Attrape-moi si tu peux • | [YUI & KYO ♥]

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Kyohei adorait lire. Il avait toujours adoré lire. Et quand on l’avait placé dans une bibliothèque il y a quelques mois, il avait été des plus heureux. C’était un peu un grand paradis : tous ces bouquins à perte de vue. Malheureusement, là aussi, le jeune homme avait trouvé un moyen de s’ennuyer ou de ne pas faire son boulot correctement. Parce qu’il y avait cette femme. Elle était belle, il n’aurait pas pu dire le contraire néanmoins plus qu’être belle, elle l’avait souvent déstabilisé sans que le garçon ne puisse expliquer pourquoi. En sa présence, il se trouvait toujours mal à l’aise et c’était la raison pour laquelle, il fuyait toujours à l’autre bout de la pièce pour ne pas avoir à la croiser ou lui parler. Surtout qu’elle était tenace cette bibliothécaire... Elle n’était pas méchante, il pensait même qu’elle avait l’air étrangement sympathique. Pourtant il n’y arrivait pas. Yui était la seule que le magicien peinait à approcher de la sorte, si bien qu’il agissait toujours froidement quant elle était là. Elle avait du le trouver bizarre plusieurs fois. Puis quand il était parti, Kyohei se rappelait encore de son visage qui prenait un malin plaisir à le taquiner. Ce n’était pas amusant pour lui. Parce qu’il n’avait jamais été capable de comprendre ce qui clochait entre lui et cette femme. Pourquoi elle dégageait cette aura qui l’impressionnait autant ? Il n’avait d’ailleurs jamais compris pourquoi une fille comme elle travaillait dans une bibliothèque. Pas parce que ça ne lui correspondait pas mais plus parce qu’en général, les personnes qui travaillent dans ce genre d’endroit sont moches et portent des lunettes non ? Encore un stéréotype probablement.

Tout ça pour dire que la NSA lui avait demandé d’y retourner pour une journée à cause d’un agent manquant et qui devait être remplacé. Malheureusement Kyohei n’avait pu refuser et il avait soupiré - toujours - car ça signifiait la revoir, passer encore son temps à l’ignorer ou à l’observer discrètement. Il se disait qu’il fallait voir le côté positif. Au moins il ne serait pas coincé avec son collègue poissonnier, à savoir qui ferait le plus de ventes aujourd’hui et il préférait largement se perdre dans des lots de bouquins plutôt que d’appâter des clients avec des bouts de viandes. Alors, il était venu, il avait réussi à l’éviter jusque là et ranger tranquillement les rangés de livre en silence. Parfois il s’arrêtait sur un ou deux, fouillant à l’intérieur afin de regarder de quoi cela parlait et si ça l’intéressait, il s’y attardait un peu plus. Justement, il y en avait qui l’intriguait plus que les autres. Perdu dans sa lecture, il en avait presque oublié ce qui l’entourait, tournant les pages une à une, lisant doucement, concentré. L’histoire était vraiment intéressante et l’écriture était si fluide qu’il aurait pu finir le roman en moins d’une heure. Cependant, ça, c’était avant que le jeune homme soit dérangé par des bruits bizarres venant de sa droite. Le livre toujours en main, fermé à son doigt qui tenait la page où il s’était arrêté, le garçon se dirigea au bout de l’allée pour voir ce dont il s’agissait. Ses paupières papillonnèrent aussitôt à la vue de la demoiselle qui était en train de se coiffer et parler dans le vide à... Son ordinateur portable ? Il aura tout vu en venant ici.

Lui qui était habituellement si discret en général ne l’était plus du tout tandis qu’il l’observait, plus amusé que jamais. En premier lieu, son expression était restée des plus neutres néanmoins plus il la contemplait, plus l’esquisse sur ses lèvres s’élargissait avant qu’un faible rire s’échappe légèrement de sa bouche. Il était incapable de décrire ce qu’il y avait de drôle, juste que la voir faire ça l’amusait réellement. Elle avait l’air un peu bête en fait à dialoguer toute seule bien qu’il se doutait qu’elle s’enregistrait certainement. Mais ça n’avait pas d’importance. Ce n’était qu’un détail et hors contexte, c’était drôle. Sauf que... Il aurait dû s’y attendre. A rigoler de la sorte, sa collègue l’avait également entendu et avait redressé ses prunelles en sa direction. Kyohei avait, par réflex, détourné machinalement le regard, mimant un air impartial tandis que son livre manqua de tomber. Il voulut le ranger sur l’étagère, désirant feinter et montrer qu’en réalité il n’était pas en train de se moquer d’elle toutefois ce fichu bouquin refusa de rentrer sur le meuble, s’écrasant alors sur le sol. Le magicien grommela entre ses dents, insultant le pauvre roman qui n’avait rien fait lui et tout en s’abaissant pour le ramasser, il jeta des coups d’oeil discret près de lui. La jeune femme avait disparu. Peut-être qu’elle ne l’avait pas capté finalement... Il aurait dû se douter que c’était trop beau pour être vrai... Quand il se redressa, Yui était là, devant lui et plutôt que lui parler, il se plaça de profil afin de terminer son rangement. L’ignorer ne fonctionnait vraisemblablement pas. Et sentir ce regard posé sur lui le déstabilisait.

- Quoi ?! Pesta alors l’agent dans un soupir tandis qu’il noya ses yeux froid dans les siens, Je suis occupé, ça ne se voit pas ?!

Son ton était moins dure que d’habitude et le malaise se ressentait probablement dans sa voix. Il détestait tellement être pris sur le fait, ça l’énervait. Si bien qu’il fit claquer sa langue contre son palet car il savait que la demoiselle ne le laisserait pas tranquille après ça.

WILDBIRD

En se levant ce matin, Yui avait senti une vague de démotivation l'envahir. Pourquoi n'avait-elle toujours pas trouvé de travail ailleurs ? Elle faisait presque des cauchemars à force de voir cette bibliothèque tous les jours...
Comme les autres matins où la motivation n'était pas là, Yui pensa à cette belle télé qu'elle aimerait s'offrir... sauf que pour ça, il fallait travailler !

Quand sa supérieure arriva vers elle en l'informant que Kyohei, qui était venu travailler à la bibliothèque il y a quelques mois, était revenu pour une journée, elle eut la sensation que cette journée allait passer rapidement. Elle était presque impatiente de revoir le jeune homme et de l'entendre dire qu'il n'avait pas le temps de lui parler, ou qu'il était occupé. De toute manière, à l'entendre, il était tout le temps occupé... Même Yui n'était pas autant occupée que lui, et elle travaillait là depuis bien plus longtemps !

Malheureusement, le jeune homme avait recommencé son petit manège : il l'évitait. A croire qu'elle avait la peste ou quelque chose comme ça. Mais plutôt qu'être énervée ou vexée, Yui était amusée. Et là encore, c'était un bien petit mot pour décrire ce qu'elle ressentait.
Il y a quelques mois encore, ce genre de comportement venant de la part de Kyohei l'aurait agacé. Mais maintenant, tout ça l'amusait. Elle l'avait peut-être martyrisée dans une vie antérieure, ou bien elle l'avait peut-être battue au bras de fer étant plus jeune... elle ne savait pas ce qu'elle avait fait pour que Kyohei l'évite.

Enfin bref, il était là. Elle le savait. Et elle savait qu'il savait. … en gros, tout le monde savait.
Jetant un coup d'oeil vers sa droite puis sa gauche, et ne voyant aucun Kyohei ni sa supérieure à l'horizon, elle alluma son ordinateur portable et démarra sa webcam. Elle allait enregistrer une vidéo explicative sur une coupe de cheveux. Elle avait reçu quelques demandes d'utilisatrices, et étant donné qu'elle avait à présent le temps... Ca allait l'occuper.
Elle plaça l'objet de manière à ce qu'elle soit bien dans le cadre, puis une fois ceci fait, elle commença ses directives pour réussir la coupe de cheveux parfaite.
Puis, au beau milieu de son explication très détaillée, elle l'entendit. Kyohei. Il était en train de rire. Elle releva la tête, plus rapide que l'éclair, et l'aperçut. Elle le regarda fixement et se retint de rire quand le jeune homme détourna le regard. Elle avait l'impression d'avoir surpris Kyohei en train de faire une très grosse bêtise... Enfin, en l'occurence, elle l'avait surpris en train de se moquer gentiment d'elle. C'était pas gentil dis donc !
Profitant du fait que Kyohei regardait ailleurs, Yui quitta discrètement son siège pour aller le rejoindre. Elle se plaça donc à côté de lui. Et au vu de la réaction de son collègue, il ne s'attendait pas à ce qu'elle vienne.
L'observant... ou plutôt le fixant, elle essaya tant bien que mal de ne pas sourire. Néanmoins, on pouvait voir que le coin de ses lèvres était relevé et on pouvait lire dans ses yeux qu'elle n'avait qu'une envie : rire.

Kyohei se mit soudainement à parler, la surprenant presque. Elle était sûre et certaine qu'il allait rester muet, faisant mine de ne pas l'avoir vue pour fuir dans la direction opposée.
Elle haussa rapidement un sourcil avant de laisser un petit rire quitter le fond de sa gorge. Il ne paraissait tellement pas crédible à ses yeux... Pour ranger les livres, il était plus ou moins doué, mais Yui était sûre d'une chose, il ne devait pas viser la carrière d'acteur.
Puis non, ça ne se voyait pas. A quoi était-il occupé ? A se moquer d'elle ? Quelle occupation...
Sa manière de parler lui rappelait soudainement son frère -le plus jeune des deux-. Il avait tendance à s'adresser à elle de la même façon durant sa période rebelle à l'adolescence. Mais Yui étant Yui, elle n'avait jamais accepté qu'il s'adresse à elle de cette façon. Elle avait su lui remettre les idées en place, et il avait bien vite abandonné cette manière de parler face à elle.

Croisant ses bras sur sa poitrine, elle l'observa à nouveau quelques secondes.

« Bonjour, d'abord »

Ils ne s'étaient pas vus depuis un moment et la premier mot qu'il lui adresse était un « Quoi ?! ». Et la politesse alors ?

« Enfin bref... », soupira-t-elle doucement, « C'est si amusant que ça que de me voir parler seule ? »

Elle décroisa lentement ses bras, les laissant retomber mollement le long de son corps. S'il trouvait déjà amusant le fait de la voir parler seule, qu'est-ce que ça aurait donné si elle avait été en train de faire la démonstration dans ses cheveux... Elle l'aurait retrouvé par terre en train de se rouler de rire ?
L'envie de l'embêter grandissant lentement, elle contourna le jeune homme tout en parlant :

« Si tu veux tout savoir, je faisais une vidéo. Pour expliquer comment réaliser une certaine coiffure seule. Tu sais, c'est le genre de coiffures pas très facile à faire quand on est seule. Donc je donne quelques astuces »

Oh, elle savait qu'il en avait strictement rien à faire. Elle savait aussi qu'il allait certainement lui dire qu'il s'en fichait et que non, il ne voulait pas savoir. Ou s'il le disait pas, il allait au moins le penser. Elle lui sourit une nouvelle fois avant de laisser son regard dévié sur les rangées de livres près d'eux, elle se demanda quel livre il était en train de lire. Voir tous ces livres lui rappelaient bien évidemment son père. Il avait fait la critique d'un bon paquet de livres.. certains devaient même se trouver ici d'ailleurs.
Sans réfléchir, elle prit l'un d'eux en main et le feuilleta rapidement. La sensation du papier contre ses doigts lui semblait presque étrange... Même si elle travaillait ici, il était rare qu'elle prenne un livre pour le lire. Elle était toujours trop occupée avec ses vidéos pour faire autre chose de toute manière.
Un petit sourire nostalgique étira ses lèvres alors que son doigt caressait avec lenteur l'une des pages du livre. C'était bizarre de se dire que, petite, elle n'avait eu que des livres en mains, et que maintenant, adulte, elle préférait tenir sa tablette pour livre. Soupirant faiblement, elle reposa le livre avec soin dans son emplacement, et releva la tête vers Kyohei. Pas question de le laisser filer en se replongeant dans ses souvenirs ! Maintenant qu'il le tenait, il était hors de question pour elle de le laisser partir.

« Alors dis-moi », commença-t-elle en le contournant une nouvelle fois, retournant à sa place initiale, « Tu étais passé où pendant tout ce temps ? Qu'est-ce que tu faisais d'intéressant pour oublier de passer dire bonjour ? »

A le contourner de cette façon toutes les trois minutes, elle devait ressembler à une lionne qui contournait sa proie avant de lui sauter dessus pour la dévorer. Mais elle n'était pas encore cannibale, donc il pouvait se rassurer de ce côté-là. Si elle faisait ça, c'était uniquement pour éviter qu'il prenne la fuite d'un côté ou d'un autre. Il était malin, s'il voulait fuir, il y arriverait quand même, que Yui lui tourne autour ou non.

