Loveless flower

Aujourd'hui, cela faisait cinq ans, jour pour jour, que Miura avait disparu de ma vie. Cinq ans que je ne vivais plus qu'à moitié. Dans le flou et l'incertitude. Depuis tout ce temps, j'ignorais encore où elle était. Enfermée au fond d'une cellule, dont même moi j'ignorais l'existence ? Partie vivre ailleurs, comme me l'avait suggéré la NSA à mon arrivé parmi eux ? Ou dans un autre monde. Je ne savais pas. Et je ne le saurais peut-être jamais. Mais sans doute qu'au fond, je m'accrochais à l'infime étincelle d'espoir qu'il me restait. Celui de savoir qu'elle était bien vivante. Peut-être pas heureuse. Mais vivante. Elle n'aurait pu être heureuse qu'à mes côtés de toute façon. Ce n'était pas de la prétention. Mais une évidence. Elle et moi, nous étions si différents et pourtant je savais de tout mon être qu'elle était la femme de ma vie. Et aujourd'hui, c'était uniquement parce que j'avais ce ridicule espoir, et cette crainte à la fois, que la NSA la maintienne en vie, que je coopérais avec eux. Que je ne faisais que trop bien mon travail à m'en rendre malade parfois. Mais c'était l'unique solution. D'abord, parce que je n'avais pas le choix : pour moi, mon frère, et pour elle. Même si je savais qu'elle me détesterait si elle le savait. Parce qu'à l'heure actuelle, j'incarnais tout ce qu'elle haïssait. J'étais devenue un pantin pour la sauver, elle, et Aizen. Et moi.

Ce qui était difficile aussi, c'était l'absence de deuil. Même si je souhaitais de tout mon coeur que Miura vive ailleurs, en pleine santé, j'ignorais si c'était le cas. J'ignorais tout. Peut-être cela aurait-il été plus facile si elle avait été morte. Cette idée m'était insupportable, mais j'aurais au moins pu avoir un lieu de recueillement. Et peut-être aujourd'hui ne me sentirais-je pas aussi vide. La seule personne à qui je donnais de l'amour était mon frère.
J'évitais les femmes. Les Shinki me rebutaient et les Denshou me révoltaient. Je n'étais plus qu'une marionnette sans coeur qui errait à Nishinaka.

Enfin. Il y avait bien des gens pour qui j'avais de la sympathie. Mon monde n'était pas totalement noir. Mais très gris. Ces personnes là étaient rares, mais elles existaient. Parmi elles, il y avait cette fleuriste. Un sourire plein de charme, au léger parfum séduisant. Sa joie de vivre était presque offensante. Elle ne méritait pas que je la déteste. Pourtant, la voir ravivait beaucoup de douloureux souvenirs chez moi. Kitagaki Asae. Je la connaissais depuis longtemps. Assez longtemps pour qu'elle m'ait vu heureux avec Miura. C'était chez elle que j'achetais mes bouquets de fleurs. Ma fiancée les adorait. Elle disait que ces bouquets n'étaient pas comme les autres. Qu'ils dégageaient des sentiments, de la chaleur et de l'amour. Je ne voyais pas très bien en quoi des fleurs pouvaient être capables de tout ça, mais le sourire qui s'étirait sur la figure de la femme que j'aimais était suffisant pour me convaincre et faire de Kitagaki Asae mon fournisseur officiel. Et puis, elle était gentille. Elle me demandait sans cesse des nouvelles de Miura, et non sans réserve, je finissais toujours par lui en donnait.
Aujourd'hui, Miura n'était plus à mes côtés. Et pourtant, il m'arrivait, comme aujourd'hui, de venir faire un tour à sa boutique et d'acheter des fleurs. Des fleurs que je donnerais jamais à Miura. Pourquoi faire ça alors ? C'était douloureux, voire insupportable. Ses fleurs qui se faneraient sans que jamais la plus belle des femmes ne les voit. Quant à Asae, sans doute avait compris que ces bouquets n'atteindraient jamais ses mains. Parce que je ne donnais plus de ses nouvelles. Mais je restais poli, voire amicale.

Il y avait plusieurs raisons pour le pourquoi je continuais à venir dans sa boutique. Si beaucoup restaient très floues et mysterieuses, même pour moi, il y en avait bien une assez claire. J'étais rentrée à la NSA, et il y avait des soupçons à propos d'Asae. Visiter sa boutique, c'était garder un oeil sur elle. A quel point vivait-elle dans la tradition ? A quel point était-elle prête à défier la loi de Terazawa ? A quel point était-elle prête à rejoindre Miura ?

