It looks like you were my only one • |

Je le savais. Je savais qu’il n’aurait pas signé aussi facilement quand bien même je ne connaissais pas ses raisons. Je n’avais pas bronché, le fixant d’un regard froid alors qu’il m’avait lancée son « rendez-vous au tribunal » mais je ne m’étais pas rabaissée. Un simple  « très bien » je n’avais pas cherché à rester plus longtemps puis j’avais quitté son appartement. J’aurais du faire la chose directement plutôt que prendre la peine de me déplacer. Avec lui j’aurais dû me douter qu’il aurait refusé. Il était malin, il aimait me déstabiliser et savait très bien comment le faire. Seulement je ne lui avais pas donné ce plaisir et l’avais laissé se morfondre en partant fièrement.

Aujourd’hui avait justement eu le lieu le procès au tribunal et c’était confiante que je m’y étais rendu. Ryuhei pouvait bien faire le beau, je savais qu’il ne remporterait jamais cette affaire. Et j’avais bien l’intention de la gagner, quoi qu’il en coûte. Sauf que je m'étais bel et bien fait avoir. Je n'étais pas idiote, je savais qu'il y avait anguille sous roche cependant je crois que je n'avais même plus la force de me battre. Tant pis. Comme il le disait si bien, ce n'était qu'un bout de papier et si ça l'amusait d'agir aussi bêtement, soit.

J’étais venue accompagnée de mon petit ami. Enfin j’aurais préféré qu’il ne vienne pas cependant il avait insisté donc je n’avais pas eu le choix. Si j’avais dit à mon ex-mari que j’aimais cet homme, j’avais menti. Je l’appréciais, j’étais peut-être attirée néanmoins non, je n’étais pas amoureuse de lui. J’avais connu le plus grand et le plus beau des amours donc je n’étais certainement pas encore prête de m’enticher de quelqu’un à nouveau. Takeru – mon copain – était au courant, en sortant avec moi il savait à quoi s’attendre. Seulement notre relation était loin d’être parfaite et il m’effrayait parfois. J’avais pensé plusieurs fois à le quitter mais il trouvait toujours les bons moyens pour m’en empêcher. Probablement que moi également, j’étais toujours aussi idiote. J’aurais mieux fait de me concentrer dans mon  travail plutôt que perdre mon temps avec ce garçon et essayer de refaire ma vie.

A peine sorti du tribunal qu’il me prenait déjà la tête. Déjà que je n'étais pas réellement d'humeur après l'annonce, il fallait qu'il en rajoute. Je me faisais toujours remarquer avec lui parce qu’à force de m’énerver, on criait tous les deux. Je crois que même avec Ryuhei ça n’avait jamais été pire et surtout lui ne me faisait pas autant peur que Takeru. Même si on s’envoyait des noms d’oiseau à longueur de journée, on s’aimait malgré tout. Certainement trop. Je soupirai, fuyant le jeune homme qui me poursuivait en m’ordonnant de l’attendre.

- Quoi ?! M’écriais-je en m’arrêtant en colère, C’est quoi le problème encore ? C’est toi qui a voulu venir à ce que je sache donc fiche-moi la paix avec ça !!

Croiser mon ex-mari ne lui avait pas plu, ce que je pouvais tout à faire comprendre cependant ce n’était pas comme si je ne lui avais pas demandé de venir.

- Parle-moi autrement ! Ordonna-t-il en m’attrapant sévèrement le poignet, On y va et on règle ça à la maison !
- Tu me fais mal !

Une grimace accompagna mes mots tandis que je retirai brusquement ma main de son emprise.

- Je rentre toute seule. Va-t’en.

J’avais atteint ma limite. Ces derniers temps j’avais l’impression qu’ils se donnaient le mot à tous et qu’ils ne cherchaient qu’une chose : me tracasser. Takeru criait encore, me disant que si j’agissais ainsi, c’était pour retourner avec mon ex-mari. Bien sûr… Tellement que je venais de l’emmener en procès pour un divorce.

- J’en ai simplement marre de vous tous. Vous vous croyez toujours tout permis et nous prenez pour acquises. Tu me fais peur, Takeru. Alors remets-toi en question.

Sur ses dires, je le devançai puis partis m’installer dans un parc plus loin. Poussant un profond soupir, je fermai mes yeux de manière à essayer de me détendre un peu. Ryuhei avait dit que je ne devais pas lui raconter des « conneries » en rétorquant que je n’avais plus confiance en l’amour néanmoins, malgré moi, je me demandais si ce n’était pas le cas. Si c’était pour souffrir à chaque fois, à quoi bon essayer d’aimer ?

Un léger sourire s'était dessiné sur mes lèvres en entrant dans le tribunal et j'avais lancé un regard vers le juge, plutôt insistant pour qu'il se souvienne de sa mission. Même si les arguments de Hanae étaient meilleurs que les miens – ce sera le cas – même si sa victoire est évidente, il devait trouver un moyen de ne rendre aucun verdict aujourd'hui. Je vis ses lèvres se pincer et il détourna le regard, comme pour donner l'impression qu'il était tout à fait impassible. Bien. Je le connaissais. C'était un NSA, tout comme moi. Mais il avait bien plus de choses à se reprocher que moi. Il ne dénonçait pas le petit type lambda dans la rue, mais plus des gens hauts placés, des personnes travaillant dans les ordres, ou même des criminelles. Beaucoup de gens pouvaient lui en vouloir. Si on savait qu'il était du côté de Terazawa, il avait beaucoup à perdre. Cette argumentation + une petite somme d'argent et le convaincre ne fut pas bien compliqué.

Pour une fois, je ne fus même pas puéril au point de lancer un regard victorieux vers elle, me contentant de sourire à mon avocat et de le remercier. Il n'avait rien fait, mais je le remerciais quand même. Je pourrais remercier le juge quand je le croiserais au QG. Enfin, on verra. Il semblait encore mal à l'aise, mais tant pis. Il avait fait exactement ce que je voulais qu'il fasse alors il n'avait pas d'inquiétude à avoir. Alors que tout semblait aller en faveur de mon « ex » femme, il avait fini par trouver des incohérences dans le dossier, déclarant qu'il fallait clarifier quelques points avant de prononcer un divorce. Et la séance était levée. C'était ridicule, mais drôle. Vraiment drôle.

Je quittais le tribunal, l'esprit léger, avançant un peu avant de m'arrêter alors que j'entendais des éclats de voix. Je reconnaissais Hanae entre mille. Surtout si elle criait. Eh bien, c'est ça, le grand amour ? Je restais en retrait, fronçant les sourcils en voyant la façon dont il lui parlait, mais surtout les gestes qu'il avait. Je faillis intervenir lorsqu'il lui prit le poignet, me ravisant au dernier moment en la voyant reprendre ce dernier et s'en aller. J'hésitais un peu avant de la suivre, discrètement pour que Monsieur ne me voit pas et ne vienne pas criser davantage. Une cigarette au bout des lèvres, je me laissais tomber à côté d'elle, mes yeux se perdant vers le ciel.

-Ce n'est pas avec moi que tu devrais divorcé, c'est lui que tu devrais quitter, Hanae. Enfin, tu devrais faire les deux, mais je crois qu'il y'en a un plus urgent que l'autre.

La fumée quitta tranquillement mes lèvres avant que je ne me redresse, me tournant un peu vers elle en souriant. Bon, je vais de capoter encore plus sa journée en m'arrangeant pour que le divorce ne soit pas encore prononcé, mais ce n'était pas moi le plus mauvais dans l'histoire. C'était ce juge corrompu. C'est fou, on ne pouvait faire confiance à personne dans cette ville, c'est complètement fou !

-Si tu veux mon avis, tu avais meilleur goût avant. Tu ne veux probablement pas mon avis, mais je tiens à le dire.

Peu importe avec qui elle est de toute façon, elle aura toujours eu meilleur goût avant. J'aurais fait un bon mari. Peut-être. Enfin, d'une certaine façon, j'aurais pu faire un bon mari si je m'en étais donné la peine et les moyens. Et on en serait pas là aujourd'hui, à batailler pour un divorce qui aurait dû avoir lieu il y'a des années. Elle ne serait pas avec ce type excité non plus. Mais on veut tellement de chose, au final, rien ne change, tout reste identique.

-T'as faim ?

La question était un peu soudaine, principalement parce que moi-même, je mourrais de faim. Il était presque midi et je n'avais rien avalé ce matin en partant. Je pensais bien qu'elle allait me jeter à vitesse grand V et me remballer, mais au moins, j'aurais eu la politesse d'essayer.

