Who cares baby I think I wanna marry you ▬

Yui commençait à ranger lentement son appartement. Il n'y avait pas grand chose à remettre dans l'ordre, c'était pour cela qu'elle prenait son temps. Elle avait mit un peu de musique en fond sonore, et s'amusait alors à chanter et/ou danser. Son balai lui servait parfois de micro, d'autres fois de guitare alors qu'elle faisait son ménage à son rythme.

Sa cheville était guérie depuis quelques jours maintenant. Et elle avait l'impression qu'un poids énorme s'était enlevé de ses épaules. Ne pas pouvoir bouger comme elle aurait voulu pendant plusieurs jours avait failli la rendre folle.
La première fois qu'elle fit une fois sa cheville comme neuve, fut d'aller courir avec Sou. Et qu'est-ce que ça lui avait fait du bien...
C'était pour cette raison d'ailleurs qu'elle s'amusait à bouger dans tous les sens. Elle était juste heureuse. Et elle devait ranger, aussi. Elle attendait de la visite plus tard dans la journée.
Et ce n'était pas n'importe qui qui venait la voir, puisqu'il s'agissait de Kyohei. A présent sur ses deux jambes comme une grande, elle avait décidé de l'inviter pour le remercier. Après tout, il avait été là pour elle durant son repos forcé. Il l'avait aidé à aller et rentrer du travail, il avait sorti le chien et avait même fait la cuisine ! Il s'était bien occupé d'elle, elle n'avait rien à dire là-dessus. Il savait prendre soin des autres. Il n'avait pas voulu laver le chien par contre... ça aurait été peut-être trop beau qu'il fasse tout non ?

Enfin bref, dansant actuellement dans son balai alors qu'elle passait le balai sous les yeux de ses animaux de compagnie, elle se mit à chanter, tout en se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir faire à manger. Elle avait le frigo plein, mais aucune idée de recette en tête. S'arrêtant soudainement dans ses mouvements, elle se mit à observer son chat. Elle pouvait toujours commander quelque chose. Des pizzas ! Voilà. Le dîner était déjà prêt.

Une fois son ménage fini, elle partit prendre une douche. Elle prit son temps, laissant l'eau chaude couler sur son corps et la détendre. Elle devait un peu calmer son côté « j'ai envie de sauter partout », sinon Kyohei allait finir par l'assommer. Mais elle était tellement contente de pouvoir bouger comme elle le voulait ! C'était pas sa faute...
Sortant de sa douche, une serviette autour d'elle, elle alla déposer quelques boissons dans le salon. Elle déposa ensuite deux verres sur la table basse. Comme ça, Kyohei allait pouvoir se servir lui-même comme une grand et prendre ce qu'il voulait. Mais qu'il rassure : elle n'avait pas d'alcool ! Que de l'eau et du soda. Elle ne voulait pas risquer de revoir son camarade ivre. Même si c'était plutôt amusant, en y repensant.

Jetant un regard sur son horloge, elle partit rapidement dans sa chambre pour s'habiller. Elle n'avait pas envie d'aller ouvrir la porte en serviette, les cheveux dans tous les sens et encore mouillés. Une fois prête, elle alla patienter dans le salon, où elle joua avec Black et un bout de ficelle. Ca l'amusait toujours de voir qu'un chat pouvait jouer avec tout et n'importe quoi, du moment que ça le divertissait assez. C'était mignon aussi. Entre temps, elle alluma la télé, la laissant sur une chaîne au pif, histoire d'avoir un fond sonore. Elle vérifia l'heure sur son portable : Kyohei n'allait plus tarder.
Et à peine eut-elle finit de penser cela que quelqu'un toqua à la porte.

Se levant d'un bond, elle se précipita presque vers l'entrée. Elle ouvrit la porte et accueillit son invité avec un immense sourire aux lèvres.

« Salut ! », s'exclama-t-elle tout en se décalant pour laisser entrer le jeune homme.

Elle lui fit ensuite signe de la suivre au salon, où elle reprit sa place à côté de Black qui n'avait pas vraiment bougé.

« Alors, tu vas bien depuis la dernière fois ? », demanda-t-elle tout en observant son invité, « Je dois te donner l'impression d'être une vraie pile aujourd'hui non ? Pourtant, j't'assure, j'ai couru ce matin, et j'ai même fait le ménage en dansant. Mais j'suis juste trop contente que ma cheville aille mieux »

Et pour appuyer ses dires, elle se mit à tordre sa cheville dans tous les sens, tout en riant joyeusement.

