Et on démarre une autre histoire ~ [NAOKI & HANAE]

En cette matinée, c’était le sourire aux lèvres qu’Hanae était sortie de chez elle, prête à sortir faire quelques courses. Elle avait besoin de se provisionner de fruits et de légumes, mais aussi pourquoi pas en poisson. Habituellement, elle n’en mangeait pourtant pas autant cependant depuis quelques semaines, ça semblait avoir changé. Le vendeur était mignon puis elle le trouvait drôle avec cet air détaché. Ca se voyait à des kilomètres qu’il n’avait pas forcément envie d’être là néanmoins, il amusait la jeune femme qui se plaisait à lui raconter sa vie. Cela l’agaçait ? Peu importait. Elle trouvait ça drôle et le voir justement être blasée si aisément lui donnait encore plus envie de l’embêter. Sadique ? Ca oui, elle l’était. Il fallait bien tenter d’égayer les journées de ce pauvre homme non ? Il semblait si fade. Certes, Hanae admettait que vendre des poissons à longueur de journée, c’était triste et peu entraînant toutefois même dans ce domaine, il y avait des amateurs. On en parlait de ce vieillard qui avait passé à les pêcher ses poissons ? Saumon, colin, merlu, truite, thon… Il y en avait pour tous les goûts bien qu’elle avait toujours eu une préférence pour le saumon. Original pour une japonaise n’est-ce pas ?

Son sac en main, les cheveux détachés, la jeune femme avançait avec cette esquisse qui égayait sa figure, saluant avec engouement les différents exposants, se perdant dans les allés tandis qu’elle sentait la bonne odeur que dégageait certains stands, allant même jusqu’à goûter quelques spécialités locales. Mine de rien, cela devait être joyeux de travailler là-dedans. Il était facile de se faire amis avec tout le monde et l’ambiance qui s’y dégageait était agréable.

Au bout du compte, elle acheta simplement quelques tomates, des oignons et des pommes avant de se rendre à ce stand qu’elle côtoyait presque toutes les semaines désormais. Elle agita vivement sa main en guise de salue à son voisin qui lui, était spécialisé en boucherie bien qu’elle n’eut en guise de réponse qu’un air blasé de ce dernier et se tourna vers la poissonnerie. Naoki ou un nom plus ou moins similaire, le fameux vendeur, était gentiment en train de fuir. Oh non, il ne l’aurait pas comme ça, c’était mal la connaître.

- Eh attendez ! L’interpella-t-elle avec les sourcils froncés, Il me faut du saumon s’il vous plaît, je n’en ai plus.

Parce qu’elle était si gourmande qu’elle en mangeait quasiment tout le temps ? Non. La dernière fois elle avait demandé autre chose. Encore heureux pour lui, elle essayait d’innover chaque semaine.

- D’ailleurs vous savez, je ne sais plus si je vous l’ai dit mais mon grand-père adorait la pêche et il voulait toujours pêcher du saumon pour moi, parce que j’adore ça ! Il en a attrapé un gros comme ça !

Tout en rétorquant son « comme ça » Hanae effectua les gestes de ses bras, sans éteindre cet éclat sur son visage. Qu’est-ce qu’elle y pouvait, elle, si elle aimait raconter des histoires ?!

- Il était tellement heureux ! Sauf qu’en le défaisant l’hameçon, le poisson a replongé dans l’eau sous l’air dégouté de mon grand-père ! je suis sûre que s’il aurait pu baisser ses oreilles, il l’aurait fait, alalala.

En accompagnement à ses paroles, elle haussa les épaules sans s’apercevoir, comme d’habitude, qu’elle racontait sa vie, et qu’en règle général, tout le monde s’en fichait. Tant pis.

La journée était décidément interminable, Naoki ne savait plus quoi faire pour s'occuper. Après avoir recompté les poissons, servit les clients lourds qui hésitaient pendant des heures avant de prendre un poisson bon marché et lancé des sardines à la tête de son voisin boucher pour passer le temps, il avait épuisé toute source d'occupation. Tristesse. Il n'avait qu'une envie : rentrer chez lui et ne pas continuer à copiner avec ses gens. Il n'avait nullement l'âme d'un commerçant, sa place n'était pas là. Ah, quand il pense qu'il pourrait être haut placé dans une entreprise renommée et être blindé de frics... Mais non, ce n'était pas plus mal, il était bien ainsi aussi !

