Hey brother, there's an endless road to rediscover • |

Il ne savait pas comment il était arrivé là. Il se souvenait juste d’avoir quitté l’appartement pour marcher, prendre l’air sans prévenir sa femme. Elle n’était pas encore rentré de toute manière et si elle l’appelait, il inventerait bien une excuse pour dire qu’il avait simplement ressenti l’envie de sortir. Depuis qu’il était rentré de l’hôpital, qu’il était en convalescence, Kyohei n’était pas sorti énormément si ce n’était pour se rendre la clinique afin de poursuivre sa rééducation. Il avait vu Ren il y a quelques jours et ce n’était pas la grande forme pour ce dernier non plus. Le magicien avait fait de son mieux pour changer la donne, pour rester de bonne humeur et ne pas laisser apparaître tous ses tracas qui le tourmentaient depuis des jours. Le plus traumatisé dans l’histoire, c’était son ami, pas lui. Il se répétait cette phrase sans cesse dans son esprit mais pourtant rien ne changeait, il était incapable de fermer l’oeil et il s’inquiétait pour son état qui mettait du temps à s’arranger. On lui avait dit qu’il fallait être patient seulement Kyohei n’était pas patient et il ne demandait pas grand chose, juste de retrouver l’entière validité de son bras sans que ça ne lui lance dans tout le haut du corps.

On lui avait dit de faire attention, de se reposer, de ne pas trop forcer et d’éviter de marcher, privilégier les transports mais pour une fois, le garçon n’avait pas écouté. Il avait ressenti ce besoin de solitude, de s’aérer l’esprit et se changer les idées alors il avait marché sans prêter attention qui s’écoulait. Lorsque la fatigue le gagnait ou que la douleur était trop forte, il prenait une pause et s’asseyait sur un banc tout en contemplant les passants en silence. Mais tout était si vide qu’en réalité, c’était à peine si Kyohei captait ce qui se déroulait devant lui. Une femme aurait pu s’écrouler devant lui que le magicien ne s’en serait certainement pas rendu compte.

Et puis, il s’était retrouvé là. A la NSA. Il ignorait le pourquoi du comment juste que ses pieds l’avaient mené jusqu’ici. Peut-être parce que, quelque part au fond de lui, ça lui manquait. Il avait demandé à Harumi de passer le message aux supérieurs comme quoi il ne pourrait pas venir travailler pendant un certain temps. Du moins pas temps que la mobilité de son bras serait un minimum rétabli. Pour le moment il avait toujours cette maudite atèle et le bouger restait particulièrement difficile. Kyohei avait sa tête, c’était déjà pas mal parce que celle-là aussi, il y a à peine quelques jours, il avait cru la perdre pour de bon. Il devenait fou et c’était sûrement l’une des raisons pour laquelle il avait éprouvé le besoin de quitter son appartement, voir autre chose.

Entrant dans une salle sans fermer la porte, le garçon s’était en premier lieu sur l’un des canapés pour se poser quelques instants. Ses prunelles avaient commencé à vaquer autour de lui, cherchant de quoi l’occuper et le libérer d’un ennuie profond ou de pensées qui pourraient le tourmenter. Des dossiers rangés attirèrent machinalement son regard et intrigué, le magicien s’était levé. Il n’était pas au courant des nouveautés car ils évitaient d’en parler en dehors du QG au cas où on les surprendrait. Si déjà il était méfiant à l’origine, Kyohei l’était encore plus désormais. De sa main libre, il commença à sortir un classeur, tournant les pages avec intérêt pour se mettre à jour puis il fit de même avec d’autres dossiers. Il était assez tard et il ne semblait plus avoir grand monde cependant bien qu’une légère boule naissait dans son ventre, il ne ressentait aucune envie de partir. La porte était ouverte alors ça le rassurait. Ce n’était pas ce qui l’aiderait en cas d’incident toutefois il était inutile de chercher à comprendre la logique de cet individu.

Alors qu’il s’apprêtait à reposer le dernier classeur, baissant les yeux, un bout de feuille attira son attention. Il dépassait légèrement d’un tiroir. Celui-ci n’était-il pas censé être fermé d’habitude ? Encore plus intrigué et principalement poussé par le curiosité, le garçon s’était accroupi afin de le tirer et ses pupilles s’arrondirent en voyant tous ses papiers. Il ne devrait pas. Il savait qu’il ne devrait pas. s’était pourtant promis d’arrêter les conneries, de faire attention. Cela ne semblait pas lui avoir servi de leçon. La dernière fois qu’il s’était mêlé de ce qui ne le regardait pas, on lui avait tiré dessus. A croire que malgré tout, la curiosité avait été plus importante que tout et qu’incapable de s’en empêcher, Kyohei s’était saisi de sa main valide les papiers, les jetant délicatement sur la table. Peut-être qu’en réalité, il ne s’agissait pas de « curiosité » mais d’un pressentiment qui le poussait à en découvrir plus. Et pourtant, il crut voir son corps se liquéfier sur place au fur et à mesure qu’il lisait entre les lignes. Pourquoi est-ce qu’on enquêtait sur sa mère ?

Bien qu’il la détestait et la maudissait plus que tout au monde, elle restait celle qui l’avait mis au monde et si elle ne se souciait pas de lui, le magicien lui portait plus d’intérêt. De lui-même, il avait déjà enquêté ne serait-ce que pour savoir ce qu’elle devenait. Il savait qu’elle n’était plus celle qu’il avait connu, qu’elle avait fini par se négliger et tomber dans une sacré débauche. Il savait quel genre de métier elle faisait le soir et comment elle se débrouillait pour vivre. Il aurait pu l’aider à s’en sortir mais, il n’avait rien fait. Après tout, sa mère l’avait cherché pour en arriver là n’est-ce pas ? Kyohei avait beau être gentil quant il le désirait, il ne pouvait oublier tout le mal que sa génitrice lui avait causé par le passé. Et peu importait ô combien il avait eu besoin d’elle, celle-ci n’avait jamais répondu présente. Seulement... Ca ne l’empêchait pas d’être en colère en cet instant précis. Il la haïssait plus que tout mais lui-même était incapable de la dénoncer et savoir que quelqu’un avait vraisemblablement l’intention de le faire le mettait hors de lui. Il était si remonté que même toutes ses craintes s’étaient envolées pendant l’espace de cet instant. Naoki. Ce connard. Comme s’il n’avait pas assez de problèmes. On lui rajoutait celui-là. Réellement, le jeune homme ne regrettait pas d’être venu aujourd’hui... Son collègue aurait fait ça derrière son dos, sans jamais lui avouer haute. Et, il ignorait ce qui l’énervait en réalité... Si c’était que Naoki lui cachait des choses aussi importantes, qu’il donnait toujours le change quand ils travaillaient ensemble ou qu’ils veuillent dénoncer sa mère sans aucun scrupule.

Ses doigts se pliaient sur la feuille la froissant dans une colère sans pareille alors que si le garçon se présentait devant ses yeux, Kyohei ignorait comment il aurait pu réagir. S’il avait été dans son état normal, il ne se serait probablement pas retenu et l’aurait frappé de toute sa force. Là, il en était incapable et il ne parvenait même pas à savoir quelles émotions traversaient son être de toute manière. L’énervement, la tristesse, la rancoeur ou la déception. Sûrement un peu tout à la fois.

Si habituellement il aurait sursauté, le garçon n’en fit rien en cet instant précis à l’entente de ces pas qui s’étaient avancés dans la pièce. Sans pouvoir dire comment il l’avait deviné, le magicien avait de suite su de quel individu il s’agissait et au final, son sang bouillonna dans tout son être. Il pensait que ce n’était pas grave, que ça allait passer mais toutes ses émotions étaient grimpées en flèche si bien qu’il n’avait pu se maîtriser. Dans un silence des plus frappant, il fit face à son vis-à-vis alors que ses pupilles brillaient toute l’amertume qu’il éprouvait envers son collègue. Connard. Il n’y avait pas de mots plus justes pour décrire cet homme en cet instant précis. Tant pis s’il avait mal. Tant pis si ça ne ferait qu’aggraver son état. Kyohei n’en avait strictement rien à « foutre » tant sa rage était plus puissante que le reste. Il ne calculait rien d’autre que le visage de Naoki qui se trouvait devant lui et dont la seule envie était de lui emplâtrer la tête contre un mur. Toujours sans prononcer le moindre mot, il s’était approché de lui et sans lui laisser le temps de s’expliquer, de sa main libre, il agrippa violemment son col alors que ses doigts tremblaient tellement il était furieux. Oui, il aurait dû réfléchir avant d’agir, il aurait du ne pas s’emporter sans savoir le fin mot de l’histoire toutefois Kyohei a toujours été quelqu’un d’impulsif et surtout, c’était loin d’être la bonne période.

