Tu es complètement malade toi. Je ne pourrais pas laisser ma fille faire ça. Je veux dire, j’aimerais que si un jour j’ai un enfant, il puisse faire ce qu’il veut. Sans avoir d’influence. J’aimerais juste lui faire faire des choses simples, l’emmener jouer au parc, à la fête foraine et peut-être même au cirque tient. Le reste, ça se fera tout seul quand il grandira non ?

Il prenait peut-être le sujet un peu trop au sérieux. Et le garçon s’en apercevait cependant c’était sûrement parce que lui aurait désiré vivre tout ça quand il était encore un enfant. Parfois, il suffit juste d’un peu de simplicité et d’un peu d’amour pour faire le bonheur de quelqu’un. Dans un soupir, Kyohei élança ses jambes afin de se lever et surtout pour briser cette ambiance qui devenait un peu trop bizarre à son goût. Un pas, deux pas, prêt à quitter la chambre, il se tourna à nouveau puis tout en haussant les épaules, il ajouta :

- Je ne l’ai jamais fait de toute façon. Donc, ne t’en fait pas, c’est pas pour maintenant.

En soit, s’il disait la vérité, ce serait quand même inquiétant d’être encore puceau à son âge. Certes, il y en avait qui l’était toujours à quarante ans mais eux avaient vécu avec des pornos toute leur vie et étaient des experts en main droite. Ce qui n’était pas son cas parce que bien sûr que le jeune homme plaisantait même si l’expression impartiale sur sa figure ne montrait aucune trace de taquinerie. Puis petit à petit, un sourire amusé se dessina sur ses lèvres tandis qu’il faisait demi-tour, signe qu’évidement, il racontait n’importe quoi.

La voix de Kyohei sortit une nouvelle fois de ses songes. Elle le regarda, fronçant de temps à autre les sourcils en l'écoutant attentivement. Comment ça, elle était complètement malade ? Il parlait de sa femme là, pas de sa voisine. Alors il devait s'abstenir de la traiter de malade. Et puis elle n'était pas du genre à influencer les gens. Mais si elle avait un enfant, ne serait-ce pas merveilleux de lui montrer la passion de ses parents ? Elle ne l'emmènerait pas escalader à 3 ans à peine. Elle lui laisserait le temps de grandir et d'affiner ses centres d'intérêts.

Aucun mot ne sortit de sa bouche tant elle était concentrée dans ses pensées. Il bougea faiblement la tête pour montrer que oui, elle avait écouté mais que non, elle n'allait pas tout de suite parler.
Elle ne serait pas capable de faire une bonne mère, n'est-ce pas ? Elle n'était pas assez « femme » pour ça, ou bien ? Peut-être que trop traîner avec ses frères avait influencé sa manière de penser.

Hochant légèrement les épaules, elle en vint à la conclusion de tout changerait le jour où elle aurait un enfant. Sa manière de penser, sa manière de voir le monde, peut-être même son rapport avec les hommes. Tout pouvait changer, radicalement.
Elle voulut juste répondre à Kyohei que trop couver sa fille en l'empêchant de faire quelque chose d'un peu foufou n'allait pas l'aider, au contraire. Mais ses mots moururent dans sa gorge.

Elle s'assit d'un coup, ouvrant de grands yeux. Quoi ? Comment ça ? Hein !? C'était quoi cette connerie encore ! Il était vierge !!? Sa mâchoire s'ouvrit sous l'étonnement.

« Comment ça tu l'as jamais fait ? »

Il y avait des choses qu'il ne lui avait pas dites. Elle demandait des explications...

Stop. Il se moquait d'elle là non ? C'était quoi ce sourire ? Il se moquait d'elle. Elle lâcha tout de même un léger soupir de soulagement, elle se serait mal vue lui expliquer les relations entre les hommes et les femmes. Au pire elle aurait utilisé l'image que sa mère avait employée. Ou alors elle aurait fait un mélange d'un peu tout : le chou, la rose, les abeilles, la cigogne...
Elle le suivit, sortant de la pièce à son tour.