« Si tu veux boire, je t'en prie, sers-toi », dit-elle en désignant les boissons sur le sol, « Fais comme chez toi ! », finit-elle en souriant.

Heureusement, Yui s’était enfin rétabli et tout semblait aller pour le mieux. Ces derniers jours avaient été des plus mouvementés, entre ses deux jobs, la jeune femme dont il devait s’occuper, sans parler de ses animaux et de son propre appartement qu’il avait dû ranger, Kyohei avait eu très peu de temps pour lui. Il ne s’en plaignait pas, il s’était lui-même proposé alors ça ne l’avait pas dérangé. De toute manière, il avait imposé ses limites et s’il y avait des choses qu’il refusait de faire, il ne se gênait pas d’en faire la remarque. Il n’était pas un homme de ménage cependant il avait malgré tout céder et avait accepté de sortir le chien. Le laver ça par contre, il n’en avait pas été question et le magicien avait été catégorique là-dessus. Ce qu’il retenait de ces évènements et l’avantage qu’ils avaient était qu’au moins, ça leur avait permis de se rapprocher. Lui était désormais capable de rester lui-même, comprenant qu’avec la jeune femme il ne risquait rien, qu’elle l’appréciait sincèrement et qu’il fallait arrêter de constamment être dans le passé. Parfois, cependant, il lui arrivait d’être mal à l’aise, en particulier lorsqu’il parlait trop, lançant des compliments qui n’auraient jamais dû sortir de ses lèvres. Leur relation aussi était assez particulière, il passait maintenant plus de temps à se chamailler, se disputer pour des bêtises que de se courir après et de se fuir comme les mois précédents. Mais derrière ça, il était facile de constater que c’était justement parce qu’ils s’appréciaient que leur relation était ainsi.

La routine avait ensuite repris son cours et sa camarade, à présent en forme, avait décidé de l’inviter. Le magicien lui avait hésité sur le moment à accepter ou pas. Non pas qu’il n’en avait pas envie toutefois il avait appris à connaître la demoiselle et il n’avait aucun doute quant à la vivacité qu’elle ferait preuve lorsqu’ils se verraient. Finalement il n’avait pu se contraindre à refuser, rassuré au fond que Yui aille mieux car même si elle ne le rétorquait pas à voix haute, ne pas pouvoir bouger avait dû la miner plusieurs fois.

Il ne s’était pas trompé, lorsqu’il était arrivé, elle l’avait accueilli joyeusement. Sans l’interrompre il entra avec cette esquisse qui décorait ses lèvres et faisant comme elle lui avait dit, chez lui, il les avait servi tous les deux.

- Oui, je vais bien, merci de t’en soucier, S’était amusé le garçon, Je ne te retourne pas la question, je pense que c’est inutile.

Et puis ils avaient parlé. Encore parlé. De tout et de rien à la fois. Chacun parlait de son travail respectif, Kyohei précisant que le sien était ennuyeux et qu’il en avait plus qu’assez de ce poissonnier qui lui tapait sur les nerfs. Ils avaient ri plusieurs fois, se trouvant un soudain intérêt pour commenter les émissions télévisées et les pizzas étaient ensuite arrivées.

- Je m’en charge, déclara-t-il, partant chercher un couteau

Assis sur le canapé à l’indienne, un bout de pizza à la main, ils critiquaient encore cette téléréalité. C’était un truc sur les mariages et le magicien avait aussitôt froncé les sourcils. On disait qu’un homme célibataire à trente ans, pas encore marié, c’était assez mal vu. Lui en avait déjà vingt-sept et autant dire que ça l’avait plongé dans des réflexions philosophiques. Il n’avait même pas copine, il ne perdait pas de temps avec ces idioties seulement maintenant qu’il y songeait, il serait peut-être le moment qu’il se case lui aussi. Ce n’était pas de misérables flirtes ou des relations d’un soir qui fonderaient une famille. Dans un soupir, il détourna son attention sur sa voisine qui paraissait autant songeuse que lui. Aucun des deux n’avait parlé, méditant sur le sujet apparemment. Yui avait plus de chance que lui, elle était plus jeune.