Malgré son sourire fin toujours présent sur les lèvres, elle lui lança un regard accusateur. Elle était curieuse de savoir ce qu'il allait répondre à ça. Parce qu'évidemment, il allait dire qu'il avait bien plus importante à faire que de passer ici. … sauf qu'il aurait pu venir la voir au moins une fois ! Non mais...

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Bon, d’accord. Peut-être qu’il n’était pas si poli que ce qu’il disait néanmoins ce qu’il fallait expliquer était que le jeune homme n’avait reçu aucune éducation. Il avait appris tout seul, sans l’aide de personne. Bien sûr, il était allé à l’école toutefois c’était aux parents de nous enseigner ce genre de choses et malheureusement, il n’avait pas eu la chance d’avoir une famille correcte. Son père, il ne le connaissait pas et sa mère ne l’aimait pas pour une raison que Kyohei n’avait jamais su. Avec le temps, il s’en était lassé, il avait fait avec et s’était débrouillé tout seul. Donc qu’on arrête de lui reprocher son comportement, c’était agaçant. S’il n’avait pas envie de saluer, ça ne regardait que lui non ? Et puis, si on n’était pas content, on n’avait qu’à passer son chemin pour le laisser tranquille. Kyohei s’imaginait mal lui rétorquer cela, mal à l’aise, il avait préféré détourner le regard de plus bel, non pas sans avoir claquer sa langue à son palet pour la seconde fois. Il faudrait réellement qu’il parvienne à contrôler ses fichus tics parce qu’entre ses soupirs et ses claquements de langue, il devait en agacer plus d’un. Peu importait après tout, on n’avait qu’à pas l’irriter en premier. A chaque fois que Yui essayait de croiser son regard, le magicien égarait le sien ailleurs, la maudissant intérieurement tandis qu’elle lui donnait le tournis à le contourner autant de fois. Il n’avait pas l’intention de s’enfuir si c’était ce qu’elle appréhendait. Il avait sa fierté tout de même et un homme qui prend ses jambes à son coup, c’est loin d’être classe. Pas du tout viril. Déjà qu’il ne se voyait pas comme quelqu’un de viril, si en plus, il tentait de s’échapper de la sorte, il pourrait se traiter de lâche et jeter son badge des NSA.

Ses yeux se dressèrent machinalement en l’air quand sa collègue commença à lui expliquer ce qu’elle était en train de faire et dont en réalité lui s’en fichait royalement. Il l’appréciait réellement toutefois, cet attrait pour la technologie, pour le web, il ne parvenait pas à le comprendre et il n’avait pas envie de déblatérer sur le sujet. Il serait obligé de mentir et il ne voulait pas. Il avait déjà son lot de mensonge dans sa vie pour en ajouter d’autres. Et il ne souhaitait pas lui mentir non plus de toute manière. Yui devait savoir que ça ne l’intéressait pas après, ça se voyait à la lueur indifférente qui brillait dans ses pupilles et au fait que pendant qu’elle concevait ses vidéos de coiffure, lui prenait plaisir à feuilleter les bouquins. Il ne saisissait pas non plus ces gens qui préféraient lire sur une machine électronique... Ca le rendrait triste si du jour au lendemain, il ne pouvait plus sentir la sensation des pages entre ses doigts. C’était particulier... Presque nostalgique. Un livre était une œuvre à lui seul, le dématérialiser était quelque chose de cruel. Pour rien au monde, il ne désirait ça. Ca ne le dérangeait pas que sa ville se développe, que la technologie règne en maître et que certains soient dépendants de tous ces gadgets. Juste lui tout ce qu’il demandait était qu’on ne touche pas aux bouquins et qu’on lui laisse le plaisir de les lire sur du papier comme maintenant. Dans son appartement, il en avait une grande de bibliothèque aussi et lorsqu’il avait le temps, il se reposait sur son canapé pour se perdre dans un monde fictif.

Son regard toujours détourné, le garçon rangeait les romans à nouveau, ignorant la demoiselle à ses côtés qui s’était soudainement tu. Par curiosité, il avait dévié ses prunelles discrètement en sa direction et avait été surpris de la surprendre en train de lire. Il n’en avait rien dit et avait aussitôt reporté ses yeux sur l’étagère quand Yui avait reposé le livre qu’elle tenait entre ses mains à l’instant.

- Je n’ai pas oublié, Lança Kyohei sans la regarder, son attention toujours porté sur les bouquins rangés face à lui, Je n’avais pas envie, c’est tout.

En réalité, ça lui était déjà arrivé de passer devant plusieurs fois et de s’arrêter, hésitant. Seulement il n’était jamais entré à l’intérieur, ne sachant pas ce qu’il viendrait y faire. Il y avait cette partie de lui qui souhaitait la voir, voir si elle était toujours la même ou si elle avait changé - ce qui était stupide puisque uniquement quelques mois s’étaient écoulés depuis - et il y avait l’autre partie qui lui conseillait de partir. Parce qu’ils n’avaient jamais vraiment dialogué, qu’il n’était jamais lui-même en sa présence et que sa propre attitude l’effrayait. Si on omettait son enfance, depuis qu’il était entré au collège rien ni personne ne l’avait déstabilisé de la sorte. Et il ne comprenait pas pourquoi il y avait qu’elle qui avait cet effet là sur lui.

- Mais je travaillais, puisque cela semble t’intéresser. Et arrête de tourner comme ça ! Râla-t-il en l’observant cette fois-ci et soufflant, Tu me donnes le tournis. Qu’est-ce que tu veux ? Je t’écoute.

Parce que si elle restait ici, il y avait bien une raison non ? Pour se préserver, le magicien avait préféré installer une certaine distance entre eux et égarer à nouveau ses yeux ailleurs. Il ne savait même pas quoi lui dire... Il aurait voulu lancer une conversation, pourtant aucun mot ne sortait de ses lèvres et ça aussi, ça l’agaçait. Il pouvait tellement être plus drôle d’habitude, plus cool aussi... Et là, il n’était qu’un idiot qui ignorait où poser ses yeux parce qu’il était hors de question de la regarder elle.

WILDBIRD

Encore une fois, elle l'observait alors qu'il parlait. Cette fois-ci elle était moins surprise, elle s'était attendue à avoir une réponse. Et il pourrait au moins la regarder lorsqu'il parlait. Enfin... Yui n'était pas sa mère, elle n'allait pas lui refaire son éducation, et puis... c'était sa façon d'être.
Non surprise de la réponse, elle fit tout de même une moue étonnée, lâchant un peu « Eeeeh ? ». Elle non plus ne devait pas être actrice, elle jouait très certainement mal. En même temps, là, elle le faisait exprès...
Elle prit appui comme l'étagère à côté d'eux, y collant son épaule alors que son visage était toujours tourné vers le jeune homme. Elle ne l'avait tout simplement pas quitté des yeux. Si elle pouvait, elle resterait comme ça tout la journée : ici, à rien faire, juste à fixer Kyohei. Non seulement c'était amusant, mais en plus, elle n'était pas seule et donc le temps passait plus vite. CQFD, elle devait rester là.

« J'arrête, j'arrête », dit-elle en riant légèrement.

C'était une impression ou il s'était décalé ? Et en plus, il ne la regardait toujours pas.

« Ce que je veux ? Alors attends, laisse-moi réfléchir... Hm... »

Elle fit alors mine de réfléchir. Que voulait-elle ? Il y avait cette nouvelle télé qui lui faisait régulièrement de l’œil. Ou alors cette coque de portable noir et rouge qu'elle trouvait parfaite. Ou bien, cette petite veste en cuir qui la suivait même dans ses rêves. Oh et puis, il y avait aussi...

« Un nouveau maillot de bain. Mais je suis pas sûre que tu en aies un dans ta poche »

Yui ne pouvait clairement pas dire que la seule chose qu'elle voulait, c'était l'embêter. Elle haussa alors les épaules d'un air défaitiste. Voilà. Elle ne pouvait pas avoir son maillot de bain. Tristesse ! Ses lèvres se froissèrent en un rictus d'amusement, avant que son regard ne se focalise sur autre chose.
Elle s'avança doucement, comblant la distance entre eux, et, d'un geste purement amical, vint lui taper l'épaule, tout en murmurant « Je reviens dans un petit moment... Ne t'enfuis pas, hein ? ».
Elle contourna Kyohei une nouvelle fois mais ne se tourna pas vers lui cette fois-ci. Elle partit en direction de sa supérieure qui venait de lui faire signe. Ses talons claquèrent presque au ralenti sur le sol alors qu'elle s'éloignait. Elle repensa à son geste : c'était sans doute la première fois qu'elle avait tenté ce genre de choses avec Kyohei. Il lui arrivait de le faire souvent avec ses frères. Un reste de sa période garçonne, sans doute.

Cependant, même à quelques mètres, Yui ne pouvait s'empêcher de lancer quelques regards en direction de Kyohei. Elle n'en avait pas l'air mais elle écoutait attentivement tout ce que lui racontait sa collègue, et au bout de plusieurs minutes, elle finit par hocher la tête tout en prononçant quelques mots.
Une fois sa supérieure partie, elle retourna immédiatement auprès de Kyohei, toute sourire, une feuille en main. On lui avait demandé de se rendre dans les archives. Il y avait un carton rempli de livres qu'il fallait porter dans la salle de réunion. En temps normal, Yui aurait retroussé ses manches et y serait allée. Une carton plein ne lui faisait pas peur.
La dernière fois qu'elle avait dû faire ce genre de choses, elle avait été obligée de faire un aller-retour. Sportive comme elle l'était, ça n'avait même pas été un problème : elle avait retrouvé son siège, sans une goutte de transpiration, et avait l'air toujours aussi fraîche que le matin en arrivant. C'était de la magie façon Yui.
Sauf qu'aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui, il y avait Kyohei. Et elle était bien décidée à passer encore un peu de temps en sa compagnie ; que ça lui plaise ou non d'ailleurs.

« Je sais que tu es très occupé », commença-t-elle en accentuant le « très », « Mais tu peux m'aider à déplacer quelques livres dans la salle de réunion ? »

Elle lui sourit, tout en lui tendant la feuille qu'elle tenait entre les mains. La liste de tous les livres qu'il fallait déplacer. Même s'ils étaient déjà dans le carton, il fallait vérifier qu'ils y soient tous avant de faire le déplacement. C'était en général assez rapide à faire.
Puis, ça la changerait un peu... elle allait pouvoir bouger, plutôt que de rester cloîtrée sur sa chaise (même si elle n'était pas assise actuellement, c'était tout de même un changement).

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Ses paupières avaient cligné d’elles-mêmes sous l’étonnement. Perplexe, Kyohei avait manqué de faire tomber le livre qu’il tenait entre ses mains à la rétorque de sa collègue. Un maillot de bain ? Rien que ça ? Elle n’était pas sérieuse n’est-ce pas ? Elle ne pouvait pas l’être. Elle pourrait penser à qui elle avait affaire en face d’elle... D’accord, il était peut-être bizarre néanmoins il n’en restait pas moins un homme. Ses yeux s’étaient détournés discrètement afin d’observer la silhouette de la demoiselle, la détaillant légèrement alors que malgré lui, il l’imaginait déjà en bikini. On n’allait pas se cacher, lui le premier, Yui était une sublime jeune femme avec des formes là où il en fallait. Il faudrait être gay pour ne pas être attiré un minimum par elle. Perdu dans ses réflexions, Kyohei ne s’était pas aperçu que son regard était toujours posée sur la bibliothécaire et qu’une étrange chaleur avait tout à coup parcouru son corps, un frisson le gagnant dans l’échine. Aussitôt, le magicien avait reporté son attention sur l’étagère, face à lui, tentant vainement d’effacer cette image de son esprit. Quelle idée avait-elle de lui parler de ça sérieusement ?! Comme si lui, un garçon qui lui parlait à peine, qui l’ignorait la plupart du temps, allait s’embêter à lui donner un maillot de bain. Heureusement qu’elle n’avait pas mentionné les sous vêtements parce que lui-même se serait posé des tas de question. Cette fille n’était pas net, il se l’était toujours dit. Elle le lui prouvait encore à présent. Tout d’abord, elle se filmait et parlait toute seule, maintenant elle lui demandait quelque chose de plutôt personnel. Certaines personnes lui échappaient réellement. Il n’avait pas relevé, se contentant de soupirer subtilement alors qu’il y songeait encore... C’était malin maintenant. Si Yui lisait dans ses songes, elle le traiterait de pervers. Mais en même temps avec un tel décolleté, qui n’aurait pas ce genre de pensées ? Il souffla de plus bel, priant à ce qu’elle s’en aille rapidement sauf qu’au lieu de ça, elle s’approcha un peu plus de lui avant de disparaître sans qu’il n’eut le temps de dire quoi que ce soit. Une chose était certaine, il était bien inutile de fuir désormais et de toute façon, il s’imaginait mal de le faire. Où pourrait-il aller ? La bibliothèque était certes grande mais à jouer au lâche constamment, Kyohei ne grandirait jamais.

