Mirror mirror on the wall, am I the prettiest of them all • |

Mirror mirror on the wall, am I the prettiest of them all
Naoki & Kai

Dans la vie, il arrive que parfois il y a de nombreuses choses qu’on ne comprend pas. Ou plutôt que de ne pas les comprendre, on a du mal à réaliser qu’elles se sont bel et bien passées. Ce qui était difficile à admettre quand, durant des années, on était resté ancré dans une époque un peu plus lointaine. Naïvement, on s’imagine que les personnes qu’on a rencontré seront toujours les mêmes à l’avenir, que même si nous nous changions, eux ne changerons pas. Puisque justement on reste figé dans le passé sans se douter qu’en réalité, les plus mauvais individus peuvent eux aussi avoir grandit et s’être aperçu de leurs erreurs les plus profondes. Avec du recul à présent, c’était logique... Puisque, à vingt-cinq ans, nous n’étions plus ces pauvres adolescents de quinze ans. Cependant l’admettre n’en restait pas moins quelque chose de compliqué. Je ne faisais que méditer depuis la veille. Entre cet inconnu que j’aurais voulu frapper si je l’avais pu et Natsu que j’avais croisé ensuite, j’avais largement eu de quoi me tracasser. Si on m’avait dit qu’un jour, je me retrouverais à parler de mes problèmes à un de ces étudiants qui m’avaient fait souffrir autrefois, je ne l’aurais jamais cru. Et pourtant...

Poussant un profond soupir, je réajustai correctement ma chemise tandis que je marchais dans les quartiers de la ville. Je n’osais même pas me regarder dans les vitrines, ni dans mon miroir à cause de la mine affreuse que je devais afficher. Dés que j’arrivais à l’appartement, il fallait que je corrige cela rapidement. Sauf que malheureusement je n’avais pas le temps et j’avais du aller travailler à l’épicerie dans cet état. J’avais supplié mon patron de me laisser m’occuper des rayons et de trier les livraisons, prétextant que j’étais fatigué, un peu malade alors je ne me sentais de tenir la caisse. Il n’avait pas besoin de savoir qu’il était hors de question d’accueillir les clients avec une tête aussi horrible à regarder. A croire que mon jeu avait bien marché puisqu’il avait accepté, non pas sans râler mais il avait accepté tout de même. En général quand je n’allais pas au studio, je travaillais ici ou bien j’alternais mes deux emplois du temps. Cela ne me faisait que plus d’argent.

C’était en milieu d’après-midi que je rentrai enfin chez moi, fatigué. Je n’avais qu’une hâte : me changer. Et rapidement. Bien que mes vêtements étaient propres, je détestais porter les mêmes deux fois de suite. En plus j’avais comme la nette impression qu’ils avaient rétréci. Mais ça, cela était probablement psychologique parce que c’était quelqu’un d’autre qui avait osé les laver.

Quand j’arrivai sur mon palier, je ne pus retenir un sourire en voyant mon voisin qui lui aussi s’apprêtait à rentrer chez lui. En plus d’être mon voisin, il était également mon meilleur ami. Parmi toutes les personnes que je pouvais connaître, il n’y en avait pas deux des comme lui. On était très proche et ce, depuis le jour de notre rencontre. On était comme les deux doigts d’une main lui et moi. Inséparables. Toujours fourrés chez l’un ou chez l’autre.

- Je me change et j’arrive, Lui indiquais-je calmement avant de pénétrer à l’intérieur de mon logement.

En gros, Naoki savait que ce n’était pas pour de suite. Parce que quand je rétorquais le mot « changer », cela signifiait le plus souvent en réalité : me doucher, me débarbouiller le visage et mettre toutes les crèmes pour ma peau, me brosser les dents - deux fois - me coiffer, m’habiller, vérifier que tout est parfait, me coiffer encore.
Mine de rien cela faisait beaucoup de bien. C’était vêtu d’un simple jogging que je rentrai dans l’appartement de mon camarade qui vivait juste en face de chez moi. J’aimais bien être à l’aise alors rares étaient les fois où j’étais complètement habillé à la maison. Enfin que ça soit chez lui ou chez moi, c’était pareil à mes yeux. Mais peu importait.

- Tu vas bien ? Lui demandais-je d’un petit sourire avant d’aller directement m’assoir sur son canapé.