- Pourquoi ?! Pourquoi tu as fait ça ?! S’emporta le garçon sans le quitter des yeux et sans le lâcher non plus, Pourquoi tu as enquêté sur ma mère, connard ?! Il n’y a pas assez de monde autour de toi, faut que tu touches à ma famille ?!!

En soit, si tu as envie d’avoir une réponse, tu devrais peut-être le laisser respirer parce que là... A force, c’était Naoki qui allait finir par faire un détour à l’hôpital. Non, il ne le frappa. Il ne l’effleura même pas... Il le repoussa simplement plus loin tandis que son corps tremblait par toute cette animosité qui l’encombrait. Vraiment, le jeune homme avait intérêt d’avoir une excellente raison sinon, blessé ou pas, Kyohei ne donnait pas cher de sa peau.

Une fois encore, il avait pris sur lui et il était retourné à la maison familiale, annonçant son mariage à venir avec la fille Fuyube à ses parents. Comme à son habitude, sa mère resta impassible. Elle n'avait pas forcément réagit quand il était revenu du jour au lendemain, après huit ans, et elle ne réagissait pas à cela non plus. Son père n'avait eu qu'un petit rire méprisant, ne manquant pas de lui rappeler qu'il savait qu'il reviendrait, qu'il était bien trop stupide pour s'en sortir tout seul. C'était difficile de ne pas juste le fracasser et on en parle plus. Il avait tellement hâte d'avoir les preuves nécessaires. Le tuer ne serait même pas aussi intéressant à vrai dire, il avait toujours été si fier, si prétentieux, méprisant, il voulait le voir au fond du gouffre, qu'il n'ait plus rien. Ce spectacle serait tout simplement divin.

Cette enquête était désormais passé au stade d'obsession, Naoki ne pouvait tout simplement pas faire autre chose, il avait besoin d'en savoir plus, de compléter le puzzle, mais il avait besoin de s'approcher davantage de sa propre famille pour cela. La NSA ne lui avait jamais été aussi utile et c'est à nouveau sur le cas de Tachibana Minami qu'il s'était penché. Cette femme à qui son père versait de l'argent depuis l'année 1988, le premier versement avait eu lieu en août. Le montant avait sensiblement baissé il y a quelques années, après un coup de téléphone, le seul qu'il avait trouvé durant ces années entre les deux. C'était tellement bizarre. Cette femme était une sorte de débauchée comme il n'en avait pas vu, il s'était longuement demandé pourquoi son père lui versait de l'argent, jusqu'à comprendre. Elle avait eu un fils cette fameuse année 88. Kyohei. En découvrant cela, il eut un long moment de pause intérieur avant de reprendre comme si de rien n'était. Il ne savait pas trop quoi en penser, mais il ne voulait pas que son ressentit personnel prenne le dessus, il devait juste agir mécaniquement, être efficace, il n'y avait pas de place pour les sentiments.

Rangeant les papiers sur la dame Tachibana dans un tiroire, il se leva pour aller dans la salle des archives, il avait besoin d'autres documents, les relevés de compte de Tachibana et les variations de ce fameux versement mensuel. C'était important. En fait, il comprenait pour quand Kyohei était mineur mais pourquoi continuer après ? Un soupir avait quitté ses lèvres, il n'était pas prêt de rentrer chez lui ce soir !

Rapidement, il retourna dans sa pièce, pour éviter que quelqu'un ne vienne lire ce qu'il faisait, mais c'était visiblement trop tard et il s'agissait même de la dernière personne qu'il aurait voulu voir ici. Un silence de plomb l'avait envahi et il l'avait fixé, priant intérieurement pour qu'il n'ait pas lu les papier, mais vu son regard... Et cela fut confirmé quand il vint l'attraper par le col avec son air menaçant. Oh, allez, il avait un plâtre dans l'autre main et il le foutait au sol quand il voulait, même s'il était valide, il n'allait pas se ridiculiser à essayer de se battre ? Soupirant, déjà exaspéré, il le laissa parler, bien heureux quand il le lâcha. Il n'avait pas envie de se battre avec lui, encore moins avec ce qu'il avait découvert. Enfin, rien n'était certain, mais pourquoi verser de l'argent après une naissance à une femme si ce n'est pour donner une pension et sûrement acheter son silence ?

« C'est pas pour la dénoncer, calme toi », maugréa t-il, les sourcils froncés tandis qu'il alla poser les nouveaux documents avec les autres. Toutefois, la mettre dans la prison ne lui ferait pas de mal, elle n'était plus très fraîche. « J'enquête sur un type qu'elle connait, et ça m'a amené à elle, pour comprendre un peu sa vie à lui fallait que j'en sache plus sur elle. Mais t'en fais pas, j'ai bientôt terminé. »

Il n'allait même pas lui dire qu'ils étaient frères ? C'était un peu délicat, il ne se voyait pas le lui dire, en réalité, lui-même avait du mal à se faire à l'idée qu'un peu de son sang coulait dans les veines de Kyohei. Demi-frère serait le terme le plus adapté, mais ça lui paraissait juste dingue. Et il ne savait pas comment pourrait réagir Kyohei, enfin, apprendre que son père était le plus gros connard de Nishinaka et qu'en plus il n'était pas fils unique, ça faisait gros, non ?

« Oublie tout ça, d'accord ? C'est des conneries de toute façon, je vais retourner archiver tout ce que j'ai pris sur elle, désolé ! » Il rit un peu en commençant à rassembler les papiers. Bon, il avait peut-être été un peu trop gentil pour que ça ne soit pas louche, mais il ne savait pas quoi faire. Toutefois, il ne pouvait pas lui mentir non plus. C'était mal, non ? Surtout qu'on lui mentait déjà assez durant toutes ces années. Cessant son mouvement, il releva légèrement la tête, plongeant son regard dans celui de Kyohei pour ajouter ; « Dis... Tu savais que ton père versait de l'argent à ta mère tous les mois depuis ta naissance ? »

Bon, la question était un peu délicate. En réalité, il cherchait à savoir si Kyohei connaissait ou non son père. Enfin, c'était évident que non, mais s'il savait qu'il était toujours en contacte indirecte avec lui. Cette conversation était tellement bizarre ! Naoki se demandait à quoi ça allait les mener, à vrai dire. Pour sûr qu'ils n'allaient pas se sauter dans les bras mais c'était juste étrange, invraisemblable. Il ne pourra jamais voir Kyohei comme son « grand frère ». Plus jeune, il se rappelait qu'il rêvait d'avoir un frère, plus âgé. Pour pouvoir jouer avec lui et pour être plus « tranquille » aussi. Et au final, il en avait toujours eu un, sauf qu'ils avaient eu des vies totalement différentes et qu'ils avaient passé toutes ces années sans même se douter de l'existence de l'autre. C'était complètement fou.

Naoki avait beau dire « calme-toi », Kyohei ne parvenait pas à se calmer. Qui le pourrait à sa place ? Comme si ce n’était pas assez difficile en ce moment, voilà qu’on lui rajoutait des problèmes en plus. Il était exténué de tout ça et au bout du compte, peu importait l’explication, il était trop en colère pour les entendre. Sa respiration était saccadée alors qu’il luttait pour ne pas se blesser plus qu’il ne l’était déjà et cogner la tête de son vis-à-vis dans un mur à côté de lui. Quelles que soient ses raisons, il n’avait pas à enquêter sur sa mère, il n’avait pas à fouiller dans ce qui ne le regardait pas et le toucher là où cela faisait le plus mal. Le magicien lui-même avait refusé d’effectuer une plus grande enquête que celle qu’il avait fait. Il avait juste souhaité savoir ce que sa mère devenait et ça s’était arrêté ici. Ca lui avait suffi parce qu’il ne voulait plus être mêlé à cette famille. Il voulait construire la sienne, oublier ce passé qui avait été plus que douloureux autrefois et qu’il avait réussi à surmonter au fil des années. Alors, pourquoi on l’obligeait à y faire face de plus bel ? Il n’avait rien envie de savoir mais malgré ça, il n’avait pu s’empêcher de bouger, dévisageant Naoki qui essayait de s’expliquer avec des mensonges. Qu’il ne tente pas de le prendre pour un idiot, ce n’était pas que de simples « conneries », son collègue était bien trop calme pour que cela ne soit la vérité. Et puis... Comment pouvait-il oublier après être tombé là-dessus ? Être tombé sur un dossier qui parlait de sa génitrice et qui détaillait noire sur blanc quelle femme elle était... Alors non, bien que Kyohei ne souhaitait rien entendre, rien savoir, malgré lui, il était resté debout à attendre la suite des remarques de son interlocuteur.