Plongé dans son rangement, ou plutôt dans sa lecture, il avait oublié que la jeune femme avait parlé de revenir. Il lisait avec attention, arborant une fine esquisse temps à autre et sursauta légèrement à l’entente de cette voix qui l’avait interrompu dans son chapitre. A nouveau, il avait eu un bref mouvement de recul alors que pourtant, il n’y avait rien eu de si effrayant. Elle l’avait simplement coupé dans sa concentration. Son regard neutre était partie se noyer dans celui de sa vis-à-vis, prêt à se braquer à cause de cette intervention toutefois elle le devança et la contemplant de plus bel, Kyohei fut obligé d’égarer ses prunelles ailleurs dans la pièce. Lui-même s’interrogeait quant à savoir s’il serait encore capable de la regarder aujourd’hui puisque cette image ne disparaissait pas et qu’il était forcé de lutter pour ne pas se mordre la lèvre.

- Si tu veux, Répondit toutefois l’agent en haussant les épaules.

Il faisait toujours le désintéressé mais au fond, une part à l’intérieur de lui se disait « pourquoi pas ». Il était partagé entre désir de vouloir y aller et le désir de se rétracter pour déclarer qu’au bout du compte, il n’en avait pas envie, que c’était ennuyant. Mais sans parler d’être avec elle, il était curieux de découvrir quel était ces bouquins. Yui n’était pas méchante, elle était de bonne compagnie et si elle le déstabilisait souvent, il aimait bien l’entendre lui parler. Sa voix était agréable.

En silence, Kyohei se saisit de la liste avant de la devancer et de lire ce qu’il en était. Parfois il pensait ô combien c’était fou et ô combien il pourrait rester des heures dans une bibliothèque sans se lasser. Hors, la magie finirait par lui manquer. Toujours. A choisir entre les deux, il préférait le spectacle. Si on le voyait aujourd’hui, on peinerait à l’imaginer et malgré ça, il n’arrêterait pour rien au monde.
Ainsi, ils rejoignirent la salle des archives et chacun commença à trier les romans qui se trouvaient à l’intérieur des cartons. Les pupilles du garçon brillaient au fur et à mesure qu’il avançait dans ses tâches, comme si on lui montrait de véritables trésors. Certains dataient d’époque et ça le rendait fou de voir qu’à l’heure actuelle, il existait encore des traces de leurs ancêtres.

- Waouh !! S’exclama-t-il soudainement en tournant à la va vite les pages d’un des livres, Tu as vu ce bouquin ?! Il est fantastique ! J’ignorais qu’il y avait de tels livres ici, c’est génial !

La publication datait de centaines d’années mais le style d’écriture de l’auteur était fabuleux. Il était fluide et se lisait si facilement. Il aurait aimé pouvoir le prendre avec lui de façon à le lire tranquillement chez lui lorsqu’il aurait un peu de temps. Des étoiles s’étincelaient dans le creux de ses yeux, tel un enfant à qui on offrait un bonbon mais Kyohei revint vivement à la réalité en s’apercevant de son impulsivité et du fait qu’il s’était peut-être trop excité. Voilà pourquoi il s’arrêta tout à coup, toussota légèrement avant de ranger le livre et d’en prendre un autre sans jamais la regarder. Non, il ne s’était pas extasié de la sorte. Yui avait eu une hallucination, rien de plus.

WILDBIRD

« Si tu veux » qu'il avait répondu le monsieur. … Bah bien sûr qu'elle voulait ! Pourquoi elle aurait demandé sinon ?
Tout en souriant, elle le suivit lentement, laissant son regard traîner sur dos. Il avait l'air pressé, ou bien ? Ils arrivèrent alors dans la salle des archives. Retroussant ses manches, Yui se préparait déjà à devoir fouiller un peu pour trouver le bon carton. Par chance, leur précieuse boîte était entreposée de manière à être vue. Parfait, ils allaient pouvoir commencer.
Se mettant de l'autre côté de la table, en face de Kyohei, la jeune femme commença à faire doucement le tri. Elle prit son temps, détaillant chaque livre qui passait dans ses mains afin d'en vérifier l'état. Puis elle marqua d'un coup de stylo que le livre était là.
Soudainement, la voix de son collègue résonna. Pour la deuxième fois de la journée, il avait réussi à la surprendre. Elle releva doucement les yeux, les posant sur un Kyohei tout excité. Elle fit les yeux ronds : c'était la première fois qu'elle le voyait comme ça... ou alors elle ne s'en souvenait pas.
Une fois la surprise passée, un fin sourire étira ses lèvres. Elle avait l'impression d'être face à un petit garçon, c'était adorablement mignon. Elle voudrait bien presque lui pincer les jo.. Quoi ? C'était sa faute aussi, à paraître si émerveillé depuis un bouquin... C'était lequel qu'il regardait d'ailleurs ?

Et quand Kyohei se mit à toussoter, faisant mine de n'avoir rien fait, elle ne put s'empêcher de rire. Elle tenta de se faire la plus discrète possible, mettant sa main devant sa bouche. Cependant, cela ne la retint pas. Elle se mit à rire un peu plus fort, tout en agitant sa main pour s'excuser.

« Désolée », dit-elle enfin, « Mais t'étais tellement mignon, on aurait dit un petit garçon »

Elle lui offrit un sourire doux avant de rayer le nom du prochain livre. Elle espérait tout de même ne pas l'avoir vexé en riant, ça n'avait pas été son but.
En y repensant, il ne ressemblait pas à un petit garçon... mais à son chien, Sou, face à un nouveau jouet ! Sou faisait toujours mine de ne pas y prêter attention après avoir dévoré l'objet du regard, un peu comme Kyohei, genre « moi ? Aimer ? Même pas vrai, t'as rêvé ! » Ces deux-là devaient se rencontrer, elle était sûre qu'ils étaient faits pour être ensemble..
Elle se pinça légèrement les lèvres afin de garder cette pensée scellée dans son esprit plutôt que de l'énoncer à haute voix : déjà qu'elle n'était pas sûre qu'il ait apprécié être comparé à un petit garçon, comment réagirait-il si elle venait à le comparer à son chien...

Prenant un énième livre en main, elle en vérifia l'état tout en jetant des coups d’œil à son voisin de table. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle repensait au regard qu'il avait. Elle aussi avait eu ce genre de regards à une époque, en tenant un livre en main. Mais c'était il y a longtemps maintenant. Elle n'avait plus eu le sentiment d'avoir cet émerveillement dans les yeux depuis cette période-là, d'ailleurs. Aujourd'hui, tous ses livres tenaient sur une seule et même tablette... alors qu'en réalité, ils devaient prendre au moins deux étages sur une bibliothèque ! C'était un gain de place... en quelque sorte. Reposant son regard sur son collègue, elle le détailla du regard de longues secondes, avant de se reconcentrer sur le travail qu'elle avait à faire.

« Tu aimes lire, n'est-ce pas ? », demanda-t-elle sans lever le regard cette fois, « Ca se voit. Bon, je te l'accorde, j'ai pas cherché loin pour le coup »

Ce n'était pas comme si le regard de Kyohei lui avait presque tout dit, hein.
Ne sachant plus vraiment quoi dire pour le moment, elle se contenta de continuer son travail, se prenant le temps de vérifier chaque livre. Sa liste diminua au fur et à mesure que le temps passait, on n'entendait plus que le bruit du stylo sur la table quand elle barrait un nom, ou bien le petit bruit sourd du livre qui était déposé sur un bout de la table.
Une fois le carton vide, elle en désigna un autre, un peu plus grand mais beaucoup moins abîmé à son collègue. D'un geste de la main, elle lui indiqua de le poser sur la table. Une fois ceci fait, elle commença à déposer les piles de livres dans cette nouvelle boîte. Se trouvant presque trop silencieuse depuis presque trop longtemps, Yui s'arrêta, et tourna la tête vers Kyohei.

« Maintenant que j'y pense... », lâcha-t-elle en baissant lentement les bras, les livres se déposant alors à nouveau sur la table devant eux, « J'espère que tu regardes ta petite-amie de la même manière que tu regardes les livres... »

Son sourire amusé à nouveau plaqué aux lèvres, elle pivota encore mieux son visage pour que Kyohei puisse bien la voir avant de lui envoyer un rapide clin d’œil.

« Oh d'ailleurs ! », s'exclama-t-elle en lâchant les livres et en touchant l'épaule de Kyohei pour la seconde fois aujourd'hui comme si l'Esprit Divin venait de lui envoyer un message, « Je suis sûre d'avoir un truc qui peut t'intéresser ! Enfin je l'ai pas sur moi là maintenant, mais sur mon bureau. Entre septembre et décembre, il y a, pendant un jour ou deux, une vente de livres. Ils sont parfois un peu usés, ou vieux, voir très vieux, mais étant donné que t'as l'air d'aimer ça... Je pense que ça pourrait te plaire »

Lui offrant un autre sourire, elle continua de mettre les livres dans le carton. Elle espérait sincèrement que cela puisse réjouir Kyohei, même si ce n'était qu'un peu. Après tout, s'il aimait les livres, pourvoir les acheter devait fortement l'intéresser, non ?

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Qu’elle en rit ne le choqua pas tant que ça, Kyohei en était habitué depuis. Les moqueries ne l’atteignaient pas ou plutôt, ne l’atteignaient plus. Quand il n’était encore qu’un enfant, il se souvenait très bien des critiques et des rires qui lui étaient destinés. Même s’il ne disait rien, au fond, ça le blessait parce que lui la seule chose qui désirait à cette époque était de se faire des amis, s’entendre avec tout le monde mais, il était trop timide pour cela. Et ça amusait la galerie. Aujourd’hui le jeune homme avait appris à devenir plus fort, à se sociabiliser et ô grand jamais, il ne souhaitait revivre ces infamies du passé. Avec le temps, il avait su surmonter les obstacles, murir, changer et passer outre les stupidités de ce genre. On disait souvent, on répond aux imbéciles par le silence alors c’était ce qu’il s’entêtait à faire. Même si non, il ne considérait pas Yui comme une abruti. Il s’agissait là d’une simple façon de parler. Rien de plus. Malgré tout le jeune homme avait préféré ne pas relever, mimant être concentré dans sa tâche, cochant sur le papier, les livres qu’il trouvait et qui était présent sur la liste.

Si ça ne tenait qu’à lui, il les détaillerait un à un néanmoins il devait vraiment se contenir. Il était un NSA et se montrer aussi vulnérable n’était pas conseillé. Evidemment un Shinki pouvait très bien préféré lire des livres papiers que sur une tablette puis adorait la mode ainsi que la technologie. Kyohei lui était souvent partagé à ce propos et ça le fit soupirer alors qu’il plaçait un nouveau roman dans le carton. Ses yeux se redressèrent toutefois lorsque sa collègue prit la parole et en guise de réponse, il haussa les épaules. Ô que oui, il aimait lire. Il adorait ça. Peut-être pouvait-il dire qu’il s’agissait comme une sorte de seconde passion ? La magie prenait beaucoup de place dans sa vie cependant si jamais, pour quelconque raison que ce soit, il devait s’en séparer, sa principale occupation deviendrait la lecture. Et la musique... Mais la musique, bizarrement, il plaçait cela avec la magie car ça faisait partie de l’univers art et spectacle.

Le silence avait fini par s’installer et chacun travaillait correctement. Le jeune homme jetant par moment quelque regard discret en direction de la demoiselle afin de voir où elle en était et ce qu’elle faisait. Cela lui paraissait étrange d’être dans une seule pièce avec elle sans qu’un brin de voix n’habite les lieux. Il avait toujours eu l’habitude de l’entendre lui raconter tout et n’importe quoi, de la voir lutter à faire une discussion cependant ce calme n’était pas désagréable. Kyohei n’avait jamais réellement aimé les endroits trop bruyants - bien que cela dépendait des jours et de son humeur - et ça le détendait. Il pourrait rester dans une pièce silencieuse sans que ça ne le gêne. Peut-être parce que cette ambiance, aujourd’hui, n’avait rien de pesante. Elle était douce, tellement que le garçon devait lutter pour ne pas sourire légèrement. De toute manière, il n’en eut pas le temps que Yui le devança en brisant ce blanc qui s’était installé d’une rétorque tout aussi surprenante que quand elle avait mentionné le maillot de bain. Qu’est-ce qu’elle avait aujourd’hui à faire des réflexions qui pouvaient porter à confusion ? En réalité, c’était sûrement lui qui voyait des espèces de sous-entendus de partout toutefois, ça l’intriguait.

- Je n’ai pas de petite amie, S’était senti obligé de justifier le magicien sans dévier ses prunelles en sa direction.