Il en avait l’air en tout cas. J’avais des tas de choses à lui dire mais je ne savais pas par où commencer. Je parlais rarement de moi, de mes soucis parce que j’avais toujours peu de déranger néanmoins avec lui, tout était tellement plus simple que je savais que je pouvais dire tout et n’importe quoi qu’il m’écouterait. Seulement, cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas plain de quoi que ce soit et que je n’avais pas autant douté. Dans les moments comme cela, j’avais énormément besoin de lui toutefois j’ignorais moi-même tout ce qui me tracasser. Alors qu’étais-je censé rétorquer ?

electric bird.

Le nuit tombait à peine quand je quittais l'agence pour rentrer chez moi. Enfin, c'était une façon de parler, il ne fait jamais nuit à Nishinaka ! Entre les spots publicitaires aveuglants, les lampadaires tous les cinq mètres et les divers éclairages des magasins, c'était comme en pleine journée. Je ne m'en plaignais pas, à vrai dire, je me sentais plus en sécurité ainsi, même si cette lumière n'arrangeait forcément mon teint. Je ne pouvais m'empêcher de sortir plusieurs fois mon téléphone pour me voir grâce à l'appareil photo si j'étais toujours présentable. On dirait bien que oui. Il fallait absolument que la lumière me soit avantageuse sinon je ne me sentais pas à l'aise. En remarquant une mèche qui partait légèrement dans tous les sens, je pressais le pas, finissant par presque courir jusqu'à mon appartement. Sauvé.

Je glissais la clé dans la serrure, souhaitant m'engouffrer chez moi le plus rapidement possible quand une voix me sortit de mes rêveries. Je sursautais un peu, de peur que quelqu'un me voit avec cet épi, quand je pus me rassuré. Ce n'était que Kai. Un doux sourire arbora mon visage et je hochais un peu la tête en lui souriant. J'étais heureux de le voir. J'étais toujours heureux de le voir à vrai dire! Il était une personne très importante pour moi. Peut-être même la plus importante ? C'était mon meilleur ami mais aussi mon modèle que j'admirais discrètement sans vraiment lui avoir dit un jour. Il me semblait toujours aussi confiant et il prenait si bien soin de lui. Je ne sais pas si je serais parvenu là où j'en étais aujourd'hui sans lui.

-Je t'attends, lançais-je simplement avant de refermer la porte derrière moi.

Donc, je pouvais bien attendre une heure ou deux avant de le voir débarquer. Je souris encore pour moi-même tout en posant mes affaires et me plantant devant mon miroir, recoiffant finalement soigneusement cette mèche, réfléchissant à si je me changeais ou non. Bon, peut-être plus tard, quand Kai sera repartie. À la place, je m'engouffrais dans la cuisine, fouillant dans mon frigo pour sortir quelques ingrédients. J'avais de quoi faire des Râmens au tôfu et aux champignons Shiitake. C'était sain et terriblement bon. J'adorais cuisiné, surtout pour pouvoir contrôler la moindre calorie. J'en serais malade si je ne pouvais calculer exactement ce que j'étais en train de manger !
Avec précaution vis à vis du temps, je calculais le temps qu'il me faudrait pour que cela soit prêt exactement au moment où Kai arrivera, et comme toujours, je tombais juste. J'avais à peine remplit les bols qu'il était entré et je lui souris à nouveau, lui faisant signe de s'installer tandis que je terminais les préparations dans la cuisine.

-Tout va bien, répondis-je en posant le bol devant lui. Tu veux boire quelque chose ?

Je disais ça, mais les possibilités de boissons étaient relativement mince. De l'eau, des boissons énergisantes ou biologique avec très peu de sucre. Du thé en canette, en quelque sorte. Mais c'était toujours mieux que rien ! De l'alcool, il n'y en avait pas. C'était mauvais pour la santé la plupart du temps et avait un effet nocif sur l'organisme. Je n'en avais pratiquement jamais consommé donc je ne risquais rien. Je glissais le bol près de moi, attrapant mes baguettes pour lancer la formule d'usage bien que je ne mangeais pas immédiatement/

-Tu n'as pas l'air d'aller bien, remarquais-je, l'air inquiet. Enfin, tu es différent de d'habitude... Il s'est passé quelque chose ?

Encore une fois, je craignais de m'inquiéter pour rien, mais avec lui, je ne pouvais m'en empêcher. J'avais cette crainte de le perdre, alors un rien me causait du soucis.

