Kinder Bueno, le plaisir pour les petites faims • |

Après une semaine plus ou moins intense, j’étais enfin en repos. Et qu’est-ce que ça faisait du bien ?! J’aimais mon métier plus que tout cependant j’étais tout aussi heureuse lorsque je ne travaillais pas, cela me permettait de me détendre, de me promener également et de profiter. Aujourd’hui le ciel était d’un bleu éclatant et le soleil illuminait la ville de ses rayons. Il y avait du monde qui arpentait les grandes rues de Nishinaka, se perdant dans les boutiques de luxe ou dans les manga café. Le sourire aux lèvres, je ne prêtais pas vraiment attention à ceux qui m’entouraient, scotché sur leur téléphone portable tandis qu’ils avançaient. Même si je ne disais rien, j’en voulais toujours à ce Terazawa d’avoir autant changé cette ville que j’aimais tellement par le passé. Je l’aimais toujours autant bien sûr mais ce n’était plus pareil. Cette convivialité n’existait plus vraiment, on peinait à ressentir la valeur des anciennes traditions et en général les gens préféraient s’enfermaient dans un monde virtuel plutôt que de dialoguer avec les autres. Je ne pouvais m’empêcher de trouver cela triste et lorsque j’en voyais au cabinet qui ne cherchait pas à discuter, il m’arrivait parfois d’être franche, de leur faire comprendre que cela m’agaçait. Ce n’était pas être mauvaise, c’était simplement ma façon de voir les choses, soit ça plaisait, soit ça ne plaisait pas.

Avec le temps, j’avais appris à passer outre tout ça, à faire avec et me contenter de ce que j’avais. Si certains n’avaient pas envie de communiquer, tant pis pour eux, ils s’apercevront sûrement plus tard leur erreur. Je ne dis pas que la technologie ne peut pas être utile cependant il arrive un stade où oui cette dernière peut « bouffer » un monde entier.
Je m’étais alors arrêté au parc où je m’étais amusée avec quelques enfants, leur offrant avec plaisir quelques bonbons puis j’étais parti ensuite, songeant au fait que tout cela avait commencé à me donner faim. Il y avait un immense supermarché non loin de là où j’étais puisque à Nishinaka, ils faisaient bien souvent toutes les choses en grand.

Arpentant les rayons, je réfléchissais quoi m’acheter tandis que je me disais que maintenant que j’étais là, je devrais certainement faire quelques courses. Toutefois je ne pus m’attarder sur cette pensée que ce que j’avais envie de manger m’arriva soudainement à l’esprit. Un Kinder Bueno white ! Habituellement on n’en trouvait pas au Japon, ce n’était connu qu’à l’étranger puisque c’était de la nourriture occidentale cependant à Nishinaka, il y a de tout à présent. Et à ce niveau là, je pouvais remercier le maire qui avait eu une bonne idée en faisant importer des spécialités étrangères dans notre ville afin de pouvoir convier une multitude d’habitants. Pas uniquement les asiatiques mais aussi certains étrangers qui venaient faire du tourisme ici. Ce qui n’était pas stupide, ceci dit. Personnellement j’adorais le chocolat blanc et ces biscuits sont les meilleurs, mes préférés.

Plus besoin de réfléchir que toujours cette esquisse accrochée à mes lèvres, je me dirigeai dans le rayon des gâteaux avant d’arrondir mes pupilles en remarquant qu’il n’en restait plus qu’un et qu’une personne semblait intrigué par ce produits occidental. En oubliant presque la politesse, je me pressai vers le garçon et attrapai vivement le Kinder.

- Vous devriez tester ceux au chocolat, Conseillais-je en désignant les biscuits rangés à côté, Vous ne regretterez pas !

Je voulus ajouter un « absolument pas » néanmoins reconnaissant le jeune homme qui n’était autre que mon ex-mari ma bouche resta entrouverte et mes yeux s’écarquillèrent un peu plus avant de se plisser en guise de menace. On avait été ensemble pendant un moment, j’avais eu le temps de savoir ces goûts et il s’avérait que lui aussi était un fan de ces Kinder là. On en achetait tout le temps quand on faisait les courses à deux tout en se chamaillant. Mais hors de questions qu’il les ait cette fois.

- Un host se doit de respecter sa ligne, Dis-je alors d’un ton plus que sérieux avant d’arborer un sourire sarcastique et faire prestement demi-tour.