Il avait déjà pris un nombre incalculable de pauses et comptait bien en reprendre d'autres. Il n'attendait presque que de se faire virer pour passer à autre chose. Nom d'une pipe ! Qu'on le laisse partir. C'est d'ailleurs alors qu'il comptait en prendre une autre qu'il la vit s'approcher. Cette fille... Ce moulin à paroles... Hanae, Hana, Hare, Nana, elle avait un prénom, il le savait. Il penchait plus pour Hanae. Il avait la désagréable impression de connaître toute sa vie. Naoki avait une trop bonne mémoire et ça l'agaçait dans les cas où on le forçait à retenir tant d'informations inutiles. Il tenta de s’éclipser mais elle le rappela, décrochant une grimace sur le visage de l'agent. Il devrait la dénoncer pour la mettre dans une des prisons de Terazawa, il aurait la paix pendant quelques semaines.

Péniblement, il retourna au stande, se plaçant face à elle. Du saumon, hein ? Franchement, elle pourrait au moins essayé de le surprendre en prenant quelque chose de plus exotique. C'est vrai qu'à première vue, il s'était dit qu'elle était typiquement son genre physiquement mais elle parlait trop. Beaucoup trop. Et ce n'était pas le job d'une femme de parler autant, si ? Non, elles devaient se taire, voilà. Si sa mère l'entendait penser, elle débarquerait ici pour le fracasser, il n'y avait là aucun doute.  Il tenta de ne pas avoir l'air trop agacé en l'écoutant raconter sa vie, voyant son patron le guetter d'un coin de l'oeil. Il n'avait même pas le droit d'être désagréable.

« Ah », répondit-il, philosophe, quand elle lui montra la taille de ce fameux poisson. Il s'en foutait de ses histoires de pêche, de grand-père et de saumon. Pourquoi est-ce qu'elle venait toujours lui raconter ça à lui ? Est-ce qu'elle avait des amis ? Il fallait d'urgence lui trouver des amis. « Quelle charmante histoire, je suis certain qu'il s'agit là d'un beau souvenir de famille. Il en a repêché d'autres depuis ? »

Non, Naoki, ne la lance pas. Elle n'a pas l'air de saisir les thons ironiques. Croisant ses bras sur son torse, il hésita quelques secondes avant de saisir un filet de saumon et de le poser devant lui. Il ne savait pas trop quoi en faire. Elle voulait du saumon, ça lui faisait de belles jambes, mais ça ne l'aidait pas vraiment.

« Tu m'en parleras plus tard, j'suis plutôt occupé là comme tu peux le voir. » Ouais, enfin, t'aurais au moins pu trouver une meilleure excuse, surtout quand il n'y a pas le moindre clients. « Alors, tu veux en faire quoi du saumon, je te le découpe comment ? »

Bien évidemment, passons immédiatement au vif du sujet qu'il soit plus rapidement libre !

Ce garçon se moquait d’elle. Hanae en était sûr mais pourtant elle n’avait jamais effacé le sourire qui avait bordé ses lèvres. Il devait la trouver stupide mais elle n’en avait que faire. Ca l’amusait. Ce n’était pas pour rien si par le passé on la décrivait comme une pile électrique dans son quartier. Elle voulait s’entendre avec tout le monde et d’un naturel sociable, elle aimait dialoguer avec les gens. Evidemment certains ne l’appréciaient pas, la trouvaient agaçante mais elle passait au-dessus des critiques, des moqueries. Au moins elle était unique à sa manière. Il était vrai qu’elle ne prenait pas forcément soin d’elle, enfin pas comme toutes ses potiches accro à la mode qui pouvait passer des heures dans les magasins. Hanae se plaisait telle qu’elle était. Elle n’avait pas besoin d’avoir des habits de marques sur elle ou des tas de couches de maquillage pour se plaire. Elle était bien ainsi. Et comparé à d’autres, elle avait une profonde confiance en elle à ce niveau là. Parce qu’elle avait toujours préféré vivre plus pour elle que pour les autres. Peut-être qu’au fond, c’était égoïste de la part de cette jeune femme d’embêter ce poissonnier ? Il n’avait rien demandé lui mais elle ne pouvait s’empêcher de venir discuter avec lui. Parce qu’elle trouvait ça drôle cette expression qu’il affichait à chaque fois... Il avait toujours l’air blasé et ça l’amusait. Certainement qu’elle avait également un côté sadique. Quelque part, elle plaignait ce garçon qui devait la supporter mais qu’il soit flattée, grâce à elle, ses journées étaient plus animées.