Mirror mirror on the wall, am I the prettiest of them all
Naoki & Kai

Un sourire borda mes lèvres en voyant le bol que Naoki m’apportait. Il était vraiment un homme de maison, toujours à préparer des petits plats avec soin mais ce n’était pas moi qui m’en plaindrait. Ils étaient délicieux. Mais cette remarque me fit penser qu’il faudrait peut-être alterner parfois... Peu importait ô combien il aimait faire la cuisine, je devrais l’inviter plus souvent chez moi. Enfin quand je disais « inviter », je parlais de dîner. Parce que squatter à l’appartement, il le faisait souvent. Tout comme je squattais le sien. Je lui demandais un simple verre d’eau en guise de boisson, n’ayant pas particulièrement soif en cet instant précis donc de l’eau ferait l’affaire afin d’accompagner mon repas.

Pourtant, je ne disais rien et ne mangeais pas non plus. Je restai là, penaud, à fixer cette nourriture qui dégageait un faible souffle de fumée à cause de la chaleur du plat. Je ne parvenais pas à effacer toutes ces mauvaises réflexions qui hantaient mon esprit. Il y avait tellement de choses et rien à la fois que j’ignorais quoi penser en réalité. J’étais perdu. Rien de plus. Et mon meilleur ami sembla le remarquer. Je voulais lui en parler de toute manière néanmoins j’ignorais quoi lui dire, par où commencer et surtout s’il comprendrait. Je n’étais pas le seul à faire attention à mon apparence, lui aussi. Il savait que j’avais toujours ce désir intense de perfection mais maintenant que j’étais avec lui, je me demandais s’il savait le pourquoi. Bien sûr il était au courant de mon passé, j’avais fini par lui raconter même si ça avait été un moment assez difficile. Je déteste tellement parler de moi, ou plutôt, de cette période là en particulier. Même après tant d’années, j’y songeais encore donc c’était pour dire que pour me marquer, ça l’avait été. Fortement. Mais j’avais changé, j’avais voulu devenir cet être parfait que j’étais à présent. Fan des nouvelles technologies, accro et dépendant de la mode, prenant soin de son corps et de son visage, les cheveux aussi. J’étais devenu ce genre de personnes... Jusque là, je m’en étais toujours satisfait et je m’en satisfaisais... Je me posais juste tellement de questions inutiles. On m’avait dit tant de choses que je ne parvenais plus à discerner le faux du vrai. Je détestais les critiques... Je détestais qu’on brise ce côté parfait que je m’étais créé et qu’on me critique. Parce que j’étais parfait. Il n’y avait pas plus parfait que moi... Seulement, à cause de tout ça, mon interrogation principale était : « la perfection elle-même ne peut-elle pas avoir de faille ? » Elle était simplement là pour me rassurer, pour cacher cet affreux complexe que je refusais de voir. Et voilà le pourquoi je me sentais si bizarre aujourd’hui... Parce que j’étais incapable de dire qui j’étais réellement. Je n’étais pas une poupée que Terazawa avait désiré concevoir, j’étais un être humain qui s’était construit avec les aléas de son passé... Rien de plus.

Soupirant doucement, je m’excusais enfin d’un « désolé » en constatant le silence que j’avais laissé en m’évadant dans des rêveries toutes aussi incompréhensibles les unes que les autres.

- Pas vraiment, Répondis-je d’un petit sourire, C’est compliqué.

Avec moi, c’était toujours compliqué de toute façon. Je portai le bol près de moi, évitant de ne pas m’en renverser dessus parce qu’une brûlure sur le torse, ce n’était pas forcément agréable. L’éclat sur mes lèvres s’étira un peu plus en remarquant enfin le plat qu’avait préparé mon meilleur ami. Des ramens. Mon plat favoris. Quand bien même je préférais ceux au porc, ceux-ci m’allaient tout aussi bien. Pourtant, je n’avais pas excessivement faim néanmoins je m’obligeais à en manger, ne souhaitant pas gâcher ce que Naoki avait fait.

- Je n’ai pas passé une bonne journée hier. En plus j’ai recroisé l’un de ces gars du lycée. Tu sais, je t’en avais parlé.

Ce qui signifiait mot pour mot que je n’en dirais pas plus, que c’était à lui de se souvenir de ce que je lui avais conté sur cette époque. Je n’avais pas envie de détailler et d’expliquer qu’il s’agissait là d’un étudiant qui m’avait ridiculisé autrefois.