« Tu n'as jamais fait l'amour alors ? », demanda-t-elle en arrivant à sa hauteur, « Je peux t'expliquer si tu veux. Avec des dessins. Je dessine bien »

Croisant ses bras dans son dos, elle lui lança un sourire rassurant.
Elle avait bien compris qu'il s'était moqué d'elle. Elle voulait rentrer dans son jeu.

« Ou alors je peux te montrer si tu préfères ! », lâcha-t-elle en se plaçant devant lui d'un coup.

Elle haussa les épaules tout en souriant, lui montrant qu'elle était prête à servir de cobaye, crash test ou autre. Elle fit cependant une petite moue. Son vente cria famine, la ramenant ainsi sur Terre et lui demandant poliment d'arrêter son jeu qui n'était drôle pour personne.
Sa tête tomba quelque peu en arrière alors qu'elle soupirait doucement. Elle fit signe à son mari que son ventre réclamant quelque chose et elle partit dans la cuisine. Elle fouina rapidement dans le frigo, prenant les quelques légumes qu'elle avait trouvés. Elle les nettoya et commença à les découper avant qu'elle se mette à rire.

« Hey, Kyohei, si tu veux je peux t'expliquer comment ça marche avec un concombre, un chou et des tomates »

Elle rit encore pendant plusieurs secondes, continuant de couper avec précaution ses légumes.

« Je te prépare quelque chose aussi ? Oui allez, je te prépare un truc aussi, maintenant que j'y suis »

Elle resta dans la cuisine de longues minutes, concoctant avec soin une de ses spécialités.
Elle alla rejoindre son cher et tendre et lui tendit l'assiette, s'excusant d'avance si ce n'était pas bon. Elle s'assit à son tour, lâchant un « Bon appétit ! » sonore et attaqua son plat. Dieu que ça faisait du bien... !
Au bout de quelques bouchées, elle se retourna vers son mari avec lenteur et le détailla un instant du regard. Elle pencha la tête sur le côté, avant qu'un sourire idiot et amusé ne vienne se plaquer sur ses lèvres.

« N'empêche que, j'y avais jamais réfléchi avant, mais quand on te regarde, tu donnes l'impression d'être vierge »

Son sourire ne diminua pas, au contraire.

Qu’elle ne le chauffe pas trop parce que si Kyohei n’était pas un grand dragueur - en dehors de l’alcool - il était particulièrement joueur. Peut-être le fait de ne pas avoir trop profiter à son enfance. Un traumatisme et voilà que maintenant, il se moquait d’un rien. Son métier devait y jouer également. Dans la NSA, on leur apprenait à être de bons agents, à être irréprochable, presque sans coeur et ça lui avait donné un petit côté sadique parfois. Il ignorait toujours si ce qu’il faisait était bien ou non, il se contentait d’exécuter ce qu’on lui demandait toutefois peut-être que ce n’était pas la voix qu’il fallait prendre. Nishinaka avait un concept tellement bizarre que lui-même, de temps en temps, ignorait comment il devait agir. En plus de cela, il était obligé de le cacher à sa femme. Il aurait pu lui avouer cependant sans parler que ça risquait de la mettre en danger, il n’avait pas envie qu’on le juge là-dessus.

Marchant à ses côtés et l’écoutant d’un sourire, le magicien se retenait de lancer une remarque quelque peu mal placé. Mais c’était elle qui avait commencé, elle avait dit qu’elle pouvait lui montrer. Allez. Au lit. De suite. Espèce de petit pervers, tu mériterais des claques ! Quoi, ce serait toujours mieux qu’une explication avec des tomates, des choux et des concombres. Autant le vivre en temps réel, il n’y avait pas de meilleure leçon. Heureusement qu’on ne pouvait pas lire dans ses pensées, nombreuses seraient les personnes à être surpris.
Toujours avec le sourire aux lèvres, adossé au mur, sans bouger d’un pouce - hors d’un question qu’il fasse la cuisine - il l’observait préparer en silence. C’était bien aussi... De se faire servir. D’habitude, s’il souhaitait manger, il n’avait pas le choix que de se faire quelque chose et vu que les plats instantanés, c’était souvent « dégueulasse », il se cuisinait des plats rapides. Maintenant il avait une femme et ça avait ses avantages. Certes, Kyohei ne demandait pas à ce qu’elle le fasse tout le temps toutefois au moins, il pouvait se partager les tâches.