Le fait qu’il la tutoie la rendit quelque peu perplexe. Elle ignorait qu’ils étaient si proches et elle n’était pas stupide pour croire que c’était réellement le cas. Si elle était d’un naturel libre, ça lui faisait toujours bizarre lorsqu’on n’était pas formelle avec elle. Non, elle n’en était pas au point de planter un scandale sur le propos, elle passait au-dessus également, cependant ça l’avait troublé. Si bien que pendant l’espace d’un instant, elle n’avait pas prononcé un mot, se contentant de l’observer avec plus d’attention. Maintenant qu’elle le regardait ainsi, Hanae trouvait qu’il ressemblait étrangement à quelqu’un. Ô il était différent bien sûr toutefois, il avait le même regard. Ryuhei avait tout de même plus de classe. Probablement parce qu’il ne vendait pas des poissons lui. Hors, c’était un abruti et elle n’avait pas non plus envie de le revoir après ce qu’il s’était passé entre eux. Pas question.

- En sushi ? Finit par répondre la jeune femme en inclinant son visage sur le côté.

A son tour, elle se moquait un peu de lui puisqu’elle se doutait que ce n’était pas possible. Reprenant son sérieux quelques secondes, elle lui expliqua comment elle le voulait et repartit aussi sur l’histoire de son grand-père. Bien sûr qu’il en avait pêché d’autres mais pas des aussi gros que celui-là.

- D’ailleurs, vous savez, ça n’a rien à voir ! Vous ressemblez à mon ex-mari ! Bon, il avait plus de charmes ça c’est sur. Il n’aimait pas trop les poissons non plus mais il est allé pêcher avec mon grand père un jour ! Genre pour se rapprocher de la famille tout ça, tout ça. Et il s’est démené pour me ramener celui que je préférais ! Vous devrez vous inspirer de lui, être plus attentif, je suis même sur que si vous souriez, vous aurez plus de clients ! Je peux vous aider si vous voulez ?

Euh... Depuis quand tu t’y connais en poisson toi ? Et qu’est-ce que tu racontes ? L’aider, non mais n’importe quoi. Tu es kiné, pas poissonnière. On aura vraiment tout vu. Incorrigible celle-là, c’était incroyable.

En sushi ? Elle se fouterait pas un peu de sa gueule, la demoiselle ? Y avait écrit distribution de riz avec le poisson ou quoi ? Elle croyait qu'elle était à la croix rouge ? N'importe quoi cette fille. Il avait envie de la balayer mais il avait bien trop la flemme. C'était chiant de balayer alors il n'allait pas le faire pour elle. Dans tout les cas, il rit de façon sarcastique pour lui laisser le plaisir de comprendre que non, elle n'était pas drôle. Mais bon, il l'avait compris depuis longtemps lui, il trouvait juste triste qu'elle n'ouvre pas les yeux sur sa triste condition de femme ayant un humour vraiment bas de gamme.

Et pour couronner le tout, elle se sentait obligée de continuer à parler. Elle avait été mariée ? Elle avait quel âge cette fille ? En tout cas, il était ravi d'apprendre que son ex lui ressemblait. Sérieusement, qu'est-ce que ça pouvait lui foutre ? Elle était d'un ennui mortel. Elle pouvait pas faire autre chose ? Surfer sur le web, jouer avec un aspirateur automatique, peu importe. Ou bien peut-être qu'elle n'était pas du genre à s'intéresser à ça ?

« Vous voulez que je ressemble davantage à votre ex-mari ? » S'enquit-il avec un léger sourire sur les lèvres. « Dans ce cas, il ne fallait pas divorcer, s'il était si bien. »

Si elle était encore mariée, elle ne viendrait sans doute pas l'emmerder ici. Elle se presserait de rentrer pour lui faire à manger, et voilà, régler. Il prépara le couteau en réfléchissant à comment se débarasser d'elle. Empoisonner le saumon, on remontera forcément à lui. Alors quoi ? Pénible. Vraiment pénible. Puis comme une étincelle alors qu'il croisait le regard de son camarade boucher, à qui il lança une sardine parce que ça l'énervait de le voir le regarder, il se rappela qu'il n'était qu'un poissonnier sous couverture. Peut-être que c'était une vilaine Denshou et qu'il fallait la rééduquer ? Oh oui, certain que c'en était une. Et il allait devoir le prouver !

