Big brother is watching you • |

La nuit avait été longue. J'étais fatigué de jouer à l'host et d'avoir des horaires pas possible. Bon, j'aimais bien qu'on m'aime, là n'était pas le problème, mais j'aimerais bien choisir quand. J'aimerais être un host de luxe, choisir un peu près mes horaires et travailler dans un environnement plus confortable, genre allez directement chez les clientes, et être payé plus. Bon, clairement, j'avais envie de vivre une vie de gigolo, le sexe avec les vieilles en moins. Si seulement on pouvait juste se trouver un job sur mesure.

Comme en ce bon matin – fin d'après-midi, tout dépend de ce point de vue – j'étais une véritable tapette frileuse, je m'étais emmitouflé dans une couverture, un chocolat chaud entre les mains, Tom Sawyer à la télévision. Il faisait froid dans ce monde, c'est dingue quand même, cet hiver glacial. Je coisais mes jambes comme un indien, suivant avec intérêt les aventures du protagonistes. Je baissais mes yeux vers le pensement que j'avais à la main, ça faisait déjà deux jours depuis le petit détour au tribunal... Avec le compagnon d'Hanae. Je lâchais un soupir. Je ne sais même pas comment il va et je m'en fiche. J'espérais juste qu'elle allait bien et qu'elle n'avait pas essayé de le voir depuis.
Il fallait que je me la sorte de la tête, c'était mieux. Je n'aimais pas me prendre la tête. La sonnerie qui retentit m'aida à me sortir mes soucis de la tête et je me levais pour ouvrir et là... Le mal de crâne commençait déjà. Takano... Encore lui.

Il entra sans que je ne lui en donne l'autorisation et je me frottais déjà les tempes pour faire passer un mal de tête. Sérieusement, il était obligé de venir tout le temps comme ça ? J'aurais peut-être du le laisser mourir. C'était probablement une puntion divine pour m'être attardé sur lui. Bordel. Maru lança un grognement avant de s'engouffrer dans la chambre. Je l'enviais tellement.
Ignorant Kai, je retournais dans le salon, reprenant ma position initiale devant la télé. Le dessin animé était terminé, il passait désormais les informations. Putain, je m'en fiche de ça. Je zappais jusqu'à trouver une vielle série américaine et je me mis à regarder cela, terminant mon chocolat en écoutant distraitement l'envahisseur me parler.

-Je viens de me lever, alors, ma foi... Non.

Bon, s'il cuisinait, ça devenait intéressant, je n'avais pas forcément envie de faire d'effort pour ça en me levant. J'étais du genre à faire confiance à n'importe quoi, donc tant qu'à faire, je ne m'inquiétais même pas de le laisser vagabonder dans mon appartement comme ça lui chante. Il n'avait pas l'air méchant, il était juste bizarre.

-C'est pas pire que de devoir baiser des inconnus toute la journée, répondis-je sans ciller à son « inquiétude ».

Vraiment, je n'avais pas envie de parler boulot, sachant que je devais y retourner dans quelques heures. Autant profiter de mon temps libre pour... Ne rien faire tien. C'était très bien. Je l'entendais cuisiner de loin, et je sentais que c'était peut-être le moment d'avoir un peu de franchise entre nous.

-Takano, je peux te poser une question ? Pourquoi tu viens tout le temps ?

Je m'étais retourné afin de le voir dans la cuisine. Bon, ce n'était peut-être pas une bonne idée, il pouvait tenter de m'empoisonner avec ses plats... Enfin peu importe, au point où on en était.

Les sourcils froncés, je l’avais discrètement dévisagé. « Pas pire que de baiser des inconnus ». Est-ce qu’il parlait de moi ? J’espérais pour lui que ce n’était pas le cas. Enfin de toute façon il ne pouvait pas comprendre et puis ce n’était même plus des inconnus désormais puisque nous travaillons ensemble. Bon après, peut-être qu’il ne parlait pas de moi. C’était un gars tout comme moi, demi-frère ou non, il rêverait d’être à ma place comme les autres. Justement parce que mon métier était de « baiser », quand bien même c’était épuisant, c’était cool aussi. Parfois. En particulier pour la satisfaction que j’avais mais un garçon tel que lui ne pouvait pas saisir. Je ne passais pas ma matinée à dormir et à regarder des vieux dessins animés, moi. Bon cela m’arrivait également cependant c’était très rare et cela arrivait en général pendant des coups de mous, de nostalgie. Dans tous les cas, un homme qui passait son temps devant Tom Sawyer avec un chocolat chaud en guise de boisson ne pouvait pas être à ma place et me comprendre. J’avais effectué le même job que lui auparavant et je pouvais certifier que c’était bien d’être acteur de films pornographiques qu’être host. En plus d’obtenir de la reconnaissance, une certaine célébrité, je côtoyais des belles filles tout le temps et par dessus tout, je n’avais pas à me soucier quant à leur hygiène. En tant qu’hôte, cela m’avait tellement insupporté et effrayé aussi. Je ne comptais plus le nombre de fois où je me lavais les mains par jour par faute de ne pas savoir ce que je touchais...