Il l’observa pendant de longues minutes en silence, souriant, avant de partir s’installer dans le salon et de l’entendre. L’ambiance changeait déjà, c’était certain mais pour le moment, cela ne lui paraissait pas désagréable. Son appartement était tout de même vide auparavant et maintenant qu’il le regardait, c’était vrai que l’atmosphère qui s’en dégageait était déjà bien plus chaleureuse. Il sourit de plus bel à sa femme qui revenait dans la pièce, la remerciant pour l’assiette et manqua de s’étouffer quelques instants plus tard à sa remarque. Ca ne le surprenait pas en réalité. Il ne parlait pas forcément de son caractère mais physiquement, en règle général, on l’imaginait gay donc puceau n’était pas si étonnant que ça. Pourtant, il pouvait certifier qu’il ne l’était pas, il avait même failli être père mais ça, il était préférable de ne rien dire.

- Peut-être que je le suis, qui sait, Dit-il en haussant les épaules et reprenant son air sérieux.

Ah non ! Il n’allait pas recommencer. A force Yui finirait réellement par douter. Mais Kyohei laissa une esquisse étiré ses lèvres, pas honteux le moins du monde. Il profita du silence pour manger à nouveau, déclarer que c’était bon avant de détourner son attention vers la demoiselle, son sourire devenant plus malicieux.

- Alors ? Tu me montres ? Tu t’es proposée, je veux savoir ce que ça fait moi maintenant.

Là, on le voyait, le garçon qui mentait et qui tentait durement de se faire désirer. C’était du sport aussi, Yui devrait voir les points positifs elle aussi.

- Et pas avec des dessins, ni des concombres ou je ne sais quoi d’autre. Tu es ma femme après tout, je me vois mal le faire avec quelqu’un d’autre maintenant.

Evidemment, Kyohei plaisantait et ça se comprenait rien qu’au ton qu’il employait. Cependant, on n’allait pas se cacher, si elle avait été d’accord, il n’aurait pas dit non. Une si belle femme, ça aurait été dommage de passer à côté. Surtout qu’il ne s’agissait pas de n’importe quelle femme, c’était la sienne. Et même si d’un côté, ça lui aurait fait bizarre, pourquoi pas après tout. Il faudrait bien qu’ils le fassent un jour non ?

Elle haussa vaguement un sourcil. Peut-être qu'il l'était ? Mais oui bien sûr... Et elle, elle était bonne sœur, c'est ça ? Fallait pas non plus jeter Yui dans les orties, eh oh.
Elle rit doucement par la suite, haussant les épaules à son tour. Lui-même devait être bien placé pour le savoir mais apparemment il feintait l'ignorance. N'empêche que s'il continuait à insinuer qu'il était toujours vierge, Yui allait sérieusement se poser des questions...

Surprise, elle tourna vers lui. Lui montrer ? Il était sérieux ? Il était passé où le petit Kyohei qui partait la queue entre les jambes dès qu'il la voyait ? Hein ? Il était où ? Elle allait demander le divorce, ce n'était pas le bon homme qu'elle avait épousé. On l'avait échangé contre une copie perverse ou quoi ? Et il avait quoi contre les légumes ? C'était parfois plus pratique qu'on ne le pensait pour expliquer la chose !

Durant plusieurs minutes, elle garda les lèvres scellés, feintant d'être occupée à terminer son plat plutôt qu'à parler et dire n'importe quoi. Elle mâchait chaque aliment avec une telle lenteur qu'on remarquait bien qu'elle le faisait exprès.
Une fois son plat terminé, elle déposa l'assiette sur la table basse alors qu'un soupir de bien-être quittait ses lèvres. Ca faisait du bien de manger après une journée aussi sportive !