J’avais envie de chocolat et je n’avais pas envie de le voir donc qu’il me laisse tranquille sinon ce n’était pas un Kinder que j’allais lui faire « bouffer » mais bel et bien autre chose. Par fierté de toute façon, je ne le lui laisserais pas. Cet homme était le pire.

J’avais à peine eu le temps de faire demi-tour qu’il m’avait déjà rattrapé. Vaurien. J’en étais sûr qu’il ne démordrait pas si facilement. Par fierté aussi, comme moi. Ce n’était pas les chocolats qui manquaient pourtant mais non il fallait qu’on se chamaille pour un fichu Kinder Bueno white. Fronçant les sourcils à ses mots que je ne croyais pas du tout quand bien même venant de lui ça me vexait. Mais j’avais assez confiance en moi pour savoir que ce qu’il racontait n’était que des mensonges et que ce n’était pas un peu de sucrerie qui allait casser ma ligne. J’avais un métabolisme plutôt impressionnant et pouvait manger ce que je voulais sans prendre trop de grammes. Par contre qu’il me parle de vol me choqua, je n’étais pas prête d’en arriver à ce point là. Même par fierté. Je lui avais juste volé à lui, ce qui était tout à fait différent bien qu’il n’avait pas encore posé ses mains sur le sachet donc il ne lui appartenait pas encore.

J’avais été tellement offusqué que j’étais restée planté là sans bouger en songeant au fait que mon ex-mari était réellement une mauvaise personne et exécrable en plus de cela. C’était à se demander ce que j’avais bien pu trouver à cet homme pour en tomber amoureuse. Il était beau, je n’avais nullement l’intention de le nier cependant mis à part ça, j’étais à présent incapable de citer les bonnes choses qu’il avait pu faire pour moi. Je m’en souvenais bien sûr toutefois elles me paraissaient si futiles comparé au reste. C’était ma mère qui m’avait récupéré en miette après notre séparation et à qui j’avais promis d’arrêter d’être si stupide. Je me l’étais également promis à moi-même, de grandir un peu plus, de prendre cette histoire d’amour comme une grande leçon puis de me reconstruire. Encore aujourd’hui il m’arrivait d’agir sur des coups de tête, d’être aussi vive d’esprit et de surprendre mon entourage néanmoins dés que cela devenait plus sérieux, j’essayais de réfléchir avant de faire n’importe quoi. Bien que cela ne fonctionnait pas toujours parce que je ne perdais pas ce goût du risque, d’adrénaline et d’aventure... Mais il me suffisait de revoir la tête de Ryuhei pour me remettre peu à peu les pieds sur terre. Je m’étais également entichée de lui sur un « coup de tête », du moins cela s’était fait si rapidement que je n’avais rien vu venir et spontanée comme j’étais, je pensais clairement que ce n’était pas bien grave, tant qu’on était heureux. Si c’était à refaire, j’ignorais si j’accepterais cette idée folle de mariage ou si je lui proposerais d’attendre encore. Dans les deux cas, on n’était probablement pas fait l’un pour l’autre. Ce n’est pas parce qu’on s’aime énormément qu’on s’entend automatiquement. La vie de couple ne se résume pas qu’à des sentiments et je l’avais amèrement compris. A cause de lui. Il avait été si loin afin de me pousser à bout seulement il n’avait pas réussi à me détruire. Puisque j’appréciais ma vie comme elle l’était désormais. Qu’il y soit ou non, cela m’importait peu. Je n’avais plus besoin de lui. Mais ce n’était pas une raison pour lui laisser ce Kinder Bueno.

Marchant quelques mètres, je le cherchais du regard avant de l’apercevoir à la caisse plus loin. Il me semblait perdu dans ses pensées ou plutôt concentré à draguer la commerçante alors je profitai de ce moment d’inattention pour l’approcher discrètement. Une fois à sa hauteur, je m’avançai encore un peu, puis sans le toucher, je fis passer mon bras à côté de lui, me saisissant du chocolat avant de faire demi-tour et d’aller à une autre caisse. Malheureusement pour moi, j’aurais dû me douter que le garçon s’en rendrait compte assez rapidement alors en guise de réponse, je lui adressai le plus beau de mes sourires mais aussi l’un des plus narquois.

