All is lost but hope remains and this war's not over • |

Le soleil régnait en maitre dans la pièce, les rayons passant au travers de la fenêtre tandis que Ryuhei dormait paisiblement sur ce lit d’hôpital. Le médecin avait dit qu’à partir de maintenant, cela devrait aller mieux. Son état était à surveiller mais s’il supportait la greffe, il pourrait avoir une vie normale. Bien qu’inquiète encore un peu, j’étais rassurée car l’opération s’était bien passée... Ma main restait entrelacée avec la sienne tandis que je ne pouvais pas détacher mon regard de ce visage endormi. J’avais eu si peur... Pendant l’espace d’un instant, j’avais cru que tout était terminé mais ça n’avait pas été le cas. Jamais je n’aurais cru qu’il viendrait si vite, qu’il accepterait sans réfléchir... Lui, son frère.

On n’avait pas eu d’explication, l’état de Ryuhei s’était soudainement aggravé et je le voyais déjà partir sans avoir rien pu faire pour lui. Les médecins eux-mêmes avaient expliqué qu’au vue des conditions, seule une opération pourrait le sauver... Bien sûr il y avait d’autres solutions comme réussir à le faire vivre pour quelques jours, peut-être quelques mois mais que ses heures étaient à présent compter. Je revoyais son teint pâle, ses doigts qui s’étaient séparés des miens alors qu’il devenait de plus en plus faible. J’avais été contrainte de sortir, d’assister à ce désastre au travers de la vitre de la chambre et je priais à ce que mon mari s’en sorte. Malgré les dires du docteur, j’avais été incapable de réfléchir, la simple idée de savoir que l’homme que j’aimais et que je venais de retrouver risquait de mourir dans les jours à venir me rendait hors de moi et terriblement triste. Je refusais de le perdre... On venait tout juste de se donner une seconde chance, on avait des tas de nouvelles choses à découvrir. Il ne pouvait pas s’en aller maintenant.

J’avais crié sur la secrétaire qui m’avait demandé de me calmer, qu’elle ne pouvait rien pour moi et qu’il fallait que j’attende, comme tout le monde. Sauf que je n’avais pas le temps pour ça. Il fallait contacter ce garçon mais je n’avais pas son numéro. Il avait bien dû passer à l’hôpital une fois dans sa vie non ? Elle ne devait pas comprendre ce que je lui racontais tant j’étais paniquée et j’étais sûr qu’elle me prenait pour une folle. Pourtant je n’avais pas abandonné, expliquant qu’il fallait à tout prix appeler « Takano Kai ». Et par chance, il était dans sa liste. C’était un ancien patient. Ils avaient son numéro... Je savais que c’était privé et je ne leur demandais de me le donner, juste de me le passer. J’avais expliqué les circonstances à ce garçon et je n’avais eu le temps de finir qu’il avait déjà raccroché.

Il s’agissait du dernier espoir et il s’était évaporé en un instant. C’était ce que j’avais pensé... Avant de voir débarquer un jeune homme à l’accueil qui semblait tout autant inquiet et qui cherchait Sekino Ryuhei. Je m’étais retrouvé dans l’incapacité de parler. J’étais choquée. Comment ? Pourquoi ? Je n’avais pas compris... Et intérieurement, je l’avais traité d’idiot. Parce qu’à mes yeux, il était invraisemblable qu’il accepte néanmoins j’avais voulu essayer. Il était là. J’avais pleuré, un moment... Ne manquant pas de le remercier puis il était parti rapidement ensuite, devant faire des analyses pour le reste.

Je n’y croyais pas. Tellement que j’avais continué de pleurer encore, dépassé par la situation, par toute cette pression et par le soulagement aussi.

A présent, j’attendais simplement que les heures s’estompent et que mon mari ouvre les yeux. Le connaissant, il me gronderait toutefois au fond de lui, il serait également rassuré. Je pense. Il jouerait au fier cependant quoi qu’il me dise, jamais il ne serait ici aujourd’hui sans son demi-frère... Tout du moins, il serait encore dans un piteux état et ne sommeillerait pas aussi paisiblement.

- Hey, Fis-je dans un chuchotement en le voyant se réveiller doucement, Comment tu te sens ?

J’avais d’ailleurs demandé à ce qu’on emmène Kai dans la même chambre que lui mais ce dernier dormait encore pour le moment.

- J’ai eu peur tu sais ? Mais c’est fini maintenant...

Mon pouce câlinait doucereusement le dos de sa main tandis que je souriais légèrement, soulagée de le voir réveillé et apparemment en bonne santé. Je préférais ne pas tout lui expliquer de suite... Ce serait bête de le retrouver et qu’il fasse une crise cardiaque juste après à cause du choc.

On disait qu'on ne vivait qu'une fois et qu'il fallait en profiter à fond. Je me demandais si j'en avais assez profité ou pas, si j'avais vraiment vécu à fond. J'avais déménagé plusieurs fois, m'étais plutôt bien amusé en général, j'avais fait des études qui m'avaient ennuyé, raté ma vocation de super guitarise qui fait chavirer les groupies, mais ça ne restait qu'un semi-regret. Je n'ai jamais eu énormément d'amis, mais j'en ai eu un en particulier qui en valait bien cent. Et je m'étais marié à une femme incroyablement belle, intelligente et juste fabuleuse. Donc quelque part, j'allais mourir jeune, mais j'avais eu une vie plutôt... Nul.