Et il ne comprenait pas pourquoi il devrait la regarder de la même manière qu’il regardait les bouquins. Certainement parce que cela signifierait qu’il était fou d’elle et amoureux néanmoins Kyohei n’avait aucunement envie d’être fou de quelqu’un. Du moins, il ne s’était jamais vraiment posé la question. Il vivait selon ses désirs donc s’il devait s’enticher d’une femme, cela viendrait sûrement à un moment où il s’y attendrait le moins. Ne pas la contempler était ce que le garçon s’était promis mais pourtant, à croire que ça avait été plus fort que lui et un léger souffle s’était échappé de ses lèvres en voyant le clin d’oeil. Etait-ce réellement impossible pour lui de ne pas s’en aller d’ici ? L’atmosphère commençait à lui paraître lourde tout à coup. Elle le mettait mal à l’aise sans qu’il ne puisse expliquer pourquoi... Et quand il y réfléchissait, son corps ne semblait pas vouloir écouter son coeur puisque ses jambes restaient cloués au sol, l’obligeant à l’observer et à l’écouter. Yui était quelqu’un de gentille, qui avait l’air d’avoir le coeur sur le main et le jeune homme s’en voulait parfois de penser toutes ces choses à son égard. Il ne se comprenait pas. Encore moins d’avoir de réflexions aussi paradoxales.

L’exclamation de sa collègue le sortit de ses rêveries, si bien qu’il dressa ses yeux vers elle presque machinalement. Oui, elle était réellement gentille. Malgré son sale caractère, malgré les vents qui lui avaient lancé à plusieurs reprises, elle restait coriace et ne le lâchait pas. Peut-être devrait-il s’en inquiéter seulement Kyohei savait qu’elle n’avait pas de mauvaises intentions derrière ses actes. C’était un pressentiment et à ce niveau là, il ne se trompait jamais.

- Hum... Peut-être, finit-il par déclarer à sa proposition.

Il ne s’agissait pas que d’un « peut-être », c’était certain que ça lui plairait. Mais il lui fallait une bonne excuse pour s’y rendre. Une chasse au Denshou sûrement. Là-bas, ça devait être le paradis pour son boulot bien que s’il y allait, ça serait plus pour son plaisir personnel. Toutefois, il lui fallait une excuse si jamais on le voyait sur place.

- Si j’ai le temps, j’essaierais d’y aller. J’aime ce genre de choses, oui. Enfin, j’adore lire mais ça tu l’avais compris.

Si Yui ne le remarquait pas, le garçon prenait sur lui et tentait de faire des efforts. Après tout, depuis le début, elle était la seule à se battre pour nouer ne serait-ce qu’un infime lien. Il était sûrement temps que lui aussi y mette un peu du sien. Cependant, même s’il parlait plus et lui répondait, le magicien ne pouvait s’empêcher de garder une distance entre eux.

- Et voilà, terminé, Dit-il en posant le dernier livre dans le carton.

C’étaient sur ses mots que Kyohei lui rétorqua de le laisser faire pour s’emparer de l’objet afin de l’amener dans la salle de réunion. C’était quand même lourd et en aucun cas, il ne souhaiterait qu’elle se blesse pour une chose aussi futile.

- Tu as besoin d’aide pour autre chose ?

Par politesse, il avait tenu à demander une fois de retour dans la pièce principale. Et de toute façon, lui-même ne savait plus quoi faire à part bouquiner encore et toujours. Hors, désormais, il n’avait plus réellement le temps pour cela. Les minutes s’écoulaient à une telle vitesse qu’il n’avait rien vu passer et bientôt, sa journée ici serait terminée. Quelque part, rien que d’y penser, ça le rendait un peu nostalgique.

WILDBIRD

Il n'avait pas de petite-amie.. Dommage, sa petite taquinerie était tombée à l'eau ! Mais ce n'était pas un échec tel que celui-là qui allait arrêter Mizuno Yui.

Lui souriant de plus bel, elle était heureuse que l'idée lui plaise. En général, il y avait souvent des professeurs qui venaient durant cette vente. Apparemment c'était utile pour leurs cours. Il y avait aussi des mères de famille parfois. Ou bien alors des collectionneurs. Il y avait rarement des jeunes adolescents. Forcément, les livres, tout ça, ce n'était plus à la mode, alors pourquoi viendraient-ils ici ?

Elle suivit en silence son collègue, le fixant alors qu'il portait ce lourd carton. Il était gentil, de l'avoir pris pour le porter. Mais Yui était une femme forte, elle y serait aussi arrivée ! Peut-être pas en une fois, ni en deux fois vu la taille de certains livres, mais elle y serait arrivée. Elle était trop tenace pour laisser tomber.
Elle se permit alors d'ouvrir la porte pour son collègue afin de le laisser entrer. Alors qu'il posait le carton, Yui posa les feuilles en face d'une chaise avant de quitter la pièce. Elle se demandait si elle aussi pourrait un jour venir s'asseoir ici. Elle ne rêvait pas de grandeurs, mais juste de reconnaissance. Et si on lui permettait d'être assise ici, cela voulait dire qu'on appréciait et reconnaissait son travail à sa juste valeur non ?
Encore fallait-il que rester assise soit un métier de valeur. Et faire des vidéos, aussi. Heureusement qu'elle avait ça pour passer le temps, et que Kyohei était là aujourd'hui. Sinon la journée aurait été interminable...

Etirant lentement ses bras devant elle, elle se tourna vers le jeune homme. Avait-elle besoin d'aide pour autre chose ? Oui, bien sûr, pour choisir son maillot de bain. Mais elle n'allait pas le relancer là-dessus. Ca avait dû le perturber et elle avait dû passer pour une folle.. Autant éviter le sujet. Elle pourrait lui demander de l'aide pour sa vidéo ? Sauf que ses cheveux étaient trop courts. S'il avait été une femme...

Elle fit signe à Kyohei de la suivre. Elle se dirigea vers son bureau, et une fois arrivée, ouvrir le premier tiroir. Un fin sourire éclaira son visage en voyant l'état de rangement de ce dernier. Tout était parfaitement ordonné, c'était tellement beau. Yui n'était pas maniaque. Il lui arrivait de laisser des choses traîner plusieurs jours, ou ne pas tout de suite ranger ses vêtements après être sortis du linge. Elle ne passait pas non plus le balai et/ou l'aspirateur chez elle tous les jours. Mais elle avait certaines règles de vie. Comme par exemple la place de sa brosse à dents dans la salle, ou bien encore l'emplacement des télécommandes dans son salon. Au travail, c'était pareil : chaque chose avait sa place et cette place avait sa chose. C'était aussi simple que cela. De ce fait, elle remarquait tout de suite quand quelqu'un lui piquait un stylo ou quand quelqu'un venait lui prendre des documents.
Enfin bref, Yui était ordonnée et ne le cachait jamais.

Elle sortit alors une feuille et la tendit à Kyohei. Il s'agissait là des livres qui n'avaient pas été vendus à la dernière vente, et qui traînaient encore quelque part dans la bibliothèque.

« Ils ont pas été vendus la dernière fois. Ils seront de nouveau mis en vente »

Elle referma doucement le tiroir, et prit un stylo ainsi qu'un petit bout de papier. Elle posa le tout devant Kyohei et tout en lui souriant, lui demanda :

« Note-moi ton numéro. Comme ça je pourrais te dire quand la vente a lieu... enfin si tu veux »

En attendant que le jeune homme se décide à noter ou non les informations que Yui venaient de demander, elle jeta un regard à sa montre. Son sourire s'élargit considérablement : la journée était finie ! Elle rangea alors son ordinateur portable dans le petit sac prévu à cet effet et réorganisa mieux son bureau pour le retrouver bien rangé le lendemain.
Elle s'agenouilla, rangeant quelques papiers et autres documents ici et là et se redressa d'un coup avant de se tourner vers son, à nouveau et désormais, ancien collègue.

« Ca te dit qu'on aille boire un verre quelque part ? J'ai pas encore envie de rentrer »

Et étant donné qu'elle avait un Kyohei sous la main... pourquoi pas passer un bout de sa soirée avec lui ?

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Boire un verre, pourquoi Kyohei avait-il accepté une demande aussi absurde ? Il aurait pu trouver une excuse bateau, rentrer chez lui et lire un roman justement. Mais non, au lieu de ça, il avait répondu un « pourquoi pas » parce que lui non plus ne voulait pas rentrer de suite et qu’il y avait cette partie de lui qui désirait apprendre à connaître la jeune femme. Il lui avait déjà donné son numéro, ça aurait pu être suffisant cependant, vraisemblablement pas. D’ailleurs, il avait hésité avant de partager ses coordonnées, pesant le pour et le contre, songeant que Yui risquait de le harceler de messages toutefois il avait fini par se dire que c’était pour la bonne cause et qu’il se montait sûrement trop la tête. S’il voulait faire des efforts, il fallait commencer ainsi alors il avait écrit les chiffres un à un sur le papier, n’omettant pas de préciser que c’était juste pour qu’elle le prévienne de la vente, rien d’autre.

Et donc, à la fin de leur travail, ils étaient sortis. Le jeune homme aurait dû prévoir la suite, il aurait dû se douter que rien ne serait simple et que l’idée d’aller dans un bar était mauvaise. Il n’avait pas réfléchi aux risques non plus puis, ils s’étaient installés à une table tranquillement. Lui ne parlait pas beaucoup, il ignorait quoi dire puis malgré tout, ça le mettait mal à l’aise. Alors, il fuyait son regard encore et toujours. Le serveur était ensuite venu prendre leur commande, le magicien demandant un cocktail sans alcool, ce qui amusa le barman qui en plaisantant l’avait taquiné de petit joueur. Kyohei n’aimait pas les provocations, ça l’incitait toujours à vouloir prouver le contraire et à se lancer des défis improbables parfois. Il ne tenait pas à l’alcool et il n’avait jamais réellement apprécié le goût que ça avait. A part, le saké et la bière. Toutefois à lui, si on lui offrait un petit verre de saké, il serait à tous les coups, ivre pour la soirée. Probablement du fait qu’il ne buvait pas souvent donc il n’était pas habitué. Pour ce qui était du reste, le garçon n’avait jamais réussi à apprécier le goût... Ce qui l’avait écoeuré était de voir tous ces jeunes se mettre dans des états inimaginables juste pour s’amuser, faire la fête. On n’a pas besoin d’être saoule pour passer du bon temps avec ses amis si ? Il avait tout le temps préféré la simplicité cependant ça lui arrivait également de commettre quelques écarts. Comme ce soir. Il n’avait pu s’empêcher de froncer les sourcils à cet homme et de finalement, prendre quelque chose de plus fort. Et il avait enchaîné avec un autre... Seulement, tout le monde le savait, mélanger les alcools étaient déconseillés, encore plus lorsqu’on n’a pas l’habitude de boire énormément. Très vite, la tête de l’agent avait commencé à divaguer et il avait rit sans raison avant de noyer ses prunelles noisette dans celle de sa vis-à-vis. Il n’était pas complètement ivre, il était « pompette » comme dirait certain. Peut-être un peu plus.

Sans rien annoncer, Kyohei se leva subitement, une esquisse un peu trop grande accrochée à ses lèvres tandis qu’il contournait la table pour arriver derrière son ex-collègue. Il entoura alors son bras autour de son cou, son visage étant bien plus proche du sien qu’il ne l’avait jamais été auparavant.

- Salut princesse, Lui dit-il d’une voix mielleuse.

Et c’était repartie. Encore cette fichue manie de draguer, de flirter et d’être particulièrement lourd. Dans cet état, le magicien serait capable de complimenter toutes les femmes qui passaient devant lui. Mais Yui lui suffisait ce soir, elle ressemblait à une divinité. Si bien qu’il ne pouvait s’empêcher de la détailler fixement. Son emprise s’étant enlevé de la demoiselle, il en profita pour laisser ses yeux vaquer sur elle et il ne put se retenir que secouant sa main, il siffla à la vue de sa poitrine. Et bah dit donc... Pour une japonaise, elle en avait des gros elle ! Comme s’il ne l’avait jamais remarqué avant. Ah. Petit coquin.

- C’est sur qu’en maillot de bain, ça doit y aller ! Déclara alors Kyohei d’un regard malicieux. Et bien le revoilà, le fameux maillot... On t’a déjà dit que tu étais parfaite ? Ouais, parfaite. Belle, sexy... Tu dois faire tomber tous les hommes. En tout cas moi...

Toi ? Tu as craqué ? Ou tu es juste ivre que tu ne te rends même pas compte de ce que tu racontes. Le jour suivant promettait d’être riche en émotion. C’était à se demander s’il avait conscience de la personne qu’il avait en face de lui car pour le coup, la jeune femme ne semblait plus l’impressionnait du tout.

- On danse ?

Sur ses dires, il lui tendit sa main toutefois il avait tellement l’impression que la salle tournait qu’il manqua de tomber et du se rattraper aussitôt sur la table. Plutôt que répliquer quoi ce soit, il avait préféré jouer aux innocents, rigolant de sa propre maladresse. On aurait jamais dû mettre de l’alcool dans son verre... D’ailleurs, en y réfléchissant, la dose n’avait pas été un peu forte ? C’était une petite nature, il fallait aller doucement avec son coeur à celui-là.