Ce n’était certainement pas ma journée. Tout le monde était contre moi à un point que j’en ris nerveusement. J’étais forte, je suis toujours allée de l’avant quoi qu’il arrive mais pourquoi fallait-il toujours qu’on me mette des bâtons dans les roues sur mon chemin ? Qu’est-ce que cela coûtait à Ryuhei de divorcer ? On ne retournerait plus jamais ensemble alors à quoi bon ? Je voulais juste continuer d’avancer... J’étais agacée, lassée, blasée aussi... Je n’aurais jamais dû me déplacer jusque chez lui pour demander quelque chose qu’il était évident qu’il refuserait. J’aurais dû contacter mon avocat et lui dire de faire le nécessaire... Je comprenais que cela pouvait être douloureux que je tienne tant à cette chose mais j’en avais souffert, lui aussi. Pourquoi s’entêtait à essayer de reconstruire quelque chose qui avait été complètement brisée ? Je l’avais aimé, de tout mon être. Il était mon tout et celui pour qui je débordais d’amour, pour qui j’aurais pu faire de nombreuses choses. Le jour de notre rencontre je l’avais vu et j’avais de suite su que c’était lui que je voulais, personne d’autre. Et mes sentiments s’étaient accentués de jour en jour. Je crois qu’on s’aimait tellement qu’on n’avait été incapable de gérer cet amas d’émotion et plutôt que de se soutenir, de tenter de se comprendre, on s’était autodétruit. Je regrettais tout ça... Je regrettais de ne pas avoir su voir le mal vers lequel on se dirigeait. Je regrettais de l’avoir laissé aller dans les bras d’une autre, de le laisser me blesser de la sorte sans riposter. Peut-être que si j’avais agi plus tôt, il aurait pu percevoir ses erreurs et changer, tout comme j’aurais pu me rendre compte de mes fautes. J’aurais essayé de faire des efforts et on aurait été heureux. Mais je suppose que nous étions trop jeunes... Il était mon premier véritable amour, celui en qui je me dépensais corps et âme rien que pour ses beaux yeux, celui qui hantait mes pensées constamment et que je mourrais d’envie de voir dés que nous nous séparions...

C’était tout autant douloureux de constater où nous en étions à présent... A toujours se faire du mal, à vouloir à tout prix déstabiliser l’autre, à se faire la guerre, tout simplement. J’étais sincèrement désolé pour Takeru... Je pouvais comprendre ses agissements mais pas sa violence. Je l’avais prévenu qu’après ma relation précédente, aimer quelqu’un de plus bel serait difficile... Non pas parce que j’en avais pâti énormément mais parce que l’amour que j’avais ressenti pour Ryuhei était si fort que j’avais toujours cette impression de ne pouvoir aimer quelqu’un aussi puissamment que je l’avais aimé lui.

Un sourire narquois se forma sur mes lèvres en entendant justement l’auteur de mes songes et les paroles que prononçaient ce dernier. Je n’avais même pas le courage de l’envoyer balader, il m’épuisait. Je le laissai gagner, tant pis. Mais il avait raison, je devrais quitter Takeru, oui... Seulement aussi étrange que cela puisse paraître, j’avais peur de sa réaction. Je ne pensais pas qu’il ira jusqu’à me faire du mal seulement il avait tellement des réactions excessives parfois que je n’osais pas. Je savais aussi que j’avais meilleur goût avant, je ne le niais pas... Je ne me serais pas marié avec lui si ça n’avait pas été le cas, et je ne comptais pas me marier avec Takeru. Jamais.

- Tu m’invites ? Répondis-je en levant mes yeux vers lui, Pour ta connerie au tribunal. C’est plus fort que toi, tu aimes m’ennuyer, Ryuhei. Je n’ai pas faim. Et je n’ai pas envie de manger avec toi non plus.

Je n’étais pas froide, loin de là. Mon ton était étrangement calme et je ne mentais pas, j’avais mon estomac complètement noué. Je voulais juste rentrer chez moi, m’allonger dans mon lit et me nicher dans ma couette bien chaude. Hors ce n’était pas possible pour le moment et j’en soupirai.

- Je sais que tu en as souffert aussi tu sais ? Je ne suis pas idiote... Et je n’ai rien oublié non plus. Parfois j’ai l’impression que c’était hier le jour où tu m’as accosté et puis je me réveille, me rendant compte que c’était plus loin que ce que je pensais. Je suis triste qu’on en soit arriver là... Je suis triste de ne pas pouvoir aimer correctement non plus... J’ai conscience de beaucoup de choses seulement comprends moi, Ryuhei. Je ne veux plus revivre ça...

Pourtant, quand je détournai mes yeux en sa direction et que je l’admirais, je m’apercevais que rien n’avait changé. Il était toujours aussi beau et mon coeur meurtrit par toute cette histoire réagissait. Non pas par amour, mais par nostalgie. C’était la première fois depuis longtemps que je n’avais pas envie de lui sauter à la gorge et lui hurler des horreurs.

Quelque chose me disait que son « tu m'invites » n'était pas sincère, alors je ne criais pas victoire trop vite. Je souris, même si je ne devrais pas quand elle parla de mon « petit coup ». Pas la peine de nier ou de faire comme si de rien n'était. Elle me connaissait mieux que personne, elle savait très bien que j'étais capable de ce genre de chose. J'avais été capable de tout pour elle, certaines choses changent à peine, on dirait...
Je ne bronchais même pas quand elle me remballa clairement pour le déjeuner. Je m'en doutais, je savais bien qu'elle n'avait pas envie de ça, qu'elle ne voulait pas passer du temps avec son stupide ex l'empêchait de divorcer. Mais j'étais sûrement bien plus agréable que son petit-ami actuel, alors elle ne devrait pas faire autant de manière. Je fis de mon mieux pour ne pas soupirer, aspirant une grande bouffée de fumée que j'expirais longuement, mon bras remontant sur le dossier du banc pour être davantage à mon aise.

Hanae reprit la parole, mais je ne la regardais pas. J'avais du mal avec les conversations sérieuses, je ne voulais pas affronter ce genre de choses. Vraiment pas. Mais je ne pouvais pas m'en aller, je ne pouvais que rester là à l'écouter, à suivre le fil de ses paroles, à la comprendre. À nous comprendre. Je ne me souvenais pas que de la fois où je l'avais accosté, je me souvenais de pratiquement tout. Si j'ai une mémoire plutôt courte d'ordinaire, avec Hanae, je me souvenais du moindre détails, des sourires, des rires, des voyages... Tout ce qu'on avait pu faire. Bien sûr qu'on s'était déchiré au final, mais ça avait été beau néanmoins. Je restais persuadé que si nous étions incapable d'aimer correctement quelqu'un d'autre comme elle le disait, c'est pas que nous n'étions destines à n'aimer aucun autre. Le silence reprit place dès qu'elle eut terminée. Je crois que j'appréciais tout particulièrement le silence lorsqu'elle était là. Je craignais de dire ce qu'il ne fallait pas, ou je ne sais quoi. À place, je tirais une dernière fois avant de jeter le mégot, posant mes yeux sur une mère qui observant avec attention ses enfants entrain de jouer.

-Au contraire... Je souhaite qu'on revive ça, répondis-je très sérieusement avant de baisser la tête et de me tourner vers elle. Je souhaite qu'on revive ce genre d'amour. Pas ensemble. Je veux dire, pas forcément ensemble. Sincèrement Hanae, je te le souhaite. Je ne te souhaite juste pas la même fin.

Si on retirait la fin de notre histoire, elle était pratiquement idyllique. Je ne sais pas ce qui me prenait, à me montrer soudainement si doux, si compatissant. Sûrement la lassitude aussi. Le fait de la voir aussi mal. Malgré tout, je savais qu'elle n'allait pas bien, ça se voyait.

-Parce que tu le mérites, tu sais, ajoutais-je d'une petite voix, comme si ça me cassait un bras de l'avouer. Désolé... Enfin, pour avant. Au tribunal. Je ne suis pas vraiment désolé, tu t'en doutes bien. Enfin, je ne sais pas si je le suis.

Un rire nerveux s’empara de mes lèvres et je glissais ma main dans mes cheveux avant de venir ébouriffer les siens doucement, un semi-sourire qui semblait hésitant sur mon visage. Je savais que je n'avais pas le droit de lui dire ça, mais je ne pus m'empêcher de murmurer d'une façon presque inaudible « Il faut que tu le quittes » en cherchant au maximum à fuir son regard.

J’avais l’impression de rêver. Que l’atmosphère soit si doux, si calme entre nous, cela ne pouvait être qu’un rêve. Il n’y avait pas d’autres explications. Pourtant, me pinçant discrètement, je remarquai que tout ceci était bel et bien réel. Je trouvais simplement que Ryuhei n’était pas juste et malgré tout cruel. Il me souhaitait d’être heureuse, de revivre ça cependant il avait brisé de lui-même cet espoir que j’avais de pouvoir enfin aller de l’avant. Je le connaissais à force et j’aurais dû me préparer à une telle attaque seulement je pensais qu’il avait plus de jugeote que ça... Il en avait. Enormément. Néanmoins il n’en restait pas moins un grand enfant et je savais qu’il pensait sincèrement ce qu’il me disait. Je lui souhaitais également... Je regrettai de nombreuses choses toutefois malgré tout je voulais qu’il réussisse dans sa vie et qu’il rencontre à nouveau quelqu’un. Qu’il aime une seconde fois, peut-être même plus que ce qu’il m’avait aimé moi puis même si quelque part au fond de mon coeur, ça serait douloureux, je respecterais et sourirais.

De toute manière ce qui nous avait détruit était notre fin... Elle nous avait même achevé et rendu méfiant pour les années à venir cependant on était juste trop jeune, trop tête en l’air aussi. On n’avait pas réfléchi et si c’était à refaire, je savais très bien qu’on réagirait de la même façon. Parce que cela faisait partie de notre caractère et que c’était également cette folie qui nous avez rendu fou amoureux l’un de l’autre, aussi passionné. Encore à présent, je ne pouvais m’empêcher que malgré tout, ces sensations me manquaient... Tout ce bon côté de notre relation, on l’avait oublié au bout du compte si rapidement.