A part Hanae et Ren, il n'y avait rien de bien, ou de passionant. Ma santé s'était dégradé, j'avais tellement mal et me sentais si faible que je voyais la mort comme un soulagement, mais au fond... J'avais envie de vivre encore et d'avoir une plus jolie vie, avec Hana. Elle était plus que présente, chaque jour elle venait me voir, et j'avais envie d'être plus fort à chaque fois pour la rassurer, mais j'étais toujours plus faible. J'étais tellement pitoyable, incapable de la serrer vraiment dans mes bras, pas assez courageux pour lui dire que je l'aimais toujours, que je l'avais toujours aimé, même loin d'elle. C'était trop tôt, mais bientôt ça sera peut-être trop tard.
Mes frères avaient refuser de m'aider, la dyalise ne servait à rien. Sans greffe c'était fichu. J'en venais à prier qu'il arrive quelque chose à Hatori ou Kyohei, un accident de voirure ou peu importe. Qu'un des deux meurt et que je puisse avoir son rein. Je me fichais d'eux, j'étais devenu tout aussi égoïste, mais je ne voulais pas mourir.

Puis plus rien, mes yeux s'étaient fermés sur le visage de ma femme, et ma dernière pensée avaient été qu'au moins, j'avais pu voir ce qu'il y avait de mieux sur cette terre en perdition avant de partir. Et le néant avait suivi. J'av ais imaginé la mort un peu moins chiante mais on ne pouvait pas tout avoir. Je ne sais combien de temps l'obscurité avait duré mais j'ouvris les yeux sur le même visage que celui que j'avais quitté, un douleur me déchirant le bas ventre. Mon regard croisa celui d'Hanae et je restais silencieux, incapable de lui répondre. Je souris un peu, regardant le plafond quand elle me dit qu'elle avait eu peur, fermant les yeux pour ne sentir que sa main qui caresse la mienne. Qu'est-ce que je faisais là ? Qu'est-ce qui s'était passé ? Je ne me sentais plus mal comme avant, quelque chose avait changé, mais je me sentais faible, encore. Mais différement.

-J'ai mal... Murmurais-je. Partout... Surtout là...

Doucement je posais ma main au bas de mon ventre, sur le lieu de la douleur. Je ne savais pas ce qu'on avait foutu par là, mais ils auraient pu être plus doux quand même. Est-ce qu'on m'avait opéré ? Kyohei ou Hatori étaient venus ? Non... Impossible, jamais ils n'auraient fait ça. Faiblement, je refermais mes doigts autour de ceux d'Hanae, la contemplant tranquillement.

-Qu'est-ce qu'ils m'ont fait ?

Avais-je réellement envie de savoir ce qui était arrivé à mon corps ? Bon, oui, sans doute. Mais je ne comprenais pas ce qu'ils avaient pu me faire. Du mieux que je pouvais, je lui souris, ramenant nos mains sur mon torse pour serrer sa main entre les deux miennes.

-Tu n'avais pas besoin d'avoir peur... Je suis un warrior, rien ne peux m'arrêter, tu devrais le savoir...

Faiblement, je me mis à rire, sans trop forcer pour ne pas avoir mal. Oui, j'étais invincible, je l'avais toujours dit... Ou plutôt, je m'étais toujours plu à y croire.

J’avais envie de le traiter d’idiot quand il montra l’endroit où il avait mal mais n’en fit rien. C’était normal. On venait de l’opérer seulement ça il ne pouvait pas le savoir... Je lui souris simplement, continuant à choyer tendrement le dos de sa main alors que je ne cessai de songer à tout ça. Tout s’était déroulé si vite qu’au bout du compte, je n’avais eu le temps de m’apercevoir de rien si ce n’était l’inquiétude... La peur de le perdre. Sur le moment, les minutes m’avaient paru interminables. Je ne réalisais pas encore à présent bien qu’il était là et me rassurait de ses faibles gestes. C’était fini... Il irait mieux désormais. Il avait intérêt d’aller mieux de toute façon. On avait pleins de choses à faire, ce n’était pas le moment d’abandonner...

Les sourcils froncés, j’avais envie de le gronder et le frapper. Un « warrior » ? Lui ? Aussi énormément que je puisse l’aimer, il avait été loin d’être fort... Ce n’était pas de sa faute si sa santé s’est détériorée si facilement néanmoins ce n’était pas la volonté qui lui avait sauvé la vie. Et peu importait combien il en avait, je doutais que cela aurait suffit pour le préserver aussi longtemps. Je n’aimais pas qu’il essaye de me réconforter avec de belles paroles et de jouer aux durs alors qu’il y a à peine quelques heures, je priais tous les dieux en larmes pour que quelqu’un fasse quelque chose afin de l’aider, de le tirer de là. Il était normal que j’ai peur... Le médecin m’avait dit que ses jours étaient comptés, que Ryuhei ose me dire qu’il n’aurait pas été terrifié à ma place ? J’avais vraiment cru que tout était terminé, que je ne le verrais plus jamais et je m’imaginais déjà devoir vivre une vie sans lui à mes côtés. Je l’avais vécu ces dernières années, cela ne m’avait pas dérangé toutefois soudainement, cela m’avait paru comme impensable. Savoir qu’il n’était plus de ce monde, j’ignorais si j’aurais été capable de faire avec, si j’aurais pu continuer de voir le monde positivement comme je l’avais toujours faire et d’être aussi libre. Je l’étais toujours plus avec lui. Si on me l’enlevait, j’aurais perdu une moitié de moi. C’était exactement ça... Malgré notre rupture, malgré les maintes disputes que nous avions eu tous les deux, je n’étais rien sans lui. J’étais juste une jeune femme banale tandis qu’auprès de lui, je devenais enfin quelqu’un... Je ne pouvais pas expliquer mais j’étais bien. Juste bien. Et c’était suffisant... Du moment qu’il était là, je ne demandais que cela.

