mother hen activity

Depuis le coup de feux je n’ai pas lâché Ren d’une semelle, qu’il ne veuille pas sortir, pas me voir, pas manger ou pas dormir je m’en fiche, là seul chose qui m’importait et qui m’importe toujours c’est que sa santé mental n’empiète pas sur sa santé physique. Oui cela fait de moi une maman poule insupportable mais qu’importe. Au fond, je sais que Ren est parfaitement conscient que je fais tout ça uniquement pour lui, parce que je m’inquiète énormément pour lui et que malgré tous, je me sens énormément coupable pour ce qui est arrivé. D’ailleurs, si j’avais pu m’attacher à lui pour être certaine qu’il ne se morfond pas je l’aurais certainement fait, cependant mon travail au bar et au QG m’ont finalement empêché de le faire.

Chaque fois que je laisse Ren pour aller travailler, je ne peux pas m’empêcher de me sentir mal. Ne pas savoir comment il va pendant tout ce temps me perturbe fortement et même si par texto il me dit que tout va bien, je ne peux pas m’empêcher d’être inquiète… Donc bien sûr comme d’habitude, aujourd’hui n’a pas fait exception à la règle. Je n’ai pas arrêté de le harceler par sms en espérant à chaque second pouvoir finir plutôt du boulot. Par chance, j’ai eu l’intelligence d’aller faire les courses au matin, il ne me restait donc plus cas courir jusque chez lui une fois la fermeture terminé.

-« Harumi, on va finir tu peux y aller. »

Cette phrase sonna comme une délivrance pour moi, c’est donc en prenant à peine le temps de remercier mon patron et de lui dire au revoir que je me précipite dehors direction l’appartement de mon ami.

Ma condition physique me permettant de tenir sur une bonne distance, je n’hésite pas à courir le plus rapidement possible jusque chez mon ami en prenant le plus de raccourcit possible pour réduire un maximum le temps qu’il me sépare de lui. Mais bien sûr, même en étant une bonne coureuse, j’arrive toute de même essoufflé devant sa porte d’entrer.

-« Tadaima »Lançais-je faiblement  une fois rentré en reprenant doucement mon souffle. Tout comme mon meilleur ami lorsqu’il vient chez moi, je ne prends plus vraiment la peine de sonner ou de toquer à la porte. De toute manière Ren sait parfaitement que, comme tous les soirs, je vais passer ma nuit chez lui à le surveiller.

Etant assez tard, je m’engouffre doucement dans l’appartement au cas où mon ami ait fini par trouver le sommeil, malheureusement comme je me le suis bien imaginé je le retrouve rapidement assis sur son canapé dans le salon. Ne pouvant m’empêcher de soupirer, je viens rapidement m’assoir as ses côtés et prend automatiquement sa main dans la mienne.

-«  Tu n’arrives pas à dormir ? »

Question stupide puisque depuis que je me suis inviter chez lui c’est tous les soirs le même rituelle. J’ai tout essayé pour qu’il ne repense plus à cette histoire une fois endormir, malheureusement tous mes efforts ont rapidement été réduits à néant sans que je n’ai eu la possibilité de faire quoi que ce soit pour éviter cela.

-«  Tu as mangé ? Je peux te faire quelque chose si tu veux…. »

Il est difficile pour moi de ne pas lui demander comment il va, seulement avec le temps j’ai rapidement compris que, tout comme Kyohei, mon ami se contente de dire qu’il va bien même si ce n’est pas le cas. Et puis après de très longue réflexion, j’ai fini par me dire que lui demander constamment le compte rendu de son état n’est finalement pas spécialement la meilleure des choses pour lui. Le mieux est d’essayer de le faire avancer sans trop parler du passé…