A plusieurs reprises, ses yeux vaquèrent entre l’écran et la demoiselle jusqu’à ce qu’après quelques secondes, leurs regards finirent par se rencontrer. En silence, Kyohei fut incapable de se détacher de ses iris et peu à peu, un sourire en coin se forma sur son visage, taquin aussi.

- Eh ! Ça te dit on se marie ?!

On avait toujours dit qu’il avait un humour un peu bizarre. Haussant les épaules en complément à ses paroles, il enchérit :

- Et bien quoi tu as 24 ans, moi 27, je suis sûr on ferait un couple d’enfer !

A un détail près, ils n’étaient pas amoureux l’un de l’autre. Hors si on n’avait même plus le droit de plaisanter, autant foutre sa vie en l’air de suite n’est-ce pas ?

Spoiler:

« D’accord » ? Elle avait sérieusement dit « d’accord » ? Perplexe, Kyohei n’avait pu répondre qu’il l’avait fixé avec ses paupières qui papillonnaient sous la surprise. Yui aimait bien s’amuser de lui alors certainement qu’elle plaisantait encore n’est-ce pas ? Mais elle l’avait dit d’une voix si calme que lui-même s’était posée la question. Après tout s’il avait une femme comme sa camarade, il ne s’en plaindrait pas. En dehors de leur fort caractère, il pourrait s’en vanter. N’importe qui rêverait de sortir avec une fille comme ça, physiquement parlant bien sûr. Mentalement parlant, il fallait réussir à la supporter mais lui y arrivait. Donc, quand on y réfléchissait, ce n’était pas si stupide que ça... Ils étaient tous les deux en âge de se marier et au vue de leurs commentaires précédents, ils paraissaient avoir de nombreux points communs sur le sujet. Certes, ils ne s’aimaient pas cependant et alors ? Qui avait dit qu’il fallait obligatoirement être amoureux pour se marier ? Pas lui en tout cas. Et il était tellement compliqué qu’avant de trouver la bonne personne, il serait déjà mort et enterré. Autant faire une paire de coup. Ils feraient taire ses présentatrices qui blablataient et qui disait que c’était mal vu de finir vieille fille, que les trentenaires n’intéressaient personne... D’un naturel fier, le jeune homme aurait bien voulu leur prouver le contraire cependant lui-même avait conscience de la gravité de la chose. Ce n’était qu’une question d’éthique mais ce n’était pas grave... Il ne passerait pas pour n’importe qui puis un homme marié, ça avait de suite plus de classe non ?

Plutôt qu’être choqué cette fois-ci, c’était un rire qui s’était échappé de ses lèvres à l’entente du surnom « chéri ». Ô que oui, un couple comme eux, ça promettait d’être dignement pimenté. Au fond quand on les connaissait bien, ils étaient des cas assez spéciaux et se complétaient sur certains points comme ils pouvaient être l’opposé l’un de l’autre. Ca dépendait des sujets... Et voilà que le garçon se surprenait à des choses aussi sérieuses. Ca lui arrivait parfois cependant le mariage, c’était bien la première fois. Tout ceci était la faute de cette foutue émission télévisée parce que s’ils étaient stupides sur certaines choses, d’autres retraçaient vraiment la vérité sur la vie. Comment se voyait-il dans dix ans ? Il pensait vraiment qu’il pourrait rester affaler sur ce canapé à bouffer de la pizza ? Ils n’étaient plus des adolescents et s’il continuait sur ce chemin, c’était ainsi que se finirait son existence : tragiquement. Profiter, c’était bien, cependant il fallait prendre ses responsabilités et finir seul, c’était triste non ?

- Vient, on se marie, Lança subitement le magicien quand Yui revint dans la pièce, ne la quittant pas des yeux, Mais genre... Vraiment.

Non ? Même lui devait être étonné de ce qu’il venait de rétorquer. Premièrement, il s’agissait certainement de la demande en mariage la plus minable qui puisse exister et deuxièmement, lui qui était si carré dans sa vie, qui avait beaucoup de principes, il était d’accord pour se marier sur un coup de tête ? Avec une fille qu’il apprenait tout juste à connaître et pour laquelle, il n’était même pas amoureux. On aura tout vu dans ce monde. Incroyable.

- Non mais elle a raison ! Se justifia-t-il en désignant la télévision, Tu te vois finir vieille fille ? Certes, tu as encore le temps, tu n’as que 24 ans mais bon les femmes se marient jeunes en général non ? Puis, je vais avoir trente ans. Dans trois ans certes mais bon... Les années passent vite ! Ouais... Je pense qu’on devrait se marier.

Il n’y avait même pas de logique dans ce qu’il racontait. Juste qu’il se connaissait, qu’il avait toujours été d’un naturel méfiant et que s’il n’avait pas su trouver une corde à son arc aujourd’hui, il ne voyait pas pourquoi ça serait différent d’ici trois ans. Yui, il l’aimait bien. Puis, elle était jolie. Certes, ce serait la plus belle connerie que tous deux pourraient faire mais pour une fois que Kyohei avait envie de faire quelque chose de fou, on allait pas lui en vouloir.

Vraiment ? Vraiment vraiment ? Se marier ? Croisant les bras sur sa poitrine, elle pencha légèrement la tête, réfléchissant à cette éventualité. Elle regarda Kyohei à plusieurs reprises, voulant savoir s'il plaisantait ou s'il était sérieux. Mais il paraissait plus que sérieux.

Elle alla donc reprendre sa place sur le canapé aux côtés du jeune homme, s'asseyant en tailleur et le dos droit, le visage tourné vers lui. Elle resta silencieuse, l'écoutant attentivement, alors qu'elle jetait des regards furtifs vers la télé. Elle plissa les yeux de temps à autres. C'était à cause de cette émission qu'ils avaient cette conversation !

Puis elle se mit à réfléchir aux paroles de son invité. Oui, elle avait encore le temps. Elle était jeune, et pleine -voir un peu trop- d'énergie. Elle avait presque encore la vie devant elle pour trouver l'homme parfait. Mais plus elle y pensait, moins elle avait envie de chercher cet être si parfait qui tapisserait en rose les murs de sa vie. Qu'elle était poétique aujourd'hui...
Ce n'était pas bon pour elle de réfléchir, parce qu'elle le faisait à présent, et elle en concluait des choses pas très bonnes. Elle savait que de toute manière, aucun homme ne voudrait d'elle. C'était vrai, elle était bien trop sportive et combattive pour le sexe opposé. Ils la voyaient toujours tous comme une bonne amie, mais n'allaient pas plus loin. C'était peut-être là le seul point négatif de bien s'entendre avec les garçons... Elle était la bonne copine à qui parler de sa rencontre d'un soir, la bonne copine avec qui rire de pratiquement tout et n'importe quoi, la bonne copine avec qui aller faire du camping ou aller se perdre en montagne. Elle  n'était que ça, la bonne copine. Elle ne sera probablement jamais la bonne petite-amie.

Laissant un léger soupir s'évaporer sur ses lèvres, elle reposa son regard sur la télé. C'était si mal vu d'être célibataire à 30 ans ? Pourquoi ? Ca voulait dire qu'on était pas assez bien pour quelqu'un, ou peut-être trop bien même, ça dépendait des cas. Ca voulait dire qu'une fois 30 ans et toujours seul, on ne méritait plus de connaître amour, gloire et biberons ? C'était à la limite de l'irrespect. Ils y pensaient aux jeunes trentenaires qui regardaient la télé et qui devaient se sentir déprimés maintenant !? Non, bien sûr que non !

« C'est vrai que le temps passe vite. Je vais me réveiller demain, et j'aurais 30 ans. Je serais seule, sans personne. A part mon chien et mon chat, voir les deux, et ma paire de baskets avec mon short préféré », commença-t-elle, « C'est triste quand on y pense... », finit-elle lentement.

Oui, c'était triste de se dire qu'à 30 ans, elle allait finir sa vie en tête à tête avec sa tenue de sport. Elle pourrait imaginer pire cela dit, la tenue de sport était encore la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Elle passa alors rapidement sa main sur son visage, avant de faire à nouveau face à Kyohei. Ses sourcils étaient légèrement froncés, son regard était sérieux et les traits de son visage étaient tirés en arrière. Elle était sérieux, et n'avait pas envie de rire.

« On devrait se marier. Et le plus vite possible. Avant qu'il ne soit trop tard et qu'on soit trentenaires. Enfin, tu le seras avant moi mais … t'as compris »

Elle hocha lentement la tête. Oui, voilà, c'était ce qu'ils devaient faire. Son regard se fit presque sévère quand elle reposa ses yeux sur la télé. Haha, ils n'allaient pas entrer dans les statistiques des trentenaires célibataires ! Ils l'avaient dans le nez celle-là, et toc. Elle leva quelque peu la tête, fière. Elle allait prochainement dire qu'elle était mariée. A qui ? Oh, à Kyohei, un homme dont elle n'était pas amoureuse et qu'elle considérait comme son ami. Mais où était le problème, en soit ? Elle avait déjà qu'un homme avait épousé son chat ou qu'une femme s'était mariée à un arbre. Eux au moins, ils ne martyrisaient ni faune, ni flore. Ils étaient plus futés, nah.

« On se marie quand alors ? », dit-elle de le regardant droit dans les yeux.

Elle était prête à se marier. Il lui avait mis l'idée en tête et n'arriverait pas à la lui retirer aussi facilement.
S'il voulait, ils pouvaient aller à l'église ou quelque part tout de suite. Maintenant.

Deux enfants feraient probablement mieux qu’eux et réfléchirait avec plus d’assiduité également. Ils regardaient une émission et voilà qu’ils voulaient se marier ? Qu’est-ce que ça serait le jour suivant ? Ils verraient une émission sur les bohémiens et auraient envie de s’acheter une caravane pour traverser la Terre afin de devenir gitan. Qu’on les résonne avant qu’ils ne fassent n’importe quoi. Pourtant tous deux semblaient décidés, ça les avait marqué et Kyohei avait toujours eu cette faculté de réfléchir rapidement. Un peu trop. Si ça s’était atténué avec le temps, cela paraissait être revenu au galop. Le mariage... Ce n’était pas un engagement qu’on était censé prendre à la légère et le magicien répondrait qu’il était sérieux, qu’il avait pensé à toutes les éventualités, qu’il était donc prêt à s’engager. Seulement, se marier signifiait aussi partager le quotidien de l’autre, la voir tous les jours, supporter son dynamisme, l’accepter toute entière, ne plus avoir réellement de vie privée. Y avait-il réfléchi à tout ça ? Lui qui jusque là avait toujours l’habitude d’être seul, que ça soit maintenant ou auparavant, Kyohei s’était débrouillé sans personne. Il fallait un début à tout ceci dit...

De toute manière, vraisemblablement, on ne les ferait pas changer d’avis, ni l’un ni l’autre. La télévision leur était montée à la tête. Lui aussi voulait se marier rapidement en plus. Comme si, en se réveillant le jour suivant, il aurait tout à coup trente ans, vieux et pleins de rides. Bon, d’accord, même s’il n’en avait rien dit, cette image l’avait terrifié quelque peu et quitte à devoir se caser, autant que ça soit maintenant. Malheureusement il y avait des tas de choses à prendre en compte avant de pouvoir se marier. En premier lieu, prendre rendez-vous à la mairie, avec son job, il pourrait peut-être négocier avec le maire en personne qui savait... Trouvé des prétextes comme être marié avec une shinki, ça donnait de suite une meilleure image de sa ville non ? Allez... Il ne lui résisterait pas ou dans le pire des cas, il tenterait les yeux doux - ça, il était préférable d’éviter. Ensuite, une fois qu’ils auraient eu une date fixée, il fallait acheter des alliances et pas du toc. Songer enfin à ce qu’il adviendrait d’eux après. Ils ne pourraient pas garder leur deux appartement non plus... Et ses animaux ?! Qu’est-ce qu’ils allaient en faire ? Certes, le garçon avait de suite compris que malheureusement il serait sûrement contraint de cohabiter avec eux également. Trop de monde d’un coup, pour sûr que ça risquait d’être bizarre.

- Je ne sais pas, il faudrait appeler la mairie ! Mais c’est sûrement fermé à cette heure là. Demain, j’appelle à la première heure et je te dirais quoi.

Ou plutôt, il essaierait de s’arranger avec Terazawa cependant ça, le jeune homme s’abstiendrait de le lui déclarer. Lui non plus n’avait pas envie de se visualiser dans trois ans, tout seul, avachi sur son canapé, une bière à la main en train de rigoler bêtement devant une émission télévisée. Une émission qui lui rappellerait encore à quel point il devait être pitoyable de ne pas avoir de femmes, de ne compter sur personne et de préférer la solitude. Être seul avait ses avantages parfois seulement on n’était jamais contre un brin de compagnie non plus.

- Il doit bien avoir des places de libres. Tout le monde ne se marie pas à Nishinaka ! Je n’ai tellement pas envie non plus de me dire que voilà à trente ans, j’en serais toujours au même stade. Et je suis ravi de voir que quelqu’un me comprenne ! C’est rare de nos jours !

Le pire était certainement qu’il le pensait. Ils se comprenaient sur de nombreuses choses mais jamais, Kyohei n’aurait cru que Yui le suivrait là-dessus également. Après tout, prendre de l’âge est un complexe pour tout le monde.

Un rendez-vous à la Mairie... ça mettait du temps à obtenir ? Bon, en y réfléchissant, ils n'étaient peut-être pas les seuls à vouloir se marier... Sauf qu'il ne devait pas y avoir 35 000 mariages par jour quand même !? Ce n'était pas possible que tout le monde se mette d'accord pour se marier en même temps. Ce serait plutôt amusant... s'ils n'étaient pas pressés !

Elle hocha la tête. Demain, ils sauraient. Ca allait arriver plus vite que prévu.
Elle était triste tout de même, leur manière de réfléchir. De se voir seuls et vieux d'ici quelques années, cloîtrer sur un lit ou un canapé avec pour seule compagnie eux-même. C'était même déprimant... Voir plus que déprimant. Si Yui n'était pas aussi forte d'esprit, elle serait peut-être déjà roulée en boule dans un coin en train de pleurer et de prier les Dieux pour faire apparaître un mari devant elle avec une bague dans sa poche et une maison dans laquelle emménager. Bon, elle avait déjà le futur mari, pas de quoi s'affoler.

« C'est vrai que c'est rare. J'suis contente qu'on soit d'accord sur un même sujet », lança-t-elle gaiement.

Elle devenait pas un peu niaise là, la Yui ? Et pourquoi elle se sentait aussi excitée de faire une telle bêtise ? Pourquoi elle n'appelait pas sa mère pour lui parler calmement de cette lubie soudaine, de cette envie presque lugubre de se marier. Ils étaient des gamins à tous les deux à croire que le mariage était un geste aussi anodin que sortir la poubelle ? Mais de quelle planète venaient-ils, sérieusement ? Certainement pas de la Terre, ils avaient plus l'air dans la Lune qu'autre chose depuis que le débat était lancé...

Ils passèrent ensuite les prochaines minutes à discuter de tout, de rien, et de chaque détail qui leur semblait important. L'un confirmait les idées de l'autre, ou les embellissait de ses prochains idées. Ils avaient pratiquement une solution pour tout, et c'en était effrayant. A croire qu'ils avaient pensé à ça depuis des années. Ils ne préparaient pas un mariage de folie. Ils allaient seulement aller à la Mairie, pourtant, à les entendre, on pouvait croire qu'une grande cérémonie se préparait.
Ils venaient peut-être pas de la Lune finalement. Pluton. Ils venaient de Pluton. Ou même d'ailleurs encore. Enfin, ces deux-là n'étaient pas humains...
Ils paraissaient joyeux, voir un peu trop, limite hystériques à croire que le monde leur donnerait raison. Des enfants. Non. Pire que de simples enfants. Des adolescents en pleine puberté. Non, des adolescents extra-terrestre en pleine puberté. Voilà. C'était mieux. Ca le décrivait à la perfection.

Pour fêter leur futur mariage, ils avaient envie de trinquer. Problème : Yui n'avait que du soda et de l'eau. Elle partit alors à la recherche de quelque chose chez sa voisine. Argumentant son envie d'alcool par un « Je vais me marier ! », et le hurlant presque, en plein milieu du couloir, Yui revint avec une bouteille de champagne et sa voisine, qui voulait fêter l’événement avec eux. Si Yui venait à quitter cet appartement, elle allait lui manquer. Elle était tellement serviable, la preuve ce soir encore !

Ils trinquèrent donc ensemble, le sourire aux lèvres.
Ah... que c'était beau et presque idiot de ne pas vivre sur Terre, et d'être dans la Lune.
La soirée ne dura pas toute la nuit. L'excitation laissa vite place à une fatigue affolante. Yui invita Kyohei à rester chez elle, sous-prétexte qu'ils allaient devoir s'habituer à se voir souvent. Voir même très souvent... étant donné qu'ils allaient habiter sous le même toit !
Mais qu'ils étaient fous ces deux-là, et totalement inconscients...