Haussant les épaules, je n’avais pas relevé puis étais parti donc installer ce que je venais d’acheter dans des plats. Je savais que mon comportement pouvait paraître louche, cela me surprenait d’ailleurs que Ryuhei n’avait encore rien dit jusqu’à maintenant. Lui qui me traitait constamment de gay depuis notre rencontre, il ne réagissait même pas alors que j’étais collé à lui constamment tel un gros pot de glu. Je ressentais presque de la peine pour lui mais au fond pas du tout. Puisque si lui ne connaissait pas la vérité, moi je la connaissais. C’était mon frère. Ce frère que j’avais toujours inconsciemment souhaité avoir et je l’avais devant moi. J’étais plus jeune que lui cependant je ne pouvais m’empêcher de vouloir m’en occuper, de vouloir en découvrir plus, l’aider s’il en avait besoin. Ce qui m’étonnait moi-même d’être aussi « prêt à tout » pour une personne quant on sait qu’à l’origine je suis un jeune homme principalement égoïste. Je suppose que je le serais toujours même avec lui toutefois il y avait cette partie de moi qui avait envie d’en prendre soin parce que justement, c’était mon frère. Réaction sûrement stupide car avant que je ne découvre cela, je m’intéressais à peine à son existence... Je crois qu’au bout du compte, je ne me comprenais pas moi-même.

Sa question me surprit autant qu’elle ne me surprit pas tant que ça. Il avait que j’y pense pour qu’il se décide enfin à parler de tout ça. Machinalement je redressai mes yeux vers lui, ne pouvant retenir le petit sourire qui s’était dessiné dans le coin des lèvres. Sa remarque aurait pu me vexer, hors ce ne fut pas le cas. Parce que je m’y étais mentalement préparé. Du moment qu’il ne me jetait pas dehors, je crois que ça irait.

- Parce que je t’aime bien ? Rétorquais-je au tac au tac sans effacer l’esquisse qui égayait mon visage.

Dit comme cela, ça pouvait sonner encore plus louche et m’en apercevant moi-même, je me mis à rire doucement avant d’agiter ma main devant mon visage afin d’expliquer que ce n’était pas tout à fait ce que je voulais dire. Puis, je m’excusai, amenant les deux assiettes dans le salon sans m’assoir pour autant.

- Pour des raisons que je ne peux pas te dire. Tu ne me croirais pas de toute façon.

Comment pourrait-il croire à ça ? C’était impossible. J’avais moi-même eu du mal à croire lorsque mon père m’avait raconté... Il avait dû me montrer des preuves de manière à me convaincre et bien qu’une part de moi était heureuse de cette révélation, l’autre avait eu du mal à l’avaler.

- Et non, je ne suis pas amoureux de toi si c’est ce qui t’inquiète, Déclarais-je d’un ton amusé tout en m’installant à côté de lui.

Etrangement, à présent que je savais qu’il s’agissait de mon ainé, cela ne me posait plus vraiment de problèmes d’aborder un tel sujet avec lui et d’en plaisanter.

- Mais je crois sincèrement que tu préférerais ça.

A la vérité. J’appréhendais sérieusement sa réaction et quelque chose me disait que cela ne lui plairait pas. Donc je pensais sincèrement que Ryuhei aurait sûrement préféré que je m’entiche de lui qu’autre chose. Parce qu’un amour est passager, un frère, qu’on le veuille ou non, c’est pour la vie.