Je ne pus retenir le faible rire qui s’enfuit de ma bouche lorsque le jeune homme expliqua qu’il ne savait pas en réalité s’il était désolé ou non. Je pense qu’une partie de lui l’était parce qu’à cause de ça, il me créait encore des soucis - j’espérais qu’il conçoit les choses ainsi et ait encore cette petite part d’humanité en lui - seulement l’autre partie ne l’était pas... Puisqu’il se retrouverait contraint de s’avouer vaincu et il n’aimait pas perdre. Pas à ce jeu là. Voilà pourquoi je n’avais pas relevé, je ne m’étais pas énervée non plus... Je n’en avais ni la force ni le courage de toute manière. Je m’étais contentée d’hausser les épaules avant de river mon regard vers le ciel puis de souffler doucement, entendant ses faibles mots qui résonnèrent dan mes oreilles.

- Je ne peux pas le quitter.

Ces paroles étaient sortis sans que je n’ai pu y faire quoi que ce soit. J’avais pensé à voix haute. Je crois que j’avais peur... Quand bien même j’étais une femme forte, j’appréhendais sa réaction si je le quittais. Et je ne savais pas quoi faire... Mais ça, pas besoin d’en parler avec lui. Ryuhei était malheureusement la dernière personne à qui je devais parler de ça.

- Peu importe, Repris-je avec un éclat plus tendre et bien plus franc, Je sais que j’ai ma part d’erreurs dans tout ça également mais tu sais... Malgré cette fin, comme tu dis, malgré le mal que tu m’as fait aussi, je te souhaite sincèrement d’être heureux. On ne revivra pas ça ensemble Ryuhei. Mais je suis tout de même contente d’avoir réussi finalement à avoir enfin une discussion calme avec toi. Tu sais... Tu as tout pour toi... Je veux dire, je te connais et je sais qu’au fond tu n’es pas aussi mauvais que ce que tu ne veux faire croire alors sert-toi en.

Je savais que si notre histoire s’étaient terminés, ce n’était pas de sa faute. C’était de « notre » faute. Et pendant un moment, qu’avant de le détester, Ryuhei avait été avant tout une personne que j’avais aimé de tout mon coeur. Tellement plus encore.

« Je ne peux pas le quitter »
Ses mots raisonnèrent comme un coup de marteau qui tambourinait dans ma tête. Pourquoi ne le pouvait-elle pas? Est-ce qu'il l'en empêchait? Est-ce qu'il lui faisait peur à ce point? Peut-être l'avait-il déjà frappé ? Et si elle avait peur qu'il s'en prenne réellement à elle si elle se décidait à le quitter ? Je sais qu'elle pourrait me dire cela dans le sens qu'elle l'aime et que ce n'est pas son intention... Mais dans ce cas elle m'aurait dit qu'elle ne veut pas le quitter. Non ? J'avais envie d'aller voir ce connard sur le champs et de le forcer à dégager de sa vie, le plus vite possible. Mais avais-je réellement le droit de m'interposer ainsi ? Sans doute pas. Ce n'est plus mon rôle. Je n'ai même plus le moindre rôle dans la vie d'Hanae, à part celui de l'ex un peu envahissant, sans doute.

Comme souvent, elle ne me laissa pas le temps de dire quoique ce soit et afficha un sourire auquel je ne répondis pas. Ce qu'elle disait, ça sonnait comme des adieux. On s'était déjà fait des adieux, entre les cris et les objets brisés. Ça me semblait pire maintenant. Je pensais qu'on était passé au dessus de ça depuis longtemps, mais finalement.. Non. Et ce sera la vraie fin ? Et si je ne voulais pas ? Enfin... Non. Durant ces années, je m'étais fait une raison, je n'y pensais pas trop, alors ça ne devrait pas me peiner comme ça. Hey, bon sang Ryûhei, t'es un homme ou pas ? Reprends-toi !

-Je n'essaie pas de faire croire que je suis mauvais, répondis-je en tentant de sourire un peu. C'est une illusion.

En réalité, j'étais juste terriblement maladroit et incapable d'imposer ce que je voulais réellement sans passer par des techniques bizarres, comme aujourd'hui. Mais elle devait le savoir, elle me connaissait plutôt bien. Sur terre, personne ne me connaissait aussi bien qu'elle. Avec hésitation, ma main vint s'approcher de la sienne, laissant mes doigts s'entremêler timidement aux siens durant un moment d'hésitation. Je me mordille légèrement la lèvre. Il fallait bien trouver des trucs à se dire. On se reverra pour la suite du procès, mais je doute qu'on ait l'occasion de se reparler d'ici là.

-Je t'aimerais toujours, lançais-je d'une voix mal assuré afin de rompre le silence. Enfin, pas comme avant... Je ne t'aime plus comme avant, mais... Je t'aimerais toujours. Vraiment.

Qu'on ne prenne pas cette « déclaration » pour une ultime tentative de lui prouver ô combien elle devrait me laisser une chance. Je n'étais même pas dans cette optique actuellement. Je ne l'étais plus. J'étais relativement... Blasé. Et énervé. Au fond de moi, j'étais énervé par ce qu'elle m'avait dit. Pas par elle. Par ses choix, par cet homme. D'un geste sec, je la tirais vers moi, passant mon bras autour de son épaule.

-Et c'est justement pour ça que je refuse que tu restes avec un homme qui te fait du mal, murmurais-je sur un ton déterminé. Si tu as peur de le quitter, quoiqu'il essaie de te faire, je serais capable de le tuer. Sans la moindre hésitation. Ne reste pas avec cet homme, Hana. Je t'aiderais à le quitter, s'il le faut.

J'étais on ne peut plus sérieux. J'étais près à l'aider à se débarrasser de ce type s'il n'acceptait pas de la laisser tranquille. J'étais encore prêt à tout pour elle. Je n'avais pas grand chose, mon entourage était plus que restreint, je n'avais rien à perdre, de toute façon.

Je n’avais jamais considéré Ryuhei comme quelqu’un de mauvais. Malgré ses défauts, à mes yeux, il restait un homme bon. Je le connaissais énormément, après tout pendant un temps nous avions été marié, si moi je ne le connaissais pas alors qui pourrait le connaître n’est-ce pas ? Je ne lui avais jamais demandé de changer quand bien même j’aurais sûrement souhaité qu’il évolue, apprenne de ses erreurs tout comme j’aurais dû apprendre des miennes. Au bon moment. A présent il était trop tard pour revenir en arrière mais j’espérais qu’il ne reproduise pas les mêmes bêtises à l’avenir. C’était ce que j’avais souhaité lui dire parce que je désirais réellement qu’il soit heureux. Peu importait si c’était avec une autre femme que moi, si au fond cela me dérangerait parce qu’il n’en restait pas moins mon plus bel amour, je lui souhaitais de refaire sa vie correctement. Peut-être qu’au bout du compte, en se hurlant de la sorte, nous n’avions pas réussi à tourner la page. On disait que oui mais c’était faux parce qu’au final on s’était juste brisé sans chercher à discuter, sans se dire sincèrement ce qu’on pensait à l’autre et aujourd’hui toute cette mise en scène sonnait sérieusement comme des adieux. Et quoi que je puisse dire, c’était douloureux. Je m’apercevais que cette fois-ci ma vie allait prendre un tourment différent, qu’après quelques temps, je ne serais plus amenée à le revoir et que nous vivrons chacun de notre côté. Je savais qu’une partie de moi penserait encore et toujours à lui parce qu’il était une personne irremplaçable et que peu importait où il soit, je prierais constamment à ce qu’il aille bien. Quand bien même je l’ai longtemps détesté pour ses actes cependant plus les jours s’écoulaient, plus j’étais capable d’admettre qu’il n’était pas seul. Nous nous étions détruit mutuellement. Certes, moi je ne l’avais pas trompé mais je suppose que mon attitude à cette période était tout aussi horrible que ses propres actes.

Plus que ses gestes, sa déclaration m’avait surprise et j’avais senti mon coeur battre à tout rompre. Comme quoi, il était toujours le seul à me faire un tel effet... Moi aussi je l’aimerais toujours, on ne peut pas cesser d’aimer une personne pour quoi on a tant donné même si cet amour s’était transformé et était différent. J’étais partagé entre l’envie de rire et l’envie de pleurer. J’avais l’impression d’être si faible... Je jouais à la forte cependant avec lui je finissais toujours par me faire avoir, toujours. Parce qu’au bout du compte, il me manquait. Pas lui. Mais cet amour que nous avions partagé lorsque nous nous étions connu et pendant longtemps j’avais espéré le retrouver. Seulement ce n’était qu’un rêve éphémère et impossible.

- Ce n’est pas à toi de me dire ça, Chuchotais-je à mon tour alors que je finis par me blottir contre lui.

Il était tellement injuste et cruel à la fois. Et moi j’étais si stupide... Je savais qu’il était sincère dans ses mots, je savais que ce n’était pas de la comédie pour tenter de m’amadouer - du moins je l’espérais - et comme avant, il était toujours celui qui arrivait à ses fins.

- Je ne veux pas que tu le tues. Ni que tu fasses quoi que ce soit d’autres.

Ryuhei n’était pas ce genre d’hommes. Il était un homme bien et malgré tout, je doutais que Takeru mérite un tel châtiment. Il ne m’avait jamais frappé... Il m’impressionnait simplement et me faisait peur parce que, à l’heure actuelle, je savais qu’il n’hésiterais pas à le faire si je ne donnais pas ce qu’il désirait. Et je ne voulais pas qu’il attire des ennuis à Ryuhei non plus.

- Mais c’est vrai que j’en ai peur... Seulement je ne veux pas que tu t’en mêles, s’il te plaît. Ne fait pas ça d’accord ?