- Tu étais en train de mourir, idiot, Chuchotais-je d’une petite voix, Je ne pouvais qu’avoir peur. Je ne voulais pas te perdre, Ryuhei.

Je fermai doucement mes paupières sur ses dires comme pour atténuer toutes ses émotions qui menaçaient de s’échapper de plus bel puis inspirai profondément avant de tout relâcher. Je lui devais des explications... Des explications qui ne lui plairaient sûrement pas mais honnêtement, je n’avais que faire de ce qu’il songerait à ce propos. Il était vivant et c’était ce qui importait.

- Tu t’es fait opérer... C’est pour ça que tu as mal à cet endroit. Alors ne bouge pas trop.

Il souhaiterait en savoir plus. Je pouvais déjà le voir se poser des tas de questions à savoir qui aurait bien pu lui offrir son rein si subitement. En fait, je crois, qu’il n’y avait jamais réellement pensé ou bien il a tout fait pour l’omettre dans un coin de son esprit. Cela aurait très bien pu être un coup de chance, un accident de dernière minute par exemple néanmoins il n’était certainement pas prioritaire sur la liste d’attendre.

- Ton frère, Lui déclarais-je alors, Je l’ai appelé. Et il n’a pas hésité.

Me décalant légèrement, je désignai de mon doigt le jeune homme installé sur un autre lit et qui dormait encore à cause de l’anesthésie. Il ne tarderait probablement plus à se réveiller lui aussi. Honnêtement, je crois qu’un « merci » ne suffirait jamais pour ce geste énorme qu’il avait fait pour Ryuhei... Il lui avait sauvé la vie. Et rien que pour ça, je lui serais toujours redevable.

Même si ce n'était pas le moment pour ça, je souris bêtement quand elle me dit qu'elle ne pouvait qu'avoir peur, qu'elle craignait de me perdre... On pourrait penser que c'était normal qu'elle me dise cela, mais j'étais heureux de l'entendre quand même. De me dire qu'il s'était inquiété, et qu'elle aurait été triste si j'étais mort. Quoi ? D'accord, c'était bizarre de se dire ça, mais oui, ça faisait du bien de se dire qu'on comptait pour quelqu'un. J'étais encore trop faible pour faire une petite danse afin de célébrer cela, mais j'y pensais sérieusement.

Par contre, il me fallut un petit temps avant de réaliser... Opérer ? Comment ça, opérer ? Qui avait bien pu me donner son rein ? On avait déterrer ma mère et par un procédé chimique, reconstituer son rein pour me le donner ? Non parce que c'était bizarrement l'explication la plus plausible du monde. Peut-être que Hatori ou Kyohei était mort finalement, et que j'avais eu son rein... J'espère que c'était Hatori, j'avais toujours eu une légère préférence pour Kyohei en fait. Un soupir quitta mes lèvres et je fermais les yeux, ne les rouvrant que pour jeter un regard vers le lit à côté. Oh non. Sérieusement.

-Hana...

J'avais envie de la tuer. Je savais que c'était elle qui l'avait appelé, je ne sais pas comment, je ne sais pas de quel manière elle l'avait trouvé, mais c'était elle. Et ce con avait accepté de donner son rein ? Mais c'était quoi son problème à la fin ? Il était complètement taré. Un gros malade mental. J'avais un organe d'un malade mental dans mon ventre. Je tentais de me redresser un peu, mais je finis vite clouer au lit à nouveau, les sourcils froncés. Je repris d'un geste sec ma main qui se trouvait prisonnière de celle d'Hanae.

-On va lui dire. J'en veux pas, je veux qu'on lui rende, qu'on lui rende son putain de rein, on a pas le droit de me mettre des trucs que je veux pas en moi. J'vais appeler une infirmière.

Afin de souligner le sérieux de ma requête, je me mis à appuyer frénétiquement sur le bouton pour les appeler. Je refusais de lui être redevable à vie, de lui avoir laissé l'occasion de faire quelque chose de si important pour moi, alors que mes frères, mes vrais frères, n'avaient pas hésité une seconde à refuser. Je me sentais déglutir bêtement, mes mains se mettant à trembler légèrement.

-On doit lui rendre, on aurait du me demander avant, je veux pas de ça. Je veux pas être lié à ce gars.

« On aurait du me demander » c'était la version atténuée de TU aurais du me demander. Parce que Hanae avait décidé de ça. D'accord, c'était ma femme. Mais ça n'était pas une raison pour qu'elle ait décision de vie et de mort sur moi. Si je préférais mourir plutôt que d'avoir le lien d'un acteur porno, c'était mon droit le plus légitime, non ?

A ce qu’il refuse cette idée, je m’y étais entièrement préparée. Seulement en cet instant précis, mon unique envie était de le frapper jusqu’à ce qu’il ravale ses paroles et qu’il s’ancre bien dans le crâne qu’il n’avait pas le droit de répliquer une chose pareille. Ce n’était pas lui qui avait été à ma place dans ce moment difficile et ce n’était pas lui non plus qui avait entendu les paroles de ce garçon. Moi-même, j’avais été choqué qu’il accepte sans broncher comme si la vie d’un de ses proches en dépendaient. Pourtant bien qu’ils avaient le même le sang, ils ne se connaissaient pas et ses frères que Ryuhei avait côtoyé pendant des années l’avait laissé tomber sans la moindre hésitation. Je n’avais pas compris... Pourquoi ? Comment ? Alors il m’avait brièvement expliqué avant de partir avec les médecins. J’aurais voulu lui parler, lui dire de réfléchir encore un peu pour qu’il ne fasse pas une chose qu’il ne puisse regretter toutefois la vie de mon mari en dépendait et surtout j’avais pu lire dans ses yeux que Kai ne reculerait pas. S’il s’était pressé jusqu’ici, c’était qu’il avait déjà pris sa décision n’est-ce pas ? J’en voulais à Ryuhei d’être aussi brut alors qu’il était vivant... Ne pouvait-il simplement pas ignorer le reste et se dire que le plus important était qu’il était en vie ? Dire vouloir le rendre, j’avais envie de le taper en l’entendant déclarer cela... Je venais de lui avouer avoir peur de le perdre, que je ne souhaitais pas qu’il s’en aille si rapidement et en me répondant de la sorte, cela signifiait qu’il préférait mourir plutôt que de vivre plus longtemps grâce à la bonté de quelqu’un. Je pouvais comprendre que cela faisait un choc toutefois je lui interdisais d’émettre de telle remarque.