C'est ainsi que je passais la porte de la boutique, après avoir traversé une allée fleurie et parfumée. Le tintement significatif de la clochette annonça mon arrivé. Les mains dans les poches, un air patient sur le visage, j'inspirais légèrement, enivrée par cette odeur entêtante.

« Kitagaki-san ? C'est moi, Kitahara. »

Quelles fleurs allais-je bien pouvoir lui prendre aujourd'hui ? N'était-ce pas un jour spécial, après tout ?

Il fallut un peu de temps avant que je n'entende les pas de la vendeuse me rejoindre. Avant cela, j'étais entré dans une boutique dont la seule présence était celle de toutes les fleurs dispersées ça et là sur ses établis. Parfois d'une façon que je devinais organisée, parfois juste en guise de décoration. L'établissement n'était très grand, mais il ne manquait pas de charme. Quiconque venait ici était immédiatement apaisé par l'endroit et le parfum entêtant que délivraient les plantes. C'était, en tout cas, mon cas. En dehors de ma mission, ou de mes anciennes commande pour ma petite amie, j'avais toujours aimé cette boutique. Et même la précédente. Non pas que je sois spécialement sensible aux fleurs, mais il fallait croire que la vendeuse n'y était pas pour rien. Elle avait ce petit quelque chose qui nous rendait joyeux. Oui, Kitagaki Asae dégageait indéniablement une aura positive et apaisante. Et la paix, ce n'était que trop ce que recherchais mon coeur en peine.

Cependant, aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres. Et ce, jusqu'au bout. La jolie fleuriste finit par me rejoindre, mais sans même y prêtait plus d'attention que cela, je remarquai quelque chose de différent chez elle. Sa démarche, peut-être moins enthousiaste. Je n'avais jamais été du genre à épier les gens et analyser chacun de leurs faits et gestes .... Mais mon métier prenait une place très importante dans ma vie, assez pour que j'en vienne à observer les autres inconsciemment. Réflexe, quoi.
Je m'étais engagé vers elle, m'attardant un instant sur un bouquet exposé à côté d'elle. Une sublime composition de rose, accompagnée d'autres fleurs plus discrètes mais tout aussi belles, dont le nom m'échappait. Je n'avais pas tous les noms en tête, et encore moins toutes leurs significations. Miura en connaissait beaucoup et j'avais finalement réussit à en retenir quelques unes. Même si aujourd'hui, il était plus facile pour moi d'oublier ... Si seulement.
Effleurant les pétales du bout des doigts, j'entrepris de répondre à Asae.

« J'aimerais vous commander un bouquet. Avec des Lys, s'il vous plait.»

C'était les fleurs favorites de Miura. Loin des roses et des déclarations d'amour. C'était une fleur simple et complexe à la fois. Une fleur qui convenait parfaitement à ce petit bout de femme qui fut mien.
Mon regard se releva pour croiser les yeux de la vendeuse, et je tiquais une nouvelle fois. Si sa bouche souriait, ce n'était pas le cas de ses yeux. Rougis et dénué de cette étincelle de joie qui faisait la saveur de cette jeune femme. Mes sourcils se froncèrent légèrement. J'avais beau être réservé et plutôt distant, je ne pouvais m'empêcher de m'interrogeais sur la cause d'une telle peine. Qui avait été assez fou et cruel pour faire souffrir cette délicate fleur, d'ordinaire si guillerette ?
J'avais bien envie de résoudre ce mystère. Et puis, n'était-ce pas mon rôle de tout connaitre de la vie des gens ?

« Si je peux me permettre... Votre sourire est bien plus beau lorsqu'il est sincère. Qu'est-ce qui a bien pu le mettre à mal ? »

J'avais planté mon regard dans le sien, et mes yeux trahissaient sans doute ma curiosité. Après tout, j'étais réellement curieux de savoir ce qui lui était arrivé. Un homme, peut-être ? Honnêtement, même si cette fille était source de souvenir douloureux, j'estimais que son sourire était précieux et qu'elle ne méritait pas le chagrin. Pas elle. Car si, même elle, cessait de briller, alors je voyais difficilement qui d'autre pourrait illuminer mon chemin.

Aujourd'hui n'était décidément pas un jour placé sous le signe de la joie. Ni pour moi, ni pour elle. Il y avait clairement quelque chose qui n'allait pas. Asae pleurait, ou avait pleuré. Dans tous les cas : espérait-elle sérieusement arriver à le cacher ? Elle était bien trop émotive pour qu'on ne le devine. J'ignorais pourquoi. Comment aurais-je pu le savoir de toute façon ? Je débarquais tout juste dans sa boutique, moi-même embrumé d'idées sombres. Mais son chagrin ne m'enchantait guère. Elle qui semblait avoir un don pour apaiser vos douleurs avec quelques fleurs, qu'avait-il bien pu arriver ? Et puis, sincèrement, je me trouvais déjà suffisamment sinistre pour que la fleuriste en rajoute.

Silencieux, je la laissai s'affairer dans la boutique afin qu'elle puisse récupérer les fleurs dont elle avait besoin. Ma seule requête était des Lys. Je lui faisais confiance pour le reste. Asae avait eu mainte fois l'occasion de montrer son talent de compositrice, si bien que je ne me souciais même pas de savoir si le résultat final me plairait. De toute façon, devait-il vraiment à quelqu'un ? La véritable question était de savoir ce que j'allais en faire. Comme chaque fois que j'en achetais un. Je n'avais plus Miura pour lui donner. Pas même une tombe pour les déposer. Et aucune Shinki ne méritait un tel bouquet. A vrai dire, quiconque ayant ses éléments en tête et me voyant effectuer se manège de façon récurrente aurait pu me prendre pour un fou. Et à vrai dire, je l'étais peut-être. Moi-même, je n'avais pas vraiment la raison de pourquoi je faisais tout ça. Je ne faisais qu'entretenir le souvenir. La douleur. Tout serait plus simple si je me laissais oublier ... Ou peut-être que je m'infligeais ça pour me punir d'avoir été assez bête pour croire que tout finirait bien. Ou peut-être en avais-je tout simplement besoin .... Personne ne savait. Encore moins, moi.

Je hochai la tête alors qu'elle me demandait mon avis et couvre le futur bouquet d'un regard neutre.

« Je suis certain que ce sera parfait. »

La jeune femme sembla surprise quant à ma remarque. Franchement, je commençais à me demander si elle n'était pas plus naïve que je ne l'aurais pensé. Elle nia simplement, m'offrant un sourire qui se voulait sans aucun doute rassurant. Malheureusement, j'étais bien trop habituée à son vrai sourire pour me faire tromper. Je fronçais légèrement les sourcils et marquais une pause. Cela faisait des années que je la connaissais, que je m'étais habituée à elle, à sa présence, même son parfum, pourtant dissimulé par celui des fleurs, m'était familier. Et pourtant, elle n'était qu'une fleuriste. Notre relation ne dépassait pas celle d'un vendeur à son client. Nos bavardages ne faisaient pas de nous des amis, de ce fait, pouvais-je m'estimer assez proche d'elle pour me permettre d'insister ?

« Heureusement que vous ne mentez pas aussi bien que vous ne composez des bouquets. »

Je finis simplement par dire. Un léger brin d'ironie dans ma voix. Je n'avais pas l'intention de torturer cette pauvre femme plus longtemps. Même si j'étais curieux, j'étais le premier à pouvoir comprendre qu'on n'avait pas toujours forcément envie de parler de nos problèmes. Néanmoins, têtue, je n'avais pas pu m'empêcher de dire cela.

Elle crut bon de changer de sujet en posant une question. Question qui me fit tiquer et froncer d'avantage les sourcils. Non, ce n'était pas la meilleure façon pour m'amadouer. Mon regard se voilà un instant et d'une spontanéité que je ne soupçonnais pas, je déclairais de façon plus froide que je ne l'aurais voulu :

« Qui vous dit que c'est pour elle ? »

J'avais été sec. Trop. Et je m'en voulus instantanément. Asae était déjà minée, pas la peine que j'en rajoute une couche. Sauf que je n'avais pas envie d'en parler. Je me mordis l'interieure de la joue. Je me rendais compte à quel point j'étais dur avec elle, et avec n'importe quelle femme d'ailleurs. Je n'en supportais pas certaines, en évitait d'autre, ne savait plus comment me comporter avec le reste. C'était stupide, je le savais. Je crois que mon coeur était toujours persuadé que la seule femme qui avait le droit à de la tendresse était Miura. J'imagine qu'il n'avait pas encore compris qu'il ne la reverrait jamais.
Je poussais un léger soupir.

« Désolé .. Nous ne sommes plus ensemble, si c'est votre question.»

Celle là, ou une autre, une prochaine. Au moins, c'était clair. Même si c'était tellement plus compliqué.

Et moi qui disais, il y avait à peine de cela quelques seconde que cette fille ne méritait pas la peine. Et voilà que je me mettais à lui aboyer dessus ! Je m'en voulais. Mon but n'était pas de l'enfoncer. On avait tous des jours plus ou moins sombres et durant ces instants, se faire remballer était sans doute la dernière chose que l'on souhaitait. Elle avait certes manqué de tact, je l'avais imaginé plus subtile, mais moi aussi. Pour me rattraper, je décidai de lui donner une réponse certes encore vague mais déjà plus claire et surtout, sur un ton plus doux. Je ne souhaitais pas qu'elle se remette à pleurer devant moi et encore moins que cela soit de ma faute ! Moi qui avais déjà du mal avec les filles en général ...

Asae sembla comprendre qu'elle avait mis les pieds dans le mauvais plat et s'excusa. Son ton embarrassée me gêna quelque peu, et machinalement je me mis à mon tour à me mordiller la lèvre. Un nouveau soupire quitta ses dernières. Pour me poser et prendre le temps de réfléchir afin de trouver mes mots et ne plut blesser la jeune femme, je reculai légèrement et m'appuyer contre l'une des tables en prenant soin de rien renverser, ni d'abîmer les fleurs.

« Ce n'est rien. Vous avez vos secrets, j'ai les miens. Je n'aurais pas dû insister non plus, excusez-moi. »

J'inclinais poliment la tête. C'était la moindre des choses. Comment pouvais-je me permettre de lui faire des remarques sur sa salle tête et lui poser des questions alors que moi-même je grognais à la moindre interrogation ? Décidément, il allait falloir que je travaille mon comportement social, parce que ça devenait dramatique. Surtout avec les femmes. Je ne savais plus comment me comporter ni avec les unes, ni avec les autres. J'avais du mal à me lier aux Denshou et je rebutais les Shinki ... Un jour, j'allais finir par me retirer dans une grotte isolée, loin de tous et surtout de toutes. Enfin, une grotte avec du réseau ! Ca aussi c'était triste, mais j'aurais bien du mal à me passer de mon téléphone... Mais c'était une autre histoire !

Mon regard dériva sur la fleuriste qui me tournait à présent le dos. Elle avait repris sa composition en silence. Décidément, l'ambiance aussi était catastrophique. N'avais-je pas dit que j'aimais bien venir ici car je me sentais appaiser ? Wow. C'est que j'avais un sacré level pour péter l'ambiance aussi !
Trop occupé à râler contre moi-même, je ne remarquai que trop tard qu'Asae avait quitté la pièce. Un instant, je paniquai, imaginant qu'elle avait fui mon aura déprimante. Heureusement, elle revint bien assez vite, un autre sourire aux lèvres que je décelais plus authentique ainsi qu'une unique fleur à la main. Une fleur ? Comptait-elle la perdre dans le bouquet ? Elle serait bien difficile à retrouver. Etait-ce une sorte de fleur surprise à retrouver pour s'amuser ? Ce qui était bête, c'était que j'ignorais qui allait bien pouvoir jouer à ce jeu...

Néanmoins, il semblerait que je sois trompée. En effet, la jolie fleuriste me la tendit, pour moi. Pour moi ? Les filles offraient des fleurs aux hommes maintenant ? J'évitais tellement ce genre de relation que j'avais dû rater une sacrée mise à jour sur la séduction homme/femme !
Mais là encore, quand Asae ouvrit la bouche, je me rendis compte que je faisais fausse route. Tant mieux, je me voyais mal l'éconduire et lui ruinait d'avantage le moral ! Et puis, j'aurais été forcé de l'éviter ensuite pour qu'elle puisse m'oublier et ... et je m'égare encore !

Je haussai les sourcils et considérai un instant la jeune femme. Un perce-neige ? Etait-ce une invitation pour me confier à elle ? C'était mal me connaitre. Seul mon frère avait le privilège de m'entendre me lamenter. Et encore ! Parfois, je faisais des efforts pour l'épargner. Un bref sourire courru sur mon visage.

« Je suis un client fidèle depuis des années, et vous considerez que nous ne nous connaissons pas ? Vous me brisez le coeur, Kitagaki-san. » fis-je avec ironie, mais non sans un ton que je voulais léger.

Je passai rapidement une main dans mes cheveux. Pour être honnête, je n'avais pas envie de me confier. Ni à elle, ni à personne. Je n'en voyais pas l'intêret .. Néanmoins, vu ses efforts, elle méritait d'en savoir un peu plus. Enfin, le minimum vital.