Même après des années, lorsque j’étais avec lui, j’avais toujours l’impression d’être aimée, d’être en sécurité aussi... Parce que s’il avait ses défauts, il avait également ses qualités et pendant longtemps, il s’était souvent démené pour me protéger. La moindre chose l’inquiétait et maladroitement, il prenait toujours soin de moi à sa manière. Alors je savais que s’il disait être capable de tuer mon petit ami, il n’hésiterait pas... Et je n’avais pas envie de le retrouver en prison. Hors de question. Ah. J’avais encore envie de pleurer.

Soufflant discrètement, je me séparai de lui afin de lui adresser un doux sourire. J’étais un peu triste que tout se termine ainsi cependant j’en étais à la fois rassurée... Mes doigts vinrent se poser délicatement contre sa joue alors que l’esquisse sur mes lèvres ne s’effaçait pas.

- Je t’aimerais toujours aussi, Avouais-je tandis que mon visage s’approchait du sien, Cela ne sera jamais pareil c’est vrai mais tu resteras toujours mon plus grand amour.

La distance entre nous était infime toutefois au lieu de lui déposer un baiser sur ses lèvres comme il aurait pu s’y attendre, je lui embrassai le front. En règle général, les rôles auraient certainement du être inversé mais je me fichais des stéréotypes. J’aimais agir différemment des autres.

- Je te souhaite sincèrement d’être heureux.

Cela sonnait réellement comme des adieux... Mais il fallait passer par là après tout. Lui souriant une dernière fois, je quittai enfin ce banc. Je ne pouvais pas rester ici plus longtemps... Pourtant, je n’avais pas forcément envie de partir non plus.

Ma main remonta dans son dos et je la serrais plus fort quand elle me répondit. Si ce n'était pas à moi de le faire... A qui alors ? Personne. Mais je ne répondis rien, closant mes paupières en humant tranquillement son parfum. J'aimais tellement son parfum, je ne sais pas si je pourrais m'en lasser un jour. Enfin, je n'aurais probablement plus le temps de m'en lasser, mais quand même. J'avais envie de protester quand elle m'interdit de mettre à exécution mes projets mais, de toute façon, si j'apprenais d'une façon ou d'une autre qu'il lui avait fait du mal, je ne lui demanderais pas l'autorisation pour mettre mes plans à exéciton. Elle était précieuse pour moi. Même si parfois, je la détestais. Même si elle m'énervait, qu'elle avait pu me faire du mal et qu'elle m'avait, sans le savoir, condamner à une terrible solitude.

Mon cœur se compressait dans ma poitrine quand elle me rendit les mots que j'avais prononcé un peu plus tôt. Je savais que ça ne voulait plus dire grand chose. Enfin, en quelque sorte. Je n'avais pas tenu à l'entendre me dire ça. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir d'avantage de regret. Et tout mon être ne put que s'emballer davantage en la voyant proche, si proche. Pendant un instant, je crus qu'elle allait m'embrasser. J'avais souhaiter qu'elle le fasse, j'avais envie de sentir ses lèvres sur les miennes, une dernière fois. Mais ça n'arriva pas et mon souffle reprit dans un petit soupir quand elle se fut écarter après avoir posé ses lèvres sur mon front. Elle était tellement cruelle. Encore plus après les quelques mots qu'elle avait ajouté avant de se lever et de s'en aller. Pourquoi est-ce que ça avait tourné ainsi ?
Forcément, je m'étais levé pour la rattraper, me mettant devant elle pour ne plus qu'elle puisse avancer. J'avais envie de faire tellement de chose, enfin, une chose en particulier, j'avais envie de dire tellement de choses aussi... Mais rien ne sortait. Je restais planté ainsi je ne sais combien de temps, comme un idiot avant de parvenir à lancer :

-Quitte-le. Si tu le quittes, je promets de signer les papiers du divorce, sans rechigner, sans trouver aucunes autres entourloupes. C'est promis.

Et j'étais sérieux. Enfin, il faudrait qu'elle ne me mente pas pour que ça marche, mais je savais qu'elle ne me prendrait pas pour un idiot, pas pour ça. C'était mal d'utiliser le chantage, mais en même temps... Je ne savais pas quoi faire d'autre. Je pinçais un peu mes lèvres, pour souligner une fois encore combien j'étais sérieux avant d'ajouter :

-Et je disparaîtrais même totalement de ta vie, je ne chercherais plus à entrer en contact avec toi, même quand je te croise dans la rue, comme si je n'avais jamais existé pour toi. Tu peux me faire confiance, je ne faillerais pas à ma promesse.

Même si c'était une promesse horrible que j'étais entrain de faire, même si elle allait me manquer, même si... Tellement de choses. Mais au moins, elle sera heureuse, elle pourra retrouver un type mieux que son petit-ami actuel, mieux que moi... Et refaire sa vie. Se remarier, avoir des enfants... Tout ce dont elle a toujours rêvé.

Un pas. Deux pas. Et j’avais réussi à me décider de m’en aller, le coeur serré et empli de peine. Je détestais les adieux. Encore plus ceux-là. Puisque cela ne faisait que me rendre compte à quel point Ryuhei importait pour moi, à quel point notre amour avait pris une profonde place dans ma vie, à quel point, à présent, il allait me manquer. Jusqu’ici j’avais vécu avec la haine ainsi que la rancoeur alors cela m’avait été facile d’avancer en l’effaçant de mon esprit. Aujourd’hui je savais que tout serait différent parce que tous ses souvenirs revenaient me hanter. Un rien me le rappelait et il me manquait. Cet amour me manquait terriblement. Si j’avais oublié pendant un temps, ce n’était plus le cas désormais. Je revoyais ces jours ensoleillés où nous nous promenons dans le parc près de l’appartement à se chamailler pour des bêtises... Je revoyais ses petites maladresses et ses discrètes attentions. Malgré nos disputes, je revoyais tous ces bons moments, ces sourires échangés, ces baisers partagés... Et surtout, je revoyais notre mariage. A cet instant là, j’avais l’impression de vivre le plus beau jour de ma vie. Lui qui attendait près de l’hôtel tandis que j’avançais lentement avec cette somptueuse robe dans laquelle j’avais dépensé un grand nombre d’économie. Même si ça avait été sur coup de tête, on avait tenu à faire ça bien. Rien que retourner à cette période me créait du baume au coeur tout comme cela me donnait envie de pleurer. C’était si loin et pourtant tout me paraissait si proche. Pourquoi avions nous été si idiot et tout gâché ? Nous aurions pu avoir une merveilleuse vie si nous avions été moins bête...

Soufflant, mes pupilles s’arrondirent de stupéfaction à la vue du jeune homme qui m’avait rattrapée. J’étais perdue tandis que ses mots me frappaient de plein fouet. Qu’est-ce que j’en avais à faire du divorce à présent ? C’était avant qu’il aurait dû y réfléchir, avant ce procès... Même si je savais qu’il était sérieux, intérieurement j’avais l’impression que tout ceci avait si peu d’importance. Demain sûrement je songerais différemment toutefois là, de suite, je visualisais les choses ainsi. En plus je n’aimais pas le chantage. Et même si je comprenais pourquoi il faisait ça, qu’il essayait durement de me convaincre de ne plus sortir avec cet homme qui me faisait du mal, je ne pouvais pas. Mes lèvres s’étaient entrouvertes afin de le lui rétorquer seulement aucun son ne sortit alors que le reste de ses paroles me créèrent la sensation d’un coup de poignard dans le coeur.

- Tu es un idiot, Déclarais-je faiblement tandis que je le frappai doucement contre son torse, As-tu au moins conscience de ce que tu dis ? Je n’ai pas envie que tu m’ignores si on vient à se recroiser ! Crois-tu vraiment que je serais heureuse si tu te fais passer pour un inconnu à mes yeux ?!

Je crois que même sans cette discussion que nous avions eu aujourd’hui, cela m’aurait blessée de le croiser et de le voir complètement m’ignorer. On s’était aimée énormément et tout d’un coup nous devrions devenir des étrangers aux yeux de l’autre ? Je n’étais pas d’accord avec ça.

- Je ne veux pas de ton chantage et je ne veux pas que tu me demandes ça ! Je t’ai dit que je ne peux pas le quitter, je n’y arrive pas !! Je t’en prie Ryuhei, ne rend pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont.

Mes doigts se crispèrent à sa chemise puis ma tête posée contre lui, je ne pus les retenir que des larmes perlèrent le long de mes joues. Je ne pleurais pas souvent... C’était à se demander s’il m’avait déjà vu pleurer une fois d’ailleurs cependant j’étais à bout. Il n’avait pas le droit de me dire ça. Pas lui.

Mon corps restait immobile, même si dans le fond, j'avais juste envie de fuir le plus rapidement possible, de finir cette conversation, puisque je savais que sa réponse n'allait pas me plaire. Je me mordis la lèvre en la sentant me frapper au torse, baissant les yeux pour ne plus la regarder. Je n'aimerais pas avoir à l'ignorer non plus. Faire comme si elle n'existait pas me briserait davantage, mais j'avais pensé que ça pourrait lui convenir. J'avais pensé qu'elle serait peut-être plus heureuse si je l'ignorais. Enfin, je ne savais jamais quoi faire pour qu'elle soit heureuse de toute façon. C'est bien pour ça que nous n'étions plus ensemble après tout.