Ren avait quitté l'hôpital et la chambre de Kyohei, le corps vide, ou plutôt l'âme vide. Il avait l'impression de ne plus prendre goût à quoi que ce soit, tout lui paraissait si fade et sans couleurs. Même dormir lui semblait être sans intérêt.
De toute façon, il n'arrivait plus à dormir, ou alors très peu. Dès qu'il fermait les yeux, il revoyait la scène se dérouler devant ses paupières closes. Il revoyait l'homme qui tenait l'arme, il revoyait le corps de Kyohei baignant dans sa flaque de sang, il revoyait sa main tenir le pistolet. Il entendait encore le son du coup porté sur son ami, il entendait encore le son au moment où il avait appuyé sur la détente. Il entendait aussi encore le bruit sourd de son ami qui tombait au sol, mais aussi le bruit qu'avait fait le corps de l'homme en s'écroulant. Il avait le sentiment qu'aucune de ces images ne voulait le quitter. Elles étaient à présent graver dans sa mémoire, elles étaient là, bien ancrées dans son âme, dans sa tête. Elles étaient là et ne partiraient pas aussi facilement.

La même chose. Tous les jours, c'était exactement la même chose. Heureusement, Harumi était venue pour lui tenir compagnie. Sa présence l'apaisait et lui donnait un sentiment de sécurité. Il se sentait mieux avec elle que lorsqu'il était seul. Même s'il ne parlait pas, même s'il restait silencieux, il n'en était pas pour autant plonger dans ces souvenirs atroces. Il écoutait tout ce que son amie disait quand elle parlait, il prenait soin de bien enregistrer chaque mot. Il faisait attention à ne rien louper. Parfois, et ce même s'il avait tout saisi la première fois, il lui faisait signe de recommencer, de répéter ce qu'elle venait de dire. C'était juste un moyen d'entendre sa voix, encore et encore.
Il ne la remercierait jamais assez pour ce qu'elle faisait. Il lui en était redevable et le lui rendrait un jour.

Assis sur son canapé, le regard perdu sur sa télévision, il soupirait à en couper un arbre en deux. Ses doigts appuyaient automatiquement sur la télécommande alors qu'il tentait de trouver un programme intéressant. Mais il avait la très nette impression de tourner en rond.
Portant sa main à son visage, il se frotta les yeux avant de laisser sa tête partir en arrière. Il était épuisé. Il voulait dormir. S'il avait réussi à dormir une heure en tout, c'était déjà un miracle.
Ses yeux se mirent à fixer un point invisible sur son plafond. Mais plus il restait là, à ne rien faire, plus les images de ce soir-là lui revenaient en tête.
Redressant lentement la tête, il la secoua quelque peu. Il devait vraiment essayer de ne plus y penser. Enfin, c'était ce qu'il voulait, ne plus penser à tout ça et pouvoir aller de l'avant. Il voulait avoir la force d'affronter ses images. Malheureusement, dès que l'une d'entre elle pointait le nez dans son esprit, il n'avait qu'une seule envie : fuir. Il ne savait pas où, ni comment, mais il voulait s'en aller le plus loin possible.
Quand est-ce que Harumi arrivait-elle déjà ? Et puis, il était quelle heure au juste ?
Faisant de son mieux pour s'installer le plus confortable possible, il tourna ensuite la tête vers sa fenêtre dont le volet était encore ouvert. Il avait l'air de faire nuit... Il ne savait toujours pas quelle heure il était cela dit.

Il haussa alors faiblement les épaules et reporta son attention sur la télé. Il recommença son petit manège, zappant encore et encore jusqu'à tomber sur un documentaire parlant de la pêche.  Après quelques secondes de réflexions plus ou moins intenses, il posa la télécommande un peu plus loin et porta ses genoux contre son torse afin de pouvoir y poser sa tête. Peut-être que ce documentaire était intéressant, peut-être qu'il pourrait l'aider l'espace de quelques heures à ne pas penser à tout ça.

Il ne savait pas combien de temps après la porte s'ouvrit. Inconsciemment, ce corps se raidit, alors que ses yeux se mettaient à guetter le moindre mouvement suspect dans les environs. Et quand il entendit la voix de Harumi, un soupir de soulagement lui échappa avant qu'il ne se passe une main sur le visage.
Tournant alors la tête vers son amie, ses doigts serrèrent lentement la paume de la jeune femme. Il secoua négativement la tête à sa question, répondant silencieusement à sa question. Il baissa légèrement le regard, comme désespéré de n'avoir pas encore pu trouver le sommeil. Lui qui aimait dormir... c'était un comble.