« Vous êtes gentille. Mais vous savez, ça fait cinq ans maintenant. Je me suis fait une raison. » Ou pas. « Elle a quitté la ville brusquement, je ne sais pas ce qu'elle est devenue. »

Ce qui était vrai. J'ignorais ce qu'elle était devenue. Je lui avais raconté ce que la NSA m'avait raconté à mon intégration. C'était la version officielle. Mais je n'y avais jamais cru ... et je n'avais aucun moyen de le vérifier. Tout ce qui la concernait avait mystérieusement disparut de tous les dossier du QG. J'étais condamné à devoir me satisfaire de mensonges sans jamais connaitre la vérité. Au fond de moi, je n'avais pas perdu l'espoir d'apprendre un jour ce qui s'était réellement passé, et c'était sans doute pour ça que je me sentais si vide et en colère. Mais je courrais après un feu follet, une illusion ... Je ne connaitrais sans doute jamais le fin mot de cette histoire. Et c'est ce qui me consummait ...

Vécue la même chose ? J'arquais un sourcil, curieux, mais réprimai un sourire plus qu'ironique. Je doutais fortement qu'elle puisse véritablement comparer sa rupture avec son petit ami avec les péripéties de Miura. Sans mot, je l'écoutais me parler de cette relation qui s'était tristement finie. On était bien loin des enjuex qui s'étaient joué dans ma relation avec mon ex-fiancé. Mais comment pourrait-elle le comprendre ? Kitagaki Asae était une Denshou elle aussi, certes, mais elle était bien loin d'être aussi révolté que celle qui avait partagé ma vie. Sa douceur la maintenait dans une sorte de bulle d'innocence, je doutais qu'un jour nous soyons amené à l'arrêter pour des méfaits. En tout cas, je le souhaitais sincèrement. Même si la NSA pouvait parfois se montrer intransigeante ...
Quand elle eut terminé, je ne pû m'empêcher de me sentir triste pour elle. Elle était peut-être naïve, mais elle faisait partie de ces personnes qui ne devraient jamais être blessée tant sa gentillesse était grande. Cet homme avait abusé outrageusement de ce petit bout de femme et cette simple description me conforta dans l'idée qu'il n'était qu'un pauvre type.

D'un geste naturel et surtout quasiment inconscient, j'avançais ma main vers la fleuriste qui me tournait le dos et l'apposait tendrement sur son crâne. Doucement, je frottai ses cheveux dans une brève caresse avant de retirer ma main et lui offrir un petit sourire. Qui l'aurait cru ? Moi, me montrer doux avec une femme ! Sans me forcer en plus ! Il faut croire que si j'avais voulu me forcer, jamais je ne l'aurais approché. C'était sans doute ça, le pouvoir de cette jeune femme : appaiser les gens. Mais elle, qui la consolait quand elle était triste ?

« Vous savez ... Votre gars, il devait être incroyablement stupide pour abandonner une femme comme vous. Il ne mérite même pas que vous lui accordiez ne serait-ce encore que quelques pensées. »

Oulha. Mais c'est que ça commençait à devenir flippant cette histoire ! Hé ! Vous allez arrêté de croire que je n'ai pas de coeur à la fin ?? Bref.
Je me reculais d'un pas, ne souhaitant pas embarrasser Asae. Mon geste avait été spontannée et aurait pu en gêner plus d'un. Moi le premier à vrai dire. Je ne voulais pas qu'elle se fasse de fausses idées, qu'elle pense que je profitais de sa faiblesse du moment. Je souhaitais seulement la consoler avec le peu d'arme dont je disposais.

Mes yeux se posèrent à nouveau sur le boquet, à présent presque terminé. Il était beau. Trop beau pour atterir entre n'importe quelles mains. J'eu un petit sursaut amusé et lançai, sur le ton de la plaisanterie :

« C'est peut-être à vous que je devrais l'offrir ce bouquet ! Vous faites un excellent travail. »

Oui, mais ça serait un peu se foutre de sa gueule de que lui offrir un bouquet qu'elle avait elle-même composé ! En attendant, son destinataire restait encore un mystère.
Je fis quelques pas dans la boutique, histoire de bouger un peu, lassé de rester immobile. Je jetais un énième coup d'oeil à la fleuriste.

« Vous devriez garder votre sourire, vraiment. C'est ce qui fait votre force et celle de la boutique, j'imagine. Vous méritez mieux que quelqu'un qui vous arrache cette force ! »

Hiro, psychologue et spécialiste de l'amour, bonjour. Pas crédible, pas vrai ? Néanmoins, je le pensais vraiment. J'en voudrais à cet enfoiré si Asae ne venait à ne plus sourire à cause de lui ! Il mériterait presque mon coup de pied aux fesses.