Il m'aime bien ? Normal, tout le monde m'aime bien. Ça n'a rien de nouveau. Cependant, les autres ont l'obligeances de me laisser un minimum d'espace vital, bordel. Peut-être qu'il avait si peu d'ami qu'il fallait qu'il s'incruste chez la première personne un peu trop gentil. Voilà, on offre un peu d'aide à un animal en détresse et il gratte à votre porte pendant dix ans encore pour recevoir un peu d'attention. L'air ennuyé, je croisais mes bras sur le haut du canapé, posant mon menton au-dessus tandis que je l'écoutais avec plus ou moins d'attention. Des raisons qu'il ne peut pas me dire ? C'était quoi encore, ces conneries ? Il était entrain de se foutre de ma gueule ? Et pourquoi je ne le croirais pas ? Je savais qu'il était potentiellement gay, je pouvais le croire.

Comme s'il lisait dans mes pensées, il jugea bon de me préciser qu'il n'était pas amoureux de moi, ce qui me fit doucement sourire et hausser les épaules. Qu'est-ce qu'il en sait, si je préférerais ça ? Enfin, c'était bizarre qu'il me dise cela. C'était si grave que ça ? Enfin, ça ne peut pas être grave. On ne se connait même pas lui et moi, on a rien en commun. Je ris un peu avant de me tourner vers la télévision, me remettant à zapper distraitement.

-Depuis quand tu te la joues mystérieux, Kaiou ? T'sais que tu peux tout me dire, on est amis, non ?

Mes dents vinrent mordiller ma lèvre pour m'empêcher de rire. Amis... Ouais, non. Probablement pas. Je n'accordais pas mon amitié au premier venu dans mon club d'host. Je l'aimais bien aussi, quelque part, mais ce n'était pas de l'amitié, une sorte d'affection qu'on peut avoir envers un animal qu'on voit souvent. Un peu comme ce que j'avais pour Maru. Même si je crois que je pourrais même préféré Kai. Maru avait ses jours, parfois je l'aimais bien, parfois j'avais envie de l'encastrer dans un mur... Bon, un peu comme Kai. Maru était plus doux, plus affectueux à ses heures perdu. Mais il fallait que je le nourrisse alors qu'avec Kai, c'était clairement l'inverse puisqu'il était au fourneau. Bon, Kai l'emportait.

-Tu sais, je t'en voudrais pas d'être tombé amoureux de moi. Ce serait même normal.

En quelque sorte, oui. Si on considère qu'il était normal. Une fois encore, je me tournais pour voir où il en était, me soulevant un peu pour mieux voir. « C'est bientôt près ? » demandais-je en tentant de voir ce qu'il cuisinait. C'est que ça sentait vraiment bon et que j'avais vraiment faim. Bon, je devais reconnaître que c'était gentil de sa part d'être venu cuisiner pour moi, mais ça me paraissait tout de même relativement... Bizarre.

-Quand on mangera, tu me diras ce truc que « je ne croirais pas de toute façon ». On verra bien si c'est pire ou pas.

À mon sens ça ne pouvait pas être pire. Je ne connaissais pas Kai, il ne me connaissait pas non plus. Nous n'étions lié par rien à part peut-être un film d'indigène et un club d'host. Rien de bien palpitant. Enfin, je crois ?

Mes yeux se rivèrent vers lui dés qu’il pris la parole, surpris. Mais aussi, parce que je ne croyais pas un mot de ce qu’il me racontait. Je savais que je devais l’ennuyer, le souler même cependant c’était plus fort que moi. J’avais donc plus l’impression qu’il se moquait de moi qu’autre chose néanmoins je ne pouvais pas lui en vouloir. On n’était pas proche même si pour moi c’était comme si on l’était puisque, c’était mon frère. Hors pour lui, vu qu’il l’ignorait, il ne pouvait pas comprendre. Et il se trompait à mon sujet. J’étais loin de prendre le mot « ami » à la légère. Il m’avait aidé mais c’était plus par défaut que par volonté. Si ça avait été quelqu’un d’autre qui s’était retrouvé poignardé à ce moment là, il aurait très certainement été contraint d’agir de la même façon. Qui aimerait avoir un mort sur la conscience ? Ryuhei me prenait simplement pour un idiot parce qu’il devait se dire que je lui portais un intérêt étrange sans qu’il ne puisse comprendre pourquoi et que moi-même, je ne devais pas être très net dans ma tête. De toute manière, quoi qu’il en soit, je n’étais réellement pas net dans ma tête.

Je ne pus que rire quand il jugea bon de déclarer que c’était normal de tomber amoureux de lui. Pas vraiment. Même si j’étais gay et même s’il n’était pas mon frère, je ne pourrais pas m’enticher d’un gars comme lui. Premièrement, physiquement il était autant dire ce qu’il y avait de plus banal et mentalement, il était malgré tout spécial lui aussi.