- Non mais tu entends ce que tu dis ?!! M’emportais-je alors, lui retirant brusquement sa main du bouton, Arrête ça de suite, Ryuhei ! Tu n’es plus un gosse !

Je m’étais pourtant jurée de ne pas crier, de rester calme mais à croire qu’avec lui je peinais à utiliser correctement ce mot.

- Je sais très bien ce que tu penses et honnêtement, je n’en ai rien à foutre ! Tes principes, tes complexes et je ne sais quoi d’autres, ça t’importe plus que la vie ?! Estime-toi déjà heureux d’être en vie, merde à la fin ! Mais d’accord, si tu tiens tant à crever, vas-y ! Mais je te promets que tu ne me verras pas une seule fois sur ta tombe ! Espèce d’idiot !

Plus qu’être en colère, j’étais complètement furieuse. Il n’avait pas le droit de dire une chose pareille alors que j’avais été morte d’inquiétude...

- Ce n’est pas toi qui a vu son petit ami au bord de l’agonie, à ne pas savoir quoi faire pour le sauver ! Oui, je l’ai appelé et alors ?! Je devais te laisser mort juste à cause de ta foutu fierté ?! Réfléchis avant de parler !!

Mes poings étaient serrés tandis que je m’étais levée pour lui crier ces mots. J’essayais de me contenir, de me détendre et tandis que je m’apprêtais à le réprimander une nouvelle fois, j’entendis du bruit derrière moi, ce qui me calma aussitôt. A peine retournée, je voyais le jeune homme ouvrir doucement ses paupières et explorer la pièce du regard, perdu.

- Désolé, M’excusais-je d’une voix plus posée, Je vous ai réveillé.

Toutefois, il avait encore l’air un peu dans les vapes alors plutôt qu’attendre une réponse, je lui souris simplement.

Si je m'attendais à ce qu'elle prenne mal ma réaction, je dois avouer que je me foutais totalement de ce qu'elle me disait parce qu'elle m'agaçait. Elle n'avait pas le droit de décider pour moi, de ce que je faisais de mon corps ou non. Alors elle pouvait me hurler dessus comme elle voulait, je trouvais ça limite scandaleux qu'elle ne m'ait pas demandé avant. Bien sûr que j'aurais refusé qu'il m'aide. Je n'avais pas envie d'avoir le moindre lien avec ce type qui était donc, vraisemblablement mon frère.

Mécontent, je croisais mes bras difficilement contre mon torse en lui lançant un regard noir en l'entendant dire qu'elle ne viendra pas me voir au cimetière. Bien sûr qu'elle serait venue. Elle dit ça maintenant, mais elle aurait pas tenu trois semaines avant de venir me voir et faire sa veuve éplorée. Elle le fera ! Enfin, maintenant elle ne peut plus le faire mais bon, quand même. Quoi qu'il en soit, ça m'énervait, il m'énervait, tout le monde m'énervait, sincèrement. Il fallait bien que je me calme en l'entendant reprendre la parole.

Oui, ma fierté. Parlons en. Elle était immense. Je sais qu'on s'était retrouvé, au fond j'étais soulagé d'être en vie, de pouvoir rester avec Hanae, reprendre la vie qu'on avait laissé en standby durant quelques années. Je le voulais aussi, parce qu'elle m'avait manqué et je n'avais pas envie de la quitter une fois encore, je voulais qu'on reste ensemble et être un bon mari pour elle. Elle était trop jeune pour être veuve.
Kai s'était réveillé mais il ne le regarda pas, laissant Hanae s'excuser.

-T'avais pas le droit de faire ça sans me donner mon accord ! C'est mon corps, bordel, si j'avais voulu de son putain de rein, j'l'aurais appelé, ou je sais pas, j'm'en fou, t'avais à me demander.

Depuis quand c'était la femme qui prenait les décisions, hein ? D'accord j'allais pas me la jouer machiste non plus mais ça m'énervait, surtout qu'il soit dans la même chambre. Je ne pouvais même pas dire ce que je voulais, je n'avais pas envie de m'adresser à lui ou de continuer sur notre lancée avec lui. Que ma « femme » veuille bien le comprendre ou non.

-Dis moi ce que tu veux mais... Non, vraiment, t'aurais du me demander, non ? J'en veux pas de son rein, j'en veux pas, je veux pas être lié à eux. Je veux rien avoir à voir avec ce type.

Au moins, c'était claire et je le pensais. Je ne voulais pas avoir de rapport avec les Takano, je n'avais pas besoin d'une nouvelle famille ou même de leur être redevable. Alors j'étais malade rien que de me dire que son rein était en moi, que je lui devais ça. Jamais de la vie je n'aurais fait ça pour lui. Il n'était pas mon frère pour moi, il n'était rien, rien du tout.