- Mais il a changé. Vraiment. Et je crois que c’est en partie ce qui me chamboule le plus.

Parce que je ne pouvais même pas le détester. Peu importait à quel point je l’avais haï dans le passé, je ne pouvais pas lui crier toute cette haine que j’éprouvais à son égard alors qu’il n’était plus ce Natsu que j’avais connu. Je crois que je lui en voulait... Je lui en voulais, égoïstement, d’avoir changé, d’être devenu quelqu’un de bien alors qu’avec ce qu’il avait fait... Il ne devrait pas être heureux. Pas avoir cette vie paisible qu’il avait l’air d’avoir. Je ne savais même plus quoi penser de lui ni ce que je racontais... Un jour, je disais que c’était bien qu’il ait su apprendre de ses erreurs et celui d’après, je songeais le contraire. C’était comme je l’avais rétorqué, j’étais tout simplement perdu. Et sur un grand nombre de choses. Toutefois je ne souhaitais pas abordé le sujet « perfection », pas pour l’instant. J’en avais assez subi la veille.

Ne disant plus rien, j’égarai mes prunelles en sa direction m’apprêtant à entendre une réponse de sa part sauf que ne lui laissant le temps de parler, je me mis à rire doucement. Naoki avait beau savoir cuisiné, à croire qu’il pouvait être un mauvais mangeur parfois. En particulier aujourd’hui.

- Tu as du jus là, Expliquais-je en désignant l’endroit sur mon propre visage.

Néanmoins mon camarade n’avait pas l’air de comprendre alors me saisissant de ma serviette, je lui essuyai le coin de sa lèvre avant de le taper amicalement derrière la tête.

- Idiot.

Pire qu’un gosse celui-là. Rigolant doucement de plus bel, je décidai en fin de compte de me reconcentrer sur mon bol de nouilles qui n’avaient pas diminué d’un poil. Pourquoi la vie ne pouvait-elle pas être si simple comme elle l’était avec Naoki en cet instant précis ? Ce n’était pas juste. Pas du tout.

electric bird.

Son silence fut une preuve flagrante de son état. Je savais qu'il n'allait pas bien. C'était évident qu'il n'allait pas bien. Et je ne pouvais rien faire. Pour l'instant. Je priais intérieurement pour qu'il m'en parle. J'étais son meilleur ami, il devait forcément m'en parler ! J'étais entrain de stresser et de paniqué et c'était mauvais. J'allais avoir des rides ! D'horribles rides allaient cerner mon visage et j'allais devenir laid. À cause de Kai. J'espère qu'il acceptera toujours d'être mon ami si je deviens laid. Mais dans le cas contraire je comprendrais. Enfin, non, je ne comprendrais pas. Est-ce que je resterais ami avec lui s'il devenait laid ? Je suppose que oui. Enfin je crois. Je pense que notre relation devrait bizarre mais je resterais son ami.

Et finalement, il parla et j'étais rassuré. Un gars du lycée... Je fronçais un peu les sourcils, sachant très bien de quel genre de mecs il parlait. Il m'avait raconté son histoire et j'avais été surpris. Pour moi il avait toujours été si... « Parfait ». J'avais du mal à l'imaginer en geek un peu disgracieux. Je ne l'avais pas connu comme ça. Peut-être que je le voyais trop comme moi. Je n'avais jamais eu ce genre de problème. Si je n'ai pas toujours été celui que je suis aujourd'hui, obsédé par son apparence physique, je n'ai jamais eu à me plaindre. Je restais silencieux quand il me dit qu'il avait changé. En pire ? En mieux ? Il ne me le précisait pas, mais je supposais que si ça le chamboulais, c'était que c'était en mieux. Sinon, il se serait dit que c'était « normal ». Je restais focalisé dans mes pensées, sursautant finalement en sentant sa main sur ma joue. Je hochais la tête pour le remercier, un peu embarrassé de ne toujours pas savoir manger proprement avant de poser mes baguettes, me remettant de mes émotions durant quelques secondes

-Il a dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? M'enquis-je en levant mon regard vers lui. Et tu es chamboulé... Dans quel sens ?