- Bientôt, Répondis-je lorsqu’il voulut savoir si c’était bientôt prêt tandis que je terminais de faire griller les gyozas.

Faisant comme chez moi, je pris ce dont j’avais besoin dans les placards afin de mettre la table, posant enfin ce que je venais de préparer dans un plat.

- Je te le dirais si tu arrêtes de te foutre de moi, ne me prends pas pour un idiot.

Sur ses dires, je m’assis en face de lui, nous servant tous les deux et souris fier de moi en goûtant la nourriture. Ce n’était pas mauvais seulement ce n’était pas non plus quelque chose de trop compliqué à faire.

- Je sais que je te fais « chier » mais honnêtement, je m’en fiche.

Parce que j’étais égoïste et que j’étais heureux d’avoir un frère, même s’il était un peu « con ». Je laissai un silence s’installer, dégustant ce que j’étais en train de manger et réfléchissant à comment est-ce que je pourrais lui expliquer. Je n’aimais pas tourner autour du pot toutefois je ne m’imaginais pas être trop direct non plus.

- Tu te souviens de la réaction de mes parents envers toi à l’hôpital ? Finis-je par l’interroger, levant ma tête en sa direction, Et bien en fait... Il y avait une raison.

Soupirant, je posai mes baguettes à côté de mon assiette, sans finir mes nouilles ni même mes légumes. Je n’osais à peine le regarder dans les yeux parce que je n’avais pas besoin de le connaître pour savoir que cela ne lui plairait pas. Et qu’il ne me croirait pas non plus.

- Mon père a connu ta mère...

Je marquai un faible arrêt avant de reprendre et d’avouer enfin un « Nous sommes frères, Ryuhei. » La réplique avait l’air d’être sorti tout droit d’un film mais qu’est-ce que j’étais censé dire d’autre ? J’ignorais s’il était choqué ou s’il avait juste envie de rire, croyant que je lui racontais n’importe quoi toutefois c’était bel et bien la vérité. J’allais être contraint de lui prouver.

- Kimura Naomi, de son nom de jeune fille... Ils ont eut une relation tous les deux alors qu’elle avait déjà sa propre famille.

A mes yeux, ce n’était pas une nouvelle facile à encaisser. Puisque déjà cela signifiait que sa mère l’avait trompé en lui mentant et que celui dont il croyait être son vrai père ne l’était pas.

Des gyozas ! Mon visage avait du s'illuminer face à ce repas. Du coup, j'avais encore plus faim. Je me laissais glisser du canapé pour venir m'agenouiller devant la table. Je fis signe que je n'allais plus me foutre de lui, trop impatient de manger. Ses révélations ne m'inquiétaient pas, même quand il me parla de ses parents. Oui, je me souvenais qu'ils étaient bizarres. Un père plutôt joyeux, une mère froide et bizarre. Enfin, quand on connaissait le fils, on se disait que ce n'était pas bien étrange, enfin, ça allait avec le spécimen « junior ». Je reposais mes baguettes quand il me dit qu'il y avait une raison, le regardant comme pour lui faire signe de continuer, un sourire amusé sur les lèvres.

Cependant, il se dissipa un peu quand il parla de ma mère. Chemin épineux. Son père a connu ma mère ? Ça tombait bien, elle avait connu beaucoup de monde avant sa mort ! Néanmoins, la suite était aussi ahurissante qu'hilarante. Frères ? On était frères ? Il avait complètement pété un cable, ce mec ! Je sais pas d'où il sortait ce genre de connerie, mais là, c'était quand même le comble. Je souris un peu, ne reprenant même plus mes baguettes tant j'avais juste envie d'appeler une ambulance pour le faire interner... Ou de lui foutre mon poing dans sa sale face en l'entendant prononcer le nom de ma mère. Il était allé jusqu'à chercher son nom ? Mais il fallait qu'il se fasse soigner. Je n'avais même pas envie d'envisager cela comme si c'était réel, je n'avais même pas envie de me poser la question, si elle avait trompé mon père ou non. Mon père... Nous n'avions jamais été proche, nous ne nous étions jamais réellement parlé, il n'a jamais ouvert le dialogue. Mais... Il n'empêche qu'il est mon père. Il n'avait pas le droit de venir avec ses délires de psychopathes me raconter n'importe quoi.