WILDBIRD

Sur le chemin du bar, Yui pianota rapidement sur son téléphone. Elle entra le numéro de Kyohei dans son répertoire. Elle lui assura de l'appeler pour la vente. En réalité, elle se demandait si elle allait utiliser le numéro pour avoir de ses nouvelles. S'il ne venait plus à la bibliothèque avant le jour de la vente, ça allait être long... Et elle ne pouvait pas se permettre de ne pas lui demander s'il allait bien. Ce ne serait pas poli, n'est-ce pas ? Puis, peut-être qu'au fond il serait partant pour l'accompagner plus souvent en sortie ?
Elle n'avait pas envie de perdre le contact. Elle voulait en savoir plus sur lui, et discuter de tout et de rien. Elle était curieuse de savoir ses pensées sur tel ou tel sujet. Elle aimerait parler avec lui comme elle parlait avec n'importe lequel de ses amis.
Peut-être que cette petite soirée ensemble allait aider ? Du moins c'était ce que Yui se forçait à penser. Cela dit, il avait accepté. S'il n'avait pas voulu la voir plus longtemps, il aurait simplement pu dire qu'il était occupé ailleurs, ou qu'il n'en avait pas envie. Mais non. Il avait dit oui. Enfin « pourquoi pas » ... pareil.

Arrivés au bar, ils s'étaient installés à une table. Yui regarda les alentours avant de reposer son regard sur le jeune homme. Elle voulut lui demander s'il venait souvent ici mais voyant que le garçon fuyait encore son regard, elle se contenta de souffler lentement. Pourquoi l'était-il, même ici ? Elle secoua légèrement la tête, mais ne s'arrêta pas pour autant de fixer Kyohei. Il allait bien finir par se lasser et se tourner vers elle et parler... ou quelque chose. Même grogner, elle l'accepterait ! Mais non. Rien. Puis le serveur arriva pour prendre leur commande. Elle choisit alors un cocktail maison et s'installa du mieux qu'elle le put pour observer le combat de coqs qui se déroulait devant elle. Apparemment, Kyohei voulait prouver au serveur qu'il était capable de boire plus fort. Ha, les hommes et leur égo...

Quelques verres plus tard, Yui était passée au soda. Un seul cocktail lui suffisait : elle travaillait demain. Elle ne pouvait pas se permettre de venir avec la tête dans l'arrière-train.
Pour le moment, ils n'avaient pas beaucoup discuter. Elle avait essayé quelques fois de lancer la conversation sur un sujet ou un autre mais ça n'avait pas marché. Et alors qu'elle pensait avoir trouvé LE sujet de conversation que ferait parler son vis-à-vis, ce dernier se leva soudainement pour se mettre à ses côtés. Tout d'abord, elle regarda cette main qui pendait là où elle ne devrait pas, puis elle plongea son regard dans celui de Kyohei. Elle ouvrit la bouche pour lui demander de gentiment enlever sa main mais ses paroles la surprirent, d'abord, puis l'énervèrent.
Elle lui lança pour la première fois, un regard à faire froid dans le dos. Un « Tch ! » glissa sur ses lèvres. Princesse... Princesse !? Est-ce qu'elle avait des allures de princesse ? Est-ce qu'elle ressemblait à l'une d'elle ? Qu'on la regardait de nouveau, de derrière, de gauche, de droit, d'en-haut ou d'en-bas, Yui n'avait rien à voir avec ces sortes de poupées Barbie agaçantes ! Elle ne répétait pas sans cesse « Je veux, je suis, je je je je » quand même ! Elle n'agissait pas non plus comme une gamine capricieuse. Elle était sportive, courageuse.. Elle était une guerrière, et pas une nunuche !
Elle envoya un rapide sourire au jeune homme, et plus le temps passait, plus son sourire se crispait. Tout comme son poing sur sa cuisse. Elle le serra tellement que ça lui faisait presque mal. Princesse, hein. Kyohei ne savait pas dans quelle galère il venait de se mettre...

Et en plus il continuait ! Sa bouche s'ouvrit légèrement sous la surprise. Elle savait que l'alcool avait des effets néfastes, mais quand même. Alors quoi, quand il était ivre, il voyait une paire de seins, et ayé, on le perdait !? Elle l'écouta, sans le regarder cette fois, et croisa les bras sur sa poitrine. En tout cas lui quoi ? Elle voulait savoir mais en même temps, elle préférait ne pas lui demander.

Ayant de bons réflexes, Yui retint le jeune homme alors qu'il faisait le bateau devant elle.

« Danser ? Dans ton état ? », demanda-t-elle en le scrutant de haut en bas, « Non merci, ce sera pour la prochaine fois »

Elle se leva, toujours en tenant Kyohei par la main pour ne pas qu'il tombe et l'installa à sa place. Elle se pencha vers lui, pointa un doigt autoritaire sur lui.

« Et tu ne bouges pas, c'est compris ? »

Elle plissa les yeux, tendant toujours ce doigt sur le jeune homme. Il fallait être ferme avec lui maintenant, sinon il allait se croire au Carnaval de Rio et tout allait finir dans un désastre pas possible. Enfin, elle savait d'expérience avec ses frères qu'il valait mieux pour elle de lui parler comme si elle s'adressait à un gamin de 8 ans. Elle le regarda du coup de l'oeil et soupira. Bon, d'accord, comme à un gamin de 6 ans.
Elle fit alors une croix sur sa soirée discussions, et héla le serveur au loin. Elle demanda l'addition, demandant à l'employé de lui apporter rapidement : elle avait un enfant à mettre au lit. Ce dernier s'en alla bien vite. Soit elle avait eu peur de Yui, soit... il avait eu peur de Yui.
Reposant à nouveau son regard sur Kyohei, elle ne put s'empêcher de sourire légèrement. Il progressait, il avait parlé. Et l'avait même regardée. Le progrès se faisait petit à petit de toute manière, non ? Il fallait y aller doucement.

« Je paye la note, et je te ramène chez t... »

Relevant les yeux dans le vide, Yui lâcha un petit « Ah ». Oui, ah. C'était où chez Kyohei d'abord ? Elle voulait bien le ramener, quitte à le porter, ça ne l'aurait pas dérangé mais... il habitait où ? Et pas la peine de demander au concerné, elle était sûre qu'il allait répondre une adresse au pif.

« Je te ramène chez moi alors... »

Elle paya alors l'addition, et retroussant ses manches d'un geste rapide, elle fit signe à Kyohei de se lever. Elle allait pas faire tout le boulot non plus, oh...

« Debout. On rentre, et tout de suite Roméo », lâcha-t-elle d'un toujours très autoritaire.

Et par là, elle sous-entendait un gros « On rentre, tu vas voir ce qu'elle va faire, la 'Princesse' ».

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Ses réflexions n’avaient apparemment pas plu à la princesse cependant Kyohei était bien trop ailleurs pour s’en être aperçu. On pourrait l’emmener dans le pire des quartier de Nishinaka qu’il ne le remarquerait pas et se croyait au pays des papillons et des arcs-en-ciel. Il ne fallait décidément plus le laisser toucher à une unique goutte d’alcool. Surtout qu’il le regrettait lui-même le jour suivant puis il se promettrait de ne plus boire jusqu’à que ce type de situation se reproduise, qu’il recommence et qu’il se retrouve dieu ne savait où... Si encore il arrivait à se contrôler, ne pas draguer et faire des répliques lourdes, obscènes, il serait sortable. Là ce n’était pas le cas. La complimenter sur seins, non, évidemment, le magicien n’avait rien trouvé de mieux ! Quand on songeait qu’un homme alcoolique disait plus facilement le fin fond de sa pensée... Est-ce que cela signifiait que Kyohei avait en réalité une vue sur la poitrine de son ex-collègue. Peut-être pas seulement sur sa poitrine au vue de la technique qu’il avait emprunté pour l’accoster... Ah, les femmes. Il les adorait. Plus quand il était ivre que lorsqu’il était sobre. Mais ça, le fait était que malgré tout, il avait gardé en lui ce petit côté timide qui n’osait pas les approcher par peur de se faire rejeter. Il n’était pas un dragueur professionnel et c’était sûrement ce qui lui manquait. Un complexe ? Qui savait... Il y avait des choses que parfois on ne s’en rendait même pas compte. Triste vie.

Une moue boudeuse était ce que le garçon afficha quand Yui déclara qu’il fallait rentrer. Il ne voulait pas rentrer lui. Il voulait danser. Qu’est-ce qu’il avait son état ? Il était prêt à faire la java toute la nuit et se déhancher sur la piste. Mais la jeune femme avait raison de s’en occuper sinon, à peine aurait-elle les yeux tournés que le magicien se retrouverait au milieu des autres à tenter un striptease. Abracadabra. Plus de vêtements. Oui, il était préférable d’éviter un tel désastre.

Roméo ? Elle l’avait appelé Roméo ? Une esquisse malicieuse borda ses lèvres tandis qu’il haussa ses sourcils à plusieurs reprises. Pas besoin d’avoir lu la pièce de théâtre pour savoir que Roméo était un jeune homme qui avait beaucoup de classe. C’était flatteur. Et il ne s’était pas levé. Yui allait le tuer mais pas de suite... Il avait encore des choses à dire.

- Oh Juliette ! Oh ma Juliette ! Que vous êtes divine ! Enonça le garçon d’une voix théâtrale, La lumière dans vos yeux me rend fou de joie ! Je vous suivrais où que vous vouliez ! Jusqu’à la mort s’il le faut !

Il s’apprêta à lever son bras pour montrer sa détermination mais s’arrêta aussitôt, avalant sa salive à la vue du regard noir que lui lançait sa vis-à-vis. Sa main secouant légèrement ses cheveux, Kyohei sourit bêtement, innocemment. Allez... Il était mignon, elle ne pouvait pas le frapper. Après quelques instants, il se motiva à la suivre même si le chemin devant lui paraissait tordu et bancal. Ou plutôt, ça devait être lui qui ne marchait plus vraiment droit. Par moment, il sortait des phrases qui ne voulaient strictement rien dire, la complimentant tandis qu’il essayait de suivre la ligne du trottoir avec ses pieds. C’était drôle. Et ça lui donnait l’impression que s’il tombait hors de cette marque, il allait mourir. Et il avait trébuché de l’autre côté. Et le « Oups, je suis mort » avait franchi sa bouche avant qu’il ne rit puis se remette à avancer sans savoir vers où il se dirigeait.

Sa destination n’était plus trop loin et sans qu’il ne s’en aperçoive réellement, le voilà à l’intérieur d’un appartement qui était totalement différent du sien. Ce qui le força à froncer les sourcils... Elle n’avait pas l’intention de le séquestrer quand même ? Il n’était pas du tout d’humeur à supporter tout ça, ni à ce qu’elle le tripote. Et c’était lui qui draguait il y a encore quelques instants. Fallait qu’il se mette d’accord avec lui-même celui-là.

- Ce n’est pas mon appartement, Râla-t-il en plissant les yeux, dévisageant sa camarade qui fermait la porte, Je te préviens, je ne vends pas mon corps ! Tu me touches et j’irais porter plainte ! Je dirais à la police, ouais à la police, que Juliette m’a kidnappé et qu’elle a voulu me tripoter ! Ils seront pas contents ! Ah ça non, pas du tout !

Le pire dans tout cela était sûrement que Kyohei se croyait vraiment menaçant avec ses remarques et particulièrement convainquant. Le pauvre... Qu’on lui dise que Juliette n’existait pas et qu’il n’était pas Roméo. Enfin, ça, lui-même semblait déjà l’avoir oublié de toute manière.

WILDBIRD

Princesse. Juliette. Ca allait être quoi son prochain surnom ? Pocahontas ? Quoi que ça, ce serait plutôt positif. Pocahontas avait quand même une sacrée classe... Bon, si c'était Pocahontas, elle passerait l'éponge. Mais si c'était Blanche-Neige ou Cendrillon, elle allait certainement l'assommer pour le faire taire. Elle qui voulait tellement qu'il parle... La première fois où il parlait beaucoup, c'était parce qu'il était ivre. Tristesse.

Le plus dur allait donc venir. Chouette. Yui s'en sentait déjà toute chose. La joie collait dans ses veines et... un soupir franchit ses lèvres. Encore. C'était sans doute la première fois qu'elle soupirait autant. Elle marchait, le plus lentement possible pour permettre à Kyohei de suivre, et le regarder de temps à autre pour voir s'il suivait toujours et s'il ne s'était pas vautré quelque part sans qu'elle ne l'entende. Elle ne prêtait même plus attention à ce qu'il racontait, ça ressemblait à des gazouillis de bébé pour elle. Ca n'avait strictement plus aucun sens. Il devait dire tout ce qui lui passait par la tête, mais ça ne ressemblait qu'à une suite de sons improbables... Sauf que son « Oups, je suis mort », elle le comprit parfaitement. Tournant la tête soudainement, elle était déjà prête à appeler une ambulance, avant de soupirer, encore. Elle se racla la gorge et continua son chemin, sans relever cette intervention.