Ses paupières s’étaient fermés machinalement alors que la suite n’avait fait que le toucher plus qu’il ne l’aurait voulu, sa main libre s’appuyant sur la table afin de se retenir pour ne pas trébucher. Son père ? Ses mots se répétaient sans arrêt dans son esprit si bien que pendant l’espace de quelques instants, le jeune homme peinait à discerner ce qui l’entourait. Ce n’était pas possible... Qu’avait-il fait au bon dieu pour que sa vie prenne un tel tourment aujourd’hui ? En vérité, il aurait préféré ne jamais entendre cela. Parce que plus les années avaient passé, plus le garçon s’était fait une raison et même son géniteur, il avait commencé à le haïr. Après tout, il l’avait abandonné donc pourquoi devrait-il l’aimer alors que comme sa mère, il n’avait jamais été là pour lui ? Il n’avait pas envie d’en entendre plus. Il ne voulait pas en entendre plus, c’était assez. Pourquoi Naoki se sentait-il obliger de lui rétorquer cela ? En quoi ça le concernait ? Etait-il trop heureux de le voir se morfondre de la sorte qu’il ne pouvait s’empêcher de jubiler en lui déclarant des choses que lui-même avait toujours ignoré ?

- Qu’est-ce que ça peut te foutre que je le sache ou pas ? Balança sèchement Kyohei.

Sa colère s’était néanmoins dissipée et on pouvait ressentir dans le ton de sa voix qu’en réalité, il était plus que troublé par ses révélations. Il n’avait jamais cherché à enquêter autant sa famille mais on le faisait pour lui... Pourquoi ? Après avoir inspiré profondément, désirant se calmer, le magicien n’avait pu retenir ses phalanges qui avaient frotté nerveusement ses cheveux. Il ne comprenait plus rien. Rien du tout.

- Je crois qu’il vaut mieux que je m’assois.

Au cas où. Parce qu’à ce stade, il allait finir par tomber en syncope avec toutes ses informations qui arrivaient et qu’il aurait préféré ne jamais découvrir.

- Non. Je ne savais pas, Reprit-il une fois assis, plus posément mais sa voix restait impartiale, Et je ne veux rien savoir à leur propos. Ma mère ou mon père, je ne veux pas en entendre parler.

Etait-ce si compliqué à comprendre ? Peut-être. Même si Naoki avait enquêté, il n’avait pas été là pour voir dans quelle calvaire le jeune homme avait passé son enfance. Tout comme parallèlement, Kyohei ignorait tout de la sienne. S’il savait... Ils étaient à la fois si proches mais si loin de l’autre. Ca en était tellement ironique en réalité... Seulement, le magicien était incapable de saisir non plus. Saisir pourquoi son collègue avait eu ce besoin de s’informer sur sa famille et de lui déclarer tout cela. Peut-être qu’au bout du compte, c’était tellement évident que même lui ne réussissait pas à la voir, cette évidence. Ses yeux ne l’avaient pas quitté et bien qu’il venait de rétorquer qu’il ne souhaitait rien savoir, il éprouvait ce besoin de poser cette question là en particulier. Elle lui brûlait les lèvres et plus que tout, il avait besoin de comprendre.

- Pourquoi ? Pourquoi tu me demandes d’oublier tout ça pour au final me parler des actes de mon père ? Pourquoi tu t’intéresses autant à ma famille ?

Des « pourquoi », Kyohei en avait des tas seulement alors que sa bouche s’était entrouverte pour continuer de l’interroger, plus aucun mot n’en était sorti. Il n’était pas sur de ce qu’il désirait. Savoir ou non. Mais c’était trop tard à présent. Il avait déjà bien trop parlé.

En même temps, s'il avait trouvé Kyohei entrain d'enquêter sur sa famille, il n'aurait sans doute pas apprécier. Pas forcément parce qu'il voudrait défendre sa famille, plutôt par fierté, il n'aimait pas qu'on en parle. Mais ses affaires étaient un peu les siennes désormais, non ? Encore fallait-il savoir le dire. Et vu comme c'était partie, il doutait d'y arriver. Naoki se sentait clairement dans une impasse et il se disait que trouver une excuse, un prétexte ou inventer une histoire serait la meilleure solution. Ou bien il l'assomme et il fuit ? Ce serait peut-être la meilleure solution, vu comme il semblait énerver. C'était rare qu'il le voyait s'emporter, sans doute même la première fois, c'est pour cela que Naoki se sentait hésitant quant à la suite de la conversation, et plus ça avançait, plus son hypothèse était confirmée.

Il ne voulait rien savoir à leur propos, sa mère, son père. Ce qu'il pouvait comprendre. Après tout, pourquoi voudrait-il connaître un père qui l'avait lâchement abandonné pour une autre vie, une autre famille ? Juste parce que la femme qu'il allait épouser avait plus d'argent, une meilleure famille ? Certes, Kyohei ne savait pas tout ça. Et il ne le saura peut-être jamais. Naoki pourrait dire qu'il ne comprenait pas son père, parce qu'il avait moyen à savoir qu'avec la dame Tachibana, ça n'avait pas été qu'un coup d'un soir, à en croire les écrits qu'il avait trouvé chez elle, qui avait donc laissé une femme à qui il tenait probablement pour une autre dont il se fichait. Mais il connaissait que trop bien ce milieu où l'argent prime sur tous le reste.

Son regard croisa furtivement le sien et il ne put s'empêcher de rire un peu en regardant à nouveau les papiers. Qu'est-ce qu'il devait faire ? Ne pas lui parler de sa famille ou lui en parler ? Parce que concrètement, il ne pouvait pas faire les deux, et c'était un peu ce que Kyohei lui demandait. Il ne pouvait pas lui expliquer pourquoi il s'intéressait à sa famille sans lui parler de ses parents.

Au fond, c'était peut-être mieux d'inventer un truc, quitte à ce qu'il s'énerve, essaie de le frapper ou peu importe. Même s'il préférait mourir que de l'avouer, il avait peur que Kyohei s'éloigne définitivement s'il apprenait tout ça. C'était un peu ce qui se passait dans cette famille, Naoki n'avait absolument aucune notion positive de ce mot. Il n'avait jamais été proche de personne ayant le même sang que lui, alors ça le surprenait qu'ils aient pu si bien s'entendre avec Kyohei. Même s'ils passaient leur temps à s'embrouiller pour tout et n'importe quoi, ils étaient plutôt proches, non ? Et si ça changeait après ça, hein ? C'est peut-être ce qui allait arriver. Ça allait forcément arriver, c'était toujours comme ça.

Réalisant qu'il avait été silencieux un peu trop longtemps, il dut bientôt cesser de peser le pour et le contre. Il n'avait pas vraiment le droit d'imposer à Kyohei de savoir qui était son père, pas vrai ? Mais en même temps, il n'arrivait pas à trouver une feinte pour s'en sortie. Baissant les yeux, il chercha la photo de son père, le fameux Sekino Katashi, la posant devant Kyohei.

« J'enquête sur ce type, il verse de l'argent tous les mois à ta mère depuis ta naissance. Durant l'année 1987, ils ont eu une liaison assez intense d'après... » Naoki, évite de lui dire que tu t'es infiltré chez sa mère pour lui voler un journal intime. « Ce que j'en sais. Mais il s'est marié en mars 1988 à une autre, mariage arrangé, c'était pour le rang social, tout ça. Il dirige une sorte de manigance sordide, genre faire des crédits à des gens auxquels les banques refusent toutes aides et il augmente les intérêts tout en leur foutant une énorme pression pour qu'ils se suicident et que l'assurance vie rembourse. »

Bien, bien, bien, ça n'expliquait rien mais au moins, c'était dit. Ce n'était que le gros de l'affaire et il se doutait bien que Kyohei ne voudrait pas forcément apprendre tout de suite que son père était le plus gros connard qui soit mais il ne pouvait pas avancer les choses en disant qu'il faisait des cadeaux de dingues aux anniversaires. Dépenser son fric, c'était tout ce qu'il savait faire de bien.

Une minute d'hésitation gagna l'agent et il fixa Kyohei quelques secondes, c'était le moment, ou pas ? Non, ce n'était sûrement jamais le moment mais on avait pas forcément le choix. Contenant un soupir, il posa ses doigts sur la photos.