-Ecoute, répondis-je calmement après des minutes de silence, je sais pas ce que tu cherches à faire. Ta vie doit être triste pour inventer des trucs du genre, ça me fait de la peine pour toi. Enfin, peu importe, hein ? Mais, Kai, j'aimerais juste te demander quelque chose.

Calme, j'étais resté parfaitement calme. Toutefois, je m'étais légèrement redressé avant de le regarder droit dans les yeux, mes sourcils légèrement froncés. Malgré tout, je ne plaisantais plus, je ne tentais même plus l'humour ou la légerté. C'en était fini de tout ça. Il pouvait parler de certaines choses, mais il y avait des sujets qu'il ne fallait pas aborder.

-Ne parle plus jamais d'elle ainsi. Tu peux t'inventer une vie avec qui tu veux, mais ne l'inclu pas dans tes histoires de fous. Sinon, je te promets... Même la chirurgie ou toutes tes conneries ne t'aideront pas à retrouver un visage un peu près potable à regarder.

Ma mère m'avait laissé il y'a déjà sept ans maintenant, au fond, je refusais de croire qu'elle serait partie sans me dire la vérité, sans m'avouer tout ça. Elle était la personne en qui j'avais eu le plus confiance, elle était tout pour moi. Je ne voulais pas songer à cela, qu'elle aurait pu me mentir tout au long de ma vie, jusqu'à sa mort et qu'elle n'aurait même pas tenté de me dire la vérité. J'étais loin de ressembler à mon père ou même à mes frères. Ça ne signifiait pas qu'ils n'étaient pas réellement mon père et mes frères. Dans une famille, on peut être différent les uns des autres. J'étais différent d'eux, mais elle s'amusait toujours à dire que j'étais « Plus Kimura que Sekino ». Mais j'étais un Sekino malgré tout ! C'était mon nom, ma famille. Non, je ne devrais même pas penser à cela.

-Tu devrais t'en aller, lançais-je froidement, sans le regarder.

Il faisait une fixation bizarre sur moi, au point de s'inventer tout et n'importe quoi... C'était plus sain qu'il se casse au plus vite, avant de commencer à s'imaginer que mon père est le sien et qu'il y a eu kidnapping ou je ne sais quoi.

Je m’y étais préparé. Sérieusement, je m’étais préparé à ce que Ryuhei soit choqué et ne croit pas la vérité. J’avais moi-même eu du mal à y croire mais les preuves avaient été posé là, sous mes yeux. Mais je ne m’étais pas attendu à cette réaction là, à ce que ses paroles soient plus douloureuses que ce que j’aurais pu imaginer. J’avais l’impression de me prendre un second coup de poignard dans la poitrine. Je pouvais le comprendre. Je le comprenais même cependant il était bien loin de me connaître et il n’avait jamais cherché à le faire non plus. J’admettrais pouvoir être un véritable idiot et semblait bizarre avec des délires tout aussi bizarres néanmoins je n’en étais pas encore au point d’inventer des histoires loufoques juste pour attirer l’attention. J’en avais assez que les gens continuent de me juger... J’avais bien subi par le passé pour que ça recommence. J’étais blessé oui, toutefois je ne parvenais pas à lui en vouloir parce que si j’avais été à sa place, j’aurais sûrement agi de la même manière. Qui apprécierait d’avoir un inconnu débarquant chez soi pour vous apprendre qu’on vous a trompé pendant toute votre enfance jusqu’à aujourd’hui. Je ne voulais pas lui dire et j’aurais mieux fait de m’écouter... Parce que je n’avais pas envie de partir, je n’avais pas envie qu’il me mette à la porte comme il était en train de le faire, je n’avais pas non plus envie qu’on se fâche lui et moi. Je souhaitais sincèrement qu’on s’entende... C’était vrai, au fond, j’avais toujours été seul puisque je n’avais pas confiance en moi et donc, pas en les autres non plus. J’aimerais pouvoir compter sur quelqu’un et qu’on puisse compter sur moi en retour. Pour une fois que j’acceptais de ne pas être égoïste, pourquoi n’essayait-il pas de se mettre à ma place lui aussi ?

Ma vie était loin d’être triste. Elle était parfaite. Encore plus si j’avais un frère qui venait s’y ajouter, je le désirais réellement... Mais plus Ryuhei parlait, plus je me disais que finalement, c’était peut-être une mauvaise idée. Peut-être que dés que je l’avais su, j’aurais mieux fait de le fuir plutôt que le contraire... Je n’avais pas envie non plus de le déstabiliser ni qu’il soit malheureux. Néanmoins c’était à présent trop tard pour regretter.