« J'ai pas le droit de vous laisser m'aider, mon boss surveille, mais on pourrait faire ça une autre fois. Des cours particuliers de bonne humeur ! » Ouais, des cours de sourire, bien sûr, bien sûr. « Vous pourriez me laisser votre numéro ou plutôt votre adresse mail, je vous enverrai un message ! »

Il n'allait pas parler de réseaux sociaux tout de suite, ça ferait trop louche. Pour l'instant, on allait voir si elle avait déjà ça. Concrètement, un Denshou pouvait avoir les deux, mais il attendait de voir le modèle de téléphone qu'elle avait, priant pour qu'elle le sorte. Iphone 6, il serait déçu. Iphone 3, il appelle la NSA. Voilà, voilà. Le piège était ouvert, avec un peu de chance...

Ce poissonnier était un idiot. Est-ce qu’elle avait mentionné une seule fois qu’elle aurait voulu qu’elle lui ressemble ? Et encore plus, qu’elle était bien avec l’ex-mari en question ? Non. Elle avait simplement précisé qu’il avait plus de classe cependant il s’agissait du dernier des abrutis. Son vis-à-vis n’avait nullement besoin de le savoir toutefois Hanae n’avait pu s’empêcher de froncer les sourcils à sa réflexion. Il se croyait malin celui-là mais il était bien loin de la connaître. Ô oui, bien sûr, elle lui contait sa vie à chaque fois qu’elle se rendait à son stand toutefois, ce qu’elle lui disait était infime à tout ce qu’elle avait déjà vécu jusque là. Elle ne lui avait jamais dit des choses qui lui semblaient trop personnels ou qui pourraient la rendre triste. Elle se contentait des anecdotes qu’elle trouvait drôle et qui agaçait le garçon. Hors, ça n’avait pas d’importance. Que cela soit lui ou Ryuhei, il ne valait peut-être pas mieux l’un que l’autre. Peut-être qu’ils étaient frères en fait. Elle aurait du penser à lui demander s’il était fils unique avant de partir dans des histoires farfelues.

En plus voilà qu’il voulait son numéro de téléphone. Bah voyons. Tout d’abord, elle ne le connaissait pas, elle n’était pas assez stupide pour donner son numéro à n’importe qui. Ce n’était pas parce qu’elle venait au marché toutes les semaines et qu’elle faisait la conversation avec lui qu’ils étaient aussitôt amis. Naoki se voilait la face et pouvait se mettre les doigts dans le nez. Comme si ça l’intéressait vraiment de toute manière. Ensuite, pas besoin de vérifier que la jeune femme était quasiment certaine de ne pas avoir son portable sur elle. Elle considérait la chose comme complètement inutile. Elle pouvait très bien s’en passer. La preuve, ce matin, elle l’avait encore oublié et ça ne lui posait aucun problème... Au travail, ce n’était pas elle qui était chargée de répondre aux appels et elle préférait que cela soit ainsi. Au moins, elle communiquait plus correctement avec ses patients.

- Pourquoi je ferais ça ? Demanda-t-elle alors, un brin d’étonnement se reflétant dans sa voix, Je ne donne pas mon numéro si facilement. Pour qui vous me prenez ? Vous êtes un pervers peut-être ?

Sur ses mots, la demoiselle s’avança légèrement afin de le dévisager plus curieusement, les sourcils froncés. Comme si le regardait lui donnerait des réponses... Haussant les épaules, elle se recula avant de rire doucement.

- De toute manière, je ne l’ai pas sur moi. Je ne m’en sers jamais. Toute cette technologie m’ennuie plus qu’autre chose, Souffla Hanae, réellement blasée dans l’évolution qu’avait pris sa ville natale, Enfin, je ne sais même pas pourquoi je vous parle de ça. Vous êtes poissonnier, qu’est-ce que vous en avez affaire vous hein ? Puis, vous semblez y porter plus d’intérêt que moi donc je ne vais pas m’éterniser là-dessus !