Il releva faiblement le regard vers son amie et ouvrit la bouche pour lui répondre que non, il n'avait pas faim. Cependant, ses mots moururent dans sa gorge. S'il ne mangeait pas, et sachant qu'il ne dormait pas beaucoup, il risquerait de se rendre encore plus malade qu'actuellement. Et il savait que cela inquiéterait ses proches. Ce n'était pas ce qu'il voulait.
Hors de question de les laisser s'inquiéter. Hors de question de se laisser tomber au fond du trou. Harumi était là, elle allait l'aider, et il ne pouvait pas non plus refuser son aide.

« J'veux bien un petit truc oui », déclara-t-il enfin.

Il se doutait bien que Harumi savait que parfois, il se forçait un peu à manger. Il voulait lui faire plaisir, et lui montrer qu'elle ne faisait pas tout ça pour rien. Sa cause n'était pas encore totalement perdue, il fallait juste qu'il réussisse à gravir les marches de cet immense escalier qui se trouvait devant lui. Et son amie était là pour l'encourager à grimper, lentement.

« Ca s'est bien passé au travail ? », demanda-t-il, tout de même inquiet que quelque chose soit arrivé, « Tu es rentrée plus tôt que d'habitude non ? »

Il disait ça mais en réalité, il n'en avait absolument aucune idée. Il voulait juste dire quelque chose, poser des questions pour entendre la voix de Harumi lui répondre. Alors même si c'était des questions idiotes, il les posait.

« Ils vont passer la deuxième partie du documentaire. On la regarde ensemble ? C'est sur la pêche. Ca te va ? Ou alors on met autre chose »

Il désigna ensuite la télécommande d'un signe de tête rapide. Il était prêt à regarder tout ce que Harumi voulait, un documentaire sur la pêche ou un film à l'eau de rose, il s'en fichait royalement en réalité. Il voulait juste passer du temps à ses côtés, et tenter de laisser ses idées noires de côté.

Bien que certaine que Ren accepte de manger pour me faire plaisir, je me dis que finalement c’est certainement mieux que rien. Certes ce n’est pas très agréable de le voir manger en sachant qu’il n’a pas du tout envie de savourer le plat que je lui ai confectionné, mais se nourrir est un besoin vital non ? Alors tempi s’il n’apprécie pas, au moins ça lui évitera que son corps s’affaiblisse…. Parce que, bien que je ne le montre pas, j’ai vraiment peur que mon ami se laisse aller jusqu’à finir par en mourir… Cette perspective est certainement abusée, mais je ne peux pas m’empêcher d’y penser constamment. C’est d’ailleurs certainement pour ça que je suis autant sur son dos, parce qu’à chaque instant j’ai peur de le voir disparaitre définitivement de ma vie… Si un jour ce genre de chose vient à arrive, je ne sais pas comment je ferais pour ne pas me laisser sombre à mon tour… Sans l’amitié de Ren je ne suis rien, sans lui je ne serais d’ailleurs jamais allé aussi loin…

-«  Je vais te cuisiner quelque chose dans ce cas »

Un petit sourire vient s’afficher sur mes lèvres suite à mes paroles tandis que mon esprit, lui, est déjà en train de faire la liste de tout ce qui se trouve dans le frigo. Il est tard et mon meilleur ami n’a pas d’appétit, inutile donc de lui cuisiner de la viande. Cependant, il lui faut tous de même quelque chose de suffisamment consistant pour que ça tienne dans son estomac. Des sushis alors ? Non mauvaise idée, pas certain qu’il apprécie l’odeur du poisson dans son état … Cependant l’idée du riz est bonne à prendre et avec un soupe miso ça passera sans doute tout seule….