Je crois que... J’allais réellement finir par le frapper. Il était pourtant le mieux placé pour savoir qu’il ne valait mieux pas me mettre en colère. Et là, Ryuhei dépassait les bornes. Comment aurais-je pu lui demander alors qu’il était au bord de l’agonie et dans l’incapacité de prononcer le moindre mot. J’avais réellement envie de le taper, ne serait-ce que pour lui remettre les idées en place. Et c’était ainsi qu’il le remerciait ? De cracher ses horreurs comme ça, en pleine face. Ne pouvait-il donc pas arrêter d’être égoïste une seule seconde ? Bien sûr que j’aurais préféré lui en parler hors ce n’était pas comme si j’avais voulu le faire dans son dos non plus... Je ne souhaitais simplement pas le perdre et sincèrement, je n’imaginais pas moi-même que son frère accepte. Il avait été si rapide dans sa décision que ça m’avait tant choquée... Mais comment expliquer ça à cet homme qui ne pensait qu’à son pauvre petit nombril tout ça à cause de sa « putain » de fierté. Je serrais mes poings afin de me retenir néanmoins je saignais déjà certainement à cause de mes ongles qui irritaient ma peau.

Ma lèvre supérieur mordait celle inférieur pour ne pas laisser échapper tous ses mots horribles qui menaçaient de sortir depuis qu’il avait repris la parole. Je le détestais pour ça... Il promettait des choses et au final, il n’était même pas capable de tenir un misérable serment. « On ne fera pas les mêmes erreurs » avait-il dit. Et qu’est-ce que Ryuhei était en train de faire en cet instant ? Il préférait penser à sa fierté plutôt qu’à sa femme, ses amis... Je ne dirais pas son frère parce que j’avais bel et bien compris que son problème venait de là. Toutefois, il n’en restait pas moins un idiot. Le dernier des idiots. J’ouvris finalement ma bouche, près à lui crier dessus mais je n’en eus pas le temps.

- Putain, ferme-là, M’avait devancée Kai d’un ton neutre, T’en a pas marre de te plaindre trente secondes ?

A cet instant précis, je pensais sérieusement que ce n’était pas une bonne idée de les avoir mis dans la même chambre. Ils allaient finir par s’entretuer... Je ne connaissais pas cet acteur personnellement, après le geste qu’il avait fait, je ne pouvais pas l’imaginer méchant cependant au vue de la situation, il y avait de quoi être vexé. Surtout avec quelqu’un comme Ryuhei. Je soupirai de lassitude, autant pour l’un que pour l’autre, ils allaient m’achever.

- On se calme ! Et on ne se bat pas ! M’interposais-je entre les deux lits, les bras écartés et les sourcils froncés.

De ma main, je fis signe à Kai de se taire et me tournai vers Ryuhei, les traits sérieux se dessinant sur mon visage.

- Comment voulais-tu que je te demande espèce d’abruti ?! Tu étais inconscient, dans un moment comme ça je te promets que tu n’as pas le temps de réfléchir. Mais très bien. Tu veux mourir ? D’accord. Je vais chercher une infirmière et voir ce qu’ils peuvent faire. Juste parce que Monsieur a une fierté surdimensionnée et qu’il ne pense qu’à lui. Je suis curieuse de savoir ce que diras Ren quand il apprendra ta connerie. Mais soit. Fait ce que tu veux.

Je fis le tour du lit et à mon tour appuyai sur le bouton, prêt à convoquer un médecin. Si Ryuhei voulait jouer à ce jeu là, très bien. Je ne pouvais pas aller à l’encontre de ses choix de toute manière... Cependant s’il choisissait cette option là, qu’il ne compte pas sur moi pour le reste. Il finira seul et dans un coin. Non mais... A un moment il fallait arrêter de me prendre pour une « conne » aussi.

Il voulait quoi, l'avorton ? Je lui lançais un bref regard songeant que j'avais envie de lui balancer son rein à la gueule et hop, on en parle plus. Quel idiot, il m'énervait. Fallait toujours qu'il fasse son prince. T'es acteur porno mec, t'es minable. C'est minable un acteur porno. Surtout à Nishinaka quand on était un Shinki. C'était nul les Shinki. Putain, qu'on m'enlève ce rein, j'ai l'impression que j'allais spas survivre avec ça en moi.

Mes sourcils se froncèrent en voyant l'intervention de ma chère épouser et je croisant mes bras contre mon torse, tournant la tête pour ne plus la voir. D'ailleurs, je ne la regardais toujours pas quand elle s'adressa à moi. Elle aurait pu trouver un moyen. La télépathie ou quelque chose comme ça, enfin, qu'elle arrête de se trouver des excuses ; il y'a toujours une solution. Je lui lançais un bref regard quand elle me demanda si je voulais mourir  et je ne répondis pas, me contentant de continuer ce que j'étais entrain de faire, c'est à dire bouder. Mon air fier s'intensifia alors qu'elle tentait de me vexer ou de me faire réagir mais je tenais bon. Ren comprendra. Il était gentil Ren, il comprenait toujours.

Enfin, quand je la vis appuyé sur le bouton, j'ouvris un peu la bouche avant de la refermer. Non, j'allais continuer sur ma lancée. Et ne pas bouger. Bouder. Jusqu'à ce qu'une infirmière entre, demandant ce qui se passait ici pour qu'on n'arrête pas de sonner. Et ce n'est que là que je pris les devant, empêchant quiconque de parler.

-Je veux qu'on m'enlève le rein qu'on m'a greffé !
-P... Pardon ? Vous êtes sérieux ?
-Oui, enlevez-le ! Et rendez-le lui !

Elle me fixa comme si j'étais un extraterrestre, mais à vrai dire, j'étais plus un gamin de six ans en plein caprice qu'un alien. Je gardais mes bras croisés, les lèvres princés. On allait me l'enlevé, qu'elle le veuille ou non. Je me fichais de l'avis d'Hanae, je n'avais pas envie d'être lié à cette famille que je ne connaissais pas, j'avais envie... De je ne sais pas, d'avoir une famille, mais pas eux. Jamais.

-Ecoute, on ne peut pas vous l'enlever comme ça...

Je haussai les épaules, me foutant de ça. On allait me l'enlever, il fallait me l'enlever. C'était une question de vie ou de fierté. Et moi je voulais la fierté.

-Jamais j'aurais fait ça pour toi, Kai, dis-je finalement en tournant ma tête vers lui, bien plus sérieux.

Peut-être que j'aurais hésité, mais au final, je ne l'aurais pas fait. Jamais je n'aurais pu concevoir qu'on pouvait faire ça. Mes frères avaient refusé, peut-être que pour eux j'aurais accepté. Et ça me tuait de penser ainsi. De me dire que tout n'allait que dans un sens. Qu'au final, qu'un répondait présent, et c'est le seul dont je n'avais jamais souhaité devenir proche ou attirer l'attention.

Est-ce que je devais regretter mes actes ? Peu importait ô combien les réactions de Ryuhei étaient blessantes, je ne parvenais pas à regretter. Parce qu’en prenant une telle décision, je m’étais préparé à recevoir des remarques acerbes de sa part. Je savais que cela ne lui plairait pas toutefois était-ce une raison pour le laisser mourir ? J’avais évidemment compris que ça n’avait jamais été la grande joie dans ses famille cependant au contraire de lui, j’étais fils unique. Je n’avais personne avec qui vraiment m’amuser à la maison ni pour m’aider dans mes devoirs lorsque je me motivais à les faire. J’enviais mes camarades de classe qui parlaient avec en train de leurs ainés et moi-même j’avais rêvé d’avoir un frère un jour. Je ne voulais pas de soeur parce que je pensais qu’une fille me comprendrait moins bien qu’un autre garçon. Ryuhei était bien loin du frère que j’avais longtemps désiré cependant cela n’empêchait pas qu’on avait le même sang. C’était la raison pour laquelle j’avais été excité rien qu’à l’idée d’essayer de le connaître malgré nos différences. Certainement que j’avais mal agi, que j’aurais du m’y prendre d’une autre manière néanmoins je n’avais pas réfléchi... Dans ce genre de moment, on ne réfléchit pas réellement de toute façon. J’avais vite déchante ensuite puis j’avais décidé de respecter ses choix. Si le garçon ne voulait pas me voir ni apprendre à me connaître, je ne pouvais pas le forcer.

J’avais repris mon quotidien, tentant de ne pas y penser puis alors que je n’y songeais plus, cette femme m’avait contacté. Sa femme. Elle parlait si vite et elle pleurait que même sans savoir qui il s’agissait, je m’étais senti mal à l’autre bout du fil. Puis... Elle m’avait expliqué. Que Ryuhei était malade, qu’il avait d’autres frères mais qu’aucun d’eux ne souhaitait le sauver, que j’étais le dernier espoir. Dit comme ça, c’était classe et ça me valorisait toutefois au moment où ceci était arrivé, une telle pensée ne m’avait même pas traversé l’esprit. J’étais juste choqué, ne saisissant pas comment on pouvait faire ça à sa propre famille ni pourquoi elle m’appelait moi alors que mon demi frère avait été claire et net là-dessus, il ne voulait pas que je me mêle de sa vie. Il allait mourir. Peut-être pas de suite mais dés lors, ses jours étaient comptés. C’était ce qu’Hanae m’avait fait comprendre et mon sang n’avait fait qu’un tour. Je venais tout juste d’apprendre que j’avais un grand frère et bien que ce dernier refuser de m’accepter, je n’avais pu concevoir le fait qu’il disparaisse aussi vite. J’avais voulu l’aider. Si d’origine, j’étais une personne extrêmement égoïste, que je ne pensais qu’à moi et à mon apparence, j’en avais oublié ces détails en me pressant vers l’hôpital. On m’avait fait quelques analyses puis on l’avait opéré. On m’avait endormi aussi. Je me réveillerais avec un rein en moins. Cependant ce que je n’avais pas prévu était que je me réveillerais dans la même chambre que lui. Je ne le voulais pas. J’aurais même préféré qu’il ne le sache pas en fait. Il aurait continué sa vie normalement et moi, la mienne.

Pourtant, oui, même si je restais impassible derrière ce visage fatigué, j’étais blessé. Je n’attendais pas de remerciement de sa part, encore moins de la reconnaissance, juste qu’il se taise et qu’il garde ce qu’il pensait pour lui. Sa femme à côté, malgré son fort caractère, elle me paraissait adorable. Et je la plaignais elle aussi au vue du comportement qu’adopter le jeune homme. Les yeux à peine ouvert encore à cause de l’anesthésie, je put remarquer qu’Hanae s’apprêtait encore à s’énerver, n’appréciant pas la remarque de son mari à mon égard toutefois, je la devançai.

- Et alors ? Soufflais-je doucement sans le regarder, Je ne demande à ce que tu le fasses. Je l’ai fait en sachant déjà tout ça. Je me fous bien de ce que tu penses, Ryuhei. Et je n’attend rien de toi de toute façon.

J’essayais de m’assoir, pestant intérieurement parce que mine de rien ça me tirait sous la peau et j’avais juste envie de quitter cet endroit. Je n’aimais pas les hôpitaux, encore moins en cet instant précis.

- Bon sang, râlais-je alors, Ce n’est pas possible de changer de chambre ? Pourquoi y a fallu qu’on me mette ici ?