« C'est pas sur ta famille que j'enquête », reprit-il avait de retourner la photo où la nom de l'homme en question était inscrit. « C'est sur la mienne. »

Peut-être qu'il n'allait pas comprendre ? Ce serait bien qu'il ne comprenne pas, comme ça, Naoki pourra rentrer chez lui et tous le monde sera content, surtout lui. Il n'aurait jamais pensé avoir cette conversation avec lui un jour et c'était juste terrifiant de se dire qu'il n'avait pas la moindre idée de comment ce dernier allait réagir.

Un silence. Un long silence s’était installé dans la pièce après que Naoki ait parlé. Kyohei était incapable de déclarer quoi que ce soit alors que des milliers de choses tournoyaient dans sa tête, si bien que non, vraiment, il peinait à discerner ce qui l’entourait. Il avait l’impression de se sentir partir doucement, sûrement tandis que tout lui paraissait improbable. Dés que son collègue avait commencé ses explications, le jeune homme avait voulu lui hurler de se taire, lui dire qu’au bout du compte il n’avait rien envie de savoir cependant là encore, aucun son n’avait franchi sa bouche et il n’avait pas eu d’autres choix que de l’écouter. Se boucher les oreilles auraient pu être une seconde option néanmoins avec un bras invalide, immobilisé par une atèle, cela aurait été compliqué. Et il aurait eu l’air d’un idiot de toute façon. Mais puisque parler ne semblait pas fonctionner, ça aurai pu être une idée pour inciter son vis-à-vis à ne rien dire. Il ne savait même pas quoi penser en réalité. Tout était si flou dans son esprit que le magicien n’était pas sûr de vouloir comprendre. Pourtant, il n’avait pas eu besoin de réfléchir. Mal à la tête ou non, il avait aussitôt compris où Naoki souhaitait en venir. Il fallait réellement être le dernier des idiots pour ne pas saisir de toute façon. Le garçon enquêtait en vérité sur son père. Sur leur père. Et peu importait ô combien Kyohei avait deviné le sous-entendu, il ne parvenait pas à rétorquer quoi que ce soit. L’évidence était là devant ses yeux, il ne pouvait pas la nier mais malgré ça, il n’arrivait pas à y croire tant tout ça lui paraissait inimaginable. C’était fou... Quand il était petit, il avait toujours rêvé d’avoir un petit frère, quelqu’un avec qui il pourrait passer du temps, quelqu’un qui pourrait le comprendre sans qu’il n’ait besoin de parler, quelqu’un avec qui il se battrait pour un oui ou pour un non mais qu’il adorerait malgré ça. Quelqu’un qui malgré sa fierté n’hésiterait pas à lui venir en aide au moindre problème. Et inversement. Kyohei ne comptait plus ces fois où enfermé dans sa chambre, seul et attristé, il avait prié pour qu’on le sorte de cette solitude dans laquelle lui-même se réfugiait. Il avait longtemps rêvé de ce frère qu’il n’avait jamais eu mais... Et maintenant ? C’était tellement ironique... Il ne savait plus quoi penser et ne pouvait même pas en vouloir à Naoki. Juste que ça le frustrait de se dire que pendant tout ce temps, quelqu’un partageait son sang et que tous deux l’ignoraient. Peut-être que leur relation aurait évolué autrement s’ils l’avaient su plus tôt... Peut-être qu’ils se seraient détestés à cause de leur famille respective parce qu’au bout du compte, l’un ou l’autre était peut-être la faute de ce qu’ils avaient traversé quand ils étaient jeunes mais... Peut-être aussi qu’ils auraient été plus complices, plus proches et qu’ils auraient pu se soutenir comme sont censés le faire deux véritables frères. Ah. Le magicien était littéralement perdu et il peinait à accepter la réalité. Tout lui tombait dessus, comme ça... Tout discernait était compliqué. Son interlocuteur devait probablement s’inquiéter de ce silence que le garçon avait installé... Il avait toujours été une personne calme, posé mais quand il était avec lui, c’était toujours quitte ou double. Soit ils se chamaillaient et se prenaient la tête pour des bêtises, soit ils faisaient les fous et rigolaient pour des jeux d’enfants. Rares étaient les fois où tel silence naissait entre eux seulement Kyohei essayait tant bien que mal d’analyser et de s’imprégner chaque parole de celui qui était apparemment son demi-frère.

Et puis, subitement, comme ça, sans qu’on ne s’y attende réellement, le magicien se mit à rire. Oui, rire. Mais c’était plus nerveux qu’autre chose en réalité. Ses doigts s’agrippaient à ses cheveux alors qu’il était incapable d’arrêter ce son qui s’enfuyait tout seul de ses lèvres. Pourquoi s’entêtait-on à le tourmenter de la sorte ? Il ne l’était pas assez donc on lui en rajoutait ? Il ne savait même pas s’il devait être heureux ou non. En soit, il ne s’agissait pas d’une mauvaise nouvelle... C’était juste bizarre. Perturbant. Bien sûr que ça le tracassait parce que ça le faisait réfléchir à pleins de choses.

- Laisse-moi un peu de temps, Dit-il une fois calmé, sans le regarder pour autant.

Par « un peu de temps » Kyohei voulait certainement dire quelques minutes. Le temps de digérer ne serait-ce qu’un minimum la nouvelle et qu’il parvienne à réaliser qu’en fait, il lui restait peut-être, un petit peu de sa famille. Une famille qu’il pourrait apprécier sérieusement et qui lui prouverait qu’au final, rien n’était perdu. Ca, il le comprenait mieux que quiconque et quelque part, il était heureux de s’apercevoir qu’il n’était pas si seul. Quand on y réfléchissait sérieusement, jusque là, avec Naoki, leur relation était étrange mais ils s’entendaient bien non ? S’il lui était arrivé quelque chose, est-ce que Kyohei l’aurait laissé tomber ? Non. Parce que ça l’aurait inquiété et que même s’il répétait sans cesse qu’il détestait cet homme, au fond il l’aimait bien. Sans savoir ce qui les liait en vérité, ils se connaissaient depuis des années et ça avait toujours été ainsi entre eux. Sûrement que c’était cela qu’on appelait les liens du sang... Ils ne donnaient pas l’impression d’être si proches que ça et pourtant...

- Bon sang, j’ignore ce qui se passe en ce moment pour que tout arrive d’un coup... Genre, on peut pas me ménager un peu, je ne sais pas.

Il aurait voulu rétorquer autre chose néanmoins râler paraissait lui faire du bien, comme si cela lui permettait d’évacuer un peu tous ses tourments. Ca ne l’aiderait certainement pas à se relever de ce qu’il avait vécu mais si ça pouvait l’alléger un petit peu, c’était déjà ça. En fait en cet instant, il n’avait envie de faire que ça : râler. Seulement il n’était pas seul et au fond, même Naoki, ça devait le perturber non ? Soufflant comme pour tenter de se reprendre, le magicien finit par s’excuser avant de claquer discrètement sa langue contre son palet. Et maintenant ? Qu’est-ce qui était censé se passer ?

- C’est juste que je ne comprends pas, Se justifia-t-il ensuite avant de tourner son attention vers lui, Enfin si, je comprends... Mais, ce n’est pas bizarre ? Enfin, je ne sais même pas pourquoi je pose la question, bien sûr que c’est bizarre.

Kyohei, tu ferais mieux de te taire. Tu es en train de t’embrouiller tout seul... Néanmoins, il était facile de le comprendre. Il ne pouvait pas jouer la comédie et mimer ne pas être troublé.

- Tu as découvert ça quand ?

Il avait eu envie de lui demander, lui dire un « alors, on est frère ? » mais ça non plus, le magicien n’était pas parvenu à le questionner sur le fond de sa pensée. Alors c’était une autre question qui était sorti à la place. Il était encore bien trop perturbé pour pouvoir en discuter si ouvertement, il préférait laisser planer le doute même s’il savait que c’était inutile. Sans parler de ses papiers, maintenant que tout était plus ou moins clair dans leur tête, même l’attitude qu’ils avaient toujours adopté ensemble prouvait ce lien qui les unissait en réalité.

C'était tellement compliqué et incroyable toute cette histoire. En réalité, en enquêtant sur son père, Naoki s'était attendu à tout, mais pas particulièrement à cela ; pas du tout même. On lui aurait dit que son père avait des gosses ailleurs, il n'aurait pas vraiment été surpris, mais qu'il connaisse ce « gosse » en question depuis qu'il était adolescent, c'était juste invraisemblable. Lui-même peinait à y croire alors qu'il avait eu pas mal de temps pour se faire à la nouvelle. Alors il pouvait comprendre que Kyohei n'était pas forcément entrain de sautiller partout, quand bien même l'agent préférerait être n'importe où que dans cette pièce actuellement.