Sinon elle risquait de faire un roman sur le ô combien elle détestait ce qu’était venue Nishinaka. Cet endroit qu’elle aimait tant par le passé et qui lui manquait. Elle se fichait bien qu’on puisse l’entendre, qu’on l’emprisonne ou dieu ne savait quoi d’autre. Du genre franche, Hanae ne s’était jamais caché alors si on voulait l’attaquer qu’on le fasse. On ne dirait pas ainsi toutefois derrière ce visage mignon, il y avait une véritable guerrière.

Elle n'allait quand même pas faire sa farrouche ! Bon, draguer quand on est poissonnier, c'est pas non plus le truc le plus sexy qui soit, Naoki le savait. Mais il restait pas mal, elle pourrait faire un effort. Oui, c'était un pervers, pire qu'elle n'imaginait, c'est pour ça qu'il vérifiait si elle avait un numéro de téléphone. Cependant, il ne put s'empêcher de rire doucement en la voyant si méfiante. Elle venait lui raconter son enfance, mais elle ne voulait pas être trop familière ? C'était étrange, et fascinant. Peut-être qu'elle avait plus à cacher que ce qu'elle voulait bien admettre. Et ça, ça devenait intéressant. Il sortit son téléphone et commença à distraitement textoter la base de NSA avec le nom et le prénom de sa « cliente ». Tôda Hanae, ainsi qu'une brève description physique, puis il rangea l'appareil.

Naoki rit à nouveau quand elle termina en lui demanda ce qu'il en avait à faire. Justement, il était plus que poissonnier, mais il ne pouvait pas lui dire. À la place, il lui sourit tout en reprenant la découpe du saumon, plus joyeux qu'il ne l'était à son arrivée. L'imaginer se faire emmener en prison le mettant en joie, c'était plus fort que lui, décidément.

« J'y porte un intérêt normal, pas forcément plus que la moyenne. Enfin, la moyenne, en dehors de Nishinaka, ici, c'est pas pareil. » Malheureusement, il ne pouvait pas lui faire croire qu'il était de son clan, il ne saurait même pas dire s'il était plutôt Denshou ou Shinki, il trouvait ça profondément ridicule.

Dans la moyenne nationale, c'était sûrement ce qu'il y avait de plus juste. Il ne courrait pas après les derniers gadget, même si son téléphone et son ordinateur avaient leur petite importance. Pour son physique... Allez, il était déjà parfait naturellement ! Et personne ne pouvait lui dire le contraire. Parfaitement.

« T'as peur que je te spame de message ? On peut s'écrire des lettres si tu veux, et faire des rendez-vous galant, genre on va dans un restaurant à Shizen ou on fait des balades à bateau. Enfin, je vais pas insister », reprit-il en prenant un air déçu. « Tu venais me raconter ta vie si souvent, je pensais que je te plaisais, je me suis trompé, c'est pas grave. »

Pas grave du tout même. Il peut trouver mieux facilement. Il n'est pas n'importe qui de toute façon. Elle finira bien par le comprendre un jour. En attendant, il se dépêcha d'emballer son poisson pour qu'elle parte le plus vite possible, le posant sur le petit comptoir devant elle. « Ça fait 1950 yens, s'il te plait ! »

S’envoyer des lettres ? Hanae fronça les sourcils, ce poissonnier n’était-il pas en train de se moquer d’elle ? Il trouvait ça drôle. Elle, pas vraiment. Elle avait ses raisons après tout et s’il croyait la connaître parce qu’elle lui racontait sa vie tout le temps, il se trompait. Ils n’étaient pas proches. Ils n’étaient pas même des copains alors pourquoi lui donnerait-elle son numéro ? Juste parce qu’il lui plaisait ? Si ça avait été le cas, elle ne lui aurait pas donné non plus. La drague ce n’était pas pour elle, les relations d’une nuit, elle évitait aussi et si elle devait rencontrer un petit copain à nouveau, qu’il vienne sonner à sa porte. Ce n’était pas elle qui ferait le premier pas. Et si ce Naoki était intéressé, il avait du pain sur la planche pour tenter de l’avoir. Qu’il n’espère pas que tout soit si simple. Elle faisait moins confiance en les hommes qu’il n’y paraissait.