Il n'allait pas me lâcher pour ce mec, hein ? Oh, mais qu'est ce que je suis en train de raconter. Je crois qu'il fallait vraiment que je me trouve plus d'amis. Ça devenait assez urgent. Mais il n'y avait qu'avec Kai que je m'entendais aussi bien alors c'était difficile pour moi de me dire que je pourrais devenir ami avec une autre personne. J'aimais bien notre relation plus ou moins exclusive. Je trouvais ça plus fort que d'avoir un cercle d'ami qui n'en finissait plus.

-C'est pour ça que tu es ainsi ? Enfin, je veux dire, ce soir. Il n'y a eu que ça ? Parce que je sens qu'il y'a autre chose. C'est bête de dire ça comme ça, mais que tu ne vas pas bien, je peux le sentir. Comme s'il y avait des ondes différentes, tu vois ?

J'avais l'impression de m'embrouiller tout seul mais je ne savais pas comment expliquer. C'était quelque chose en moi qui me faisait dire cela. Quelque chose en moi qui comprenait ce qu'il ressentait, sans pouvoir y mettre des mots. Un peu comme deux jumeaux ou des personnes excessivement proches. Nous étions dans le second cas donc ça ne devrait pas être étonnant que je ressente cela. Je ne le disais pas clairement normalement, j'avais peur qu'il me prenne pour un fou ou un illuminé mais j'avais eu l'impression que pour une fois, je pouvais le dire et qu'il pouvait de cette façon comprendre d'où venait mon inquiétude.

Mirror mirror on the wall, am I the prettiest of them all
Naoki & Kai

Je ne savais pas quoi lui répondre. Il y avait tellement de choses à dire que finalement, je restais complètement silencieux. Si Natsu avait dit quelque chose de mal, la réponse était « non ». Je m’étais contenté de secouer la tête en songeant au fait qu’au contraire, il avait été si gentil que c’en était inexplicable. Il avait changé du tout au tout et était devenu une excellente personne avec le coeur sur le main. Parce que oui, il l’avait... Quand bien même cela me déplaisait de l’admettre. Mais je ne comprenais toujours pas comment on pouvait changer et grandir autant. J’avais l’impression de n’être qu’une misérable fourmis à côté de lui. On me disait que j’étais devenu quelqu’un de bien, que je n’avais rien à me reprocher, que j’étais parfait cependant à côté de ça, j’avais aussi rencontré des gens qui m’avaient aussi critiqué. Trop dépendant de la technologie, trop dépendant de cette mode lancée à Nishinaka, trop égocentrique... Je l’étais, c’était vrai. Arrogant aussi. Hors je ne le faisais pas exprès. Personne n’avait connu celui que j’étais autrefois et qui avait souffert de brimades lancées par les autres. Je ne pouvais m’empêcher de me demander si j’avais grandi en bien ou si au final, comme on me l’avait fait remarquer à plusieurs reprises, je n’étais qu’une de ces poupées créées par Terazawa. Ce qui me chamboulait, c’était tout ça... De constater comment un adolescent comme Natsu avait évolué alors qu’à côté, j’avais l’impression d’être en perpétuelle stagnation. Ah. Ah. Je devais voir l’air si pitoyable. Mais j’étais heureux d’avoir Naoki avec moi, malgré tout, rien que sa présence me rassurait. Certainement parce qu’il était mon meilleur ami et celui qui me comprenait le mieux. Bien qu’il y avait tout de même certains sujets que je n’osais pas aborder avec lui. Je savais pourtant qu’il ne me jugerait pas mais j’avais si peur de le perdre... Jamais je n’aurais imaginé par le passé pouvoir m’attacher autant quelqu’un et voilà qu’avec Naoki, nous étions soudés comme deux doigts d’une main. S’il en manque un, c’est douloureux n’est-ce pas ? C’était la raison pour laquelle, je ne voulais pas qu’il disparaisse non plus.

Un sourire étira mes lèvres puisqu’alors que je songeais à cela, il me faisait encore plus réaliser à quel point j’étais chanceux de l’avoir. C’était pareil de mon côté. Dés que quelque chose n’allait pas, je le ressentais donc je comprenais ce qu’il disait et je m’en voulais de l’inquiétait autant. Ce n’était pas le but. Pas du tout. Plutôt que de lui répondre, je m’étais contenté d’esquisser un tendre éclat afin de lui montrer que je saisissais ses mots et que cela m’allait droit au coeur.

- Qu’est-ce que tu penses de moi, Naoki ? L’interrogeais-je alors, rivant mon regard droit devant moi, Est-ce que je suis quelqu’un de bien ? Vraiment ? C’est beau de se dire parfait mais au final... C’est quoi la perfection ?