En l'entendant rire, il releva simplement le regard vers lui avant de baisser à nouveau. C'était tellement drôle ou quoi ? Définitivement, il avait juste envie de rentrer chez lui, et de continuer son enquête. Seul. Comme il le faisait jusque là. Il n'en avait même pas vraiment parlé à Ren, sauf pour lui dire qu'il allait se marier et que Kyohei était son demi-frère. Il avait eu besoin d'un peu d'aide, ou juste qu'on l'écoute, mais vu ce qui s'était passé pour eux deux, ce n'était sans doute pas le moment. La solitude, il y était habitué à force, même si ça devenait difficile s'il trouvait ce genre d'info, mais il allait tenir bon, il était déterminé dans ce qu'il faisait et il savait pourquoi il le faisait.

Quand il demanda un peu de temps, Naoki ne répondit pas, se contentant de tendre la main pour récupérer la photo de son père, sans la retourner, tandis qu'il la replaçait dans le dossier qu'il avait apporté, contenant le début de l'enquête Tachibana Minami/Sekino Katashi. Il vaut mieux qu'il continue cela une fois chez lui. Il avait lu les documents des NSA et ça devrait être suffisant, vu sa mémoire, il ne risquait pas d'oublier ce genre de détails. Dans tous les cas, il voudrait bien aider Kyohei, mais il n'en avait pas les moyens, il pouvait juste l'écouter, lâchant un rire quand il parla de le ménager. Chez les Sekino, ça n'existe pas ça, il fallait qu'il se fasse une raison.

Son silence demeurra, le laissa se faire à l'idée, petit à petit, souriant à nouveau quand il déclara que c'était bizarre. Oui, ça l'était. Beaucoup même. Mais après tout, ce le serait davantage s'ils trouvaient ça normal non ? Quand il voulut savoir quand il l'avait découvert, Naoki dut y réfléchir un peu. Son temps était totalement décallé, il avait l'impression que tout allait si vite autour de lui ! Comme il passait très peu de temps à dormir, il lui arrivait parfois de ne plus avoir la moindre idée du temps qui passait.

« Quelques jours, peut-être une semaine. Quand j'ai découvert la présence de ta mère dans sa vie, j'ai pas vraiment mis longtemps à faire le rapprochement, c'est assez évident. » Oui, on ne verse pas de l'argent à n'importe qui, surtout pas lui.

La conversation n'avait pas tellement de sens, en général, ce n'est pas eux de trouver la vérité, si ? Ou du moins, ça ne devrait pas être au fils légitime. Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans les livres, si ? Enfin... Malheureusement, la réalité n'avait rien à voir avec les livres. Dans les livres, il suffit de sauter des pages pour voir comment ça se termine. Et là, ce n'était pas si simple. S'il n'avait qu'une seule certitude, c'est qu'il n'arrêtera pas avant d'avoir tout découvert et d'avoir fait en sorte que son père soit arrêté, et qu'il termine sa vie en prison. Et si jamais il arrivait à s'en sortir, il réglera les choses lui-même. Il n'aurait pas le moindre scrupule à cela.

« Tu sais, je te demande rien dans tout ça. Enfin, il t'a abandonné et n'a jamais essayé de reprendre contacte avec toi, donc je pense que tu dois continuer comme avant, comme s'il n'existait pas. Ça vaut mieux et il n'en vaut pas la peine de toute façon. »

Pas du tout même, même si ce n'était pas vraiment la question, mais l'agent ne savait juste pas quoi faire ou quoi dire, il avait envie de rentrer chez lui et de nne pas continuer cette conversation. À quoi bon ? Kyohei ne pouvait pas l'accepter et il comprenait tout à fait qu'il ne puisse pas en réalité. À sa place, il serait déjà partie.

« T'as assez de problème en ce moment pour t'en rajouter avec ça. Quelque part, ça change pas grand chose, enfin je crois pas. »

Bien sûr que ça changeait ! Ça changeait beaucoup. Collègues ou amis, ça ne voulait pas dire frères, ça n'était pas aussi fort. Et il le savait très bien, mais tout ce qui concernait la famille, il préférait minimiser, parce qu'il ne voulait plus trop en attendre, il savait que ça pouvait très mal finir, ça finissait presque toujours mal, du moins pour lui. Les sentiments, la proximité avec les gens, il ne savait pas trop comment faire, sauf avec Ren. Et encore, même avec lui, c'était bizarre. L'expression d'un ressenti, c'était quelque chose qu'il avait toujours peiné à faire.

« Il n'y a rien de plus à comprendre que ce que je viens de te dire. »

Sekino était son père, et ils étaient demi-frères. C'est tout. Le reste, ce n'était pas ses affaires. Qu'est-ce que ça pouvait faire qu'il en sache plus de toute façon, ce n'était pas comme s'il y allait avoir une énorme différence.

Oui, c’était bizarre. Mais était-ce une mauvaise chose ? Kyohei n’en avait pas l’impression. Simplement que réaliser la situation était compliquée. S’il avait appris qu’il avait un frère quelque part dans le monde, certainement qu’il se serait démené pour retrouver ce dernier. Il aurait pensé au fait qu’il avait encore un petit bout de sa famille, que peut-être il pourrait renouer avec celle-ci de cette manière. Hors, c’était différent. Il n’avait pas besoin d’enquêter, il avait déjà son frère devant lui et il le connaissait. N’aurait-il pas pu tomber mieux ? Au fond, le magicien savait que non. Retrouver un frère qu’on ne connaissait pas, qui disait que celui-ci ne l’aurait pas jeté en l’envoyant balader, déclarant qu’il ne voulait rien savoir... Avec Naoki, ils étaient quand même assez proches. Evidemment, ils ne savaient pas grand chose de la vie de l’autre mais malgré ça, ils s’entendaient bien puis rien ne les empêchait, d’en apprendre plus sur l’autre à partir de maintenant non ? Peut-être qu’en vérité, Kyohei était content d’avoir appris cette nouvelle, content de savoir qu’il avait un demi-frère, le plus difficile était de le réaliser. Mais au moins, quelque part, il se disait qu’il n’était plus seul et il était poussé par une certaine curiosité. Il voulait le connaître plus, savoir comment étaient ses parents avec lui, si lui aussi il avait souffert par le passé et lui dire qu’il était d’accord pour le soutenir à partir de maintenant. Probablement que si Naoki effectuait des recherches sur son paternel, ce n’était pas parce qu’il l’adorait toutefois, ça l’intriguait.

Cette fois-ci, Kyohei avait du mal à égarer ses yeux ailleurs dans la pièce que sur son vis-à-vis, il l’écoutait avec attention. Il y avait une semaine, il était encore à l’hôpital donc ça ne changeait pas grand chose à ce niveau là. Il n’aurait pas pu le savoir avant et c’était sûrement ce qui le frustrait le plus. Si seulement, ils avaient pu le savoir plus tôt... Machinalement un soupir s’échappa de ses lèvres à cette pensée. Il n’était jamais parvenu à cerner sa mère, son attitude envers lui ni pourquoi elle le détestait tant mais maintenant qu’il y réfléchissait, ce n’était pas qu’elle qu’il ne comprenait pas. C’étaient les adultes en général. Pourquoi leur avait-on caché qu’ils avaient quelqu’un qui partageait leur sang quelque part ? Pourquoi sa mère a-t-elle été toujours aussi égoïste ? Et pourquoi fait-on des gosses si au final, ce n’était pas pour s’en occuper ? Bien sûr qu’il leur en voulait, à tous les deux. Mais heureusement en grandissant, il avait appris à canaliser tous ses ressentiments. Parce qu’il avait été plus entouré sans eux qu’il ne l’avait été lorsqu’il était à la maison. Il avait compris que passer son temps à les haïr ne l’aiderait pas à avancer et ça, c’était grâce à toutes ces personnes qui l’entouraient chaque jour. Maintenant, il était facilement capable de peser le pour et le contre et de vivre sans eux.

- Je pense que ça change beaucoup, Déclara le jeune homme après un silence et en haussant les épaules, Honnêtement, mes parents, je n’en ai rien à foutre d’eux. Du moins, je peux très bien avancer sans les avoir dans ma vie. Je me suis toujours débrouillé seul jusque là alors savoir qui est mon père ou non, en fin de compte je m’en fiche. Ca n’enlève pas ce qu’il a fait.