- Excuse-moi mais en fait je pense que je suis plus privilégiée que toi pour avoir ce Kinder ! J’ai besoin de décompresser, il a fallu que je croise mon ex en plein supermarché ! D’ailleurs il commence à se faire tard, tu devrais aller travailler non ? Perdre ton temps pour un malheureux Kinder, ce n’est vraiment pas ton genre !

Au vue de la mine déconfit qu’il affichait, je finis par soupirer. En fait je crois que ce gars me faisait pitié. Pas seulement maintenant. Avant aussi.

- Okay, okay, c’est bon, je cède, Soufflais-je alors en levant les mains en l’air comme si j’abandonnais, Je l’achète et on partage !

Ou pas. Je souris de plus bel, plus doucereusement cette fois-ci puis il n’eut le temps de répliquer que c’était déjà à mon tour. A peine payé, j’ouvris le paquet et lui faisant signe de la main avec une esquisse bien plus maline cette fois-ci, je m’enfuis à l’extérieur en courant. Oups. J’avais dit que je partagerais. Tant pis.

Jamais je n’aurais pensé qu’il aurait été aussi coriace, que malgré ça il aurait cherché à me rattraper et encore moins de cette façon là. Fièrement j’avais tracé ma route d’un pas rapide, me disant tout de même qu’il pouvait me poursuivre mais je m’étais dit qu’il ne le ferait pas, qu’il n’était pas aussi stupide. Apparemment si. Et me voilà écroulée à terre, lui au-dessus de moi avec une douleur à la cheville. C’était de sa faute ça cependant je m’abstiendrais de le lui rétorquer. Il était encore capable d’en être fier. Sa réaction me faisait m’apercevoir à quel point il pouvait être puéril parfois. Je le savais et je n’en étais pas surprise, c’était un peu ce genre de comportement qui m’avait charmé par le passé, qui m’avait fait tomber dans ses filets, qui m’avait fait l’aimer. Il pouvait être la lune et le soleil à la fois et ça me bluffait tout le temps. Je me faisais avoir si facilement lorsque j’étais avec lui à l’époque. Se battre pour un Kinder Bueno, n’étions nous pas stupides ? Au fond, on n’avait pas l’air d’avoir tant changé que cela.

Je soufflai à ses paroles, le contemplant dans les yeux sans ciller alors qu’il racontait des bêtises. Etais-je censé m’excuser pour le mensonge ? Je ne mentais pas habituellement cependant j’avais fait une exception pour aujourd’hui parce qu’il le méritait. Surtout que je ne lui avais pas volé son fichu chocolat. C’était lui le voleur puisque c’était moi qui l’avait payé et lui qui comptait le manger à présent ! Crétin !
Avec quelques difficultés, je me redressais tout en tentant de ne pas grimacer pour m’assoir à côté de lui.

- Espèce d’idiot, depuis quand on saute sur les gens comme ça ?! Le grondais-je en fronçant les sourcils.

Je crois que je m’étais un peu calmé bien que discrètement, lui souriant narquoisement à présent, je me saisis du reste du paquet pour m’emparer de l’autre barre de biscuit. J’avais parlé de partager non ? Donc un chacun.

- Deux pour toi, c’est mauvais. Déjà que tu dois peinais à rentrer dans tes vêtements, ce serait dommage de devoir refaire toute une garde robe !

Lui arborant un éclat fier et moqueur à la fois, je croquais dans le Kinder à pleine dent, ne pouvant retenir le fait que c’était si délicieux.
Fini, je lui glissai le papier dans la paume de sa main.

- Merci, c’était très bon, Dis-je alors avant de me lever, m’en fichant du fait que je me servais un peu - rien qu’un peu - de lui pour qu’il se charge des déchets, Je ne te dis pas à bientôt. Bye.

J’agitai vivement ma main en guise de salue avant de commencer à faire demi-tour tout en boitant légèrement. Connard. C’était de sa faute. Complètement de se faute. Quelle idée aussi de se jeter ainsi sur moi ?! Je savais que je lui manquais mais à ce point quand même, il exagérait ! Idiot.