Les larmes d'Hanae... Un phénomène rare. J'y avais eu droit une seule fois, lors de l'une de nos disputes. La plus violente de toute. Si les évènements récents égalisaient cela... C'est que c'étais bien pire que ce que j'avais imaginé. Mes bras l'entourrèrent et je la serrais contre moi, mon cœur battant néanmoins à tout rompre.

-Désolé... Je pensais que c'était la solution... Mais je ne veux pas être un inconnu pour toi. Enfin... C'est ce qu'on essayait de devenir depuis qu'on s'est quitté, mais quoiqu'on fasse, on n'y arrive pas.

C'est vrai, nous avions passés quelques temps sans nous croiser, nous parler, ou quoique ce soit. Il a suffit d'une seule fois pour que le destin nous réunisse plusieurs fois après. Comme un signe... Non, j'avais promis d'arrêter avec les signes. « Arrête de pleurer », soufflais-je tout en la décallant un peu, mes mains posées sur ses joues pour mieux la regarder. J'essayais de libérer son visage de toute l'eau qu'elle y avait déversé, tentant d'esquisser un léger sourire. Elle était jolie, même comme ça. Alors que je me souvenais à peine que nous nous étions vue aujourd'hui pour notre divoce, je m'étais approché d'elle afin de lui voler ses lèvres. J'en mourrais d'envie chaque fois que je la regardais. Ça faisait longtemps, trop longtemps. Comme une sensation qu'on croyait oublié qui revenait d'un coup sans qu'on s'y attende. C'était si bon, j'avais du mal à m'en défaire. J'avais l'impression que c'était comme arrêter de boire et reprendre d'un coup pour un alcoolique. C'était le verre le plus grisant de tous.
Je n'avais aucune motivation pour la relâcher, pour arrêter, mais on dirait que quelqu'un avait assez de cœur pour venir m'aider, me tirant violemment par l'épaule avant de littéralement me décrocher la machoire pour me faire reprendre mes esprits. Voilà que je me retrouvais projeté au sol, les yeux écarquillés tandis que je tentais de comprendre ce qui venait de m'arriver.

-C'est ça le divorce ? Entendis-je hurler derrière moi, me forçant à me tourner pour voir qu'il s'agissait de son « petit-ami ». C'est pour ça que tu m'as parlé comme ça avant ?

Il avait l'air comme possédé, à hurler comme un fou des trucs que je ne comprenais même pas. Cependant, lorsqu'il s'approcha d'elle et lui attrapa le bras en commençant à la secouer, je me levais d'un bond, l'écartant vivement avant de me mettre devant elle, mes poings se serrant. J'avais envie de faire ce que j'avais dit plus tôt. Là, tout de suite. Je ne supportais pas de voir la façon qu'il avait de lui parler, de la traîter...

-Tu devrais partir, laisse moi lui parler, dis-je à mon ex-femme tandis que mon regard ne quittait pas l'autre d'une seule seconde.

Elle n'arrivait pas à le quitter ? Et bien j'allais l'aider.

Ryuhei avait raison. On avait essayé de passer pour de vulgaires étrangers sans jamais y parvenir. Comment pouvions nous réussir de toute manière ? Après tout ce temps passé ensemble, il était évidemment impossible d’oublier l’autre. J’étais incapable de l’oublier... Parce que quoi qu’on dise, malgré tout, l’amour était toujours là, caché quelque part. Ses doigts séchant les gouttes qui déferlaient sur mon visage, je n’arrivai pas à répondre à l’esquisse qu’il arborait. J’étais fatiguée et j’en avais assez de toutes ces histoires. J’aimerais sincèrement être heureuse tout comme je le lui souhaitais en retour. J’aimerais pouvoir avancer, ne plus penser à toutes ces mauvaises choses qui nous étaient tombés dessus et revenir en arrière pour corriger là où nous avions fauté.

Aucun mot ne sortait de mes lèvres alors que j’avais juste envie de lui dire qu’il ne devait pas faire ça, qu’il me replongeait dans le passé et que je me souvenais encore plus de ces moments qui m’avaient fait succomber. Ce n’était rien aux yeux des autres mais aux miens, ces petites attentions, elle valait tout et sur la fin, rien de ceci n’existait. Ces gestes s’étaient envolé au même instant où la colère et la haine avaient commencé à s’installer. J’avais vraiment l’impression de revenir des années en arrière et j’aurais désiré que le temps s’arrête pour ne pas retourner dans la réalité. Je savais que dés lors où nous nous quitterons tout cela deviendrait de nouveaux souvenirs et le point final de notre histoire sera enfin tracé.
Mes paupières papillonnèrent doucement sous la surprise quand le garçon m’embrassa néanmoins mon coeur lui rata un battement et mon corps s’enflamma malgré lui tandis que je répondis à son baiser. J’avais la sensation de revivre et en même tems, pas du tout. Parce que ce serait certainement le dernier que nous partagerions tous les deux. C’étaient nos adieux. Je le considérais comme tel et l’envie de pleurer s’accentua pendant que mes phalanges caressaient sa nuque. Oui, j’aurais réellement souhaité avoir les capacités d’arrêter le temps.

Sauf que je fus ramener dans le monde réel en sentant Ryuhei se décaler brusquement et sans que je n’ai eu le temps de dire quelque chose, celui-ci s’était retrouvé à terre. Mon petit ami était revenu et il était plus que furieux. Ce que je pouvais tout à fait comprendre après ce que je venais de faire néanmoins j’étais complètement terrifiée. C’était la première fois que j’entrevoyais une telle lueur dans ses yeux et s’il pouvait tuer, j’avais l’impression qu’il le ferait. Un cri franchit ma bouche quand il me secoua violemment et je soufflai soulager que mon ex - toujours - mari s’interposa afin de me protéger. Hors intérieurement je n’étais pas si rassurée que cela... Je me fichais de Takeru. J’étais cruelle, je le reconnaissais, cependant je refusais qu’il fasse du mal à Ryuhei alors que comparé à lui, il ne m’avait jamais touché. Il ne m’avait jamais blessé physiquement et c’était sûrement la pire chose que l’on puisse faire à une femme.

- Je ne partirais pas, Déclarais-je doucement tandis que je m’agrippais à lui subtilement, Ne fait rien. C’est à moi de lui parler.

Quoi qu’il dise, il devait savoir que j’avais raison. Je ne pouvais pas m’en aller puis le laisser régler les choses en sachant que c’était moi la fautive. C’était moi qui avais accepté de sortir avec lui sans être amoureuse du jeune homme et c’était aussi moi qui lui avais donné de l’espoir...

- Qui a parlé comme ça à qui, Takeru ?

Essuyant les larmes qui avaient coulé avant, je devançai Ryuhei pour m’approcher de mon petit copain. Ma voix était loin d’être sur d’elle toutefois elle n’en restait pas moins froide.

- Tu me fais peur. Il n’y a pas d’autres raisons. Alors arrêtons.

Cette fois-ci, je tremblais puisque j’étais sincèrement effrayée de sa réaction.

- Quoi ?! Pourquoi ?! S’écria-t-il, C’est à cause de ce mec !! Je ne suis pas d’accord !
- C’est de ta faute !! Pas de la sienne !
- Ne me parle pas sur ce ton !

Sur ses mots, sans que je ne la vois venir, sa main s’élança brutalement contre ma joue et sous le choc, j’avais fini par heurter le sol. Il m’avait frappée. Il avait finalement osé... Et j’étais encore plus apeurée désormais... Pas à cause de lui, non. A cause de la réaction de Ryuhei. Quand j’aperçu le reflet qui brillait au sein de ses yeux sombres, je me relevai subitement, inquiète et l’encerclai de mes bras en guise de blocage.

- Ce n’est rien. Je t’en prie, ça suffit. Allons-nous en d’ici... S’il te plaît.

Sans me retourner, je pouvais ressentir l’atmosphère lourde derrière moi et le regard que Takeru nous lançait certainement. Seulement, je n’en avais que faire... J’avais dis ce que j’avais à dire. Maintenant, on devait partir... Je ne voulais pas qu’ils se battent. Je ne voulais rien de tout ça. Juste qu’on s’en aille lui et moi, qu’on quitte cet endroit. Rien de plus.

À elle de lui parler ? Mais non, absolument pas, c'était à moi. Enfin, je ne voulais pas lui parler, je voulais le finir. Cependant, je savais que je n'avais pas le droit de m'en mêler, ou du moins, pas tant que ça restait correcte. Je serrais davantage mes poings, ainsi que mes lèvres pour tenter de retrouver un peu de calme. Il m'insupportait, je ne le connaissais pas, mais je le haïssais, vraiment. C'était compliqué de me faire haïr quelqu'un, mais lui, c'était devenu tellement naturel. Je soutenais son regard, j'avais juste envie de lui montrer qu'il ne gagnerais en rien contre moi. Je laissais Hanae s'avancer néanmoins, restant en retrait tout en surveillant la scène. Elle avait bien plus d'aplomb d'ordinaire, ça me faisait bizarre de voir Hanae ainsi. J'écoutais ses paroles, mais le ton qu'employait l'autre me déplaisait. Enfin, ce n'était rien comparé au bruit que j'entendis. Il venait de la gifler. Je ne bougeais pas, faisant vaquer mon regard entre Hanae et le type avant de totalement m'arrêter sur lui.

De ma vie, je n'avais jamais ressentis une telle rage. Je n'arrivais même pas à avancer, je me contenais de le fixer. Mon regard était froid, mon visage impassible. J'imaginais déjà toutes les façons possibles de le tuer, de le faire crever dans d'atroces souffrances. J'avançais d'un pas pour m'en approcher, mais je sentis mon ex-femme s'approcher et tenter de me tenir. Mais ce n'était pas ça qui allait m'arrêter.