« On a des calories à dépenser maintenant »

Elle se tourna vers lui sur le canapé, et s'assit en tailleur. Elle le fixa plusieurs secondes, penchant la tête à gauche, puis à droite, avant de laisser ses traits s'étirer en une moue ravie. Elle refit les mêmes gestes plusieurs fois. Un petit sourire taquin vint orner ses lèvres alors que ses mains se posaient devant elle sur le canapé.
Lentement, elle se pencha vers lui, allant presque jusqu'à coller ses lèvres à son oreille avant de lui susurrer :

« T'es si pressé que ça que d'accomplir ton devoir conjugal, hm ? »

Elle se redressa tout en douceur, ne le quittant pas des yeux, avant de se mettre à rire.

« T'es un petit coquin en fait. J'aurais pas cru ça, tu vois. Comme quoi, j'en apprends tous les jours »

Mine de rien, ça la faisait réfléchir. Ils étaient un couple non ? Ils devaient remplir un jour cette partie du devoir conjugal.
Quoi qu'il en était, si ça devait arriver, ça arriverait. Elle n'allait pas dire non. Kyohei était plutôt à son goût, et en plus, il était son mari. Pourquoi irait-elle voir ailleurs ? Mais une partie d'elle avait peur de quelque chose. Elle craignait que, s'ils franchissaient cette barrière, leur relation change. Enfin, bien évidemment, leur relation changerait. Sauf qu'elle avait peur de casser quelque chose qu'elle avait mis tout de même assez longtemps à construire.
Et si elle ne convenait plus à Kyohei après ça ? Serait-il capable de demander le divorce ?
De ce fait, elle trouvait que c'était encore trop tôt. Il lui fallait certainement un peu de temps encore... Ca ne devait pas les empêcher de se chamailler sur le sujet cela dit. C'était plutôt amusant en fait.

D'un geste, elle se leva et prit les assiettes vides. Elle alla les placer dans l'évier, se disant qu'elle s'occuperait de la vaisselle plus tard. Là, elle n'avait envie que d'une chose : une bonne douche. Elle sortit alors de la pièce et s'arrêta à l'entrée du salon, elle se pencha légèrement vers l'intérieur.

« Je vais sous la douche », déclara-t-elle le sourire aux lèvres, « N'essaie pas de venir me voir... fais plutôt travailler ton imagination »

Elle lui lança un clin d’œil avant de partir en direction de la salle de bain, un léger rire s'échappant de ses lèvres.
Elle en riait, elle en riait, mais elle ferait certainement moins la maligne le jour où quelque chose se passerait réellement, mais ça, elle se gardait bien de l'avouer à voix haute.
Elle fit un rapide détour par la chambre pour récupérer des affaires propres et pénétra dans la salle de bain où elle referma délicatement la porte derrière elle. Elle se déshabilla et s'empressa d'aller sous l'eau chaude. Qu'est-ce que ça faisait du bien...
Sans s'en rendre compte, elle se mit à chantonner un peu tout et n'importe quoi. Elle venait de se transformer en jukebox tout en se lavant.
Pauvre Kyohei, qu'est-ce qu'il avait donc épousé là...

Il était un homme, ça ne devait pas être choquant. Quel homme n’était pas un minimum pervers ? Et puis, les yeux sont fais pour regarder non ? Après Kyohei parlait beaucoup cependant lui-même savait qu’il ne tenterait rien, qu’il s’amusait juste. Un jour, ça finirait par arriver certainement, ils étaient mariés. Toutefois quand il y réfléchissait sérieusement, ça lui faisait bizarre de se dire qu’ils pourraient coucher ensemble. Des amis la faisaient bien, ça ne devrait pas être choquant. Peut-être parce qu’au bout du compte, Yui, il la respectait et si une telle chose devait se produire, il n’avait pas envie que cela se passe comme ça. Dans le sens d’un « allez, t’es bonne, on peut le faire, c’est que pour un soir » ça ne lui convenait pas. Est-ce qu’il pouvait considérer sa femme de la sorte ? Surtout qu’avant tout, la demoiselle était une amie. Il ne voulait pas que ça sonne comme un coup d’une nuit. Bien qu’il était un homme, elle une femme et qu’ils pourraient très bien prendre un peu de plaisir ensemble, pour le moment, il s’en abstiendrait. Kyohei faisait le beau, le malin et aimait taquiner, jouer aussi, toutefois il était quelqu’un de plus respectueux qu’on ne pouvait penser. Et jamais il ne forcerait qui que ce soit à le suivre dans ses désirs. S’il devait attendre, alors il attendrait. Peut-être qu’il en serait frustré, peut-être que parfois ça serait plus difficile que les autres jours cependant si on appréciait une personne, on ne l’obligeait à rien. Encore moins à ça.

Impartial, le magicien n’avait pas réagi quand Yui s’était rapprochée, se contentant d’arborer un sourire espiègle. Qu’elle n’imaginait pas le faire flancher si vite, elle le connaissait bien mal. Il n’était pas pressé mais quitte à lancer le sujet, on n’allait pas se priver hein ? Sans bouger, il l’écouta, se retenant de ne pas trop rentrer dans le jeu sinon ça risquait de dérailler pour de vrai. On allait donc éviter les conneries.

- Tu devrais pas dire ça, S’écria ensuite le jeune homme, sa femme s’étant échappée soudainement, Je vais vouloir faire le contraire après !

La rejoindre sous la douche ? Non, peut-être pas jusque là. Surtout qu’il y avait un détail pour lequel le garçon n’avait rien dit. Il ne mentait pas et disait la vérité quand il pensait que Yui était réellement belle physiquement, autant par le visage que par ses formes. Sauf qu’à la différence, il n’avait pas une si grande confiance que ce qu’il montrait. Certes, il n’en était pas au point de ne pas se déshabiller quand il allait à la plage ou de se braquer dans les moments cruciaux cependant il n’irait pas s’en vanter et reculerait le moment jusqu’à n’en plus pouvoir. Sûrement.

Un faible rire s’enfuit de sa bouche en l’entendant chanter puis il se leva afin de débarrasser, trempant la vaisselle sale dans l’évier. Un sourcil arqué, le magicien réfléchissait à ce qu’il pourrait bien faire... Yui le cherchait après tout non ? Il n’aimait pas perdre. Et même s’il ne s’agissait pas obligatoirement de victoire ou de défaite, Kyohei ne souhaitait pas en rester là. Elle lui avait dit de ne pas venir ? Très bien. Alors, il irait. Pas besoin de chercher la logique, il n’y en avait pas.

Sans chercher à jouer dans la délicatesse, le jeune homme enclencha ses phalanges sur la poignet et pénétra à l’intérieur de la salle de bain. L’eau de la douche coulait encore et autant dire que la vitre sur la baignoire ne permettait nullement de cacher le corps de la demoiselle. Dans ce cas, il ne fallait certainement pas en acheter des transparentes. Qui savait, Kyohei avait peut-être prévu son coup depuis des années. Il s’était dit « si un jour j’ai une femme, je pourrais venir l’espionner sous la douche », c’était possible non ? Non, d’accord. Logiquement lorsqu’on vit seul, on ne pense pas forcément à ce genre de détail. Et il n’y avait pas songé, ce qui n’était pas plus mal au final.

Ses yeux détaillèrent brièvement la demoiselle sous la douche mais il les détourna bien vite, s’avançant vers le lavabo. Ca aurait été mesquin de sa part de rester planter là et de l’observer sans scrupule. Non pas que ça l’aurait dérangé mais un peu de respect dans ce monde de brut tout de même ! En silence, il se saisit de sa brosse à dents qu’il brossa toujours sans la moindre gène.

- Ecoute, je suis ton mari, on ne va pas se prendre la tête, Dit-il après s’être rincé, la brosse en main, Et je n’avais pas envie d’attendre.

A ça aussi, on était censé le croire.

- Puis, t’avais qu’à fermer à clé aussi. Au lieu de faire un concert sous la douche.

Yui devait aussi amèrement regretter, l’homme qu’elle avait épousé était plus bizarre qu’il n’y paraissait.

Si Mariah Carey pouvait l'entendre chanter... elle voudrait absolument faire un duo avec elle. Quant à Beyonce, n'en parlons pas, elle serait tellement jalouse de son talent !
Heureusement que les murs étaient bien insonorisés. Pauvres voisins sinon... ils étaient bien insonorisés n'est-ce pas ? Oh et puis tant pis. Si ce n'était pas le cas, ils profiteraient tous de sa voix magnifique à en faire pâlir les stars les plus célèbres. Ouais, rien que ça.
Trop occupée à reprendre un tube de Madonna à sa sauce, elle fronça légèrement les sourcils en observant cette forme dans la vitre. C'était pas un meuble si ? Ils bougeaient seuls les meubles ici ? Effrayant.
Continuant de se laver tout en chantant, ses yeux restaient fixés sur la silhouette qui venait de bouger à présent. Non. Il n'aurait quand même pas... !?

Ben si.
Quand elle l'entendit parler et pas pur réflexe, elle donna le dos à la vitre. Oh bah oui, il pouvait rien voir comme ça... C'était pas un peu trop tard ? Elle souffla bruyamment. Non, ils n'allaient pas se prendre la tête. Ils allaient juste avoir une conversation sur l'espace privé et tout ça, rien de bien folichon.
Puis dire qu'il n'avait pas envie d'attendre. Franchement... Elle avait presque fini en plus ! Encore une ou deux chansons et elle aurait été dehors, toute proche, toute fraîche.

« Te gêne surtout pas hein. Prends ton temps », dit-elle en levant les yeux au ciel, « Ah je crois que t'as oublié ta dent du fond en plus, fais attention »

Et zut hein, si elle voulait donner un concert au gel douche et au shampoing, c'était elle que ça regardait. Ca l'occupait en se lavant en plus.

Son pied tapa discrètement sur le sol de la douche alors que l'eau coulait toujours sur la moitié de son corps. Et elle était toujours de dos. Mauvaise idée, elle ne pouvait pas voir ce qu'il trafiquait. Et c'était perturbant. Tournant d'abord la tête, elle vérifia du mieux qu'elle le pouvait qu'il était occupé de se brosser les canines. Puis, d'un geste lent, elle glissa sa main à l'extérieur, attrapant avec précipitation la serviette qu'elle avait déposé là. Elle coupa l'eau et s'enroula dans la serviette.
Elle avait juste envie de l'arroser à l'eau froide mais se retenait parce que sinon ça allait mouiller tout le par terre, et donc il faudrait nettoyer. Donc ce serait pas cool.

Sortant de l'entre embuée, elle lui tira distraitement la langue avant de croiser les bras sur sa poitrine. Voyant qu'il ne bougeait pas, elle lui désigna la porte d'un signe de tête. Il attendait une invitation pour sortir ou bien ? Bon, c'était pas comme si elle lui avait vraiment laissé le temps de réagir...

« J'aimerais m'habiller... », lui dit-elle en indiquant la porte du doigt.

Elle s'humecta doucement les lèvres tout en plissant légèrement les yeux. Elle aurait la prochaine fois. Elle ne savait pas encore ni quand ni comment, mais elle trouverait. Foi de Yui !
Une fois son cher et tendre pervers dehors, elle referma rapidement la porte et se changea le plus vite possible. Elle en profita pour se brosser les dents à son tour, prenant soin de bien se brosser la dent du fond, avant de sortir et de rejoindre Kyohei.

« J'suis pas contente contente », lâcha-t-elle en plaçant ses mains sur ses hanches, « T'es rentré sans toquer en plus ! Ca se fait pas »

Même chez soi il fallait toquer. On ne savait pas sur qui on pouvait tomber derrière la porte. Un gnome. Un troll. Un vampire. Une Yui... il y avait tout un tas de possibilité.