Il l’avait abandonné et ce n’était pas à Kyohei de lui courir après pour avoir un semblant d’amour. Il était strictement contre. Après tout ce qu’il avait vécu ces derniers jours, il n’avait plus la force, encore moins le courage pour de telles futilités. Que cela soit aujourd’hui ou par le passé, aucun de ses parents n’avaient été présent autour de lui. Quand il s’était fait tirer dessus, même s’il avait gardé ce visage souriant et rassurant, il n’avait eu que ses amis pour l’aider un tant soit peu à lui changer les idées et le soutenir. Alors il avait gardé cette optique là, sa famille, c’étaient ses amis. Et Yui. Mais maintenant, c’était différent car il y avait cette histoire qu’il venait de découvrir. Il lui restait un brin de cette famille que Kyohei pensait avoir disparu alors évidemment que tout changeait. L’expliquer était plus compliqué. Il n’aimait pas se confier, révéler ce qu’il avait sur le coeur ou ce qui le tourmentait. Ca le mettait mal à l’aise. Seulement quelque chose lui disait qu’il n’avait peut-être pas le choix...

- Pour ce qui est du reste, on peut dire ce qu’on veut, c’est quand même quelque chose d’énorme. Et ce n’est pas que je ne l’accepte pas, je l’accepte. Je trouve juste ça tellement incroyable que je ne réalise pas. Je me demande juste si je ne suis pas en train de rêver et d’imaginer tout ça tant ça me paraît improbable.

Après tout, il dormait tellement peu qu’épuisé, il aurait pu s’assoupir et inventer toutes ces histoires. Cependant le magicien savait que c’était bel et bien réel, que ce que lui avait raconté Naoki était plausible et qu’au bout du compte, ce n’était pas si surprenant que ça. Il regrettait simplement de ne pas y avoir pensé plus tôt. S’il ne connaissait pas son père, rien ne privait ce dernier d’avoir un autre enfant.

- Pourquoi tu enquêtes sur lui ? Finit par l’interroger Kyohei avant de se lever et de s’approcher de la table où les papiers étaient installés, Tu ne t’entends pas avec ?

C’était plus fort que lui, il avait envie d’en savoir plus. Parce que justement si Naoki était son frère, il voulait être capable de le comprendre et pourquoi pas le soutenir dans ses démarches. De sa main valide, il rouvrit le dossier en silence et le détaillant avec plus de minutie cette fois-ci. Tout était clair et il n’y avait pas de doutes à avoir quant à leur fraternité. Lui se disait qu’on avait apparemment souhaité les séparer mais leurs parents avaient merveilleusement échoué. Il ignorait s’ils étaient au courant de cela toutefois lui n’avait que faire de ce détail. Il avait l’espoir de pouvoir avoir un semblant de famille, il n’avait pas l’intention de le laisser s’échapper comme ça.

- Je vais t’aider.

Ah bon ? Pourquoi ? Et surtout comment ? Peu importait. Il se soucierait de ces détails plus tard. Simplement que s’il n’en avait que faire de ses parents, il appréciait Naoki. Sans parler qu’il refusait de le laisser s’interférer là-dedans tout seul. A sa place, Kyohei aurait certainement aimé avoir un coup de main donc même s’il ne pouvait sûrement pas faire grand chose, il serait là.

- Pour ce que j’ai vécu, ne t’en fait pas. Dit-toi que ça me changera les idées.

Ce qui était en partie vrai. Cela n’effacerait pas les souvenirs atroces qui défilaient dans sa tête, ça ne permettrait pas à son bras de guérir plus vite mais au moins ça lui donnera l’occasion de penser à autre chose. Et c’était mieux que rien.

Où est-ce que cette conversation allait les mener ? Naoki n'en avait pas la moindre idée, quelque part, ça l'inquiétait un peu. Il n'avait pas envie que Kyohei le rejette ou lui dise qu'il s'en foutait de tout ça, que ça ne voulait rien dire. Un frère, qu'est-ce que c'était ? L'agent n'en avait pas la moindre idée, ça avait l'air cool à la télé. Mais en vrai, c'était comme un mythe, il en entendait souvent parler mais il était incapable de savoir ce que ça fait. Alors quelque part, en apprenant que Kyohei était son frère, il avait été un peu excité par la nouvelle, mais c'était assez rapidement retombé quand il avait songé que peut-être que ça allait capoter, qu'il n'allait plus vouloir lui parler ou peu importe.

Quelque part, c'est pour ça qu'il avait décidé alors de ne pas en parler à Kyohei. Il aurait préféré garder cela pour lui, et continuer leurs petites enquêtes en sachant juste lui-même qu'ils étaient frères, qu'une partie de leur sang et de leur ADN était identique. Il aurait peut-être tenter de se rapprocher de lui un peu, un tout petit peu, même si ça aurait été bizarre. Très bizarre le connaissant mais il n'était plus à ça près.

Rêver de ça, ce serait bizarre. Naoki haussa juste les épaules, préférant ne répondre que lorsqu'il lui posait une question. Il n'avait pas envie de le brusquer. Alors autant qu'il assimile le tout doucement et ça sera déjà une bonne chose de faite. Sa question le prit un peu de court. Pourquoi l'enquête ? Un sourire narquois s'était formé sur ses lèvres quand il demanda s'ils ne s'entendaient pas. Le mot était tellement faible que Naoki ne saurait comment répondre à cela. Son père, il avait tellement de choses à dire, pourtant il n'en parlait jamais Même à Ren, il n'en avait jamais tellement parlé, juste le principal, les grandes lignes. Il n'y arrivait pas sinon, c'était trop difficile. Son regard croisa celui de Kyohei qui déclarait qu'il allait l'aider, ne sachant même pas quoi répondre. Comment ? Pourquoi ? Il ne voulait pas d'aide, c'était mieux s'il faisait tout tout seul, même si ça le touchait un peu de le voir se proposer ainsi.

Rapidement, il rassembla les papiers, les posant sur la table basse qui se trouvait plus loin, faisant signe à Kyohei de s'asseoir par terre avec lui, il sortit deux verres et le sake premier choix que Terazawa offrait au NSA. Ah, il l'aimait vraiment ce mec. Une fois servit, il s'installa à son tour, sortant une cigarette qu'il alluma, laissant le paquet sur la table au cas où Kyohei en voudrait une. On sait jamais, hein.

« Non, on s'entend pas, pas du tout même. Je saurais même pas comment t'expliquer le genre de type que c'est... Le prend pas mal, mais abandonner son gosse, c'est pas la pire chose qu'il ait fait, il aurait jamais du devenir père, on aurait jamais du laisser un type comme ça se reproduire, ou élever un enfant. » Ils ne seraient pas là s'il n'avait pas eu le droit de se reproduire, mais parfois Naoki se disait que ça n'aurait pas été plus mal. Il était complètement dérangé de partout et peinait à avoir une vie normale, même en vivant loin de lui pendant presque dix ans. « Il a fait des choses horribles. A tellement de gens. J'ai coupé tout contacte avec lui depuis mes dix-huit ans, je suis parti chez Ren. C'est pour ça que c'est toujours toi qui doit payer à manger ! » Et parce qu'il était radin, aussi. « Il a une fortune inestimable, s'ajoutant à cela tous le fric qu'à ma mère avec sa boite, tu pourrais même pas t'imaginer combien ils ont. Les Sekino sont assez connu dans tout le Kansai, c'est une famille bourgeoise assez prisée, tous le monde connait dans le milieu. J'me dis que c'est pour ça qu'il paie encore ta mère, ce serait terrible si on apprenait qu'il avait un fils caché. »

Le truc c'était de savoir pourquoi il ne tue pas tout simplement la mère de Kyohei. Enfin, ce n'était pas comme s'il avait réellement de scrupule. Tirant longuement sur sa cigarette, il apporta son verre à ses lèvres, réfléchissant un peu à tout ce qu'il venait de dire. Il n'avait pas vraiment su parler de sa relation directe avec son père, mais ça le traumatisait un peu trop pour y parvenir. Pour l'instant, il préférait éviter, même si ce serait montrer un peu plus de justice, vu qu'il savait presque tout de ce qui s'était passé dans la vie de Kyohei avec sa mère.

« Et je ne veux pas que tu m'aides », ajouta t-il en levant son regard vers lui. « Il est pas du genre à avoir de la pitié ou des scrupules, je veux pas te mêler à ça, ça peut être dangereux. T'imagines pas combien il est fou, vraiment. C'est gentil de te proposer, mais ça ira. Ce n'est plus qu'une question de temps de toute manière, si tu veux te changer les idées, j'sais pas, tu peux venir chez moi me faire à manger, ça serait bien ça. Ou tu peux déjà réfléchir à comment on rattrapera le temps perdu. »

Un petit sourire s'était glissé sur ses lèvres et il rit très légèrement. Le temps perdu ne se rattrapait pas, pas vrai ? Pourtant Naoki avait un peu d'espoir que cela soit possible et il vida doucement son verre, fermant les yeux en profitant de cette sensation qui lui brûlait la gorge. Quand ce sera terminé, ils auraient plein de temps pour faie les idiots, ensemble.