Un soupir discret s’échappa de ma bouche alors qu’au fond, ça m’exaspérait. Je n’avais pas envie de l’entendre me faire des reproches à longueur de journée, à me dire que lui n’aurait jamais fait ça pour moi, qu’il n’était pas d’accord avec ça... Qu’il s’estime déjà heureux d’être en vie.

- Calmez-vous, Intervint la jeune femme, agacé également apparemment, Vous êtes censés vous reposer, arrêtez de vous prendre la tête.
- Je ne peux pas me reposer ici. Je vous l’avais pourtant dit non ?

L’infirmière qui était toujours présente, perplexe de ce qui se déroulait ici demanda si je souhaitais à ce qu’elle voit pour faire un transfert de chambre mais Hanae et moi, on répondit en même temps.

- Oui !
- Non !

Je dévisageai Madame Sekino près de moi, fronçant les sourcils avant de me tourner vers l’aide soignante.

- Oui, s’il vous plaît. Ca ne fera qu’aggraver les choses d’être ici de toute manière, Dis-je en plissant mes yeux vers Hanae afin que celle-ci comprenne qu’il était préférable d’agir ainsi.

Je lui avais demandé de ne pas en parler à Ryuhei mais elle n’en avait fait vraisemblablement qu’à sa tête. Je comprenais que mentir était difficile, que peut-être elle aurait voulu qu’on s’entende lui et moi cependant c’était inutile. Je préférais encore qu’on me place dans une autre chambre. Ce serait mieux pour tout le monde.

Impossible de le comprendre. Vraiment, j'avais beau tourner la situation dans tout les sens possibles, je ne comprenais pas pourquoi il avait ce geste aussi stupide de sa part. Jamais je n'aurais fait ça pour lui. Je ne me fichais pas de s'il vivait ou pas, je ne souhaitais la mort de personne. Mais... Non, je ne sais pas. J'aurais hésité, probablement très longuement hésité. Peut-être que si sa vie en dépendait vraiment... Pas forcément pour lui particulièrement. Je l'aurais fait pour n'importe quel être humain, j'avais trop de cœur, j'étais un homme terriblement bon. Je n'aurais pas supporté d'avoir sa mort sur la conscience au final. Mais jamais je n'aurait fait cela parce qu'il était mon « frère » ou je ne sais quoi du genre. Juste parce qu'il était un autre être humain. Rien de plus. Il n'y aurait eu aucun geste de ma part.

Aucun mot ne quitta mes lèvres, je me contentais de toiser Kai silencieusement qui se plaignait d'avoir été mieux dans cette chambre. Mon regard se posa sur Hanae qui venait de s'interposer. On aurait pu se reposer si elle n'avait pas décidé qu'on soit dans la même chambre. Elle était charmante, la meilleure femme qui soit, mais parfois je me demandais si elle réfléchissait réellement à ce qu'elle faisait.

Je ne répondis pas lorsque l'infirmière demanda si elle devait nous changer de chambre, je la regardais comme s'il s'agissait de quelque chose d'évident. Je ne voulais pas rester dans cette chambre, avec lui. J'étais fatigué, j'avais mal. Je n'avais pas envie de discuter davantage avec eux. Sans chercher à continuer la conversation, je tournais ma tête vers l'infirmière, lassé.

-Changez moi de chambre s'il vous plaît. Tout de suite.

Doucement, je me laissais retomber contre mon matelas, sans accorder un regard à Hanae ou à Kai, attendant que l'infirmière débloque les roues de mon lit et le fasse sortir. Je m'excusais plusieurs fois en chemin envers elle, de la déranger. Mais je ne voulais pas rester avec lui. Je savais que ça n'apporterait rien de bon, que je n'arriverais pas à être « gentil » avec lui. Je ne lui en voulais pas vraiment. Je n'aimais juste pas l'idée de lui être redevable.

Un soupir quitta mes lèvres et je m'appuyais contre le fond de mon lit une fois encore, posant mon regard sur la fenêtre, légèrement pensif. J'avais envie de rentrer chez moi. Même mon chat me manquait. Pour que mon chat me manque, c'est que ça craignait vraiment comme situation !
Lorsque la porte s'ouvrit, je n'eus pas besoin de me tourner pour savoir qu'il s'agissait de ma chère épouse. Je ne la regardais pas, continuant à fixer la fenêtre.

-Tu n'aurais pas dû nous mettre dans la même chambre. Je sais pas ce que tu cherchais, mais si tu t'attendais à des retrouvailles pleines d'émotion, c'est raté.

Très raté même. Je savais qu'elle n'avait pas voulu faire en mal, elle était trop optimiste. Je n'avais pas envie de le voir, pas maintenant. Je refusais de voir Kai pour le moment, je ne me sentais pas prêt pour ça. J'avais juste envie d'être tranquille et de me remettre de cette opération. Sans penser à cette « famille » parallèle à laquelle je n'arrivais pas à croire.

Ryuhei était un véritable idiot. Et encore « idiot » était bien trop mince pour lui... Même un vrai idiot n’était pas aussi stupide que lui. En cet instant précis, il m’énervait plus que tout au monde... Je comprenais qu’il n’accepte pas que son frère l’aide mais était-ce seulement une raison de se comporter de la sorte ? Kai lui avait quand même sauvé la vie. Il m’agaçait d’être si égoïste parfois et si j’en avais eu la force j’aurais aimé le frapper ne serait-ce que pour lui remettre les idées en place. Sans le retenir, je l’avais laissé partir dans une autre chambre... Ou plutôt j’avais laissé l’infirmière l’emmener qui m’avait d’ailleurs semblé dépasser par la situation. Moi, j’étais resté avec son frangin, m’excusant de l’immaturité de mon mari et étrangement il l’avait plutôt bien pris. Ca me surprenait parce qu’il me semblait être une personne sympathique donc je ne comprenais pas Ryuhei qui disait qu’il était bizarre, qu’il ne voulait pas se lier avec... Probablement que j’avais raté de nombreux épisodes cependant rien que pour vouloir donner son rein ce n’était pas n’importe qui. Mais je suppose que je n’avais plus mon mot à dire à présent et j’avais clairement fait comprendre à cet acteur que malheureusement, je doutais que son frère revienne vers lui. Comme il l’avait déclaré plus tôt, il s’y attendait donc ce n’était pas grave. Mais malgré tout, malgré cette rétorque, il m’avait paru déçu. C’était après un dernier sourire désolé que j’avais quitté la pièce avant de partir m’aérer un peu à l’extérieur.