Un fou. Voilà ce qu’il finirait par penser de moi. Toutefois j’étais perdu, je ne savais ni quoi dire ni quoi faire et je détestais me sentir si minable, à douter de tout et de rien.

- Je veux dire... Ce gars, il avait tout pour être haï... J’aurais pu le tuer si j’en avais eu le courage.

Mais je n’étais pas aussi misérable pour m’abaisser à son niveau.

- Seulement, c’est devenu une toute autre personne. Il a vraiment grandi. Et à côté, je me dis qu’au bout du compte, je ne suis peut-être pas si bien que ça. Je pensais avoir réussi, à avoir vaincu tous ceux qui m’ont fait du mal en devenant celui que je suis mais... Et si ce n’était pas le cas ? C’est la première fois que je doute comme ça seulement... Je suis complètement paumé tu sais. Je déteste me sentir ainsi.

C’était douloureux. Réellement. Mes doigts se crispèrent sur ma chevelure châtaine tandis que je baissais la tête... Je n’osais même plus le regarder après ça. Je savais à quel point la perfection comptait à ses yeux, je savais aussi qu’on se disait tout cependant la crainte était toujours là... Mais je n’avais que lui. Alors j’espérais que quoi qu’il arrive, il ne me laisserait pas tomber.

electric bird.

Ce que je pensais de lui ? Du bien. Uniquement du bien. En fait, je ne pouvais même pas réellement lui trouver des défauts. C’était mon modèle. Lorsque je l’avais rencontré, je quittais le lycée et j’avais été impressionné, je voulais devenir un peu comme lui. J’étais plus beau que lui, mon corps était mieux fait aussi. Mais intérieurement, il était quelqu’un d’incroyable. Il me semblait plus fort que moi, plus courageux. J’admirais son métier, jamais je n’aurais osé faire cela. Jamais je n’aurais pu faire ça. Il assumait parfaitement ce qu’il était, même si je savais que parfois, il doutait. Comme aujourd’hui. Mais à mes yeux, il n’avait pas à douter. Il était très bien comme il était. Peu de gens étaient aussi bon que lui.

C’était étrange, la façon dont il parlait de son ancien persécuteur. Je restais silencieux, mangeant calmement. Les personnes changeaient avec le temps, c’était bien connu. Au fond, une part de nous restait intacte, c’était ainsi que je voyais les choses. On pouvait devenir une bonne personne alors qu’on a été mauvais, même si ça ressort parfois.

-Toi aussi, tu as changé depuis le lycée, non ? Finis-je pas répondre en posant mes baguettes sur mon bol. Tu n’es plus comme à l’époque, alors… Pourquoi tu sembles étonné qu’il ait changé ? On grandit tous un jour, tu devrais te réjouir pour lui.

M’assurant qu’il avait terminé son bol, je le pris entre mes doigts pour l’amener dans la cuisine, posant les deux récipients dans l’évier avant de retourner vers mon ami. Moi aussi, j’ai sûrement changé depuis que je suis à Nishinaka. Il m’est difficile de me dire quel genre de personne j’étais avant. Mais loin de moi l’idée de me remettre en question, à vrai dire. Je m’aimais bien ainsi. Toutefois, je comprenais Kai.

-Tu es très bien, ajoutais-je. Pourquoi te remettre en question ? Au fond, on sait que nous ne sommes pas parfaits. Peu de gens le sont.

Uniquement Terazawa, avais-je envie d’ajouter, mais je m’en empêchais juste avant de le dire. Pour moi, il n’y avait que lui de parfait. Et j’aspirais à le devenir également un jour. Etre quelqu’un d’aussi bien que lui. C’était mon but. Kai n’en était pas loin, non ? Il fallait juste qu’il continue sans se poser de question, qu’il travaille sérieusement.

-Est-ce que tu aurais envie de changer ?

Là était toute la question, non ? S’il n’en avait pas envie, pourquoi se tourmenter ? Je souris à mon ami, allant faire chauffer du thé pour finir le repas comme il faut.

