Harada Tôru ~ Un jour je serai le meilleur dresseur ♫ • |

Who I am inside:

My little story:

Accroupi devant une stèle toujours aussi bien fleuri, un jeune homme, entièrement vêtu de noir, venait d’y déposer des fleurs de lys blanc avant de claquer ses mains entre elles en guise de prière. Comme chaque année, le ciel était d’un gris intense et des gouttes de pluie commençaient à déferler sur la ville. Hors, cela ne freina pas le garçon qui restait devant cette pierre tombale et qui, encore une fois, se remémorait les souvenirs de ce jour-là : Le 19 octobre 1999. Et tout ce qui avait suivi ensuite.

Tôru rentrait de l’école, à pied, puisque ses parents n’avaient pas les moyens de lui acheter un petit vélo mais ça ne le dérangeait pas. La porte de la maison avait été laissé entrouverte et son coeur s’était compressé aussitôt alors qu’aucun bruit résonnait dans la bâtisse si ce n’était cet affreux son d’eau qui coule dans la cuisine. Le premier réflex qu’eu l’écolier fut d’aller couper le robinet avant d’appeler encore et encore son papa et sa maman qui ne lui répondaient pas. Et puis... Son corps tout entier se liquéfia sur place, ses jambes furent incapable d’effectuer le moindre mouvement alors que ses yeux fixaient avec effroi les deux corps inertes qui gisaient devant lui. Les murs étaient tâchés de sang. Le sol aussi. Les vêtements que portaient ses géniteurs l’étaient également si on omettait ses traces de coup de poignard qui marquaient évidemment quelle avait été l’arme du crime. Les larmes avaient coulé d’elles-mêmes tandis que ses genoux avaient flanché par la douleur et qu’il avait rampé jusqu’à eux en tentant vainement de les réveiller par sa faible voix emplie d’émotion. Il les avait secoué, pleurant, leur hurlant d’ouvrir les yeux mais ses mains baignaient dans le sang et il comprit bien vite qu’il était arrivé trop tard.

Les gouttes ne cessaient de s’abattre le long de ses joues, le garçon ne sachant pas quoi faire ni même où aller. Il n’avait pas d’autre famille que ses défunts parents et il ne voulait pas aller ailleurs qu’auprès d’eux. Néanmoins, il s’était rappelé de ce que lui avait rétorqué son père une fois...

« S’il arrive quelque chose Tôru, si jamais il arrive quelque chose, fuis ! Ne pense à rien d’autre qu’à fuir » Lui avait-il ordonné.

Le garçon ne l’avait écouté que d’une oreille à ce moment là. Il était simplement heureux que son géniteur lui accorde de l’attention, qu’il le conseille et l’encourage aussi. Il n’avait pas saisi l’importance de ses mots ou plutôt, il avait préféré ne pas s’en inquiéter. Il était trop jeune pour songer à ce genre de choses mais il connaissait mieux que personne la vie dur que menait ses parents, les dettes qu’ils avaient sur le dos. A plusieurs reprises, il avait croisé ces hommes bizarres à la maison qui s’en prenait à ses géniteurs, parfois même à lui lorsqu’il était là. Il y avait des jours où ils ne mangeaient pas, des soirs d’hiver où ils mourraient de froid parce que les fenêtres ne fermaient pas correctement et qu’ils neigeaient dehors. Il avait connu la misère, oui, et son père avait réussi à lui faire croire que ces mafieux seraient leur survie. Mais même s’il n’était qu’un enfant, Tôru avait rapidement saisi que cela n’irait pas en s’arrangeant bien que jamais, il n’avait songé au fait qu’on lui retirerait ses parents. Et surtout pas sitôt.

Sans prendre la peine de réfléchir plus longtemps, le garçon avait couru dans sa chambre où il mis tout ce qu’il pouvait dans un sac de voyages. Vêtements, nourritures, trousses de secours, le stricte nécessaire... Puis, il avait quitté la maison en courant. Parce que s’il ne fuyait pas, on finirait par le retrouver et on finirait par le tuer lui aussi. On pourrait peut-être essayer de le vendre dans un pays étranger ou le transformer en cobaye. Peu importait, Tôru n’avait pas réfléchi et s’était échappé. Il aurait pu appeler la police, trouver refuge quelque part mais il n’avait confiance en personne. Et il ne voulait pas qu’on le place dans un orphelinat ni même qu’on lui retrouve un vieil oncle ou une vieille tante.  La question était alors comment s’en était-il sorti ? Lui-même serait sûrement incapable d’y répondre aujourd’hui. Il avait vécu en se cachant, en volant pour survivre aussi et avec la boule au ventre. Il avait quitté Himi, sa ville natale puis lorsqu’il avait trouvé la capitale, le garçon n’avait plus bougé de cet endroit. Il se croyait en sécurité, il pensait que personne ne devinerait jamais sa cachette mais un beau matin, une sublime femme lui était apparu. Il n’avait pas vu de si belle femme depuis sa mère et elle lui sembla être un ange venu du ciel. Elle était douce et avait une voix qui apaisait tous ses maux, lui donnant l’impression qu’il pouvait lui faire confiance. Bêtement, l’adolescent se voyait déjà aller vivre avec elle, sous son toit, qu’il pourrait enfin manger des bons plats, prendre une vraie douche mais non, elle ne l’avait pas emmené à sa maison. Elle l’avait amené à l’orphelinat. Il n’était âgé que de douze ans, il aurait dû s’y attendre mais quand elle lui avait parlé d’un endroit meilleur pour lui, Tôru n’y avait pas songé. Il ne voulait pas. Il aurait répondu parce qu’il avait peur qu’on le retrouve mais au fond, le garçon savait que c’était pour une autre raison. Il ne souhaitait pas vivre au sein d’une autre famille, il ne souhaitait pas repasser par là où il était passé et rien ne remplacerait ses parents biologiques.

Turbulent était le mot qui qualifiait plus cet individu qui n’avait cessé de tenter de s’enfuir à mainte et mainte reprises, qui se battait avec les autres orphelins, qui parlait mal aux éducateurs. Le seul qu’on était obligé d’enfermer pour qu’il arrête ses bêtises et réfléchisse à ses propres actes. Mais cela ne fonctionnait pas, il recommençait toujours. Les médecins avaient dit qu’avec le temps, le jeune homme finirait par se calmer et cela s’était avéré être vrai. Personne ne pouvait dire exactement à partir de quand Tôru avait arrêté de faire les quatre cents coups afin de s’échapper de l’orphelinat ni quand était la dernière crise de nerf de Madame Yoshida qui ne savait plus quoi faire de cette énergumène. Peut-être le moment où en voyant cette feuille de papier et ses crayons, son corps avait agi de lui-même, commençant à concevoir différentes formes. Plus que qui que ce soit, le dessin était certainement ce qui l’avait sauvé réellement. Il ne parlait pas vraiment aux autres. Si on venait lui adresser la parole, il les ignorait. Si le jeune homme s’était calmé, personne n’était parvenu à briser cette glace qui était dressée tout autour de lui.

L’année de ses seize ans, sa vie allait prendre un nouveau tourment. Ce à quoi personne ne s’attendait, pas même lui, on l’adopta. Soit disant que ses futurs parents regrettaient leur défunt fils et que Tôru le leur rappelait. Dés lorsque les papiers furent signés, il quitta Tokyo pour Nishinaka, une ville qui grimpait un ampleur et qui devenait un palace de la technologie. Cela ne l’intéressait pas vraiment. Néanmoins, il fut un grand spectateur de ce développement, particulièrement au lycée où tout le monde passait plus son temps derrière un téléphone que derrière son bouquin, à écouter son cours. Son arrivée dans cette ville fut aussi le temps des rencontres, du premier amour également et certainement l’époque où le jeune homme changea le plus. Parce que tout cela le révolutionnait vraiment. Ses parents adoptifs en faisaient partie également de ces personnes qu’on qualifiait de Shinki et ils étaient d’ailleurs plutôt proches des Terazawa. On a tenté de l’endoctriner à son tour mais Tôru était bien trop têtu, peu influençable pour se laisser berner dans ce genre de choses. Mais ça l’avait motivé à changer. Il était devenu plus sociable, plus souriant, plus idiot, plus présentable également. Il avait des tas de gadgets cependant il ne s’en servait d’aucun. Peut-être de son téléphone portable en cas de nécessité mais ça s’arrêtait là. Les seules fois où il s’amusait à mimer être un Shinki, c’était en présence de sa famille ou des Terazawa. En dehors, il restait lui-même... Enfin, une partie de lui-même. Parce qu’au bout du compte, son arrivée à Nishinaka l’obligea à porter ce masque afin d’oublier un tant soit peu son passé qui le hantait chaque nuit. Il espérait peut-être que le « sourire » réussisse à le sauver à son tour.

Hors Tôru n’aimait pas cette ville, il n’aimait pas ses nouveaux géniteurs non plus, encore moins ce fichu maire. Quand il était petit, qu’il avait encore ses parents près de lui, il ne se sentait déjà pas libre et à l’heure actuelle, il avait plus le sentiment de vivre dans une prison gigantesque avec de merveilleux jouets en compensation. Alors, il s’était mis en tête de modifier ça et ce, par tous les moyens. Il n’avait pas peur d’essayer de trouver des informations dans la maison du maire en personne, il n’avait pas peur de mettre son nez là où il ne devait pas. L’avantage d’avoir une « famille » qui est proche de ce dernier et qui nous permet d’assister à de nombreux dîners ou même d’entendre certaines choses qu’on ne devrait pourtant pas savoir.

Parallèlement, il avait toujours dit qu’il aurait aimé, un jour, ouvrir son propre orphelinat. Etrange pour un enfant qui faisait tout pour le fuir il y a quelques années. Toutefois, Tôru se souvenait de ce qu’il avait traversé, de ses camarades qui étaient dans le besoin et du fait qu’on ne les a jamais abandonné. Pas même lui qui l’aurait certainement bien mérité. Ces quatre années qu’il avait passé là-bas, il les gardait précieusement en mémoire parce que malgré tout, cette femme avait vraiment été sa sauveuse lorsqu’elle l’avait sorti de sa cachette. Comme promis, elle lui avait offert un toit et de la nourriture. Nombreux étaient ceux qui auraient aimé être à sa place. Il n’avait pas cherché à compter sur l’argent de ses parents adoptifs. Il avait travaillé durement, enchaînant des boulots par-ci par là, obtenant les diplômes nécessaires pour avoir la charge d’enfant et il avait finalement ouvert son orphelinat à Nishinaka, le 17 aout 2015, pour son anniversaire. Dans une ville qu’il n’aimait pas certes mais une ville qui finirait par se transformer tôt ou tard. Puisque la roue tourne...


Posant doucereusement sa main sur la tombe, le jeune homme arbora une tendre esquisse avant de se redresser, sans jamais quitter la stèle des yeux. Chaque année, à cette date précise, il se rendait à Himi pour leur rendre visite. Il n’avait plus peur maintenant et il leur devait bien ça. Sous les fleurs de lys, il y déposa une photographie qui les représentait tous les trois avant de s’en aller pour de bon. La pluie s’était calmée pour laisser place à une légère brise qui souleva l’image, la retournant de plein fouet mais celle-ci ne s’envola pas, retombant sur la tombe. Le côté blanc était visible et si on s’approchait, on pouvait y remarquer que quelque chose était inscrit dessus.


Et il se promettait, secrètement, de devenir quelqu’un de meilleur.

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