-Lâche-moi, dis-je calmement en retirant ses bras.

Si j'avais pendant un instant pensé à utiliser mon rôle de NSA pour le faire disparaître, dès qu'il avait levé sa main sur elle, c'était la fin. Pour lui. Littéralement. Plus jeune, j'avais été la victime de mes frères, dans tout les sens du terme. Ça m'avait fait de la peine d'être le défouloir de Hatori, mais ça avait du bon. Au moins, on apprenait à se battre, et avec plus fort que soi, c'était encore un meilleur entraînement. Mes pas se firent de plus en plus rapide jusqu'à donner un premier coup de poing. Celui-là, c'était pour celui qu'il m'avait mis d'abord. Il riposta, mais je m'en fichais, je ne ressentais rien. Comme si la douleur m'avait totalement abandonné, il pouvait frapper comme il voulait. Habilement, j'avais réussi à le mettre à terre. Parfait. Sans lui laisser le temps de faire quoique ce soit, je le bloquais, les coups se succèdant sur son visage qui allait bientôt ne plus ressembler à grand chose. J'avais l'impression qu'il prenait pour tout. Tout ce que j'avais gardé en moi depuis longtemps. Le mépris de mon père, le rejet de mes deux frères, la mort de ma mère, mon mariagé raté, les fraques de mon chat... Tout. J'extériorisais si peu que dès que j'en avais l'occasion, ça ne manquait pas.

Je levais mon bras, prêt à le frapper une fois encore quand ce dernier fut stoppé par une puissance mystique. Mes yeux s'écarquillèrent, comme si je reprenais connaissance. Il avait le visage en sang, j'allais vraiment finir par le tuer. Il ne bougeait plus, peut-être était-il déjà mort ? En pleine journée, dans un parc, comment est-ce qu'on allait cacher son corps ? Je tournais la tête, regardant Hanae qui tenait mon bras avant de me libérer d'un geste sec, me redressant tout en secouant ma main.

-C'est dégueulasse, y'a plein de son sang, j'espère qu'il a pas de maladie, lançais-je pour tenter de retrouver mes esprits et redevenir « normal », fixant le type au sol. Il respire encore ?

Honnêtement, je n'avais pas envie de vérifier, je serais tenté de terminer ce que j'avais commencé. Mon regard croisa celui d'Hanae et je le détournais immédiatement. Je ne savais même pas quoi dire, je ne savais même pas quoi faire. Je m'étais tellement emporté... Mais au moins, elle comprendra que j'étais sérieux dans ce que je lui disais. J'étais prêt à tout pour elle.

Je m’en doutais. Je savais que cela n’effacerait pas la colère de Ryuhei mais j’avais tenté alors qu’en réalité, j’étais complètement paniquée. J’avais lu dans son regard toute la haine qu’il pouvait éprouver pour cet homme et je ne voulais pas qu’il intervienne, je voulais qu’on s’en aille d’ici mais malheureusement, il n’avait pas été d’accord avec cela. J’avais tenté de le retenir, mes doigts frôlant sa chemise alors que sans que je ne puisse réagir, le coup était parti puis tout s’était enchaîné. Je m’étais retrouvée dans l’incapacité de bouger alors que je voyais mon petit ami se faire tabasser par mon mari qui était fou rage. Mes lèvres ne cessaient de mimer le mot « arrête » sans jamais que celui-ci n’en sorte et j’étais encore plus terrifiée... Qu’était-il en train de se passer ? Pourquoi avait-il fallu que je revois Ryuhei ? Pourquoi avait-il fallu que Takeru ne parte pas comme je le lui avais demandé ? Et pourquoi avait-il fallu qu’il lève la main sur moi ? Au fond j’étais reconnaissante envers Ryuhei d’être si prêt à tout pour moi mais d’un autre côté, cela me faisait encore plus peur. Je n’avais pas envie qu’on en arrive là. Je l’avais mérité après tout...

Sans pouvoir m’interposer, je ne cessai de supplier à moi-même à ce que le jeune homme arrête tandis que des larmes étaient réapparus le long de mes joues. Quand il se redressa, j’eus l’impression qu’un poids s’enlevait de ma poitrine bien que je tremblais encore. J’étais partagé entre l’angoisse de ce qui lui arriverait si Takeru s’avérait être mort et aussi l’inquiétude que ce dernier le soit. Aussi mauvais avait-il pu être avec moi ces derniers temps, je l’aimais bien et je ne lui souhaitais aucun mal, juste qu’il me laisse tranquille.
Ryuhei pouvait faire comme si de rien était, je savais que ce n’était pas le cas. Ne lui répondant pas, je m’avançai faiblement vers mon petit copain puis me mettant accroupi, je déposai mes doigts contre son cou. Il était en vie. Et c’était ce qui me rassura le plus avant que presque malgré moi, je sortis un mouchoir de mon sac pour essuyer les plaies sur sa figure.

- Qu’as-tu fait ? Chuchotais-je à Ryuhei sans cesser mes gestes alors qu’en vérité, je ne lui reprochais rien.

Parce que je comprenais également. Même si j’étais une fille, je n’aurais jamais supporté qu’il soit blessé par quelqu’un et je savais qu’il tenait à moi. Je l’avais toujours su seulement à choisir j’aurais préféré ne jamais avoir à participer à une telle scène.
La tête baissée, je finis par sortir mon téléphone portable et appeler une ambulance, disant qu’un garçon était blessé, qu’il fallait intervenir rapidement. Ne précisant pas plus, je me redressai puis me pressai vers Ryuhei, me blottissant contre lui alors que je murmurais un nouveau « Tu es un idiot... ». Mais c’était de cet idiot que j’étais tombée amoureuse... Je pouvais lui en vouloir pour beaucoup de choses cependant pas pour celle-ci.

- Allons-nous en d’ici maintenant, s’il te plaît. Les pompiers arriveront d’une seconde à l’autre et je ne veux pas être là.

Je pourrais néanmoins je n’en avais aucune envie. J’avais trop peur de Takeru et même si j’étais inquiète, je savais qu’il s’en sortirait. J’agissais encore sur un coup de tête toutefois je n’en avais que faire, je voulais simplement déserter cet endroit. Et au plus vite.

Quelques instants après, on se retrouva devant la porte chez moi tandis que je n’avais pas lâché ma main de la sienne. Je l’avais tiré jusqu’ici sans lui laisser réellement le temps de riposter... J’ignorais si c’était une bonne idée mais après tout ce qu’il venait de se passer, je refusais d’être seul.

- Installe-toi, j’arrive.

C’était un petit appartement, assez cosy mais qui me correspondait énormément. Lui adressant un sourire discret, je m’enfuyais dans ma cuisine pour revenir quelques secondes après avec de quoi boire et de quoi grignoter. La situation était tellement étrange que je ressentais toujours cette impression d’être retournée dans le passé.

- Tu te sens mieux ? Finis-je par demander, Tu n’es pas blessée ?

Il n’en avait pas l’air cependant je ne pouvais m’empêcher de m’en inquiéter. Après tout, il s’était bien battu... Pour moi. J’avais encore du mal à réaliser. Mais ça finirait par aller je suppose.

Lorsque Hanae me demanda ce que j'avait fait, j'étais incapable de bouger, de répondre. C'est vrai, qu'est ce que j'avais fait ? C'était complètement ahurissant, stupide. Je ne regrettais pas, je n'y arrivais pas. Même en le regardant couché par terre, je n'arrivais pas à regretter. Il n'avait eu que ce q'il méritait et encore, je m'étais trouvé plutôt... Sage. La seule peur que j'avais était qu'elle m'en veuille, qu'elle s'énerve contre moi, qu'elle me fasse comprendre ô combien j'aurais agis bêtement et excessivement. J'en prenais un peu conscience tandis qu'elle s'était penchée vers lui et semblait appeler une ambulance. Je me fichais bien de ce qui pouvait m'arriver, si je devais m'expliquer, ou peu importe. Je n'avais pas la moindre explication, je ne tenais même pas à en fournir.

Mon cœur fit un bond en la sentant se blottir contre moi, mais je ne réagis pas davantage, ne répondant pas. Oui j'étais un idiot. Depuis toujours, c'était un trait de caractère très encré en moi. Mais je ne suis jamais aussi idiot qu'avec elle. J'étais idiot d'une toute autre façon que celle dont j'avais l'habitude.
Elle ne me laissa pas le temps de réagir lorsqu'elle proposa de partir d'ici que sa main avait déjà pris la mienne pour nous emmener je ne sais où. À l'heure actuelle de toute façon, je n'opposerais aucune résistance à qui que ce soit. Enfin, sauf à ce malade qui est actuellement couché par terre.

C'était chez elle finalement que je me retrouvai. Mon regard balaya un peu les lieux. Même si c'était plus grand, il y avait la même atmosphère que dans le petit studio qu'elle occupait quand on s'est rencontré. Je me sentais presque aussi anxieux que la toute première fois où elle m'avait invité chez elle, elle m'avait également dit de m'installer et j'avais bien mis cinq minutes à décider de quelle chaise serait la plus propice à accueillir mon postérieur. Je souris légèrement pour moi-même à cette pensée avant de m'installer sur le premier siège qui se présentait à moi.