- Tu ne m’effraies pas, Déclarais-je en poussant mon assiette et me levant, Tu peux me frapper si tu le souhaites, ça ne changera en rien la réalité. Je comprends que ça peut être dur à croire mais je ne suis pas encore au stade d’inventer des histoires pas possible juste pour avoir un peu d’attention.

Je n’avais pas besoin de ça de toute manière. Je savais ce qu’était la valeur d’une amitié et fonder une amitié sur des mensonges, je n’étais pas ainsi.

- Tu peux me traiter de fou si ça t’enchante, je n’en ai rien à faire. Je t’avais prévenu que ça ne te plairait pas, c’est toi qui a insisté pour savoir. Mais très bien. J’ai compris. Je m’en vais.

Au fond j’étais déçu. Non pas de lui mais que tout se finisse si rapidement. Je venais à peine de le rencontrer, d’avoir appris qu’il était mon ainé et je devais repartir. J’étais égoïste néanmoins j’avais conscience qu’en cet instant précis, je n’avais pas le droit de l’être. Je ne pouvais pas le forcer à me voir, ni même à m’accepter. Ma déception s’était ressenti dans le ton de ma voix mais également dans mon regard qui d’habitude était si brillant. Je culpabilisais, désormais.

- Je ne t’embêterais plus. Prends soin de toi.

Sur ses mots, je m’inclinais légèrement et ne m’attendant pas à une réaction de sa part, je me dirigeais vers l’entrée afin de partir. Qu’étais-je censé dire après ça ? Rien. Tant pis.

Mon regard ne se posait même plus sur lui, je l'ignorais totalement, prenant le verre face à moi pour prendre une gorgée d'eau tandis que mes yeux restaient rivés sur la télévisions face à moi. Il s'était levé, me parlait. Je l'écoutais malgré moi, même si je n'en avais pas envie. J'avais envie de le frapper, mais en même temps, je n'avais même pas la force de me lever. Sûrement parce qu'une partie de moi savait que ce qu'il disait n'était pas si impossible que ça. Ça me paraîtrait presque logique... Après tout, j'ai toujours une famille, mais ils ne se soucient plus de moi depuis longtemps. La dernière fois que je les avais vu, c'était à la mort de ma mère. On s'était à peine parlé, mon père ne m'avait même pas accordé la moindre parole réconfortante, il s'était contenté de me saluer vaguement, m'adressant à peine la parole alors que je n'avais jamais été aussi mal de toute ma vie. Le divorce avec Hanae avait été presque un moment agréable en comparaison.

Ma main se posa sur mon bras et je baissais un peu les yeux lorsqu'il se dirigea vers la porte. Je ne réagissais toujours pas. Pas davantage lorsque la porte claqua derrière moi. Un énorme soupir quitta mes lèvres et j'enfonçais mon visage entre mes mains. Il mentait. Il mentait. Il ne pouvait pas dire la vérité, elle n'avait pas pu me faire ça. Ils n'avaient pas pu me mentir toutes ces années. Pourquoi n'avaient-ils rien dit si c'était vrai ? Et mon père, au lieu de me rejeter, il aurait pu me le dire, depuis tellement longtemps. Peut-être que si après sa mort, j'avais essayé de reprendre contacte avec lui, il me l'aurait dit pour que je le laisse tranquille.

C'était faux, tout était faux. Mais je devais savoir. Il fallait que je sache. Brusquement, je me relevais, fonçant dans une petite pièce qui ne servait à rien, sauf à entasser des vieilleries. Il y avait ces deux cartons où s'entassaient ses affaires. Je n'y avais jamais touché, je ne les avais jamais ouvert. Sans réfléchir davantage, je les sortis, les posant dans le salon. Mon cœur battait à tout rompre. Je n'avais jamais eu le courage de fouiller là-dedans, de regarder ce qui lui appartenait. J'avais presque l'impression de sentir son odeur là-dedans. Tout était là-dedans, même les photos qu'on avait fait ensemble, aucun ne trônait dans l'appartement. La main tremblante, je me saisis de l'une d'elle, l'observant calmement avant de la poser à côté de moi, reprenant ma fouille, mes enquêtes, priant pour ne rien trouver en rapport avec un certain « Takano ».