Silencieusement, la jeune femme farfouilla dans son sac à la recherche de monnaie et lui tendit deux billets de mille yens. Dans cette position, elle pouvait l’observer de plus près et c’était vrai qu’il était plutôt mignon. Des filles qui se jetaient à ses pieds, il devait en avoir pas mal, si on omettait le métier qu’il faisait bien sûr. Parce que ça n’avait rien de classe toutefois ça pouvait être une excuse pour venir acheter du poisson souvent aussi. Le vendeur est beau alors autant y aller. Non, Hanae elle, plus que le trouvait beau ou mignon, elle le trouvait drôle. L’embêter était devenu sa spécialité car elle pouvait remarquer à quel point le garçon paraissait s’ennuyer, désespéré quand elle lui parlait également mais n’était-ce pas son devoir d’écouter ce qu’avait à dire ses clients ? Les patients « chiants », elle en connaissait certains aussi, ce n’était pas toujours facile cependant ça faisait malheureusement partie du métier. Puis, ça s’appelait la communication. Communication qui se perdait de plus en plus donc si elle était énervante, ça lui importait peu. Elle aurait un minimum forcé cet homme à lui accorder une quelconque attention, peut-être qu’il la remercierait plus tard, qui savait.

- Vous ne me plaisez pas, Déclara-t-elle franchement, plongeant ses yeux dans les siens tandis qu’elle récupérait sa monnaie, Et ce n’est pas parce que je raconte ma vie qu’on me plaît forcément. De toute façon, vous êtes tous pareil au final les hommes. On vous parle et ça y est, de suite vous tournez la chose à votre avantage. Je sais que ça vous fait chier mais écoutez ça aussi, c’est la vie.

Son ton était des plus calmes et même en rétorquant cela, le demoiselle n’effaçait pas son sourire. Elle était du genre optimiste et ne se vexait pas aussi facilement qu’il n’y paraissait. La réflexion de cet homme l’avait simplement ramené il y a quelques années en arrière et elle n’avait pu s’empêcher d’avoir ce goût amer passant dans sa gorge.

- Enfin laissez tomber, ce n’est même pas contre vous de toute façon.

Elle haussa les épaules sur ses dires puis eut pour réflex, comme toujours, de vérifier rapidement le contenu du sac en plastique. Quelque part, ça l’avait peut-être énervé qu’il lui parle de « s’envoyer des lettres » ou qu’il fasse semblant de la comprendre. Cela ne servait à rien puisque au final, elle avait vu clair dans son jeu dés le début. Qu’il ne tente pas de l’amadouer avec de belles paroles, il ne les pensait certainement pas de toute façon.

Il ne lui plaisait pas ? Oh, tristesse, il allait pleurer ! Le pauvre chou, vraiment, qu'est-ce qu'il ratait avec une fille comme elle. Oh vraiment. Reprenant son téléphone, il précisa qu'elle était dangereuse et complètement folle. Prend sa, sale garce. Une moue faussement triste orna les lèvres de l'agent et il haussa les épaules. De toute façon, elle avait de petits seins. C'était pas son truc les petits seins, il aimait pas ça. Puis le discours de « vous êtes tous pareils » ça va cinq minutes hein ! Elle était chiante et en plus elle lui faisait perdre son temps. Avec un sourire, il lui rendit ses 50 yens de monnaies, la laissant parler toute seule.

Elle était bizarre, à s'énerver comme ça, il n'avait même rien faire. Peut-être qu'elle était folle, hystérique et qu'elle avait tué son mari. Ouais, ça devait sûrement être ça. Elle était folle et bipolaire. Il devait se méfier. Genre, il allait l'envoyer chez Kyohei maintenant, c'est plus prudent. Quand elle termina de façon plus calme, il manqua de lui dire de bouger son cul de son stand mais il allait jouer la politesse.

« Désolé d'avoir mal interprété votre comportement. »

On pourrait presque croire qu'il l'est vraiment, c'est beau ! Il garda son sourire un peu commercial, se courbant très légèrement vers l'avant.

« Merci de votre visite, bonne journée ! »

Allez, maintenant bouge de là et va faire ton hystérique ailleurs. Complètement dingue cette fille, on s'étonne même pas que son mari soit parti avec une folle pareille.