« Mais le pire... le pire... ! », commença-t-elle en serrant la mâchoire, « Tu m'as coupé dans ma chanson »

Et ça, ça se faisait pas ! On n'interrompait pas Yui en plein concert privé. Il méritait une fessée rien que pour ça. Mais il avait de la chance, elle était de plutôt bonne humeur malgré tout.
Croisant à nouveau les bras sur sa poitrine, elle s'avança de quelques pas en direction de son mari. Elle le regarda, les yeux quelque peu plissés et les lèvres pincés.

« Ne crois pas t'en sortir comme ça... je t'aurais le jour où tu t'y attendras le moins »

Elle hocha la tête pour appuyer ses paroles. Et Yui, ce qu'elle disait, elle le faisait. Alors qu'il se prépare...
On ne plaisantait pas avec l'espace privé ! Non mais.

D’accord, il prenait peut-être un peu trop ses aises. Mais, et alors ? Où était le problème ? En plus, il ne regardait même pas. A croire que le miroir face à lui était plus intéressant. Il aurait pu jouer au pervers, détourner son regard un peu derrière lui - ce qu’il avait tenté de faire d’ailleurs - malheureusement, il n’avait que deux yeux et sans se retourner, c’était difficile. Il avait déjà mis ses pieds dans la salle de bain et il en était fier. Waouh, quelle fierté, quelle victoire ! On était censé applaudir ? C’était quoi cette mentalité de petit joueur là ? Celui-là aussi, il était incorrigible. Hors il valait mieux ne pas chercher à le comprendre, même une encyclopédie ne serait pas utile pour le déchiffrer. Trop bizarre.

Elle lui demandait de partir en plus ? Et bien, non, Kyohei resterait là prenant soin de brosser la dent du fond comme lui avait conseillé sa femme. Les soins des dents, c’était important. Les carries, ça pouvait être vraiment douloureux. Elle l’avait provoqué, il lui répondait gentiment. Allez, c’était un mal pour un bien. Il n’était même pas rentré dans la douche avec, il aurait fini par la voir tout nu un jour. Que ça soit maintenant on plus tard, ce n’était pas très grave. Mimant ne pas avoir vu ses signes de tête, il se rinça la bouche avec une lenteur inimaginable puis malgré tout, quand il se retourna, le garçon en profita pour la contempler de plus près. On ne pouvait pas dire le contraire, il avait une sacré chance quand même.

- Oui, oui j’y vais, Avait-il dans un léger rire lorsque Yui avait essayé pour la énième fois de lui faire comprendre de sortir.

Il était plus mesquin que ce qu’on pourrait croire et le pire... Non, ce n’était pas la chanson qu’il avait interrompu en pénétrant dans la salle de bain mais qu’il ne regrettait même pas. C’était à peine s’il n’était pas fier de sa propre bêtise. Un gamin de trois ans aurait sûrement été plus intelligent que lui. A croire que son enfance avait été définitivement gâché pour que le magicien en vienne à jouer de telle stupidité.

- Tu m’auras ? Comment ? Demanda ensuite ce dernier, cette esquisse toujours espiègle accrochée à ses lèvres.

En fait, il n’était pas qu’un idiot. Il était assurément complètement con. Que quelqu’un le résonne, ce n’était pas croyable et en plus, Kyohei n’avait pas avalé une seule goutte d’alcool. Peut-être avait-il mangé un clown à son spectacle de la veille.

- En rentrant dans la salle de bain ? Vas-y, je n’ai pas peur !

Bon, il doutait que la jeune femme se vengerait de la même façon que lui mais pourquoi pas après tout. Dans tous les cas, il était hors de question de montrer le moindre signe de faiblesse. Fierté quand tu nous tiens hein ? Il aurait pu s’excuser aussi néanmoins à quoi cela servait si au bout du compte, il ne les pensait pas.

- Allez, plus sérieusement, je vais me doucher et me coucher. Il y en a qui travaille demain !