Cet homme était une vraie plaie. Il n’en existait pas deux des comme lui. Pourquoi m’étais-je marié déjà ? Parfois, j’aimerais être capable de me foutre des claques pour avoir été si stupide, si tête en l’air et si impulsive. Je ne regrettais pas notre relation parce qu’on avait passé de fabuleux moments ensemble que je n’oublierais certainement jamais cependant le mariage, oui, je le regrettais. C’était ce qui nous avait détruit. La précipitation aussi. Je suppose que nous n’étions pas assez mature pour supporter une vie à deux. Si notre couple avait toujours bien vécu jusqu’alors, en quelques mois tout s’était effondré comme le soir du bal de cendrillon où tout enchantement avait été brisé. Notre histoire était pareille. Une sorte de conte de fée des temps modernes jusqu’à ce que tout s’écroule. D’ailleurs pourquoi les contes de fée finissent toujours bien ? Ils sont censés apprendre aux enfants ce qu’est la vie néanmoins la vie ne concerne pas uniquement un prince et une princesse qui vivent heureux jusqu’à la fin des temps. Et ils grandissent idiots, se faisant des idées sur ce que les dessins animés leurs ont apporté sans savoir qu’on leur a menti. Je suis moi-même passée par là puis je me suis réveillé un beau jour en m’apercevant que ce que nos parents nous montrait à l’époque n’était rien d’autres que des rêves. Ce n’est pas mauvais de rêver non mais c’était en partie à cause de ses rêves que j’étais devenu si insouciante, j’avais envie d’être comme ces princesses. Je voulais quitter mon château - en considérant que ma maison était mon château - partir à l’aventure et rencontrer un vaillant prince. Un jour j’étais la belle au bois dormant, le lendemain Pocahontas. Je rêvais de la belle et la bête tout en pensant à la belle Nala du roi lion. J’avais eu le droit aux dessins animés mais au livres aussi et c’étaient ma mère qui me les lisait quand je n’étais encore qu’une enfant. Mon premier désir avait été de vivre sous l’océan mais on m’avait rapidement fait comprendre que je n’étais pas une sirène sans me préciser pour autant que les sirènes n’existaient pas. En bref une longue histoire... Je n’avais pas rencontrer mon prince charmant comme je l’espérais à cette âge. J’avais grandi avec un profond désir de liberté et celui qui aurait pu être mon prince m’avait trompé avec une parfaite inconnu. On avait divorcé et le point final de notre histoire avait été posé. Probablement que ce n’était pas le bon conte.

Et j’en venais à me demander pourquoi je m’étais mis à songer à tout ça ? Ah... Parce que Ryuhei était une vraie plaie. Je soupirai de lassitude avant de pousser un cri de surprise en sentant mes pieds se lever du sol et que mon corps se retrouve sur l’épaule de l’auteur de mes réflexions. Je n’arrêtai pas de le frapper dans le dos, lui ordonnant de me reposer à terre tout en cogitant dans tous les sens seulement j’étais obligée d’avouer qu’il avait bien plus de force que moi.

- Je peux marcher tout seul ! Râlais-je sans cesser de le taper, Repose-moi espèce d’idiot ! Pas besoin que tu me déposes à mon cabinet non plus !

Ce n’était pas une entorse. Et justement parce que j’étais kiné, je pouvais le certifier. Il s’agissait là d’une simple foulure. Un peu de crème et une bande enroulée autour de la cheville suffirait.

- Ryuhei... S’il te plaît.

J’avais opté pour un ton plus calme afin qu’il comprenne que je n’avais pas l’intention de m’enfuir non plus. Cette position me donnait tout simplement le tournis et comme je l’avais dit, je pouvais encore marcher. Lorsqu’il s’exécuta enfin, je ne pus m’empêcher de le remercier malgré tout avant d’ajouter d’un sourire narquois :

- Et ce n’est pas une entorse donc ce n’est pas forcément mauvais vois-tu ! Je peux rentrer toute seule sans que tu n’es à t’en faire. Ca va aller. Et je n’ai pas envie de dépendre de toi non plus. Je crois qu’on n’a plus rien à se dire et ça ne sert à rien de se courir après comme on vient de le faire. Donc n’insiste pas, je ne veux pas que tu t’occupes de moi.

Qu’il soit le fautif ou non. Je n’avais plus rien envie d’avoir affaire avec lui. Je l’avais aimé et une partie de moi était sûrement contente d’avoir pu le revoir aujourd’hui. Seulement ça s’arrêtait là. Le passé devait rester avec le passé. C’était ainsi.