Ils arrivèrent enfin à son appartement. Dieu que le chemin lui avait paru long ! C'était la première fois qu'elle ressentait ça. Pourtant elle n'était pas seule, elle avait de la compagnie... enfin, un semblant de compagnie. Une ombre... même pas. Ce n'était que des sons qui l'avaient suivis. Heureusement qu'elle n'était pas trouillarde, on aurait parfois dit qu'un monstre venu d'une autre planète la suivait.

Bravo Sherlock... il avait trouvé ça tout seul ? Non parce que, ce n'était pas comme si Yui avait dit qu'elle allait le ramener chez lui, non non. Enfin, que pouvait-on expliquer ou dire à un homme qui était sous l'influence de l'alcool ? Pas grand chose, voir quasiment rien. Elle dut se faire violence pour ne pas répondre à son commentaire, et répondit par un bref rire trop forcé.

« T'en fais pas pour ça... », souffla-t-elle finalement.

Elle n'avait qu'une envie : le mettre sous la douche froide. Ca allait lui remettre les idées en place. Du moins, c'était ce que Yui faisait en général avec ses frères. Une bonne douche froid, et hop, c'était reparti !
Se grattant l'arrière de la tête, la jeune femme se voyait mal l'envoyer sous l'eau froide. Elle fallait donc trouver la solution où Kyohei ne tombait pas en choc thermique et où elle ne tombait pas en dépression.

Elle alla alors caresser la tête de Sou, son chien, qui venait à elle pour l’accueillir. Elle lui lança quelques « Mais c'est un bon chien chien ça » ; « C'est le chien à sa Maman ça ! », et ce genres de choses un peu idiotes que l'on dit aux animaux quand on rentre chez nous. Elle se redressa quelques minutes plus tard, le sourire aux lèvres. Elle alla dire bonjour à son chat, Black, qui était sur le meuble du couloir. Lui ne resta pas plus longtemps. Une fois sa caresse reçue, il repartit tranquillement en direction de la chambre.

« Bon... », commença-t-elle en se tournant vers Kyohei, les mains sur ses hanches, « A nous deux maintenant »

Elle lui tendit la main, puis ne voulant pas perdre de temps, alla directement la lui attraper. Là, elle entraîna avec elle dans la chambre d'ami. Elle lui montra le lit d'abord d'un signe de tête, puis se dit qu'elle ferait mieux de le lui montrer de la main. Ce qu'elle fit. Ne voyant pas son camarade bouger, elle le dirigea lentement vers le lit. Il lui fallait une invitation maintenant ou quoi ? Elle le fit s'asseoir tout en douceur, ne voulant pas lui faire mal ou le brusquer ou autre chose.
Plantant alors son regard dans le sien, elle lui offrit un sourire rassurant avant de l'allonger, tout avec la même douceur sur le lit. Voilà. Une bonne chose de faite.

« On va éviter la douche pour ce soir, j'suis sûre que tu pourrais te noyer, donc on va éviter. Repose-toi maintenant », dit-elle sur un ton doux, « Et si tu as un souci, hésite pas. Je suis dans la chambre d'en face. Fais juste attention au chien, d'accord ? »

Elle lui sourit une dernière fois, et, s'assurant qu'il avait bien le nécessaire pour dormir, elle quitta la pièce pour se rendre dans sa chambre.

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Assis sur le lit, seul, ses yeux vaquaient dans toute la pièce d’un air penaud. L’avait-elle vraiment séquestré ? Et pourquoi elle l’abandonnait maintenant ? C’était elle qui essayait toujours durement de se lier avec lui néanmoins elle le laissait tout seul dans une chambre, n’était-ce pas triste ? Presque - il songeait bien presque - il aurait envie de pleurer. Yui était cruel de l’abandonner comme ça. Est-ce que Juliette abandonnait Roméo ? Pas à ce qu’il sache en tout cas. Lui ne demandait pas grand chose, juste un minimum d’attention...Pourquoi était-ce si compliqué à comprendre ? Croisant ses bras à son torse, le garçon gonfla ses joues, grincheux, tandis qu’il se persuadait que non, il ne dormirait pas. En plus, il n’était pas si fatigué que ça. Et si c’était pour s’endormir seul, où était l’intérêt dans l’histoire ? Elle aurait dû le déposer chez lui plutôt que de le séquestrer dans cette pièce qui ne lui inspirait pas confiance. Pourtant, la chambre n’avait rien de particulier ou d’effrayant, elle était ce qu’il y avait de plus simple. Et, sans réellement pouvoir l’expliquer, cela lui rappelait des souvenirs d’enfances que Kyohei avait longtemps oublié, rangé dans un coin de son esprit pour ne jamais laisser ressortir. Cela lui faisait penser à ces fois où fuyant sa mère qui le réprimandait ou qui refusait de s’occuper de lui, il se réfugiait dans sa chambre. Il était seul avec comme unique compagnie des tas de livres qu’il avait lu et relu. A cette époque là, si l’enfant jouait au fort, qu’il ne montrait rien, il était affecté par tout ça. Il ne désirait qu’un vulgaire geste de sa génitrice, qu’un peu d’amour et de reconnaissance mais elle l’avait toujours rejeté. Maintenant voilà que Yui agissait de la même manière. Elle le laissait dans cette chambre, sous-entendant un « débrouille-toi » puis basta.

Les sourcils froncés, le magicien fixait sa porte, fâché. Ce n’était pas en se comportant de la sorte que ça changerait quelque chose. S’il espérait pouvoir briser le bout d’un bois avec un simple regard, il n’était pas au bout de ses peines. En réalité, il se ressassait les paroles de sa camarade dans sa tête, tentant vainement de trouver une faille... Une faille qu’il avait fini par remarquer après quelques minutes. Elle n’était pas comme Madame Tachibana. Pas du tout. Parce que elle, elle lui avait parlé d’une voix douce comme un ange tout droit tombé du ciel. Elle avait essayé de le rassurer et elle lui avait même déclaré de ne pas hésiter s’il avait besoin. Est-ce que ça signifiait qu’il pouvait aller la voir sans s’inquiéter de se faire frapper ? Un sourire illumina son visage tandis qu’il se leva précipitamment du lit, manquant de tomber à cause de cette vivacité et de sa tête qui tournait peut-être un peu trop. Ni une, ni deux, le jeune homme avait déjà ôté ses vêtements, ne gardant que son boxer pour dormir. Et bah dit donc.... Lorsqu’on mentionnait le striptease quelques temps plutôt, on ne pensait pas à autant. En particulier lorsqu’on sait que Kyohei est habitué à dormir en jogging, même chez lui. Et la pudeur là-dedans, où était-elle passée ? Elle aussi s’était vraisemblablement envolée.

Avec méfiance, l’agent observa les alentours près de lui, plissant les yeux au cas où un criminel surgissant de nul part apparaîtrait. La jeune femme lui avait dit de faire attention au chien et c’était ce qu’il faisait. Ou bien, il se prenait pour James Bond qui, lui, se prenait pour un astronaute. Doucement, une à une, il levait ses jambes en tentant de faire le moins de bruit possible alors que ses lèvres se mouvaient dans un « O » mimé à la même lenteur que ses pieds se soulevaient. Rien à signaler, par politesse - à croire qu’il lui restait un minimum de lucidité - le magicien toqua à la porte de la chambre mais rentra sans avoir attendu la réponse. Si c’était frapper juste pour la forme, il aurait mieux fait de s’abstenir.

- Pourquoi tu m’as laissé tout seul ? Râla-t-il avant de marcher vers le lit et de s’allonger sur la place vide au côté de la demoiselle.

Et bien... A croire qu’il était plus qu’à l’aise, faisant typiquement comme chez lui.

- Je n’arriverais pas à dormir. Alors je préfère rester là. Mais t’inquiète, je te toucherais pas. Je l’ai dit, je vends pas mon corps !

Il était sûrement préférable de ne pas chercher de rapport dans tout ce que racontait ce garçon... En silence, il se faufila lentement sous les draps, affichant une esquisse des plus innocentes. Sûrement qu’ainsi, il souhaitait charmer son interlocutrice afin qu’elle ne le mette pas à la porte et lui donne la permission de rester ici.

- Bonne nuit, Déclara alors Kyohei d’une petite voix, lui tournant le dos tandis qu’il serrait fortement l’oreiller entre ses mains et que ses paupières se fermaient.

Pour quelqu’un qui était soit disant pas vraiment fatigué, soit il était réellement un bon comédien, soit le sommeil l’accaparait plus vite qu’il ne le croyait.

WILDBIRD

En retournant dans sa chambre, Yui ne perdit pas de temps et enfila son pyjama. Elle prit ensuite sa tablette et s'installa confortablement dans son lit. Elle jeta un regard vers Black qui dormait dans le panier du chien. Ce chat était un vrai tyran, il forçait le chien à dormir par terre. Un petit sourire amusé aux lèvres, elle secoua légèrement la tête avant d'allumer l'engin entre ses mains. Sauf qu'une fois celui-là allumé, elle ne savait pas quoi faire. Elle se rendit alors sur son blog, lisant quelques commentaires et répondant à certains. Elle posta rapidement un message pour s'excuser de ne pas avoir posté de vidéo. Elle ne rentra pas dans les détails, mais expliqua qu'elle avait rencontré un ami et qu'ils avaient passé la soirée ensemble. Il valait mieux pour Kyohei, pour elle et pour les autres, qu'elle ne parle pas du reste. Quoique, en y pensant, le coup du « Oups j'suis mort » était plutôt drôle.
Ceci étant fait, elle ne savait plus quoi faire. Pour une question de principe, elle traîna un peu ici et là sur le net, puis commença à faire quelques recherches. Du type « comment le chat régule-t-il sa température ? » La question pouvait paraître stupide, mais Yui avait appris des informations intéressantes.
En période chaude, le chat était encore moins actif que d'habitude. Elle apprit aussi que les chats haletaient eux aussi (mais c'était rare), et qu'ils supportaient mieux la chaleur que les chiens. Même si elle savait déjà ce dernier point, c'était toujours mieux de le savoir une deuxième fois.

Baillant faiblement, elle éteignit alors sa tablette et la déposa sur sa table de chevet. Elle murmura un rapide « Bonne nuit » à son chat, voulant en faire de même pour son chien, mais ne sachant pas où il était couché, elle ne voulait pas partir à sa recherche maintenant que la fatigue venait lui dire bonjour.
Elle s'étira une dernière fois, et remonta les draps sur son corps. Avant d'entendre que quelqu'un frappait à sa porte. Elle n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que Kyohei débarquait déjà. En boxer. Elle voulut dire quelque chose, faire quelque chose, mais son corps tout comme sa voix étaient bloqués.
Pourquoi est-ce qu'il râlait parce qu'elle l'avait laissé seul ? Elle allait pas encore lui tenir la main jusqu'à ce qu'il s'endorme, non ? Et comment ça, il préférait rester là ? Ca voulait dire quoi ça ? Le panier du chien était occupé, il n'y avait plus de place. Il devait donc retourner dans la chambre d'ami... ou s'installer à côté d'elle. Ca marchait aussi...

S'appuyant sur ses coudes, elle se mit à fixer le dos du jeune homme. Il y a quelques heures encore, il osait à peine parler, et la regarder encore moins. Et là, il venait s'installer dans son lit, en boxer, comme si c'était la chose la plus normale du monde. Bien...
Elle prononça un rapide « Mais... » avant de soupirer et de se laisser tomber sur son lit. Tournant la tête vers Kyohei, elle n'avait qu'une seule envie : le pousser hors de son lit. Pensant qu'il dormait déjà comme un loir, Yui ne se sentait pas l'envie de le réveiller.
Elle murmura alors un « Bonne nuit », rabattant du mieux qu'elle le put les draps sur le corps de son ami. Elle se tourna à son tour, et ferma les yeux.

Elle se réveilla à coup de sons de casserole et de couverts. Hm ? Sou préparait le petit déjeuner ? Ou alors c'était Black.. Ce chat était tellement fourbe qu'il serait capable de faire... Ah ben non. Elle se frotta vivement les yeux tout en s'asseyant sur son lit. Elle bailla tout en observant la place vide à ses côtés. Y avait pas quelqu'un là la nuit dernière ? Ou elle rêvait. Oui c'était ça. Elle avait peut-être rêvé.
Cela dit, ça n'expliquait pas les bruits qui provenaient de sa cuisine, ni l'odeur de nourriture qui emplissait l'espace. Elle quitta alors doucement son lit. La personne qui s'était introduit dans son appartement lui préparait le petit déjeuner... C'était plutôt attentionné. Très adorable, même.