Yui travaillait certainement aussi mais peu importait. Souriant, Kyohei s’en alla à son tour dans la salle de bain, prenant bien soin de fermer la porte à clé avant de se déshabiller et de filer se détendre sous l’eau chaude. Ca faisait un bien fou et une bonne dizaine de minutes plus tard, le jeune en sortit, enfilant son pyjama une fois sec : Un simple jogging accompagné d’un tee-shirt des plus simples.

Lorsqu’il entra dans la chambre, sa femme était déjà confortablement installé et semblait jouer sur son ordinateur. Il ne releva pas puis plaçant des petites lunettes sur son nez, il s’empara d’un livre dans sa bibliothèque pour ensuite s’installer au côté de sa compagne. Le silence régnait assez désormais seulement, il n’était nullement dérangeant. Bien au contraire. Chacun s’occupait de son côté comme un bon vieux couple. Si cela n’était pas mignon...

Pourquoi il demandait ? C'était pas comme si elle allait lui répondre de toute manière. Puis elle ne savait pas encore de toute façon donc... elle ne pouvait rien dire.
Elle haussa rapidement un sourcil tout en secouant la tête. En rentrant dans la salle de bain comme lui, ce serait trop facile. Mais en même temps pour le moment, elle n'avait pas d'autres idées... mais ça viendrait un jour, elle en était certaine.
Roh et puis non, elle trouverait quelque chose d'encore mieux que d'aller lui faire coucou sous la douche. Quelque chose d'encore plus amusant pour elle. Elle pouvait...
Elle pencha la tête sur le côté, comme pour essayer de connecter ses neurones. Ouais, elle pouvait faire ça... Réfléchir. C'était pas idiot. Donc elle allait réfléchir ! Et ensuite se venger. Pas question de laisser passer.
Son petit côté rancunier ne la laisserait pas en paix de toute façon.

Les traits de son visage se plissèrent légèrement à l'entente du mot « travail ». Ha le travail... La bibliothèque ne lui avait pas tellement manqué. Enfin, si. C'était plutôt pas mal d'être entourée de livres, mais le fait de devoir rester assise toute la journée la frustrait autant que ça la déprimait. Heureusement qu'elle avait son blog et ses vidéos...

Eh mais il sous-entendait quoi par « il y en a qui travaille » ? Elle travaillait elle aussi Monsieur ! Elle n'eut pas le temps de lui demander, il était déjà parti sous la douche. Elle l'entendit fermer la porte à clé et ne put s'empêcher de rire. Il croyait vraiment qu'elle allait se venger aujourd'hui ? Non, elle allait attendre qu'il oublie, et là elle frapperait.

Elle alla récupérer son ordinateur portable et s'installa confortablement sur le lit. Elle se rendit directement sur son blog où elle se prit le temps de répondre à plusieurs commentaires. Entre temps Kyohei refit son apparition. Elle détourna le regard de son écran quelques secondes, le temps de le voir prendre un livre. Un petit sourire vint orner ses lèvres alors qu'elle postait une nouvelle entrée : « Je me suis mariée ! » que disait le titre. Elle expliqua rapidement qu'elle et son mari avaient emménagé ensemble et que tout s'était bien passé. Elle se prit même le temps d'écrire que Sou et Black avaient l'air d'aimer leur nouvel appartement. Elle conclut en disant qu'elle aussi, aimait son nouvel habitat mais qu'il allait peut-être lui falloir un peu de temps avant de s'habituer à la vie à deux.

Ils faisaient pas vieux couple là comme ça ? Elle releva la tête de son écran, observant Kyohei quelques instants avant de se dire que oui, ils faisaient vieux couple.
Elle éteignit son ordinateur et le déposa sur la table de chevet à côté d'elle. Elle s'étira longuement avant de s'allonger comme elle le voulait sur le dos.

« Bonne nuit... chéri ~ », lâcha-t-elle avant de bailler et de se mettre sur le côté.

Une chose était sûre : elle allait bien dormir.