Mon regard croisa celui de mon ex-femme lorsqu'elle revint dans la pièce, la remerciant pour ce qu'elle ramenait. Je n'avais pas faim, alors je savais d'avance que pour moi, ce n'était pas nécessaire, je me contentais de prendre une gorgée de la boisson fraîche qu'elle m'avait amené. Je levais mes yeux vers elle en entendant ses questions, tentant de ne pas rire. Je pense qu'il y avait clairement plus à plaindre que moi, mais c'était mignon de la voir s'inquiéter. Calmement, je regardais mes mains avant de lâcher un soupir et de prendre la parole pour la première fois depuis le parc :

-Je suis désolé, je ne voulais pas t'attirer d'ennuis. Je n'ai pas supporté de le voir lever sa main sur toi, vraiment... Il aurait mérité plus que ces quelques coups, déclarais-je en tentant de canaliser au maximum ma haine. Je suis désolé de t'avoir embrassé aussi, je ne sais pas ce qui m'a pris, enfin... Je n'aurais pas dû, je sais.

En temps normal, je n'aurais pas manqué de lui faire remarquer qu'elle y avait répondu et que c'était une preuve indéniable de l'attachement toujours présent. J'aurais sortie un carnet pour lui parler de ces fameux « signes » mais je n'en avais même pas envie actuellement. Mais elle y avait répondu quand même, qu'elle le veuille ou non. Passant ma main sur ma joue, je me mis à rire un peu, sans doute pour tout ce qui venait de passer, le procès, la rencontre sur le banc, la bagare avec son copain.

-Sinon, ça va, il faudrait peut-être me bander un peu les mais, j'ai mal aux poings et ça saigne un peu. Bon, c'est pas trop grave, mais ça fait mal.

Je ris une fois encore, songeant que j'avais un peu mal à la mâchoire aussi, mais j'étais un homme, un vrai, un dur, ce n'était pas ça qui allait me faire faiblir de toute façon. En silence, je regardais mes mains, avant de les poser à plat sur la table, un petit sourire malicieux adressé à la jeune femme face à moi.

En réalité, je n’avais pas forcément faim non plus mais je suppose qu’après ce qu’il venait de se passer, cela ne pourrait pas nous faire du mal. Installée à côté de lui, je ne pouvais m’empêcher d’être inquiète... Inquiète qu’il ne soit blessé, inquiète de ce qui risquait de lui arriver s’il portait plainte, inquiète que Takeru décide malgré tout de se venger... Inquiète par un nombre incalculable de choses au bout du compte. Je savais que si mon ex - désormais - petit ami essayait de porter plainte, je serais le témoin de Ryuhei pour expliquer qu’il n’avait fait que prendre ma défense. Ce qui était en partie vrai même s’il n’aurait pas dû être aussi violent... Seulement comment pouvait nous contrôler notre colère lorsque quelqu’un s’en prendre à une personne qui nous est chère ?

J’avais toutefois envie de lui rétorquer que non il ne méritait pas plus seulement ce serait une réflexion inutile alors je me tus. Parce que je pouvais comprendre la rage qu’il ressentait cependant la remarque qui suivit m’étonna plus que tout le reste. C’était bien la première fois qu’il s’excusait pour une telle chose, surtout qu’il n’y avait pas de quoi s’excuser... J’y avais répondu. Je suppose que le moment, la situation avait fait qu’on agisse ainsi envers l’autre, cela nous avait poussé dans nos retranchements les plus totales. Puisque comme on se l’était dit, même s’il était différent, l’amour était toujours là, enfoui quelque part. En silence, je m’étais contentée de lui sourire avant de froncer les sourcils quand il s’amusa à faire le fort, le fier. Et j’en soupirai.
Mes phalanges caressèrent tendrement son visage qui avait été légèrement amoché et disant que je revenais, je partis dans la salle de bain lui chercher ce dont il fallait afin de le soigner.

- Donne ta main, Dis-je calmement en la prenant sans attendre qu’il agisse de lui-même.

Concentrée, je regardai la plaie puis m’en occupai avec soin, restant le plus délicate possible. Une fois fini, j’enroulai le tout dans un bandage et retouchai sa joue.

- Ca te fait mal ? Tu veux une poche de glace ?

En fait, je ne lui en laissais pas vraiment le choix. C’était la raison pour laquelle j’avais disparu de plus bel, revenant avec des glaçons que j’avais enroulé dans une serviette. Doucement, je lui tapotai là où il avait été blessé et soufflai discrètement, songeant qu’il n’y avait pas plus idiot que lui. Mais malgré tout, malgré ses erreurs, il était un idiot formidable. Je me rendais de plus en plus compte désormais.

- Et je ne t’en veux pas de m’avoir embrassée, Finis-je par avouer d’une voix posée, On était sûrement un peu trop nostalgique. Tu sais, parfois j’y pense et je regrette tout ça. Pas notre histoire mais l’amour qu’on avait au début et la fin aussi. Je sais qu’on ne change pas le monde avec des « et si » seulement on aurait sûrement pu éviter tout ça, si on avait été plus mature.

Moins stupide aussi.

- Mais je ne m’imagine pas pour autant tenter quoi que ce soit à nouveau. Je suis juste heureuse d’avoir pu, un petit peu, ne serait-ce qu’arranger cette fin qui était si dérisoire.

Qui savait ? Peut-être qu’à l’avenir, nous serions plus facilement capable de nous sourire dans la rue si nous nous croisions une nouvelle. Je l’espérais de tout mon coeur.

Hanae n'avait jamais été le genre de fille dramatique qui pleurnichait pour un rien ou s'embarrassait de détails. Elle était assez directe, allant droit au but. Ça se voyait presque tout le temps. Et ça se remarquait aujourd'hui aussi, lorsqu'elle prit ma main sans attendre que je la lui tende pour la soigner. M'appuyant sur la table, je gardais mon regard sur son visage qui était tellement concentré à soigner mes petites « blessures ». Elle était jolie, vraiment. Ses sourcils un peu froncés, les deux petites rides d'inquiétude qu'elle avait toujours sur son front quand quelque chose n'allait pas tout a fait comme elle voulait et qu'elle tentait de résoudre le problème, ses joues gonflés par l'air qu'elle tenait à l'intérieur, ses jolies lèvres roses, légèrement pincées... C'était stupide, j'avais beau aimé les femmes, toutes, pratiquement, mais aucunes ne semblaient la valoir. Elle était naturelle, la chirurgie, les triples couches de maquillage, ce n'était pas son truc. Et peut-être que c'était ça, tout son charme. Elle savait être belle telle qu'elle était.

Un rire quitta mes lèvres quand elle me posa une nouvelle question sans attendre mon avis avant d'agir. Je la suivis du regard avant de le lever vers elle quand elle revint, tapotant sur ma joue blessée. J'écoutais ses mots, mes yeux plongés dans les siens. Nostalgique... Oui, probablement. On aurait pu éviter tout ça en étant plus mature, et en ayant de meilleures fréquentations. Je sais que je regrettais par dessus tout de l'avoir laissé s'infiltrer dans notre couple, mais je ne tenais même plus à l'évoquer, même plus à y penser. Je ne sais pas si elle le voit encore, je ne sais même pas s'ils sont encore amis, ou s'il y a eu plus entre eux après notre divorce. Je ne tenais pas à le savoir. Je changerais tellement de choses si je pouvais retourner dans le passé. Je nous changerais nous, je changerais ma façon de lui parler, de la traiter. Peut-être que je n'aurais pas accepté le job d'host que la NSA m'avait proposé, que j'aurais cherché un emploi plus sérieux, plus raisonnable pour un homme marié.

Malgré tout, je souris quand elle m'avoua qu'elle ne se voyait pas tenter quoique ce soit. Quoi, je n'allais même pas insister pour lui rappeler ô combien nous sommes prédestinés ? Ni lui parler de nos signes, lui dire qu'elle doit tenter quand même ? Non, même pas. Je hochais même la tête pour approuver ses paroles. J'endormais l'animal avant de lui sauter dessus plus tard. Lui faire comprendre que si on ne refait pas le passé, on peut arranger le présent et le futur.

-On a été très heureux... Très amoureux. Notre mariage avait été magnifique, même sans argent, c'était magnifique, la fête avait durée toute la nuit, les invités étaient comblés... Et la nuit de noce... Non, mais vraiment, si j'étais plus indécent, je te demanderais qu'on essaie de la refaire tellement ça avait été grandiose.

Tandis que je m'appuyais sur le dossier de ma chaise, je levais ma main afin de caresser doucement sa joue. J'avais aussi beaucoup de regrets, vraiment beaucoup. Peut-être que tout aurait pu s'arranger un jour ou l'autre, qu'on aurait pu se reconstruire. Je ne sais pas où on en serait actuellement. Peut-être qu'on aurait une famille, des enfants, un appartement plus grand et qu'on vivrait une routine étouffante. Peut-être qu'on serait heureux à en crever et qu'on serait victime de tentative de meurtre pour bonheur dégoulinant. Qui sait.

-Tu sais... Repris-je en reprenant ma main, je ne te l'ai jamais dit, j'étais en colère, je sais que ça ne change plus rien mais... Je suis désolé, de t'avoir trompé. Enfin, notre couple était pratiquement déjà en morceau, mais je suis désolé.