Quittant sa chambre, elle vérifia rapidement dans celle d'en face si Kyohei dormait encore. Ne voyant personne allongé sur le lit, elle grommela un « Mais il est où encore lui ? » avant de partir en direction de la cuisine. C'était peut-être lui qui faisait tout ce bruit ? Mais pourquoi ?
Elle entra dans la cuisine, et arqua un sourcil. Pourquoi faisait-il la cuisine ? Il avait l'air d'être tellement à fond qu'il n'avait pas remarqué la présence de la jeune femme. Elle le salua d'un signe de main mais n'obtenant aucune réponse, haussa simplement les épaules.
Soufflant pas très discrètement sur une mèche de cheveux qui traînait devant ses yeux, elle sourit enfin en croisant le regard de Kyohei : on la sentait là la « Princesse » en elle ?
Une Princesse, quand elle se levait, était déjà bien coiffée, et bien habillée et parfaitement maquillée. Une Yui... elle était juste bien réveillée, et c'était pas si mal.

« Qu'est-ce que tu prépares ? », demanda-t-elle alors, curieuse de savoir ce qui sentait si bon.

Elle s'approcha du jeune homme, tentant de deviner de quoi il s'agissait rien qu'à l'odeur. Elle se mit à regarder ce qu'il se trouvait dans chacun des plats, tout en citant quelques noms de plats qui lui venait en tête. Un quiz dès le matin ? Yui était partante !

« C'est gentil de préparer le petit déjeuner, ça m'évite de le faire en soit, mais pourquoi tu te donnes tant de mal ? T'aurais pu faire un truc plus simple, tu sais ? »

Elle rit doucement tout en tapotant doucement l'épaule de Kyohei. Elle s'assit sur l'une des chaises, tout en l'observant. C'était plutôt agréable de voir quelqu'un d'autre s'activer en cuisine.
Elle passa rapidement sa main dans ses cheveux, histoire de leur donner une plus jolie forme. Et de paraître un peu mieux coiffé. Et pas avoir l'air d'un camionneur du dimanche avec les cheveux dans tous les sens. Bref, pour avoir l'air de quelque chose sans pour autant ressembler de trop près à une Princesse. Sait-on jamais, Kyohei pourrait encore confondre. Quoique...

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Une bonne journée s’annonçait au vue du soleil qui brillait intensément et les rayons qui passaient au travers des volets de la chambre. Lumière qui força le jeune homme à froncer les sourcils et à se motiver à se réveiller. Tout d’abord, il frotta ses paupières de ses doigts, grommelant de devoir se lever mais c’était la sensation d’une présence à côté de lui qui l’obligea à ouvrir les yeux pour de bon. La surprise s’était reflétée dans le creux de ses pupilles alors que ses paupières ne cessaient de papillonner, ne s’attendant vraisemblablement pas à croiser Yui dans le même lit que lui. Les souvenirs de la veille le gagnèrent peu à peu et Kyohei souffla en songeant au fait qu’il avait bu. Encore. Heureusement, il n’avait rien tenté de déplacer... Quoi que la complimenter sur sa poitrine, l’appeler princesse et dormir avec elle, c’était déjà exagéré. En soit, ça lui avait permis d’être plus à l’aise avec la jeune femme... Toutefois, il culpabilisait légèrement à présent. Voilà l’image qu’elle aurait de lui désormais. Un pervers. Parce que lorsqu’il était ivre, en plus de passer pour quelqu’un de lourd, il lui arrivait bien souvent d’émettre certaines remarques mal placés. Des remarques qu’il n’oserait jamais lui rétorqué en temps normal même si, oui, il était obligé d’admettre que pour une japonaise, Yui en avait des pas mal... Et bien, quoi ? Ca choquait quelqu’un qu’il pense ça ? Allez... Ne nous voilons pas la face, n’importe quel homme qui se respecte un minimum songerait la même chose que lui ?

Bref, il avait abusé. Il s’en voulait un peu... Parce que la jeune femme avait dû être contente qu’il fasse des efforts, qu’il accepte de sortir avec elle néanmoins ça avait été au bout du compte, une véritable catastrophe. Un vrai désastre même. Et c’était de sa faute. Kyohei ignorait comment rectifier le tire puis soudain, une idée stupide lui avait traversé l’esprit. Il pourrait lui faire un petit déjeuner comme elle n’en avait jamais goûté. Bien qu’il détestait cuisiner, pour une fois, il ferait un effort. A devoir se débrouiller seul pendant son enfance, le garçon avait appris à confectionner différents plats et s’en sortaient bien. Hors, en règle général, il ne perdait jamais son temps dans les choses compliquées parce qu’il n’aimait pas ça. Mais exceptionnellement, ça serait parfait aujourd’hui. Yui devait être satisfaite et oublier les déboires que le magicien lui avait fait voir la veille. Déterminé, ce dernier avait quitté le lit, prenant soin de couvrir la demoiselle et de sourire légèrement en l’observant dormir paisiblement. Elle était moins impressionnante ainsi. Presque, et il la trouverait mignonne. Il voulut sortir de la pièce cependant quand il se contempla à son tour, Kyohei écarquilla les yeux de stupéfaction. Il n’avait quand même pas fait ça ? Son regard riva vers le plafond, désespéré de sa propre attitude... Pourquoi quand il était saoul, se déshabiller devenait tout à coup une habitude ? Certes, sa carrure n’était pas mauvaise, il avait des muscles là où il en fallait toutefois lui se trouvait toujours bien trop mince à son goût. Peu importait tout ce qu’il pouvait avaler, le sport qu’il faisait, il avait l’impression de ne pas prendre un gramme et il ne s’aimait pas réellement. Un manque de confiance assurément.

De retour dans ce qui aurait normalement du être sa chambre, l’agent enfila ses vêtements un à un puis rangea la pièce, allant jusqu’à faire le lit qui avait été froissé. Ensuite, il ignora ces animaux qui traînaient certainement dans les parages puis retroussant les manches de sa chemise, les cheveux attachés en queue de cheval, il avait commencé à préparer. Non, il ne s’était pas gêné à fouiller dans les armoires pour trouver son bonheur. S’il était un maniaque du rangement, lorsqu’il cuisinait, Kyohei en mettait souvent de partout. Il y avait des assiettes sur la tables, des ingrédients sur le passe, des ustensiles sales sur l’évier et une casserole déjà utilisée dans le bac. Il était tant concentré qu’il ne captait rien de ce qui se déroulait au lieu, à un point que de rides risquaient de se former sur son visage tant ses sourcils se fronçaient. Lui-même ignorait combien de plat il avait préparé mais quitte à faire la cuisine, autant que cela soit grand. Les petits déjeuners japonais sont censés être copieux à la base et Yui s’en souviendra du sien. Si bien qu’elle n’acceptera pas celui des autres sauf que... Le jeune homme fera moins le malin si une telle chose arrivait et que sa collègue l’appelait dans la nuit pour avoir sa cuisine le jour suivant.

Ce qui était étrange était que comparé à d’habitude, lorsque Yui l’avait rejoint dans la pièce, Kyohei ne s’en était pas offusqué, pas même braqué. Il s’était contenté d’arbore une esquisse discrète sans se détourner de sa préparation. Il ne s’agissait pas uniquement de question d’efforts, il voulait se rattraper et corriger ses erreurs. Rien de plus. Elle l’avait accueilli chez elle malgré tout alors qu’elle aurait très bien pu le mettre à la porte, l’obliger à dormir dehors en l’insultant de tous les noms. Elle n’avait rien fait de tout cela, ce qui montrait qu’elle n’était pas cruelle et avait un bon fond n’est-ce pas ?

- Pour m’excuser, Répondit le garçon, dos à elle, alors qu’il terminait, J’ai un peu exagéré hier... Enfin pas qu’un peu. Du coup, je me suis dis qu’il fallait bien que je me rattrape d’une manière ou d’une autre. Mais, ne prends pas ça pour acquis. C’est exceptionnel !

Paroles qu’il avait déclaré avec conviction bien qu’il n’avait pu s’empêcher d’en rire subtilement les secondes qui suivirent. Ce n’était pas comme s’ils vivaient ensemble tous les deux alors à moins qu’il doit venir tous les matins pour lui préparer un petit déjeuner convenable, il ne voyait pas comment la demoiselle prendrait cela pour acquis. Fini, il posa le reste sur la table avant d’expliquer un à un quel nourriture c’était et ce qu’il avait mis dedans. Il pourrait presque travailler en tant que cuisinier que ça ne surprendrait personne. Et il n’aimait pas ça, tristesse. Pendant que la jeune femme détaillait le tout lui en profita pour ranger et nettoyer tout ce dont il s’était servi avant de la rejoindre à table, s’installant en face d’elle. Machinalement, Kyohei l’observa d’un regard discret et sourit à la vue du panda qui se trouvait sur son haut de pyjama. Ca faisait bizarre de se retrouver dans de telles circonstances... C’était presque plus intimes que ce qu’ils n’avaient jamais été.

- Bon appétit, Dit-il alors, la regardant dans les yeux pour la première fois depuis longtemps pour retourner ensuite sur son propre plat.

Au fond, il était toujours quelque peu mal à l’aise mais il faisait de son mieux pour ne pas le montrer. Faire comme si rien n’était arrivé la veille était inutile parce qu’il ne pouvait pas revenir en arrière pour l’effacer néanmoins, par respect, avec tous les efforts que la jeune femme avait pour lui jusque là, il pouvait mettre sa fierté de côté et s’excuser. Vraiment. Voilà la raison pour laquelle, après un silence, le magicien déposa ses baguettes près de son bol et redressa ses prunelles en sa direction avant de soupirer doucement.

- Pour hier soir, je suis désolé... Je sais que tu essaies durement de t’entendre avec moi et que je t’en fais un peu voir de toutes les couleurs. Alors désolé... Je voulais vraiment faire des efforts aussi et je ne sais pas pourquoi j’agis comme ça mais je ne te déteste pas.

Traduction : « je t’aime bien, en réalité ». Cependant, on n’allait pas lui en demander plus puisque Kyohei semblait déjà avoir atteint sa limite de déclaration pour aujourd’hui. Aussitôt qu’il eut terminé sa phrase, il se ressaisit de ses baguettes pour se plonger dans son bol de nourriture, sans l’observer de plus bel, un peu embarrassé de ce qu’il venait d’avouer. Les compliments, ce n’était décidément pas pour lui.

WILDBIRD

Pour s'excuser ? Elle secoua la tête rapidement, oui il avait un peu exagéré... Et là où il avait le plus exagéré c'était en appelant Princesse, d'ailleurs. De toute manière, s'il avait réagi comme ça, c'était à cause de l'alcool, et rien d'autre. Yui le savait. Elle se doutait bien qu'il ne serait pas parti dans ses délires de cette manière s'il n'avait tourné qu'à l'eau.
Au fond, elle était contente. Il aurait eu largement le temps de partir. Elle ne l'aurait probablement même pas entendu quitter son appartement. Il aurait pu faire comme s'il n'avait rien fait, aussi. Ou partir et tout faire pour ne plus la voir. Au lieu de ça, il était resté là, et lui avait même préparé un petit déjeuner. Il assumait jusqu'au bout.

Elle haussa un sourcil. Ne pas prendre ça pour acquis ? Oh. Elle rit doucement avant de hocher la tête. Moui moui, elle ne prenait pas ça pour acquis, c'était un acte rare, ça n'allait pas se reproduire.

Regardant les plats avec des étoiles dans les yeux, Yui entendait déjà son estomac qui lui réclamait à manger. Et il y avait tellement sur la table ! Elle avait un bon appétit, mais elle se demandait si elle allait être capable de tout avaler.
Lorsque son regard croisa celui de Kyohei, elle ne put empêcher l'immense sourire qui étirait ses lèvres d'apparaître. Elle était juste heureuse. C'était sans doute l'une des premières fois où il ne fuyait pas son regard. Elle murmura un « Bon appétit » à son tour avant d'attaquer.

Elle mangeait silencieusement, savourant chaque saveur dans sa bouche. C'était vraiment délicieux ! C'était un petit déjeuner digne d'une Prin... d'une belle dame, voilà. Encore un peu et elle quitterait sa chaise pour le serrer dans ses bras afin de le remercier de lui offrir quelque chose d'aussi bon. Sauf qu'elle ne voulait pas le traumatiser de nouveau. Il avait l'air de s'être un peu ouvert.
Continuant de manger sans un bruit, elle releva doucement la tête en entendant la voix de Kyohei. Elle le regardait alors qu'il parlait et ne disait rien. Elle ne voulait pas l'interrompre et le laisser dire tout ce qu'il avait à dire.
A la fin de son discours, elle sourit une nouvelle fois. Il ne la détestait pas. Ca voulait bien dire qu'il l'aimait bien, non ? Parce que, s'il ne la détestait pas, et s'il ne l'aimait pas non plus, il aurait précisé. Avalant une autre bouchée, Yui n'arrivait à faire disparaître son sourire.

« T'as tué personne alors ça va », dit-elle, « Je crois même que passer cette soirée ensemble a été un petit plus, non ? Je veux dire... on se parlerait peut-être pas autour d'un bon petit déjeuner, et ni si ouvertement, si on était pas passé par là. Dooonc... c'est une bonne chose que ce soit arrivé au final ! »

Piochant à nouveau dans le plat devant elle, elle mangea avec satisfaction. On pouvait d'ailleurs le constater sur son visage.