Au bout du compte, il n’avait pas besoin d’en apprendre plus pour le moment, ce que Naoki venait d’avouer était suffisant. Il avait plus ou moins contourné sa question mais Kyohei comprenait certainement. Il était le premier a refusé de sa vie privée, en particulier de son passé. Si on lui demandait, bien sûr il essaierait de s’expliquer cependant il passerait outre les petits détails et irait directement à l’essentiel. Alors il saisissait que son collègue ne ressentait pas l’envie d’en parler de suite même si ce n’était pas forcément juste, puisqu’avec son enquête, il avait du en découvrir plus sur lui que le contraire. Le magicien aurait pu faire la même chose néanmoins à choisir, il préférait apprendre par le garçon lui-même qu’au travers de maudites recherches. Disons que pour le moment, il se satisfaisait de ce qu’on lui donnait et bien que ce n’était pas vraiment la situation appropriée, il n’avait pu s’empêcher de sourire doucement. Peut-être que c’était un peu égoïste de visualiser les choses ainsi mais il se disait que c’était drôle... Ils avaient vécu chacun de leur côté, dans une famille différente, avec une éducation différente néanmoins tous les deux avaient dû être si seul. Si Kyohei souriait, ce n’était pas parce qu’il considérait cela comme amusant mais parce qu’il songeait qu’au final, ils étaient sûrement encore plus aptes à se comprendre. Quoi qu’ait pu faire leurs familles respectives, il n’avait pas l’intention d’abandonner. Ca leur ferait trop plaisir que Naoki et lui se fâchent, ne se parlent plus juste parce qu’en réalité ils étaient frères. Lui s’était toujours demandé ce que cela faisait d’en avoir un et en avait rêvé à plusieurs reprises. Il le voyait dans ses bouquins ou à la télévision parfois et il ne parvenait pas à saisir parce qu’il avait toujours été fils unique. Certes, il avait ses amis cependant quoi qu’on dise, ce n’était malheureusement pas pareil. Le même sang ne coule pas dans nos veines... Un lien fraternel est censé être plus fort. Beaucoup plus fort. Et Kyohei était curieux de découvrir ça. Avant sans le savoir, les deux agents étaient déjà, d’une certaine façon, incroyablement proches néanmoins à présent qu’ils étaient au courant à propos de la vérité, peut-être que leur relation ne fera que se renforcer.

Ne l’était-elle pas déjà un peu d’ailleurs ? Quel genre de NSA allait s’assoir à terre, buvant du saké en compagnie d’un autre collègues ? Non, on ne pouvait plus réellement les surnommer de la sorte toutefois il était encore dur pour Kyohei de dire « frère ». Ils l’étaient et l’acceptait mais le réaliser était tout autre chose. Dans tous les cas, il fallait avouer qu’ils avaient l’air fin tous les deux cependant cela ne semblait pas les déranger. Sans l’interrompre le jeune homme l’avait écouté, hochant la tête de temps à autre avant de tremper ses lèvres dans son verre et de lui accorder toute son attention.

S’il avait dit « ça me changera les idées », ce n’était pas la première raison pour laquelle, le magicien avait rétorqué ces mots. Il avait déclaré ceci parce que juste avant, Naoki lui avait dit « tu dois avoir d’autres choses à penser » et il n’avait pas eu tort. Il était vrai que Kyohei avait clairement l’esprit ailleurs en ce moment, qu’il aurait préféré faire de telles découvertes une fois remis sur pied. Mais ça n’avait plus d’importance désormais. Avant de proposer son aide, il avait sincèrement réfléchi et se doutait que c’était une chose à ne pas prendre à la légère. Simplement qu’il n’avait pas eu envie que son interlocuteur se retrouve seul dans cette histoire. Si leur père était aussi fou qu’il le disait alors non, Kyohei ne pouvait pas le laisser s’aventurer là-dedans sans lui filer un coup de main. C’était vrai aussi qu’il avait promis d’arrêter les « conneries » cependant à croire que c’était plus fort que lui.

Un faible rire s’enfuit toutefois de ses lèvres à la suite de la phrase du garçon alors que lui pensait ô combien ce dernier pouvait rêver pour qu’il lui fasse la cuisine.

- C’est déjà un calvaire pour préparer pour moi-même, tu ne crois quand même pas que je vais me déplacer chez toi pour te faire à dîner ? Le taquina-t-il en souriant.

N’avait-il pas dit quelques temps plus tôt qu’il fallait le ménager ? Il n’avait qu’un bras. Déjà qu’en temps normal, Kyohei détestait s’embêter à faire des plats compliqués, à cuisiner tout court, alors avec qu’une seule main valide, autant dire qu’il aimait encore moins. Lorsque Yui rentrait le soir, il n’avait rien besoin de demander qu’elle préparer le repas d’elle-même bien que lui ne pouvait s’empêcher de participer. Il était capable de se débrouiller et il refusait de lui en demander plus que ce qu’elle ne faisait déjà. Le midi par exemple, le jeune homme n’avait pas d’autres choix que de faire la cuisine tout seul. Son épouse aurait très bien pu lui préparer quelque chose la veille qu’il n’aurait eu qu’à faire réchauffer toutefois il avait été catégorique là-dessus également. Il ne devait pas trop dépendre des autres, autant prendre ces tâches quotidiennes comme une rééducation.

- Sinon, Reprit le magicien avec un air bien plus que sérieux, Je ne t’ai pas demandé ton avis. Je n’ai pas non plus dit ça à la légère sans penser aux conséquences. Tu sais, être NSA tout court, c’est déjà se mettre en danger. J’ai déjà failli mourir deux fois, je ne suis plus à ça prêt.

Ah oui ? Vraiment ? Répète un peu pour voir. Ca fait le fier, le fort, et après ça panique dés qu’une porte est fermée, c’est beau. Mais non, Kyohei était sincère dans ses paroles. Pour sûr qu’il serait tracassé et que le moindre bruit risquait de le faire sursauter néanmoins il n’aurait pas d’autres choix que de prendre sur lui. Vivre constamment dans la peur n’était pas la solution et ça, il le savait mieux que quiconque. Il ne l’avouait pas à voix haute seulement, bien sûr que participer à tout ça le terrifiait, qu’il avait peur qu’on lui tire à nouveau dessus et que cette fois-ci on ne le rate pas. Hors, c’était la vie. Il n’allait pas passer tout son temps cloîtrer dans son appartement à attendre que les minutes passent... Le plus embêtant restait son bras mais il y croyait, ça finirait par aller.

- Et tu vois, je suis encore là. Je n’en ai peut-être pas l’air mais j’en ai là-dedans, Dit-il en tapant doucement son torse afin de désigner sa force mental, Si c’est dangereux, c’est une raison de plus pour que je t’aide. Après tout, ça me concerne aussi maintenant. Et si c’est dangereux pour moi, ça l’est aussi pour toi sauf que je ne vais pas te laisser filer comme ça tu vois ?

Kyohei ne l’avouait pas clairement néanmoins il s’agissait là d’un sous-entendu de façon à lui faire comprendre qu’il était avec lui, qu’il ne lui en voulait pour rien et qu’il acceptait de le soutenir, de rattraper le temps perdu également. Une fine esquisse sur les lèvres, le jeune homme fit cogner son verre contre celui de son vis-à-vis avant de le boire cul sec, l’indexant subitement dans un « ah ! »

- Ne rêve pas non plus, hors de question que je te paie tout le temps la bouffe ! J’ai une famille à nourrir moi !

Une femme et deux animaux, quelle famille ! Sans parler du fait que c’était plus la femme qui le nourrissait en ce moment que le contraire. Mais c’était pareil, lui se comprenait dans ce qu’il racontait et c’était le principal.

Être NSA pouvait être dangereux même si Naoki n'avait jamais vraiment eu de problème avec cela. Mais à son sens, c'était différent d'être NSA, ce n'était pas dénoncer quelqu'un d'inconnu, mais dénoncer quelqu'un de proche, de bien trop proche à son goût. Et ce n'était pas une question de style, de vêtement ou de technologie. Il ne saurait expliquer le problème avec son père, mais mêler Kyohei à ça... Déjà qu'il avait refusé l'aide de Ren. Depuis toujours, pour sa famille, il avait appris à gérer cela tout seul, sans l'aide de qui que ce soit, et c'était difficile de s'imaginer changer maintenant.