Mirror mirror on the wall, am I the prettiest of them all
Naoki & Kai

En effet, j’avais changé depuis le lycée. Je n’étais plus cet idiot du passé qui se laissait faire sans arrêt mais est-ce que cela signifiait pour autant que j’étais devenu quelqu’un de bien ? Etais-je vraiment le genre de personne à laquelle j’aspirais devenir ? Est-ce que je m’appréciais réellement tel que j’étais ou au contraire, je croyais m’apprécier parce que les autres m’appréciaient ainsi ? Je me fiais toujours aux regards de ceux qui m’entouraient, de leurs critiques et j’évoluais en fonction... Je ne cherchais pas à comprendre, je devais être parfait. Complètement. Mais l’étais-je réellement ? Et étais-je heureux comme ça ? J’avais souvent pensé que oui seulement et si ce n’était pas le cas ?

J’étais étonné qu’il ait changé puisque autrefois je le détestais tellement, il était le dernier des abrutis et il était inconcevable pour moi de me dire qu’il était devenu une bonne personne. Tant que je ne l’avais pas revu, jamais je n’aurais pu imaginer ce genre de choses. Justement parce que j’étais marqué par mon passé et que la dernière image que j’avais eu de lui était cet homme qui tentait de me ridiculiser. Encore. Plus que me réjouir pour lui, je trouvais ça bien qu’il ait réussi à se remettre dans le droit chemin, qu’il n’ait pas devenu plus idiot qu’il ne l’était à l’époque seulement à cause de lui je me posais des tas de questions. Avais-je changé autant moi aussi ? Peut-être que oui... Pourtant j’avais l’impression intérieurement d’en être toujours au même point. Je ne pourrais certainement pas l’expliquer à Naoki car je ne parvenais déjà pas à me l’expliquer à moi-même... C’était une drôle de sensation, une peur que je ne pouvais décrire et dont j’avais certainement compris mais je refusais de me l’avouer.

Je profitai qu’il s’en aille dans la cuisine pour sortir mon miroir et contempler mon reflet à l’intérieur. Je n’y voyais aucun défaut. C’était ce que je me disais... J’avais un regard intense, un sourire bien à moi, une peau douce et sans marque, j’étais beau. Magnifique même. Alors pourquoi cela ne me suffisait pas ? Pourquoi ne me contentais-je pas de cela ? Je ne croyais plus les gens qui me déclaraient le contraire parce que je savais que j’étais beau et qu’ils étaient jaloux mais à présent j’avais ce sentiment étrange qui m’obligeait à douter sur de nombreuses choses.
A peine eus je rangé l’objet que mon meilleur ami revint dans le salon. J’étais parfait. Qu’il n’essaie pas de me contredire. Physiquement, je l’étais. Je crois. Tout du moins j’essayais toujours de m’en convaincre et sûrement que si je n’y arrivais pas pleinement c’était parce que - comme il le disait - au fond je savais que ce n’était pas le cas.

Est-ce que j’aurais envie de changer ? C’était une bonne question... Et l’autre était alors

- Pour devenir quoi ?

Sans réfléchir, ces mots étaient sortis tout seul. Je ne savais même pas si je me satisfaisais tel que j’étais alors en quoi voudrais-je changer ? Je suppose que j’étais bien ainsi... J’étais protégé de toutes critiques puisqu’on ne pouvait pas se moquer de quelqu’un de parfait. Et ça m’allait très bien.

- Ce n’est pas que j’ai envie de changer ou non. Je n’en sais rien. J’ai déjà bien changé après tout. Mais il y a tellement de choses que je n’arrive pas à comprendre. Je sais que je ne devrais pas autant douter ni me poser toutes ces questions seulement ce n’est pas facile. On m’a traité de « poupée » et je n’en suis pas une.

Poupée dans le sens que je devenais ce que le maire voulait que je devienne. Une poupée à l’image de la ville et je n’étais pas ce genre de personnes. J’étais un être humain à part entière qui avait évolué avec les blessures de son passé. Je voulais plaire pour moi-même pas pour être à l’image de Nishinaka.

- Du coup je me demande... Qui est-ce que je suis ?

Cette réflexion me fit rire tellement elle me semblait misérable. Il fallait vraiment que j’arrête de méditer autant cela ne m’allait pas.

- Oublie ce que je viens de dire, je suis en train de raconter n’importe quoi, Rétorquais en rigolant légèrement, Peut-être que je devrais aller voir un psy, je me fais peur tout seul.

Mais c’est une chose que je ne ferais jamais. Qu’est-ce qu’un psy m’apporterait à part des doutes en plus ? Rien du tout. J’avais Naoki. Et il valait tous les autres.

electric bird.