« D'ailleurs, c'est trop bon. Tu cuisines super bien. Pas que j'en aurais douté en fait, mais c'est super bon »

Elle avala une rapide gorgée de sa boisson avant de redresser la tête vers son ami. Elle grimaça légèrement, tout en continuant à manger.

« T'étais sûr de toi quand tu disais que c'est exceptionnel ? Je demande juste hein... »

Une petite bouille d'ange prit place sur son visage alors qu'elle haussait doucement les épaules. Elle se mit à rire de nouveau avant de terminer son plat. Elle posa les baguettes sur la table, et souffla d'un coup. Elle avait trop mangé. Elle allait profiter de devoir sortir Sou pour aller courir un peu.
Elle quitta son siège et commença à débarrasser, nettoyant, et essuyant ce qu'il fallait. Elle attaqua ensuite le reste de vaisselle qui restait. Et une fois que tout était fini, elle frappa rapidement dans ses mains.

« Encore merci pour le petit déjeuner. J'en ai rarement mangé un aussi bon ! Je m'en souviendrai de celui-là », ria-t-elle doucement.

Elle s'étira lentement, jetant un rapide coup d’œil à l'horloge qu'elle avait accrochée au mur de la cuisine. Elle avait encore un peu de temps. Elle pourrait donc prendre son temps dehors avec Sou et prendre son temps sous la douche.

« Si tu veux te doucher avant de partir, tu peux. J'ai pas d'habits de rechange par contre. Mes frères en laissent parfois mais cette fois-ci ils ont tout pris avec eux », lâcha-t-elle tout en haussant les épaules.

Baissant doucement la tête, elle observa pendant plusieurs secondes son haut de pyjama. Un panda. Elle sourit, et tout en montrant l'animal du doigt à Kyohei, elle demanda : « Il est pas mignon le petit panda ? »

Yui et Kyohei
Attrape-moi si tu peux

Encore heureux que c’était bon. Avec tout le mal qu’il s’était donné, il y avait intérêt à que ça soit bon, tient, non mais ! En soit, Kyohei était tout de même content que la jeune femme apprécie son petit déjeuner. Il aurait été déçu du contraire alors qu’il s’était démené à préparer tout ça et qu’il détestait faire la cuisine. Détail qu’évidemment il s’abstiendrait de déclarer à voix haute. Mais il était satisfait, comme Yui l’avait rétorqué, ça leur avait peut-être permis de se rapprocher un minimum. Ca l’avait motivé à faire plus d’efforts et plutôt que de s’enfuir comme il le faisait habituellement, le jeune homme avait pour une fois choisi d’assumer. Seulement ça, c’était sûrement parce qu’il refusait que la dernière image que cette demoiselle ait de lui soit celle-ci. Il n’était pas aussi idiot d’habitude, il ne parlait pas tout seul dans la rue, ne draguait pas toutes les femmes et ne jouait pas à James Bond qui imitait un astronaute. Bien qu’en réalité, il devait ressembler à tout sauf à un vrai homme avec elle, s’il pouvait déjà corriger certains aspects de sa personnalité, ça serait un grand pas en avant.

Plutôt que répondre, le magicien s’était contenté de lui sourire sincèrement, haussant les épaules par moment. Oui, il était sûr quand il disait que c’était exceptionnel. Il ne reviendrait pas sur ses mots. Déjà qu’il cuisinait rarement pour quelqu’un, Yui devrait s’en estimer heureuse, elle était la première pour qui Kyohei préparait un tel petit-déjeuner. Elle pouvait peut-être retenter sa chance, qui savait, il avait cédé une fois, qui disait qu’il ne cèderait pas deux fois ?

Puis l’hypothèse de prendre une douche le turlupina. Il n’aimait pas sortir dehors sans s’être lavé cependant, paradoxalement, il n’aimait pas non plus déranger les gens. Certes la jeune femme le lui avait proposé gentiment toutefois il avait déjà abusé énormément de son hospitalité. Il avait même dormi à ses côtés, c’était pour dire. Néanmoins, il lui avait confectionné un petit déjeuner digne de ce nom, ça compensait non ? Se grattant discrètement les cheveux, il souffla doucement, ne sachant quoi faire avant de détourner son regard vers le pyjama de sa vis-à-vis. Regard qu’elle avait du remarquer au vue de la rétorque qu’elle avait lancé ensuite et qui fit rire le garçon.

- Très mignon. Super sexy même, Ironisa-t-il avant de s’apercevoir de ses propres mots, Enfin... Façon de parler.

Oui, tu as raison. Lève-toi et débarrasse, il vaut mieux pour toi. Si encore, la veille, il n’avait pas fait de sous-entendus là-dessus, ça ne lui poserait pas de problèmes mais là... Non. Il n’assumait pas. D’où le fait qu’après avoir posé le tout dans l’évier, il pointa son doigt en dehors de la cuisine.

- Je vais aller prendre une douche.

Pour finalement repasser chez lui, changer ses vêtements et repartir. Ne pas chercher la logique là-dedans était préférable. Il ne souhaitait pas se sentir sale, rien de plus...
A peine fut-il dans la salle de bain qu’un énième soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’il se traitait mentalement d’idiot. Pourquoi, avec elle, il agissait toujours aussi bêtement ? C’était vrai non, il n’avait tellement rien de viril... Peut-être même qu’elle finirait par croire qu’il était puceau. Quel honte pour un homme, et en plus de son âge. Il devait vraiment se reprendre et arrêter de se déstabiliser aussi facilement. Ce n’était pas comme si Yui allait le manger et le dévorer tout cru.

Sauf que Kyohei, en vérité, n’était pas encore arrivé au bout de ses peines. Il ne l’avait pas vu venir celui-là, pas du tout. Déshabillé, il s’était glissé paisiblement sous la douche, frissonnant et se détendant sous l’eau chaude qui ruisselait le long de son corps. Il en oubliait le reste tant le bien que ça lui procurait était immense... Jusqu’à ce que subitement un grognement se fasse entendre et que des griffes surviennent le rideau avant que le « monstre » tombe aussitôt dans la baignoire. Sous la surprise, le jeune homme n’avait pu s’empêcher de crier, bougeant ses pieds dans le bac afin de ne pas se faire attaquer tandis qu’à l’aide du pommeau, il ne cessait d’arroser la bête. Lui, baragouinait des mots incompréhensibles mais qui étaient normalement dirigé à l’animal qui gigotait en bas de ses jambes.

Ce n’était pas possible... Yui vivait dans un immeuble et il arrivait par se faire agresser par des étranges bestioles dans une pièce où il n’y a pas de fenêtre. Tout à coup, cette réflexion le fit réfléchir et se décalant à l’autre bout de la baignoire, tenant fermement le manche au cas où une prochaine attaque parviendrait, Kyohei fronça les sourcils avant de dévisager la bête... Elle ressemblait bizarrement au chat de sa camarade non ? Il n’avait jamais eu de bon feeling avec les chats de toute manière seulement celui-ci le fit sursauter aussitôt en quittant brusquement le bac. En même temps avec la sauce qu’il venait de se prendre, ils n’allaient certainement pas apprendre à faire ami-ami. Tant pis. Et puis, l’animal avait commencé en premier. Il s’était jeté sur lui ! Le magicien ouvrit l’eau de plus bel mais la coupa aussitôt en entendant cette fois-ci la porte s’ouvrir dans un fracas. Qu’est-ce qu’il se passait encore ? A croire qu’il ferait mieux de sortir sinon d’ici les minutes à suivre, on allait lui arracher ses jambes ou peut-être même ses bras.

Sa tête se faufila au-travers le rideau et il arqua un sourcil à la vue de la demoiselle qui venait d’apparaître dans la pièce.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

Il était hors de question qu’elle vienne mater ! Non mais... On le traitait de voyeur - ah bon ? - cependant en attendant, c’était elle qui se trouvait dans la salle de bain en cet instant précis. La lueur dans ses pupilles reflétaient plus de l’inquiétude que du malice et Kyohei compris immédiatement. Elle l’avait sûrement entendu crier... Niveau de virilité : zéro. Dans un soupir, il se résigna à sortir tout en enroulant une serviette autour de sa taille. Une autre lui servait à s’essuyer ses cheveux qu’il avait tenu à laver également.

- Il n’y a rien. Ton chat a juste eu la bonne idée de m’attaquer, sous la douche. Ca m’a surpris mais comme tu vois, je n’en suis pas mort !

Non, tu es juste presque à poil mais on s’en satisfera sûrement. Il leva alors ses yeux au ciel puis soufflant encore, il tenta gentiment de lui demander de sortir. Il tenait quand même à s’habiller. Sait-on jamais, ça pourrait être pratique.

WILDBIRD

Elle n'avait pu s'empêcher de rire une nouvelle fois lorsque Kyohei avait fuit la cuisine. Finalement, il y avait encore un peu de boulot à faire... mais le plus gros était déjà fait !
Son invité parant alors dans la salle de bain, elle alla vers sa chambre. Là, elle refit son lit tranquillement et fouilla dans son armoire les habits qu'elle allait porter aujourd'hui. Ceci fait, elle posa les vêtements sur son lit. Sou allant et venant entre la chambre et la cuisine, Yui leva les yeux au ciel. Elle chuchota un rapide « Oui, j'arriiiiive », et partit en direction de la cuisine. Elle remplit le fond de sa gamelle de quelques croquettes et en profita pour faire de même avec la gamelle du chat. Sauf que... il était où, le chat ? Elle l'appela plusieurs fois, allant même jusqu'à vérifier sous son lit tout en secouant frénétiquement les croquettes. Mais où était donc Black ? Elle écarquilla les yeux. On l'avait kidnappé ! Les alins ? Des chats ennemis ? Des chiens ennemis ? Qui avait emmené son chat !?

Retournant dans la cuisine, elle posa le sac de croquettes d'un geste lourd sur la table de la cuisine. Elle fixait avec désarroi son chien, qui ne comprenait pas grand chose à la situation, mais qui avait l'air content. Elle soupira une première fois. Puis une seconde. Et enfin une troisième. Black n'était nulle part... il n'avait pas pu se volatiliser, ou bien ?
Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps qu'un cri déchira le silence de son appartement. Sou fut tout aussi surpris qu'elle. C'était quoi ce cri ?
Elle sortit de la cuisine, comprenant qu'il s'agissait de Kyohei qui venait de hurler dans sa salle de bain. Qu'est-ce qu'il s'était passé ? Il était en train de se noyer ? Ses craintes de la veille étaient donc fondées !? Ou bien alors une bête sauvage l'attaquait ? Ou quelqu'un essayait de le noyer en le menaçant d'une bête sauvage !
Devant la porte, la jeune femme ne réfléchit pas longtemps avant de l'ouvrir rapidement, trop inquiète de savoir si elle allait trouver la cadavre de Kyohei dans sa baignoire ou non.
Elle regarda le sol, le plafond puis cette tête qui dépassait du rideau. Elle ne savait pas quoi faire, en quoi l'aider, ni comment réagir, mais ne put cependant empêcher le froncement de ses sourcils.
Comment ça « Qu'est-ce qu'il y a ? » ? C'était bien lui qui venait de crier comme la Castafiore non ? Alors pourquoi était-ce lui qui lui demandait ce qu'il y avait ? Il la prenait pour Tintin ou quoi ?
Elle voulut répondre. Répondre qu'elle était venu voir ce qu'il se passait étant donné qu'il venait presque de hurler à mort. Mais les explications de Kyohei la coupèrent net.

Déjà, elle avait retrouvé son chat. Mouillé, mais elle l'avait retrouvé. Ce n'était donc pas un coup des aliens ennemis des chats ou des chiens ennemis des chats... Bref, le chat était là, sain, sauf et trempé. Elle tenterait de le sécher plus tard.
Là, elle était trop occupée à rire. C'était un rire mi-nerveux, mi-amusé. Nerveux parce qu'elle avait tout de même eu peur qu'il soit arrivé quelque chose à Kyohei, et à son chat. Amusé parce que... c'était drôle. Très drôle.

Elle se tentait le ventre, au milieu de la pièce et fit signe au jeune homme de patienter, le temps que son fou rire se calme. Il ne devait pas le prendre mal, elle relâchait juste la pression. C'était tout.

Au bout de quelques minutes, elle se redressa. Elle s'excusa rapidement, non sans un sourire amusé aux lèvres et quitta la salle de bain tout en fermant la porte derrière elle.
Elle se racla la gorge et repartit comme si de rien n'était dans la cuisine. Elle retrouva donc Black, près de sa gamelle. Elle rit une fois encore tout en se baissant vers l'animal. Elle le caressa, malgré l'humidité de son pelage, et chuchota lentement « Eh bah... c'est une journée qui commence bien, hein ? »

» Ueyama Miki, tu peux avoir honte de toi !