Nijimura Tooru ▬ when a door closes another door opens

Who I am inside:

My little story:

« Cette machine peut faire jusqu'à 1200 tours par minute » ; mais quelle révolution que voilà !

Enfin, ce n'était pas utile. Autant de tours par minutes. 1000 étaient suffisants pour bien essorer le linge... mais les fabricants aimaient bien pousser. C'était peut-être un concours ou quelque chose comme ça ? Tooru ne savait pas trop, et pour dire la vérité, il s'en fichait comme de l'an 40. Son rayon, c'était l'électronique. Alors qu'est-ce qu'il faisait là, au beau milieu du rayon électroménager, à tenter de conseiller le couple devant lui ?
Question inutile, il savait pourquoi il était là. L'un de ses collègues était absent, et son supérieur lui avait gentiment dit d'aller le remplacer. Pourquoi lui ? Avait-il la tête d'un vendeur de machines à laver et frigos en tout genre ? Non. Bien sûr que non.

Ha, quand il y pensait, il pourrait être ailleurs. Son nom pouvait le porter loin, très loin même ! Il pouvait le porter jusqu'aux devants de la scène, sous les feux des projecteurs. Il était intimement convaincu qu'il aurait été un excellent mannequin... Ou un acteur. Il aurait pu essayer de suivre la carrière de sa mère, brillante actrice de sa génération, star nationale. Il aurait aussi pu reprendre le patrimoine politique de son père, brillant homme de pouvoir influent dans le pays, et combattre contre le réchauffement climatique sur la scène internationale. Oui, il aurait pu... mais voilà qu'il se trouvait ici, à faire tourner le tambour de la machine parce que « Oui, il peut aller très vite » ; les clients croyaient qu'eux, les vendeurs, dormaient dans les machines pour vérifier que oui, le tambour tournait très vite !?
Bon sang... qu'est-ce que le monde avait fait de lui.

Originaire de Fukuoka, Tooru vit le jour le 20 juillet 1990. Il grandit dans une grande maison, entouré de tout un personnel prêt à répondre à ses moindres désirs. Son père, un homme politique, et sa mère, une actrice de talent, ne cessaient de faire parler d'eux grâce à ce petit bout de chou. On lui écrivait un avenir sûr, un avenir brillant. On disait de lui qu'il serait le digne descendant d'un patrimoine génétique au bord de la perfection.
Et comme un bonheur n'arrivait jamais seul, trois ans après avoir mis Tooru au monde, sa mère donna naissance à un autre petit garçon : Sho.

Plutôt moyen dans les études, Tooru pensait ne pas être fait pour ça. Lui, il préférait bouger, se dépenser. C'était pour cette raison qu'il voyait le sport comme sa seule liberté. Et il avait touché à tout : natation, basket, volley, badminton... Le sport, c'était son truc. Sa manière de s'évader de ce monde médiatique qu'il ne portait pas particulièrement dans son cœur. C'était lassant de voir que ses exploits sportifs étaient inscrits dans tous les journaux locaux. C'était lassant d'entendre tout le monde lui répéter qu'il avait de la chance d'être né dans cette famille. C'était lassant de faire croire à tout le monde qu'un brillant avenir l'attendait. Il s'en fichait pas mal de la politique. Il s'en fichait pas mal de bien savoir réciter son texte de théâtre. Lui, ce qui l'intéressait, c'était le sport. Surtout le basket.
Quand il jouait, il oubliait tout ce qui l'entourait. Il oubliait son propre nom, il oubliait ses propres origines. Il n'y avait que le jeu qui comptait. Et s'il avait réussi à éveiller quelques jalousies, ce n'était pas grâce au nom Nijimura, non, c'était tout simplement grâce à son talent. Grâce à la sueur de son front, et sa volonté de faire mieux, toujours faire mieux.
D'ailleurs, s'il voulait toujours donner le meilleur de lui-même, c'était pour Sho, son petit frère. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il l'avait toujours supporté. Même quand Tooru allait contre la volonté de ses parents et qu'une dispute éclatait, Sho était toujours de son côté. Il était toujours là pour l'encourager. Il assistait à chacun de ses matchs, et n'en avait jamais loupé aucun.
Petit à petit, on lui décollait cette image de futur homme politique, ou de futur acteur. Petit à petit, on lui écrivait une fabuleuse histoire, celle d'un adolescent et de son ballon. Celle d'un lycée qui deviendrait un jour un grand joueur.