Donc alors en plus du riz il me faut, de l’eau, du miso, du dashi, de l’algue, du tofu, du …. Sortant de mes pensées, je reporte soudainement mon attention sur mon ami qui vient à me demander comme c’est passé ma journée. C’est vrai que c’est devenu un peu notre rituelle à nous deux, et bien que je n’ai en général pas grand-chose à lui raconter, je me débrouille toujours pour lui inventer une histoire. Il ne me l’a jamais dis mais avec le temps j’ai bien compris que m’entendre parler lui fait du bien, j’essaye donc de combler le silence du mieux que je peux.

-«  C’est vrai que je suis rentrée plutôt mais tu sais à force de parler de toi à mon travail mon patron en a eu marre et ma laisser filer. Pour ce qui est de ma journée ça c’est relativement bien passé, la routine habituelle faite de gens très sympa, d’alcoolique et de gros lourdaud draguer. »

Et là-dessus je n’invente rien, il y a d’ailleurs bien plus d’alcoolique dragueur qu’autre chose le soir. C’est cet aspect du métier qui me fait regretter mes études de droit, cependant il est certain que pour un agent de la NSA il est mille fois plus intéressant de travailler dans un bar que dans un cabinet d’avocat… On en apprend bien plus sur les gens à leur dépend en leur servant de l’alcool avec un joli sourire qu’en traitant des dossiers pour leur éviter la prison.

Enfin bon, évitons de trop y penser de toute manière je ne peux pas revenir en arrière. Ma vie sera à jamais faite de bière, de mecs un peu relou, de verre à laver et de chaise à ranger…. Pfff, c’est vraiment désespérant rien que d’y penser, par chance mon ami me tire à nouveau de mes penses.

Portant alors mon regard quelque instant sur la tv, je ne peux m’empêcher de penser qu’une émission sur la pèche n’est pas très divertissant. Seulement si Ren en est venu à regarder ce genre de chose ce qu’aucune autre chaine de tv n’a trouvé grâce à ses yeux.

-«  Bien sûr qu’on va le regarder ensemble, de toute façon à cette heure-ci il n’y a certainement pas grand-chose d’autre à regarder…. »

Bon il y a certainement des films d’horreur mais dans l’état de mon ami c’est totalement hors de question.

-«  Et puis …. On va éviter les films d’amour… » Dis-je faiblement plus pour moi-même que pour Ren.

Actuellement ma solitude commence vraiment à me peser surtout depuis que ma dernière «  relation » c’est soldé par une disparition soudaine. Malheureusement avec le travail que j’ai, je doute fortement que j’aurais un jour l’occasion de trouver le grand amour comme j’en ai toujours rêvé.

-«  Donc va pour la pêche, avec de la chance ça va peut-être te donner faim…, bon j’en doute fortement mais on peut toujours rêver non ? Alors installe toi confortablement dans le canapé et moi je vais vite en cuisine »

Me redressant rapidement, je lui embrasse rapidement le front tout en souriant avant de me diriger vers la cuisine. Essayant de faire le plus vite possible, j’essaye à chaque seconde de faire retentir ma voix pour que Ren sache que je ne suis pas bien loin.

-«  J’ai fini, j’arrive » finis-je par lâcher après de longue minute.

Posant le bol de Riz et le bol de soupe miso sur un plateau, je regagne finalement le salon et m’assois à coté de mon ami tout en posant le tout sur la table basse.

-«  Voilà, j’ai fait assez soft pour que tu avales ça plus facilement. Après ça je te promets de te laisser un peu tranquille mais avant essayer de terminer… »

C’est exactement dans ce genre de situation, en disant ce genre de chose que j’ai l’impression d’être une vrai maman poule. Mais bon que voulez-vous, il le faut bien pour être certaine que Ren ne se laisse pas dépérir.

-«  Et ne traine pas parce que toute la journée j’ai rêvé de te câliner et je ne peux pas le faire tant que tu n’as pas fini. » Dis-je toute en souriant en espérant que ça le motive d’avantage à manger

Tournant la tête vers son amie, elle écouta chacun de ses mots, tout en observant son visage. Il grimaça quelque peu à la fin de ses paroles. Il aurait aimé lui éviter tout ça. Elle était intelligente, elle ne méritait de travailler dans un bar. Elle avait tellement de capacités et elle se retrouvait à servir des alcooliques et des gens louches. Bon, peut-être pas tous les clients qu'elle avait été louche, mais Ren avait quelques doutes.
Il aurait voulu être capable de l'aider à trouver un autre travail, un endroit où elle pourrait évoluer et utiliser toutes ses capacités.
Il devrait peut-être demander à sa patronne si elle pouvait engager Harumi ? Elle serait certainement une meilleure vendeuse que lui.

Un faible sourire vint étirer ses lèvres. Il se sentait un peu mal de la forcer à regarder un documentaire sur la pêche, sachant que ça ne l'intéressait pas plus que ça. Cela dit, ça ne l'intéressait pas non plus mais il n'avait pas le courage pour regarder autre chose. Il ne voulait pas dire à Harumi qu'il y avait d'autres films sur les autres chaînes qui paraissaient plus intéressants que ce documentaire. Mais il s'agissait soit d'un film d'horreur soit d'un film d'action où ça tirait de partout. Dans les deux cas, il n'était pas prêt à entendre et encore moins à voir ce genre de choses. Il préférait s'abrutir devant un documentaire quelconque. Et puis, il pouvait apprendre des trucs sur la pêche, même s'il ne tiendrait probablement jamais une canne à pêche dans ses mains de sa vie.
Fronçant légèrement les sourcils, il se demanda pourquoi Harumi ne voulait pas d'un film d'amour. En avait-elle assez de ce genre-là ? Il ne dit rien cependant, et observa son amie s'en aller dans la cuisine, une petite moue au visage.

Elle ne partait pas loin, et pourtant, il aurait voulu la suivre pour ne pas rester seul. C'était idiot puisqu'elle était à peine à quelques mètres de lui. Sa petite moue ne quitta son visage que lorsqu'il entendit la voix de son amie depuis la cuisine. Un fin sourire étira ses lèvres alors qu'il pensait à quel point elle était formidable. Plus que ça même.
Regardant plus ou mois attentivement la télé, il patienta jusqu'à ce que la jeune femme fasse son retour. Automatiquement, son regard se tourna vers elle, comme pour s'assurer qu'elle était bien là. Il hocha lentement la tête et la remercia rapidement. Il se mit à fixer la nourriture, se disant qu'il allait devoir faire de son mieux pour tout avaler, quand la voix de Harumi résonna à nouveau. Il la regarda, une faible lueur amusée brillant dans ses yeux. Il la trouvait trop mignonne, trop gentille, trop attentionnée... Un peu comme sa maman.
C'était un peu ça d'ailleurs, Harumi était comme sa deuxième mère.

Quittant enfin le canapé, il s'installa doucement à la table basse devant son repas, lâcha un petit « Itadakimasu » avant de commencer à manger. Il la sentait parfaitement bien, cette boule au niveau de son estomac et ce nœud qu'il avait dans la gorge. La première bouchée fut la plus dure. Il dut déglutir tellement lentement et tellement difficilement, qu'une légère grimace avait étiré les traits de son visage.
Il ne baissa pas pour autant les bras. Pratiquement tout son corps lui criait ne plus pouvoir supporter ne serait-ce qu'un grain de riz, Ren n'écoutait rien, ne pensant qu'à faire plaisir à Harumi. S'il ne finissait pas le plat qu'elle avait préparé, à quoi bon lui avoir dit de faire quelque chose ? Et puis ce n'était pas poli. Elle l'avait fait pour lui, alors il devait finir pour elle.
Il jeta de temps en temps quelques regards vers son amie, vérifiant qu'elle était toujours derrière lui et continua de manger. Doucement. Chaque bouchée devenait bien moins difficile que la dernière, et quand enfin, il arriva au bout, il lâcha un soupir de contentement. Il se laissa tomber contre le canapé, soufflant une nouvelle fois avant de se relever. Il partit déposa la vaisselle dans l'évier, le plus rapidement possible et revint prendre place aux côtés de son amie.

« C'était délicieux, merci », lui dit-il en inclinant légèrement la tête.

Il s'installa un peu plus confortablement sur le canapé, se rapprochant discrètement de la jeune femme. Sa présence le rassurait plus qu'elle ne le pouvait le croire. Il était content qu'elle soit, content qu'elle ne le laisse pas, content qu'elle ait insisté pour venir le voir chaque soir. Si elle n'était pas là, il se laisserait sûrement aller, ne mangeant plus, ne faisant que rester allongé sur le canapé devant la télé jusqu'à ce qu'il trouve le sommeil.
Il repensa alors à ce qu'elle venait de dire et il l'observa quelques secondes avant de poser son regard sur la télé. Il n'était pas du genre tactile, et même si avec Harumi, ce côté-là disparaissait généralement tout le temps, aujourd'hui il se retenait de se jeter dans ses bras. Par fierté ou embarras, lui-même ne savait pas.
Il se contenta alors de poser lentement sa tête sur l'épaule de la jeune femme alors que sa main alla prendre la sienne. Un léger sourire prit place sur ses lèvres. Voilà, comme ça, il se sentait bien.
Ses doigts serrèrent un peu sa prise sur la paume de son amie. Il garda son regard fixé sur la télé, se laissant emporter dans l'ambiance du documentaire plus vite qu'il ne l'aurait cru.

Et finalement, au bout de quelques minutes, il ouvrit la bouche :

« Tu crois que ça leur fait mal aux poissons, d'avoir un hameçon comme ça à la bouche ? »

Évidemment que ça devait faire mal, qu'est-ce qu'il croyait ?

« Je crois que je pourrais jamais pêcher, rien que pour ça. J'aurais peur de leur faire mal »

Il resta ensuite silencieux, continuant de regarder ce documentaire qui ne semblait ne plus avoir de fin.
Finalement, à quelques minutes de la fin, il commençait à trouver le temps long, mais surtout, le documentaire lui semblait répétitif. Alors son regard traîna un peu ici et là pour finalement se poser sur le visage de son amie. Il la fixa un moment, avant de baisser le regard vers la télé.
Serrant inconsciemment sa main dans la sienne, il ne savait pas comment il allait pouvoir la remercier pour tout ce qu'elle faisait. Elle était tellement fantastique, à comprendre qu'il avait besoin d'entendre sa voix. Elle était tellement gentille, à rester à ses côtés même devant un documentaire ennuyant.
Plus le temps passait, plus tout semblait lui confirmer ce qu'il avait toujours pensé : Harumi était l'une des femmes les plus importantes de sa vie, avec sa mère.

« Merci pour tout », souffla-t-il faiblement tout en laissant son regard rivé sur la télé, avant de reprendre, plus fortement, « Pourquoi tu voulais éviter les films d'amour ? »

Il n'avait pas voulu poser la question, se disant qu'au fond, ça ne le regardait probablement pas. Mais étant donné qu'il s'inquiétait pour tout et n'importe quoi, la question lui avait finalement échappé.

Finalement et bien que ce soit avec difficulté Ren se mit à manger, je savais que le riz allait passer difficilement malheureusement je n’avais rien trouvé d’autre à faire. L’observant donc en silence mangé ma préparation, je fus finalement soulagé lorsque je m’aperçus qu’il était arrivé au bout du bol.

-« Ce n’étais pas grand-chose » lui répondis-je dans un sourire, heureuse que finalement cela lui ai un peu gouté. Au moins avec ce repas il n’allait pas mourir de faim dans les heures qui suivrons. Et maintenant qu’il avait mangé, nous allions pouvoir essayer de passer une agréable soirée. Je le laisse d’ailleurs s’installer confortablement à côté de moi et ne tarde pas à serrer tendrement sa main, qui vient se blottir dans la mienne, tout en posant ma tête délicatement contre la sienne avant de poser mon regard sur la télévision.

Comme prévue le documentaire n’est pas très passionnant, je prends cependant soin de noter dans un quoi de ma tête les moindres étapes et les moindres conseils que le présentateur peu donner, en me disant que cela pourrait peut-être me servir un de ces jours. Après tous, rien ne dis qu’à l’avenir je ne devrais pas me rapprocher d’un Denshou amateur de pèche. C’est assez triste de devoir enrichir ma connaissance d’agent pendant un moment passé avec mon meilleur ami, cependant c’est plus fort que moi, j’ai tellement été conditionné à optimiser mes facultés dans les moindres circonstances que je le fait sans m’en rendre compte même dans un moment de tendresse. Encodant donc pendant de longues minutes les informations, mon esprit fini par lâcher prise lorsque Ren vint faire entendre le son de sa voix en me posant une question.

-« Ça doit certainement leur faire mal oui …. Du moins d’une certaine façon….. »

Il est assez difficile d’imaginer à quel point les animaux peuvent éprouver la douleur en prenant en compte que leur cerveau est bien moins développé que le nôtre et que donc leur système nerveux fonctionne très certainement différemment du notre… Mais bon, c’est le genre de débat sans fin et sans réponse que je préfère éviter pour ce soir. Je laisse donc un nouveau silence s’installer et reprend distraitement le cours du documentaire jusqu’à ce que mon ami vienne me poser une nouvelle question, cette fois-ci plus surprenant.

-« Disons juste que la solitude de mon train-train quotidien commence à me peser…. J’ai des phases comme ça …. »

En intégrant la NSA, je me suis rendue compte très vite que je pouvais faire une croix sur mon rêve de petite fille. J’ai toujours été consciente de tomber sur le prince charmant de mon enfance allait être compliqué mais depuis que je me suis mise à détruire la vie des autres, j’ai très vite su que de difficile c’était passé à impossible. Après tous qu’elle garçon voudrait d’une fille qui sait complétement laissé conditionner par cette ville ou points de devenir une autre ? Qui voudrait d’une fille qui ne supporte pas de voir chez les autres, la vie qu’elle aurait pu vivre sans toute cette technologie ?

-« Ne t’inquiète surtout pas, j’ai l’habitude ça finira par passer, dis-je toute en me redressant légèrement pour mieux poser mon regard sur lui, et ne me remercie pas, je n’ai rien fait qui mérite tes remerciements. Tu es sans doute la personne la plus importante à mes yeux, il est donc normal que je sois là pour toi quoi qu’il arrive. »

Un petit hochement de tête, Ren se pinça lentement les lèvres, tentant d'imaginer à quel point cela pouvait être douloureux d'avoir quelque chose planté dans la bouche comme ça. Surtout que le pêcheur tirait dessus pour remonter la pauvre bête. Une petite grimace étira son visage avant qu'il ne vienne se masser distraitement les joues.
Oui, ça devait faire mal. Horriblement mal. Et pour quelqu'un comme lui qui semblait mourir rien qu'avec une petite coupure au doigt, cela devait être affreusement douloureux comme sensation.
Bon, au moins, il était sûr qu'il ne tenterait jamais le piercing à la lèvre.

A la phrase de Harumi, il releva lentement le regard vers elle, soudainement inquiet. Se sentait-elle seule ? Oui, certainement. Et lui qui lui accaparait tout son temps dernièrement... Un sentiment de culpabilité le prit alors qu'il baissait la tête, laissant son regard rencontrer ses mains posées sur ses cuisses.
Toute personne sur Terre recherchait l'amour. De manière plus ou moins active et de manière plus ou moins visible. Il lui arrivait aussi parfois de penser qu'il serait bien avec quelqu'un à ses côtés, mais ces idées-là ne restaient pas longtemps.
Regardant son amie du coin de l'oeil, il se sentait désolé de ne pas pouvoir l'aider, et de n'être pour le moment aussi mou qu'un poisson. Il aimerait tellement qu'elle rencontre quelqu'un qui puisse la rendre heureuse, qui puisse la combler et lui faire oublier tous ses malheurs. Elle le méritait, plus que n'importe qui.
Elle pourrait être en train de chercher ce quelqu'un, mais non. Elle était là, dans son appartement, à lui tenir compagnie quasiment tous les jours. Eh bien, il n'allait pas recevoir la palme du meilleur ami cette année. Il n'était pas sûr qu'il allait recevoir un quelconque cadeau du Père Noël ; il avait dû passer dans la liste des mauvaises personnes après ces quelques évènements, non ?

Sa main se leva doucement, finissant avec douceur sur la chevelure brune de sa camarade. Il lui caressa lentement les cheveux. Comment ne pouvait-il pas s'inquiéter ? Il ne faisait que ça. Il n'était doué que pour ça ; il pourrait le noter sur son CV. Et puis, il s'agissait de Harumi, pas de son voisin, alors c'était une évidence qu'il allait s'inquiéter. Encore plus maintenant qu'il le savait. Le coin de ses lèvres se haussa légèerment en entendant qu'il était la personne la plus important pour elle. Ses doigts continuèrent de jouer lentement avec ses cheveux. Il n'avait pas besoin de le dire, elle le savait, elle le comprenait par ces gestes, mais elle aussi, était importante à ses yeux. Plus que ça même.

Il se pencha ensuite légèrement, laissant ses lèvres frôles dans un baiser aérien le front de son amie. Il se recula, permettant à sa main de retrouver sa place sur sa cuisse et plongea son regard dans les prunelles de la jeune femme. Il resta un moment ainsi, sans rien dire, ne faisant que l'observer.
Sa main retrouva cella de Harumi. Ses doigts serrèrent tendrement la paume qu'ils tenaient.

« Tu sais très bien que je vais m'inquiéter », dit-il doucement, voulant tenter un ton amusé mais n'y arrivant pas, « Mais c'est plutôt moi qui devrais te dire ça. Ne t'inquiète pas. Tu finiras bien par rencontrer quelqu'un un jour qui te fera oublier tout ça », continua-t-il sur le même ton doux, « C'est tout ce que je te souhaite. Tu le mérites. Plus que n'importe qui »

Un autre petit sourire vint étirer ses lèvres alors que sa main serrait doucement la sienne. Il ne pouvait pas lui promettre que tout ceci allait bientôt s'arrêter, non. Mais il pouvait bien lui montrer que, bientôt, tout irait mieux.
Pour lui aussi, tout irait mieux. Un jour. Probablement. Tout du moins, s'il avait Harumi, Naoki, Kyohei, et toutes les autrs personnes chères à son cœur à ses côtés, il y arriverait. Ce n'était pas encore pour demain cela dit ; il fallait attendre que le temps fasse son œuvre maintenant.

« Et je te remercierais autant de fois qu'il le faut pour tout ce que tu fais. Je te le dirais autant de fois que j'en ai envie, aussi. Tu t'en rends pas compte mais tu fais beaucoup pour moi, tous les jours. Et ça m'aide, vraiment »

Grâce à elle, grâce à ses visites quotidiennes, il ne baissait pas les bras. Il se forçait peut-être à manger ou parfois à bouger, mais au moins il ne se laissait pas mourir à petit feu sur son canapé. Il ressemblait certes à une larve, mais au moins, il se battait. Du moins il essayait, parce que ce n'était pas évident tous les jours. La présence de Harumi l'aidait beaucoup à se motiver, à donner le meilleur de lui-même.

« Alors merci », dit-il simplement en souriant rapidement.

Ses yeux se reposèrent lentement sur la télé. Sa main n'avait toujours pas lâché celle de son amie.

« Ah, le documentaire est fini », lâcha-t-il mollement, « T'as envie de regarder quoi maintenant ? »

Le documentaire suivant, celui sur les baleines ? Ou bien était-ce celui sur les ours qui passait ensuite ?
Quoi qu'il en était, Ren déposa lentement la télécommande dans la main libre de Harumi, la laissant choisir ce qu'elle voulait. Il accepterait tout, même un documentaire, si c'était ce qu'elle avait choisi.
Il laissa alors sa tête se caler lentement contre l'épaule offerte de son amie, alors que son regard fixait la télé, un brin curieux de voir ce qu'elle allait choisir comme programme.