Un faible sourire sur les lèvres, je pris encore une gorgée de ma boisson avant de me lever, m'étirant un peu. J'avais ressenti le besoin de lui dire il y a déjà longtemps, mais j'avais été trop fier pour le faire. Sur le coup, je n'avais ressenti aucune culpabilité. J'étais jaloux, blessé, à bout. Mais une fois séparée, je l'avais ressenti, j'avais compris que nous étions toujours ensemble à ce moment là, que peut-être que sans cela, nous aurions pu traverser cette épreuve... « Je vais rentrer chez moi », ajoutais-je, la regardant à nouveau. « Enfin, sauf si tu préfères que je reste.. ? Appelle-moi s'il te rappelle, s'il te veut du mal, d'accord ? »

Je ne pus le retenir qu’un faible rire s’échappa de mes lèvres lorsqu’il mentionna notre nuit de noce. Il ne changeait décidément pas mais il avait raison. On n’avait pas énormément d’argent mais on avait fait avec ce que l’on avait et ça avait été fabuleux. Je m’en souvenais comme si c’était hier... On était si déjanté à l’époque mais si fou amoureux de l’autre. Peut-être qu’on s’aimait finalement trop, qu’on a fini par se détester. Qui dit trop d’amour, dit trop de jalousie, trop d’inquiétude... Je pouvais le reconnaître à présent, on se croyait invincible, capable de tout surmonter néanmoins on était beaucoup trop jeune et on découvrait seulement ce sentiment qui nous avait abrité pendant des années. Je pensais avoir déjà aimé avant lui toutefois j’avais été contraint d’admettre que ce n’était que de simples flirtes, des attirances et qu’aucun n’arrivait à la cheville de Ryuhei. Même ceux avec qui j’étais sorti après, j’avais été incapable d’en aimer correctement ne serait-ce qu’un seul... Parce que l’amour que j’avais ressenti précédemment était si immense que cela me donnait l’impression de ne pouvoir jamais aimer quelqu’un à nouveau... J’avais également conscience que ce n’était qu’une impression, qu’au fond c’était simplement parce que j’avais encore notre histoire en tête et qu’une partie de mon être refusait de tourner la page complètement. Je le devais, pour le bien de nous deux puisque de toute façon je ne me sentais pas non plus de retourner avec lui. J’en avais tant souffert que cela me terrifiait et je crois que je serais encore plus inquiète et moins confiante que ce que je l’étais autrefois. Lui aussi avait eu mal, lui aussi derrière sa fierté avait dû être énormément meurtri mais je ne m’en apercevais que maintenant... Je m’étais rendu compte de ma faute bien après notre rupture seulement il avait aussi les siennes... Il aurait du avoir plus confiance en moi cependant j’aurais sûrement dû remarquer ses tracas, pas uniquement à cause de sa jalousie mais pour le bien de notre couple.

Shinji avait été formidable, c’était vrai néanmoins je n’aurais certainement pas dû m’en rapprocher comme je l’avais fait. J’aurais dû essayer de parler avec Ryuhei, de lui parler de ce que j’avais sur le coeur à lui et pas un autre. Mais je pensais qu’il ne m’écouterait pas, qu’il me crierait dessus comme d’habitude et je n’avais su lire qu’au fond, s’il était autant remonté contre moi, c’était de ma faute. Je m’en étais rendu compte trop tard toutefois machinalement, je m’étais éloignée de mon ami parce que j’avais compris que ça avait été la goutte de trop bien qu’à cet instant là, je ne saisissais toujours pas les paroles de mon ex-mari. Ni pourquoi il passait son temps à le critiquer, à me dire que je devais m’en méfier... Shinji avait toujours été adorable avec moi alors j’avais mis ça sur la jalousie. A l’heure d’aujourd’hui, je ne comprenais toujours pas. Peut-être parce que j’étais trop proche de lui, qu’il avait peur que le garçon lui vole sa place... Ce qui à mes yeux n’aurait jamais pu arriver puisque je l’aimais trop. Jamais je n’aurais pu envisager quoi que ce soit avec quelqu’un d’autre que lui quand bien même on s’hurlait des noms d’oiseau à longueur de journée.

Lorsque Ryuhei s’excusa de m’avoir trompée, je ne pus m’en empêcher que je me crispai légèrement. Je n’aimais pas aborder ce sujet là même si j’admettais, l’entendre s’excuser enfin me faisait du bien. Cela était preuve qu’il regrettait ses actes... Je crois que si notre relation était déjà quasi détruite, c’était ce qui m’avait le plus anéanti. Je pensais qu’on pourrait passer outre les obstacles, que ce n’était qu’une crise parmi tant d’autres, qu’on en ressortirait que plus fort et il y avait eu ça. Je n’avais plus supporté. Quelque chose en moi s’était brisé et sincèrement, je n’aurais jamais cru pouvoir m’en relever. Je n’aurais jamais imaginé non plus pouvoir me tenir là près de lui sans l’once d’un reproche. Au contraire, tout était si calme... Puis j’étais plus en mesure de comprendre pourquoi tout ceci était arrivé... J’ignorais comment j’aurais agi à sa place mais je crois que je n’aurais pas pu le tromper. Peut-être parce que j’étais une femme, que nous n’avions pas le même caractère.

- Reste, Rétorquais-je quand il déclara partir, posant à mon tour sa main sur la sienne.

Je n’avais pas eu besoin de réfléchir que les mots étaient sortis tout seul. Je ne voulais pas qu’il parte, pas maintenant. Pas après tout ce qu’il venait de se passer, pas après ce qu’il venait de me dire non plus.

- Je sais que c’est assez paradoxal que je te demande ça mais j’aimerais vraiment que tu restes... Je ne veux pas rester seule.

Je ne pouvais pas lui déclarer qu’au fond, je souhaitais juste passer un peu de temps avec lui. J’ignorais si on se reverrait un jour. Bien sûr, pour le procès mais cela ne serait pas pareil. Aujourd’hui serait certainement la dernière fois où nous pourrions nous voir autant, où nous pourrions parler. Après tout serait terminé. Pour de bon.

- Je crois que je ne t’en veux plus, Avouais-je en noyant à mon tour mon regard dans ses yeux sombres.

Mes doigts se posèrent sur son visage afin de caresser doucereusement sa joue sur ses paroles.

- Je suis plus en mesure de comprendre désormais... J’avais mes torts aussi. On s’est fait du mal tous les deux, rien de plus. Même si c’est vrai, je ne t’aurais jamais trompé... Mais on s’aimait beaucoup trop... Si on y réfléchit, au final, tout ça n’est pas si surprenant. On vivait dans notre bulle et on se croyait invincible. Malheureusement, il a bien fallu retourner dans la réalité.

Je souris discrètement et sans réellement savoir pourquoi, je m’approchai de lui pour venir lui embrasser la joue.

- Mais merci Ryuhei. Vraiment. Quoi que je puisse penser ou faire à l’avenir, tu resteras toujours le premier dans mon coeur.

Parce qu’il était évident que je n’aimerais jamais personne comme je l’avais aimé lui.

Pour moi, il était temps de m’en aller, parce que ça devenait bizarre. Elle et moi, nous étions beaucoup trop proches pour que ça soit « tolérable », comme avant, sauf qu’il n’y avait plus rien qui était comme avant. Ça me faisait bizarre, de devenir si niaiseux, je contenais même un léger soupir au moment même où sa main toucha la mienne et je l’entendis me demander de rester. Je la regardais sans rien dire, puisque au fond, je comprenais. Avec ce qui venait de se passer, je comprenais qu’elle ne voulait pas rester seule, alors je n’insistais même plus pour partir. Si elle voulait que je reste, alors je resterais aussi longtemps qu’elle le souhaitera.

Elle ne m’en voulait plus… Ce n’était pas l’impression qu’on donnait quand on s’était battu pour ce kinder bueno, ni avant de se retrouver au tribunal. J’ai l’impression qu’en une journée, tellement de choses avaient changées. Qu’est ce qui avait bien pu se passer aujourd’hui ? Je ne tenais même pas tant que cela à y réfléchir. Je souris juste un peu en entendant ce qu’elle me disait. Elle avait raison, tellement raison. C’était étrange, j’avais l’impression que pour la première fois depuis longtemps, on avait une vraie conversation d’adulte. Ça faisait bizarre, mais en même temps, ce n’était peut-être pas plus mal. Je ne bougeais pas lorsqu’elle m’embrassa sur la joue, esquissant un sourire en entendant ses mots tandis que mes bras vinrent presque naturellement l’encercler.

-Et toi, tu seras toujours la seule, murmurais-je doucement en la serrant un peu plus fort.

Je doute d’en aimer une autre un jour, sinon, ce serait déjà fait. Ça faisait trois ans, pourtant, je n’avais jamais réussi à aimer réellement une autre. Je ne tenais jamais plus de deux semaines avec une fille que je devrais qualifier de « petite-amie », ce qui semblait représenter un réel problème ! Doucement, je me mordillais la lèvre avant de la relâcher et de la tirer près du canapé sur lequel je lui fis signe de s’asseoir. Une fois cela fait, j’allais sans gêne sous la télé voir les vieux DVD qu’elle pouvait avoir. On aimait bien regarder des vieux films avant, alors je pense que ça ne changera pas. je jetais un œil vers le film qu’on préférait regarder ensemble avant d’opter pour un autre. C’était déjà assez nostalgiquement bizarre pour en rajouter. Glissant le CD dans la fente du lecteur, je retournais me poser près d’elle sur le canapé, puis lançais le film.

-Ça va nous détendre un peu, déclarais-je avec conviction avant de la tirer un peu vers moi. On est mieux comme ça.

Hochant la tête, je lui souris avant de poser mon regard sur l’écran. Et si pendant deux heures, on jouait à faire comme si tout était « comme avant » ?