Malheureusement, son histoire s'arrêta nette du jour au lendemain. Il n'avait jamais spécialement rêvé d'être un joueur professionnel. S'il jouait, c'était parce qu'il aimait ça. Mais à force d'entendre ici et là qu'il pourrait affronter les plus grands, il s'était mis à y songer. Il n'aurait pas dû ; la chute fut douloureuse.
Il se donnait à fond, tout le temps. Il ne vivait plus que pour le basket, et misait presque tout dessus. Sauf qu'il était tellement acharné que même après un dur entraînement, il s'entraînait encore. Seul. Il n'était jamais satisfait de ses performances, même quand son équipe gagnait. Il ne se trouvait jamais au top de ses capacités ; il le savait, il le sentait, il était capable de tellement plus...
Sauf qu'un jour, c'en fut de trop, et son genoux lâcha. Une vilaine blessure qui, aujourd'hui, le rendait incapable de tenir un match entier sans souffrir le martyr.
Impossible pour lui de songer à une carrière professionnel ; et le médecin avait été très clair à ce sujet.

Sa dernière année de lycée fut donc la plus difficile. Il avait dû faire face à son avenir brisé, en plus de devoir supporter plusieurs critiques à son sujet, dans la presse ou à l'école. Les critiques les plus douloureuses furent celles de ses anciens coéquipiers. Oh que les « amis » étaient gentils quand tout allait bien, quand tout roulait à merveille. Oh que les « amis » n'étaient que trahisons et hypocrites quand tout s'écroulait. Ils lui avaient pratiquement tous tourné le dos. « C'est ce qu'on récolte quand on se prend pour le meilleur » ; « Il a cru que s'appeler Nijimura l'aiderait dans la vie ? Le con » ; « J'ai pas peur pour lui, les fils à papa et à maman ont toujours ce qu'ils veulent de toute façon » ; ou tout simplement des « C'est bien fait pour lui. Je l'aimais pas de toute façon »
Tooru, d'un naturel sociable, s'était renfermé sur lui-même. Il n'allait plus vers les gens, il ne souriait ni ne plaisantait plus à tout bout de champs. Il s'enfermait dans sa chambre le soir après l'école. Il s'enfermait dans son monde et s'offrait plusieurs heures de tranquillité. Il n'osait même plus soutenir le regard de Sho ; il en était sûr, il l'avait déçu lui aussi.
Alors il s'asseyait à son bureau, devant son ordinateur, et se laissait aller, plongeant la tête la première dans un monde plus ou moins fictif, où tout se passait plus ou moins bien, mais où il oubliait ses problèmes : le vaste univers d'internet.

Il était rapidement devenu accro. Il passait le plus de temps possible derrière son écran, regardant films, séries, animes... tout ce qui passait. Il lui arrivait aussi de se plonger dans la lecture, mais pas n'importe laquelle : les mangas. Ha, il en avait passé des heures sur son lit à s'imaginer à la place du héros qui s'activait sur ces pages entre ses mains.
Il s'était aussi laissé embarquer dans quelques découvertes musicales. Il avait toujours aimé la musique, mais durant cette période, la musique lui avait fait un bien plus que bénéfique. Elle lui avait permis de se calmer, de se ressourcer, mais aussi de s'oublier.

Il y avait aussi eu les jeux vidéos. Ils lui avaient permis de se défouler autant qu'il le souhaitait. Il pouvait jusqu'à l'épuisement, jusqu'à s'endormir devant. Il avait d'ailleurs plusieurs pris sa manette pour une peluche incroyablement douce et aimante. Là aussi, il en avait passé des heures devant sa console.
C'était un fait, il était devenu accro à tout ce qui touchait la technologie ; adieu argent de poche, bonjour bonheur.

La fin de cette année chaotique arriva enfin, et avec elle, un grand changement : l'université. Il s'en était plutôt bien sorti aux examens, et avait par conséquent réussi à intégrer une assez bonne université ; de toute manière il avait déjà rayé les universités pour « gosses de riches » de sa liste, hors de question d'aller là-bas.
Il était donc parti faire des études de marketing à Tokyo ; il avait voulu tenter l'école du cirque, mais connaissant le phénomène, capable de trébucher à cause de ses propres pieds, l'idée disparut aussi vite qu'elle était venue : il aurait fini par mettre le feu au cirque, littéralement.