Je ne savais pas quoi faire, je ne savais même pas si c’était une bonne idée que j’aille le voir. J’étais épuisée. Il n’avait pas l’air de comprendre à quel point je m’étais inquiétée... Non, lui préférait jouer aux enfants. Qu’on lui enlève son rein si cela l’exaspérait tant. Poussant un profond soupir, je me pris un café de façon à me calmer et me réveiller puis me décidai à retourner le voir, malgré tout. Quoi que je dise, il n’en restait pas moins cette personne que j’aimais et je me devais d’être à ses côtés... Mais cela m’énervait. On venait tout juste de se retrouver et lui n’en faisait encore qu’à sa tête. Il ne changeait pas vraiment...

Les mots que Ryuhei prononça lorsque j’entrai dans la chambre ne firent qu’accentuer cette colère et cette faible rancoeur que je ressentais un peu plus à son égard.

- Tais-toi, veux-tu, Dis-je plus froidement que je ne l’aurais souhaité tout en fermant derrière moi, L’infirmière m’a demandé, j’ai simplement dit « oui » sans penser au reste. Mais tu fais ce que tu veux. Je ne m’en mêle plus. Si tu n’as pas envie de le voir, ne le vois plus. Si tu as envie de rendre ce rein et bien vas-y, fait le. J’ai atteint ma limite pour aujourd’hui.

Sur ses dires, je m’avançai près de lui puis plutôt que de m’installer sur le lit, je m’assis sur la chaise située juste à côté.

- Essaie simplement de te mettre à ma place deux secondes, Ryuhei. Depuis tout à l’heure, tu ne fais que geindre et te plaindre mais comprends aussi que je ne savais plus quoi faire. J’étais morte d’inquiétude. Et avant de penser à ta « famille », j’ai pensé que je ne voulais pas te perdre. Si tu n’aurais pas agi de la même façon alors excuse-moi mais on n’a plus rien à faire ensemble...

C’était avec tristesse que j’avais énoncé ces derniers mots parce que je savais que j’avais raison. Si on se fichait de la personne qu’on aime, qu’on préférait la voir mourir plutôt que de se battre pour trouver une solution, c’est qu’il y a un souci quelque part... J’aurais tout fait. Quitte à mourir à sa place si cela signifiait le tenir en vie. Malheureusement lui n’avait pas conscience de tout cela.

Mon regard se leva vers Hanae et je restais silencieux. Bien évidemment que je comprenais pourquoi elle avait fait ça. À sa place, j’aurais fait la même chose, j’aurais même endormi et découpé moi-même son demi-frère pour lui piquer un rein s’il avait été compatible. Je savais que je ne pouvais pas lui reprocher d’avoir agi ainsi, c’est juste que tout me semblait si confus actuellement, je ne savais pas quoi dire, ni quoi faire. Je la regardais juste s’installer sur la chaise près de moi et reprendre la parole. J’étais bien inutile là, je ne savais même pas quoi lui dire, ni quoi faire ou comment agir… C’était plutôt stupide d’avoir agis comme je l’ai fait, mais elle ne pouvait pas me comprendre non plus, et je ne me sentais pas assez en forme pour tout lui expliquer.

Un petit sourire se posa sur mes lèvres tandis que je levais les yeux vers le plafond, songeant qu’elle était vraiment une femme incroyable que je ne mériterais probablement jamais. Hanae était formidable, pire que ça même, elle était grandiose, indescriptible, même si elle arrivait à m’énerver de façon presque indécente. Mais j’en étais tombé amoureux pour ça aussi à l’époque, et ça faisait aussi que malgré les années qui étaient passé, ainsi que la séparation, je l’aimais encore terriblement.

-Bien sûr que j’aurais fait la même chose pour toi… J’aurais été prêt à limer les freins de la voiture d’un membre de ta famille compatible qu’on aime pas trop pour qu’une fois mort, on puisse te donner son rein, expliquais-je doucement sans la regarder. Mais essaie de comprendre, faut vraiment que je me fasse à l’idée… Maintenant, je ne peux plus faire comme si Kai n’existait pas.

Désormais, que je le veuille ou non, il faisait partie de moi, de toutes les façons possible. Et ça me faisait peur, je devais affronter ce que j’essayais implicitement de fuir. Fermant un peu les yeux, je lâchais un petit soupir avant de regarder Hanae et de tenter d’attraper sa main.

-Merci beaucoup pour ce que tu as fait. Merci d’être à nouveau là, murmurais-je, serrant doucement mes doigts autour des siens. Je crois que je vais me reposer, mes yeux se ferment tout seul… Vas te reposer toi aussi.

Je lui souris, relâchant délicatement sa main avant de la poser sur mon ventre et de fixer à nouveau le plafond. Il fallait que je réfléchisse et que je me remette de mes émotions, et cela me paraissait évident qu’avec Hanae dans les parages, je n’y arriverais probablement jamais.