Un air profondément perplexe s'afficha sur le visage de Naoki quand son « frère » tapa sur son torse pour dire qu'il en avait « là-dedans ». En général, c'était pour parler de sa tête, pourquoi désigner son torse ? Et s'il voulait parler de sa force physique, on permettait à l'agent de profondément douter de la véracité des mots de Kyohei. Enfin, il y avait clairement quelque chose d'illogique dans ce qu'il disait qui faisait douter Naoki du bien fondée de son affirmation. Bon, dans tous les cas, c'était déjà gentil. Un petit soupir resta coincé dans sa gorge, et il le remplaça par un rire quand il reprit la parole. C'est vrai, il s'était marié. Il ne savait même pas avec qui, mais il aura le temps de voir ça plus tard.

« Plus la peine de payer quoique ce soit, j'en ai plus besoin, j'ai retrouvé la fortune de Papa depuis quelques jours~ » Répondit-il, un sourire profondément ironique sur les lèvres. « Quelque part, c'est cool, j'ai l'impression d'être payer pour enquêter sur lui. »

Si son père savait... Non, il ne valait mieux pas qu'il sache, tout tomberait à l'eau. L'héritier premier se sentait quelque peu inquiet, rien que d'en parler ici. Il savait que les mur étaient bien insonorisés et que personne ne venait à cette heure-ci. Dans tout les cas il ne savait pas trop quoi faire de l'aide de son demi-frère, ça le désorientait plus qu'il ne l'aurait imaginé d'avoir l'impression de devoir partager cette enquête. Il aurait tellement de choses à expliquer, tellement de plan à modifier. Il ne savait même pas par où commencer. Il en avait parlé à Ren, mais jamais dans les détails, et de ce fait c'était un peu plus compliqué de s'en sortir. Vidant son verre, il ramena ses jambes pour s'installer en tailleur, reprenant ses différents pages.

« D'accord, alors tu vas m'aider. Mais promets moi de ne pas prendre d'initiative et de ne rien faire de dangereux. » Son regard se planta dans le sien, comme pour s'en assurer avant de reprendre : « Déjà, je suis pas un super justicier, ce qu'il fait, c'est mal, très mal et il mérite le pire pour ça, mais j'en ai rien à faire concrètement de ses victimes, c'est plus une vengeance personnel. Il travaille pas, il dit vivre sur la fortune de notre famille plus les bons revenues de ma mère qui possède une grosse entreprise. »

Ah, sa mère, cette femme formidable. Il se demandait si elle savait, mais au vu du phénomène, il y avait fort à parier que non et qu'elle s'en foutait totalement à vrai dire. Mais encore une fois, là n'était pas la question. Sortant une des feuilles, il la tendit à Kyohei. C'était la liste de ses potentielles victimes, les noms, la date du décès et la façon dont ils se sont suicidés face à un trop gros endettement.

« Se suicider quand on a des dettes, c'est trop courant au Japon, donc forcément c'est facile d'en profiter, et c'est c equ'il fait. Il fait des prêts à des gens vraiment dans la misère et que les banques ne veut plus aider, puis il augmente les intérêts pour qu'ils ne puissent pas rembourser, à moins d'utiliser une assurance vie. En gros, c'est ce qu'il fait, y'a d'autres trucs en plus de ça, mais c'est un peu long. Pour en savoir plus, j'ai repris contacte avec mes parents il y a quelques semaines, je vais travailler dans l'entreprise de ma mère, comme c'était prévu que je la reprenne un jour. »

Ah, chef d'entreprise, la dernière chose qu'il voudrait être sur terre. Pour autant, il allait devoir s'y faire pour l'instant. Il allait commencer très prochainement, directeur adjoint, juste sous la présidente suprême de la compagnie. La folie. Il ne savait pas trop ce que ça allait donner, mais peu importe.

« Tu pourrais venir y travailler aussi ? Faudrait juste changer ton nom, mon père vient pas à l'entreprise mais il doit sûrement voir le noms des employés. »

Quelque part, il fera partie des employés lambda, ce sera sûrement plus facile pour lui d'avoir des informations.

Pas besoin d’avoir d’explications que de toute façon Kyohei avait bien remarqué que Sekino senior n’était pas quelqu’un d’abordable. S’il l’avait été, certainement qu’il ne l’aurait jamais abandonné d’ailleurs. Mais il avait très vite compris via Naoki que cet homme n’était pas très net dans sa tête et c’était probablement la raison pour laquelle le magicien l’écouta sans broncher, pas une once de surprise se lisant dans ses pupilles. Rien que quand son collègue - demi-frère - avait mentionné le danger, le garçon avait très bien saisi qu’il ne se lançait pas dans une mince affaire. Evidemment qu’il était effrayé, évidemment qu’il faisait le fier avec ses grands airs mais qu’il était en réalité plus que terrifié à l’idée de pouvoir se prendre une balle en plein coeur. On l’avait raté une fois, rien ne disait qu’on ne le raterait pas la prochaine fois. C’était plus que traumatisant, ne pas y songer signifiait lui demander l’impossible toutefois Kyohei refusait malgré tout que son vis-à-vis soit le seul à subir le danger. Probablement que le fait d’avoir appris que des liens du sang les reliaient l’avait motivé, que dans d’autres circonstances, il n’aurait pas levé un petit doigt néanmoins ça voulait dire que Naoki était la seule famille qu’il lui restait. L’aider était presque sorti naturellement de sa bouche et de son coeur. Ils se donnaient constamment des coups de main au travail, pourquoi ne pas continuer dans le privé ? Mine de rien, ça leur permettrait sûrement de se rapprocher un peu plus, peut-être qu’ils pourraient en apprendre sur l’autre bien qu’il y avait certainement des manières plus souples et moins rudes que celles-là pour faire connaissance. Un jour, il l’inviterait chez lui, ils se feraient un dîner et peut-être même qu’il lui présenterait sa femme. Mais pas de suite. Il lui fallait tout de même un temps pour s’adapter à la nouvelle, pour qu’ils en sachent plus sur l’autre et qu’ils en viennent à se côtoyer plus souvent.

Dans tous les cas, Kyohei n’avait rien promis. Il n’était pas vraiment un homme à promesse, il le faisait parfois seulement lorsqu’il n’était pas sur de pouvoir la tenir, il préférait ne rien dire. Non pas qu’il souhaitait se mettre en danger cependant dans ce genre de circonstances, ils leur étaient impossible de prévoir n’est-ce pas ? Et dés que Naoki avait parlé de travailler au sein de l’entreprise de son, leur, père, lui n’avait pu s’empêcher de froncer les sourcils. Il était tellement habitué d’être en duo avec le garçon que quelque part, ça le frustrait de se dire qu’ils risquaient de ne plus travailler ensemble. Sauf qu’il n’avait pas pensé à l’idée d’intégrer également la société. Sur le coup, il s’était dit que cela n’aurait pas pu être réalisable cependant la remarque de son frère le fit réfléchir. Ce n’était pas stupide. Au contraire. S’il changeait son nom, qu’il arrangeait quelque peu son physique, ça pourrait coller non ? Ils étaient des habitués des filatures avec la NSA, ça devrait aller. Certes, ce n’était pas totalement pareil mais laissons ce garçon se convaincre du contraire.

- Pourquoi pas, moi je te suis, Répondit-il calmement avant de piquer un des biscuits et de tremper ses lèvres dans son verre de saké - ces gars faisaient comme chez eux. Il va quand même falloir attendre que j’aille mieux pour que je puisse y rentrer mais oui.

Sur ses dires, il reposa la feuille que le jeune homme lui avait donné quelques plus temps et souffla légèrement.

- C’est sur que de l’intérieur pour choper de l’information, il n’y a rien de mieux. Seulement que ça soit toi ou moi, on doit faire attention. Alors ne fait pas de conneries non plus. On est deux, n’agit pas seul.

Parce qu’il s’agissait du point sur lequel ils se ressemblaient assurément le plus. Ne jamais vouloir mêler qui que ce soit et ce n’était pas le but d’une équipe. Ils le savaient assez avec le travail alors qu’ils se servent de leur expérience pour ce travail là également. Ils n’en ressortiraient que plus fort.

- Et je n’agirais pas seul non plus, Enchérit Kyohei en souriant sincèrement, Je sais que c’est un peu bizarre mais tu peux compter sur moi.

Pas que pour cette histoire. Pour le reste également toutefois ceci, le magicien s’était abstenu de le dire. C’était à son frère de le comprendre de lui-même.