A Tokyo, seul, il avait appris à se connaître, mais aussi à tirer un trait sur le passé. Le chemin jusqu'à cette conclusion avait été long et pas très laborieux, mais il y était arrivé.
Il avait son propre appartement, ses amis, sa vie. Il était loin de Fukuoka, loin de son passé. Peu à peu, l'on retrouvait l'ancien Tooru, celui d'avant son expérience traumatisante. Il redevenait le petit garçon sociable qu'il était, et s'amusait à nouveau de choses futiles.
Il s'était à nouveau rapproché de Sho, retrouvant joyeusement leur complicité d'antan. Il s'en voudrait toujours un peu de l'avoir mis de côté pendant une année, même si au fond, il savait que Sho comprenait.
Il passait moins de temps devant son pc, mais restait toujours fermement accroché à son iPod. Bon sang, s'il pouvait l'épouser, il le ferait sans hésiter.
Malgré tout, il avait l'impression que quelque chose lui manquait. Tokyo, c'était bien, c'était beau, c'était génial... mais il ne s'y sentait pas à sa place. Tokyo ne lui offrait pas ces choses dont il rêvait tous les soirs.

Une fois son diplôme en poche, Tooru ne pensait plus qu'à une chose : Nishinaka. Il en avait entendu parler tout au long de ses années d'université. Et plus le temps passait, plus il devenait curieux. Il voulait aller là-bas. Il voulait y vivre. Il voulait y passer sa vie.
Cette ville... c'était le Paradis sur Terre. Tooru ne connaissait pas meilleur endroit. Tokyo n'était rien à côté, et Fukuoka semblait encore plus lointain, et plus minuscule.
Les avancées technologiques qu'offraient la ville le dépassaient complètement, mais l'excitaient tout autant. Il était curieux de tout découvrir.
Il avait suivi avec docilité chaque nouvelle sortie. Portable, baladeur, ordinateur, consoles... il avait tout suivi, il avait tout testé. Et Nishinaka pouvait lui offrir encore plus ? C'était parfait.
Il voulait habiter là-bas. Mais il ne voulait pas y aller seul.

C'était pour cette raison qu'il était reparti à Fukuoka avec la ferme attention de convaincre Sho de le suivre. Parce que si Nishinaka semblait être une aventure solitaire à deux doigts de la perfection, à deux, cela semblait encore plus irréel.
Et puis, s'il pouvait vivre un rêve, autant le partager avec son frère.

Défi relevé puisqu'il vivait actuellement dans cette ville utopique avec son petit frère. Ils vivaient sous le même toit, dans un bel appartement de Narikin, gentiment payé par Papa et Maman Nijimura ; qu'est-ce qu'on ne faisait pas pour faire plaisir à ses enfants quand même...
Tooru avait rapidement trouvé du travail. Il ne pouvait pas dire si c'était grâce à son charme naturel flagrant, ou grâce à son nom, mais il avait un travail. Un travail qui payait plutôt bien, et qui lui permettait de pouvoir s'acheter tout ce qu'il désirait ; puis il n'avait pas de loyer à payer, donc ça faisait déjà ça en moins chaque mois, ce n'était pas rien.
Et en plus d'avoir un -bon- travail, Tooru avait intégré la NSA. Il avait postulé de lui-même, sans réellement penser qu'on accepterait de le prendre. Il était observateur et discret, mais maladroit comme pas deux. Il était du genre un peu trop franc pour son propre bien, mais heureusement quelqu'un de posé. Tout cela pour dire qu'il n'avait pas vraiment cru réussir, et pourtant... il était bel et bien NSA.
Il était donc prêt à chevaucher son fidèle destrier, sa moto, pour aller revendiquer les bienfaits de la technologie ; viva la technologie !! (il n'était pas non plus très frais comme garçon... en bref, il était un imbécile. Un vrai imbécile. Mais un imbécile heureux, ha)

Et puis, il y avait un autre côté positif à être NSA : il s'en doutait, certains de ses anciens camarades se baladaient tranquillement dans les rues de Nishinaka. Denshou, ou Shinki, ça lui était égal... Il comptait bien les surveiller. Epier le moindre de leurs mouvements, le moindre de leurs faux pas... et les faire tomber le moment venu.
Lui ? Rancunier ? … oui.

En parlant de rancune, il allait en vouloir à son collègue absent pour lui faire subir ça. Sérieusement, il devrait songer à porter plainte.

« Elle fait 1200 tours par minute, je l'ai dit avant. Et oui je suppose que ça tourne vite pour en faire autant. Je vis pas dedans vous savez ? Il tourne à combien de tour par minute votre cerveau pour que ça mette autant de temps à monter ? »

Non, vraiment, l'électroménager, c'était pas son rayon...  

A propos de moi: