Hard times will always reveal true friends ▬

Cela faisait combien de temps qu'il n'avait plus vu Kyohei ? Trop longtemps. Ils ne s'étaient pas revus depuis que son ami était venu le voir pour lui avouer faire parti des NSA.
Ils s'étaient envoyés des messages. Ren insistait souvent pour avoir un peu de ses nouvelles, du moins plus de détails qu'un simple "Tout va bien". Et il avait bien compris qu'il se passait quelque chose chez Kyohei. Quelque chose qu'il refusait de lui dire.
Avait-il eu un souci avec son bras ? Ou autre chose en rapport avec ce qu'il s'était passé ce soir-là ? Ou au contraire était-ce à cause de lui ? Il aurait dû le retenir, lui dire quelque chose, ne pas s'inquiéter, qu'il restait son ami et plein de choses comme ça. Cependant quand son ami lui avait dit qu'il s'en allait, il avait cru que ce serait une bonne chose pour eux deux. Il avait pensé que comme ça, chacun pourrait mieux réfléchir de son côté, remettre ses idées en place et repense à tout ça la tête plus ou moins reposée.
Il s'était souvent répétait qu'il aurait dû dire à Kyohei de rester encore avec lui. Mais pour faire quoi ? De son côté, il aurait été trop perdu dans ses pensées pour pouvoir parler de la pluie et du beau avec son ami. Et il avait voulu lui épargner un long silence, qui aurait pu lui paraître lourd. Il serait aussi resté assis à le fixer tout en mettant tout en ordre dans ses pensées.
Il n'avait pas voulu lui infliger ça, et pourtant, aujourd'hui il se disait que ça aurait été peut-être mieux.

Avançant lentement dans les couloirs, il observa d'un air quelque peu dégoûté ses murs blancs. Il les avait vus trop longtemps, et trop souvent dernièrement. Ca lui donnait presque le tournis de revenir ici. Tout un tas de souvenirs remontait, lentement, se frayant un chemin jusqu'à son esprit.
Il s'arrêta alors quelques secondes, s'appuyant légèrement contre un mur alors qu'il secouait rapidement la tête comme pour chasser ces mauvaises images. Il ne pouvait pas repenser à tout ceci, pas maintenant qu'il allait voir Kyohei. Pas maintenant qu'il voulait lui montrer qu'il allait un peu mieux, grâce à lui.
Il voulait lui montrer que ce qu'il lui avait avoué lui avait retiré un poids des épaules. Ca se voyait presque physiquement, il ne marchait plus de cet air accablé, ses épaules s'étaient redressées et sa tête se faisait moins basse. Il devait encore un peu travailler sur le psychologique, mais là, c'était au temps de faire son œuvre...
Il souffla faiblement et reprit son chemin.

Et au bout de quelques minutes, il arriva enfin. Il inspecta un moment les alentours, s'assurant qu'il était bien au bon endroit avant de passer lentement sa tête par la porte. Tout d'abord, repérer Kyohei. Son regard traîna alors sur chaque personne qui se trouvait dans la salle alors qu'il était toujours penché étrangement contre la porte.
Une esquissa étira ses lèvres ; Kyohei était là.  Il se redressa alors et entra dans la salle le plus doucement possible. Il avait peur de déranger les autres personnes, et son but n'était pas de les décourager dans leurs démarches.  Il espérait aussi ne pas déranger Kyohei. Et si c'était le cas, il trouverait un autre moyen de le voir, il aurait qu'à passer... quelque part. Ouais. Il allait y réfléchir.
Ce fut sur ses pensées qu'il arriva près de son ami. Il s'inclina rapidement face au professionnel qui était aux côtés de son ami et observa ce dernier silencieusement. Il tenta de se faire le plus discret possible. Il avait l'air tellement concentré dans ce qu'il faisait que Ren n'avait pas envie de le perturber.
Il patienta alors quelques minutes, restant debout sans bouger, et sans rien dire. Il se contentait de fixer chacun de ses mouvements, de s'inquiéter de chaque trait qui étirait son visage. Puis, enfin, il se pencha légèrement, laissant son visage apparaître au coin de l’œil de son ami.

« Salut », déclara-t-il simplement un sourire aux lèvres, « Je te dérange pas j'espère ? »

Se disant que non, il prit une chaise qui traînait sur le côté -non sans demander si elle était à quelqu'un- et la posa délicatement à côté de celle de son ami. Il prit place sans faire un bruit. Il observa alors son ami, un fin sourire toujours plaqué aux lèvres. Il était content de le revoir, il lui avait manqué.

« Tu vas bien ? », demanda-t-il en connaissant plus ou moins la réponse, mais question d'habitude, il préférait demander, « Je savais pas quoi faire à la maison, donc j'ai décidé de passer te voir. Sans prévenir », expliqua-t-il avant de déclarer un léger « Surpriiiiiise ».

Un rire léger quitta doucement ses lèvres. Ce n'était pas encore le grand rire qu'on lui connaissait, mais c'était mieux que de rien. Quelques jours plus tôt, il n'aurait pas été capable de n'en produire ne serait-ce que le son.
Tout n'était pas encore réglé. Chaque image défilait encore devant ses yeux clos la nuit, et il se réveillait encore à cause d'un cauchemar qui portait sur cette soirée-là. Il lui arrivait encore de s'effrayer quand il entendait un bruit qui lui rappelait celui d'un coup de feu, et quelques petits détails comme ça.
Il ne pouvait pas ne plus y penser. Sans s'en rendre compte, il se perdait parfois dans ses souvenirs. Mais quand il reprenait conscience de ce à quoi il réfléchissait, il se secouait presque pour focaliser ses pensées ailleurs. Il essayait alors de ne penser qu'aux bons moments qu'il avait vécu, avec Kyohei et avec les autres.
Il se sentait changé, et il voulait redevenir celui qu'il était avant. Rire, sourire, raconter n'importe quoi, ne plus penser à tout ça...
C'était grâce à Kyohei qu'il voyait d'un meilleur œil le futur. Alors s'il était là, c'était aussi pour lui montrer que son aveu avait eu un bon effet sur Ren, et que jamais, ô grand jamais, il ne perdrait son amitié.

Kyohei était quand même satisfait, sa santé s’améliorait, il avait pu reprendre le travail bien qu’il devait faire attention car pour certaines choses, il avait encore quelques difficultés. Mais au moins son bras allait mieux et ça le rassurait. Il avait eu si peur de ne plus pouvoir le bouger, d’être handicapé à ce niveau-là et d’être privé de sa passion, de ne plus être capable de faire tout ce qu’il voudrait. Et quelque part, ça le motivait à tester de nouvelles choses. Raisonnable, il n’irait pas trop faire le fou non plus parce qu’il tenait à sa vie et qu’il n’était pas assez malade pour sauter du haut d’un pont ou d’escalader une falaise au risque de tomber dans un ravin. Pourtant il y avait cette partie de lui qui mourrait d’envie d’essayer. On ira pas dire cela à sa femme, il serait fort possible qu’elle l’y emmène. Peut-être que si le magicien songeait ainsi, c’était également parce qu’il ressentait ce besoin de s’aérer, de se changer les idées et de découvrir d’autres sensations qu’une balle au creux de l’épaule. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, les images étaient toujours là et le jeune homme peinait à les effacer. Il n’aurait plus jamais une vie normale, il en avait conscience cependant il aurait souhaité pouvoir modifier ça. Il aurait désiré prendre des nouvelles de son ami aussi, lui demander comment il se portait également, s’il allait mieux et n’était plus autant triste qu’avant. Il aurait aimé continuer d’être à ses côtés et le soutenir néanmoins Kyohei en avait été incapable. En lui annonçant être un agent de la NSA, il avait du faire un choix et cela semblait avoir marqué son ami ce jour-là. Lui ignorait quoi faire, comment agir alors que Ren lui envoyait malgré tout quelques messages. Il se disait que c’était par habitude, par principe mais qu’au fond son camarade devait le lui reprocher, il devait être tracassé et ne pas apprécier les actions du garçon. Pourtant, c’était quelque part sa décision... Il n’était pas contre ce système - bien qu’il n’était pas pour non plus - et aimait son métier. Alors son ami avait de quoi lui en vouloir et il refusait de le forcer à venir le voir, à s’inquiéter pour lui et le contacter. Après tout, tout ce qui était arrivé était de sa faute à lui. S’il n’avait pas été dans cette agence, il n’aurait jamais su pour Harumi, il n’aurait jamais rencontré Akira mais... La jeune femme aurait eu des problèmes. C’était un véritable cercle vicieux et Kyohei ne pouvait s’empêcher de soupirer.

Même en pleine rééducation, le blessé trouvait le moyen de se tourmenter pour de nombreuses choses. S’excusant auprès de son kinésithérapeute, il reprit ses tâches tout en se concentrant avec plus d’assiduité cette fois-ci. Il n’avait plus son atèle et était capable de tenir debout, de marcher sans que la douleur ne soit trop forte. Maintenant, tout était plus ou moins supportable sauf si on lui demandait de lever le bras trop haut ou dans d’autres positions similaires.

Un sursaut le parcourut néanmoins à la vue de la tête de Ren et de la manière dont l’avait salué ce dernier.

- Tu m’as fait peur, idiot ! Le gronda alors le magicien dans un sourire.

Il était sincèrement heureux de le voir toutefois son esquisse n’en était pas moins factice. A quoi tout cela servait ? L’avantage était que vraisemblablement, son camarade paraissait allait un peu mieux. A la différence de lui qui avait l’impression de s’enfoncer un peu trop parfois. Heureusement que Yui était là pour le relever lorsqu’il croyait s’effondrer, ça lui permettait de s’en sortir malgré certaines fois où Kyohei était incapable de sourire avec honnêteté. Il était fatigué, moralement, physiquement, et ça se voyait au trait de sa figure bien qu’il tentait de donner le change avec cette esquisse. Fidèle à lui-même, il refusait de montrer ses tourments qui le hantaient, encore moins à Ren qui n’avait pas besoin de plus de souci que ceux qu’il avait déjà.

Le docteur les laissa tous les deux puis après l’avoir remercié, le magicien déposa les ustensiles qu’il utilisait à leur place, faisant ensuite face à son ami qui s’était assis sur une chaise.

- Moi ça va, c’est plutôt à toi qu’il faudrait demander ça. Comment tu te sens ? Tu vas mieux ? Harumi est toujours à tes petits soins ?

Sur ses dires, il échappa un léger rire, faussement amusé par ce qu’il racontait alors qu’il faisait de son mieux pour paraître normal. Pourtant, au fond, Kyohei s’en voulait un tant soit peu. C’était la première fois depuis des années qu’il se sentait mal à l’aise de se retrouver à devoir discuter avec Ren. Il n’avait pas l’impression d’être lui-même et son unique envie en cet instant était de s’enfuir loin d’ici. Il ne voulait pas l’affronter. Jamais.

Oui il se doutait qu'il avait dû lui faire peur, néanmoins un sourire malicieux étira ses lèvres fines. Malgré son sourire, un faible murmure d'excuse sortit doucement d'entre ses lèvres alors qu'il inclinait quelque peu la tête.
Il n'avait pas voulu l'effrayer, juste... Il ne savait pas en fait. Il haussa rapidement les épaules avant de passer l'une de ses mains dans ses cheveux.

Il s'adossa contre la chaise, doucement, comme au ralenti. Il ne savait pas qui il avait peur d'effrayer à mort, mais il ne voulait pas faire trop de bruit. Il ne voulait pas encore faire peur à Kyohei d'une manière ou d'une autre, il s'en voudrait trop.
Il laissa son regard balayer le sol quelques instants, avant de remonter sur le visage de son ami. Son regard trahissait toute l'inquiétude qui mourait d'envie d'exprimer à voix haute. Il voulait lui demander des tas de choses, et parallèlement, rien ne sortait de sa bouche. C'était diaboliquement contradictoire, mais à part les discours habituels, il ne savait pas quoi dire.

Il arqua un sourcil face aux paroles de son ami, penchant légèrement la tête sur le côté. Pourquoi c'était à lui qu'on devait demander ça ? Kyohei ne pouvait pas cesser cela l'espace de quelques minutes et lui dire comment il allait vraiment ?
Soupirant faiblement, il hocha quelque peu la tête. Ce « Moi ça va » ne lui allait pas du tout, et son ami devait bien le remarquer face à la grimace qu'il faisait.

« Je vais mieux », déclara-t-il simplement, « J'ai libéré Harumi de ses fonctions », termina-t-il sur le même ton.

La pauvre, il n'allait pas la retenir prisonnière plus longtemps... Elle avait une vie aussi. Et puis il avait besoin de temps pour lui. C'était assez contradictoire avec son envie d'être toujours accompagné de quelqu'un d'il y a quelques semaines maintenant.
Il tenta un nouveau regard vers son ami, alors que ses doigts s'amusaient entre eux sur ses cuisses. Pourquoi avait-il l'impression que quelque chose clochai ? L'ambiance ne paraissait pas aussi bon enfant et détendue que d'habitude, et ça commençait à le stresser quelque peu. Il avait bien remarqué que le rire de Kyohei n'était là que pour la forme et rien d'autre.
Enfin, d'un certain point de vue, c'était sans doute un peu normal. L'atmosphère qui régnait était le témoin de tout ce qu'il leur était arrivé ces derniers temps : l'attaque de l'homme et tout le traumatisme qui s'en suivit, apprendre que Kyohei faisait parti des NSA...
Secouant doucement sa tête, il se pinça les lèvres en repensant à la dernire fois qu'il s'était vu. Sa main droite serra maladroitement et un peu fortement sa main gauche. Il aurait dû réagir autrement ce jour-là, dire autre chose, faire quelque chose, le retenir et lui dire de rester encore un peu avec lui. Si seulement...
Mais comme son ami lui avait dit quand il s'était réveillé à l'hôpital, on ne changeait pas le monde avec des « Si » ; même si cela serait bien utile parfois.

« Ton bras va comment ? », demanda-t-il en plongeant son regard dans le sien, « Enfin, tu vas me dire que ça va, hm ? Mais ça va vraiment mieux ? »

Ses mains se reposèrent à plat sur ses cuisses alors que ses yeux ne quittaient pas ceux de son ami.

« Honnêtement, je sais pas comment tu fais », lança-t-il, « Arrête de t'en faire pour moi. On dirait pas mais je suis un grand garçon », continua-t-il en riant, « Et puis Harumi était là pour m'épauler. J'étais rarement seul. En plus, ça va mieux maintenant, donc tu peux te détendre et t'enlever ce poids des épaules »

Il lui offrit un sourire tendre, les yeux quelque peu brillant. Il voulait lui faire comprendre qu'il n'avait plus de souci à se faire pour lui. Il voulait qu'il cesse cela même. Qu'il s'inquiète pour lui maintenant, qu'il se concentre sur son bras et son bien-être, qu'il se repose et qu'il profite de tout et n'importe quoi avec sa femme, mais qu'il se sorte Ren de la tête.
Au fond, ça le touchait énormément de savoir que le jeune homme s'en faisait autant pour lui. Il avait même l'impression de ne pas mériter tout ça, et d'avoir été trop faible du début à la fin ; mais il ne dirait jamais ceci à haute voix, il avait bien trop peur de se faire engueuler. Cependant, une partie de lui le pensait vraiment. Cette partie de lui le faisait se demander pourquoi Kyohei était encore son ami. Pourquoi ne l'avait-il pas déjà délaissé dans un coin. Pourquoi, en voyant le non-courage qui l'animait, n'avait-il pas pensé se trouver un autre ami.
Il le savait, c'était idiot de penser ça. Et Kyohei le lui dirait sûrement. Mais face à lui, face à son courage et à sa détermination, il n'était rien.

« Je t'admire vraiment tu sais ? Tu t'inquiètes plus pour moi que tu ne le fais pour toi. Et... y a pas vraiment de mots pour décrire ça, mais merci », un autre sourire doux vint orner ses lèvres, « A partir d'aujourd'hui, tu peux arrêter de t'en faire, d'accord ? Concentre-toi sur toi »

Ren se cala plus confortablement sur sa chaise, n'effectuant toujours aucun bruit. Il souhaitait vraiment faire comprendre à Kyohei qu'il allait arriver à s'en sortir, et qu'il était sur la bonne voie pour. Il voulait qu'il arrête de se faire du souci pour lui et qu'il se concentre sur ses blessures. Il avait aussi ses soucis, ses cicatrices. Et il devait les guérir d'une manière ou d'une autre, il n'avait pas besoin de s'en rajouter.
Il se frotta rapidement les mains. Il avait dit tout ce qu'il avait à dire, voilà. Du moins, il avait tenté de faire comprendre à son ami qu'il allait bien.

« Dis... », annonça-t-il, la mine défaite et le teint presque triste, « Tu sais s'ils ont des distributeurs dans les alentours ? J'ai mangé ce matin mais j'ai encore faim... », finit-il une petite moue collée au visage, l'air un peu trop ridicule pour être vrai.

Encore une fois, il prouvait qu'il allait mieux : un Ren qui avait faim était un Ren qui se portait bien.

Cette sensation était horrible. Il n’aimait pas être mal à l’aise en compagnie de quelqu’un mais encore plus avec un ami tel que Ren. Celui-ci n’y était pour pas grand chose, c’était la faute de Kyohei si la situation entre eux avait pris une telle tournure. Peut-être que, égoïstement, il n’aurait jamais rien du lui révéler à propos de cette organisation dont il faisait partie. Lui qui peinait à supporter les reproches, il n’aurait jamais en parler si à côté ça le blessait de se dire que son camarade pouvait le détester ou le rejeter. Le garçon n’avait rien dit à propos de cela mais ses actes avaient parlé à sa place. Il avait vu cette lueur dans son regard ce jour-là et le fait qu’il ne le retienne pas justifiait tout. Evidemment cela n’effaçait pas une amitié entière néanmoins ça l’affectait énormément. Le magicien avait préféré prendre les devants avant que tout ne devienne insurmontable entre eux et que ça soit trop dur à supporter. Il avait tellement de chose à lui déclarer qu’aucun son ne s’échappait de ses lèvres. Pourtant, il aurait souhaité s’excuser à propos de tout ça, de lui avoir caché et de l’avoir mis dans un tel pétrin. Lui dire qu’il était en réalité un précieux amis à ses yeux et que tout ce qu’il désirait était qu’il aille bien, le protéger. Parce que Ren dégageait ce genre d’aura, une personne douce, chaleureuse mais terriblement fragile et qui malgré ses sourires pouvaient cacher des tas de tourments. Kyohei aurait tout donné pour que son camarade ne perde jamais cet éclat et qu’il continue d’être cet idiot qu’il avait l’habitude d’être lorsqu’ils étaient tous les deux. Mais, le jeune homme avait échoué dans tout ça, il l’avait blessé plus que quiconque, il l’avait fait souffrir inconsciemment et il lui avait menti. Soit disant pour le protéger seulement sur ce point là, il savait que c’était avant tout pour se protéger lui. Il avait eu peur et peut-être avait-il eu tort.

Lorsque Ren reprit la parole, machinalement, le garçon avait relevé la tête en sa direction, affichant un air quelque peu surpris. Ca l’avait laissé bouche bée, il s’était retrouvé dans l’incapacité de prononcer le moindre mot. Il ne s’était pas attendu à ce que son ami lui rétorque tout ça et même si Kyohei savait qu’il ne pourrait jamais changer ce trait de sa personnalité, ça lui faisait du bien d’entendre ses paroles. Ca le touchait sincèrement. Tellement qu’il avait l’impression que son coeur se serrait un peu plus et lui donnait envie de pleurer. Il n’était pas ce genre d’homme qui versait des larmes aisément toutefois, rien n’empêcher le fait que ça l’affectait. Probablement parce qu’il avait sincèrement mal à cause de tout ça et qu’il n’y avait pas de meilleur ami que Ren sur cette Terre. Ce garçon était formidable, il n’avait pas l’air de lui en vouloir tant que ça, au contraire il essayait de le réconforter à sa manière alors que c’était tout bonnement inutile. On ne changeait pas le caractère d’une personne si facilement. Il se tracasserait toujours plus pour son camarade que pour lui même car c’était la moindre des choses. Il n’était pas fichu de prendre soin de lui correctement, il préférait largement prendre soin des autres. Ses proches, son entourage, faisaient partie de la composition de son bonheur. S’ils n’étaient pas heureux, lui ne savait pas l’être non plus.

Une fine esquisse traça ses lèvres, soulagé de voir le jeune homme plus entrain à manger qu’auparavant. Il lui indiqua de le suivre, choisissant volontairement d’interrompre sa rééducation pour aujourd’hui tandis qu’il le mena dans un salle de repos de l’hôpital. Quelques tables, chaises et fauteuils étaient disposés alors qu’il y avait toute sorte de distributeurs. Il y en avait vraiment pour tous les goûts. Laissant Ren choisir ce qu’il voulait à manger, Kyohei lui s’occupa de prendre des boissons pour tous les deux avant de s’assoir sur un fauteuil et de tendre son verre à son camarade. Un soupir franchit ensuite sa bouche tandis qu’il ne savait même pas par où commencer ni quoi rétorquer en réalité.

- Tu sais Ren... Tu as beau être un grand garçon, quoi que tu dise, ça sera toujours plus fort que moi, je m’inquiéterais pour toi. Je suis comme ça. Et je suis content de voir que tu ailles mieux aussi mais ça ne veut pas dire que je ne dois plus m’en faire. Je me le reprocherais si je venais à ne plus me soucier de mes amis.

Et ce poids, il ne réussirait jamais à se l’enlever parce que peu importait ce qu’on lui racontait, ça serait toujours de sa faute. C’était à cause de tous ces choix que le garçon avait fait que tout ceci était arrivé. Avec le temps, ça s’estomperait probablement mais pas tant qu’il y aurait quelqu’un pour venir vers lui, tenter de le réconforter et lui demander d’arrêter de s’en vouloir.

- Mais je vais bien, vraiment, Lui dit-il en le regardant, un doux sourire décorant son visage pâle, Mon bras s’améliore de plus en plus et je n’ai plus besoin de porter l’atèle. Je suis rassuré parce que j’avais peur que ça ne s’arrange pas mais ça va mieux.

Ce qui n’était pas un mensonge. Un semi-mensonge certes parce que psychologiquement parlant, c’était loin d’être la forme cependant à quoi cela lui servirait-il de le dire. Ren ne pourrait rien y changer. Lui non plus. Donc autant parler du positif.

Il porta doucement sa main à son ventre alors que ce dernier hurlait famine. Depuis n'avait-il plus mangé ? A croire qu'il avait passé ses dernières semaines à faire la grève de la faim ; pourtant il avait mangé ! Harumi était témoin.
Voyant ensuite que son ami se lever, il eut un instant de panique. Il allait où ? Il allait faire quoi ? Avec qui ? Pourquoi ? Comment ? Avant qu'il ne comprenne qu'il devait le suivre.
Un fin sourire se traça sur ses lèvres alors qu'il se levait à son tour pour suivre Kyohei. Il ne cessait de regarder à gauche et à droite, ne reconnaissant pas vraiment les couloirs que l'autre emprunter. Et puis, il voulait être sûr de pas se tromper au retour surtout.

Arrivé dans la salle de repos, il se laissa quelques secondes pour admirer les lieux, qu'il trouvait simple mais pour ce qu'on y faisait ici, ça paraissait assez confortable. Il détailla lentement chaque objet, s'attardant parfois un peu trop sur une chaise ou un fauteuil. Et enfin, son regard tomba face à face d'une pure merveille : les distributeurs.
Sans pouvoir se contenir, un soupir de soulagement quitta ses lèvres alors qu'il courait presque vers l'un d'eux. Il regarda un long moment tous les produits à l'intérieur, ne sachant quoi choisir. Son ventre se mettait à se tordre et crier qu'il avait faim face à un peu tout et n'importe quoi, et ça ne l'aidait pas vraiment pour le choix décisif.
Humant longuement, il s'humecta doucement les lèvres avant de hocher la tête plus pour lui-même qu'autre chose : son choix était fait, ces petits biscuits finiraient dans son ventre, qu'ils le veuillent ou non !
Le paquet de biscuits en mains, il partit s'installer sur un fauteuil, un air décontracté au visage. Il allait pouvoir manger, donc tout allait bien. Il remercia son ami d'un signe de tête pour le verre qu'il déposait devant lui alors qu'il l'attrapait déjà pour en avaler quelques gorgées. Du coin de l’œil il observait Kyohei : il venait de le sauver d'une morte pas totalement certaine. Il lui revaudrait ça. Et puis, il avait fait une pause dans sa séance.
Il écarquilla les yeux, il l'avait fait s'arrêter en plein dans sa séance, et alors qu'il allait ouvrir la bouche pour lui demander si ce n'était pas trop grave, la voix de son ami l'interrompit.

Son regard se baissa alors sur les gâteaux devant lui alors qu'il se concentrait sur les paroles du jeune homme. Un petit sourire prit place sur ses lèvres. Il savait qu'il ne serait plus capable de changer son ami, il était comme ça depuis toujours et le serait certainement encore longtemps. D'un côté, Ren préférait qu'il en soit ainsi ; Kyohei resterait à jamais celui qui s'inquiéterait plus pour Ren que pour lui. Mais comme il le disait si bien, Ren était un grand garçon. Il pouvait se débrouiller tout seul, même s'il n'en donnait toujours l'impression. Enfin, dernièrement, il n'aurait pas réussi à gérer seul, mais ça, il se cachait bien de l'avouer à voix haute, Kyohei devait s'en douter de toute manière, il le connaissait. S'il avait été seul, il se serait certainement laissé aller.
Heureusement pour lui, Harumi avait été là. Et Kyohei aussi. Ils avaient réussi à le faire aller dans le droit chemin, même si par moment, il aurait préféré n'être plus là pour pouvoir arrêter de voir ces images gravées à jamais dans sa mémoire.
Viendra un jour peut-être où elles ne deviendront que de vieux souvenirs flous.

Il releva lentement le regard vers son ami quand il eut fini de parler. Il le fixa un moment avant de se mettre à sourire doucement. C'était tout de même plus agréable d'avoir ce genre de conversations que les dernières qu'ils avaient eues.
Quand Kyohei avoua aller bien, Ren plissa légèrement les yeux tout en penchant la tête sur le côté. Devait-il vraiment croire tout ça ? Il ne doutait pas des paroles de son ami, enfin si un peu. Il craignait qu'il ne dise cela que pour le rassurer, et non parce que cela était vrai.
D'ailleurs, il ne parlait que de son bras. Il ne parlait pas de lui, il ne disait que lui-même allait un peu mieux chaque jour ou que quelque chose en lui s'améliorait. Non, que son bras.
Un regard quelque peu inquiet au visage, Ren se mit cependant à sourire. Il était content d'entendre que son bras aille mieux, et voulait le lui montrer. C'était bon signe, et en soit, il valait mieux se fier au positif à présent.

« J'suis content si ton bras va mieux », déclara-t-il lentement, « Tu pourras me taper de nouveau, c'est cool »

Un léger rire lui échappa alors qu'il prenait son paquet de biscuits en mains.

« Je sais que tu t'inquiéteras toujours pour moi, et je t'en remercie. Mais, vraiment, je vais mieux », un sourire sincère étira sur ses lèvres, ses doigts commençaient à tirer sur l'emballage des gâteaux, « Comme tu l'as dit, j'suis un grand garçon maintenant. D'ailleurs je retourne bientôt au travail »

Travail qui lui avait presque manqué. Presque oui. Parce qu'il y avait quelques clients qu'il n'était pas du tout pressé de revoir. Mais sa patronne lui manquait. Et sa collègue aussi.
Un autre sourire et son visage se baissa vers ses mains. Ses sourcils se froncèrent lentement alors que ses doigts agrippaient de plus en plus le plastique qui recouvrait son mini repas.
Sa langue claqua faiblement contre son palet. C'était quoi cet emballage ? Un truc ultra révolutionnaire impossible à ouvrir sans qu'on ait sacrifier quelques vierges, une brebis et un jeu Mario ?
Un soupir lui échappa. Ses doigts agrippèrent le plastique encore plus tandis qu'il n'arrivait toujours pas à l'ouvrir.
« Ren, 26 ans, n'arrive pas à ouvrir un paquet de biscuits », niveau vendeur dans un CV, il y avait mieux mais au moins il tapait dans l'originalité.

Il releva rapidement le regard vers Kyohei avant de se replonger vers son paquet de biscuits. Allez quoi, il avait faim, un peu de pitié pour les affamés bon sang !
Tournant le paquet dans tous les sens, il pensa alors avoir louper un truc, une sorte d'ouverture facile. Mais non. Rien. Il essaya une fois encore, en vain.
Malgré ses gestes parfois vifs et brusques sur le plastique de l'emballage, Ren n'était pas énervé pour autant. Son visage restait calme et serein ; un peu contradictoire tout ça.
Il se racla lentement la gorge, avant de relever le visage vers son ami. Voilà qu'il lui faisait la combo chat battu et abandonné sous la pluie le soir de Noël.
Un soupir attristé lui échappa quand son regard retomba sur ses gâteaux. Ils étaient là, tellement proches, mais à la fois tellement éloignés... Ô désespoir.

« Ce truc est une invention du Diable », se défendit-il en tentant encore une fois de l'ouvrir, « C'est une caméra cachée tu crois ? »

Pas qu'il avait l'air idiot mais... si, quand même. Un grand garçon comme lui, qui n'arrivait pas à ouvrir un stupide paquet de gâteaux, c'était à la fois hilarant et désespérant.
Ne s'avouant pas encore vaincu, il tenta dans un dernier espoir de faire céder le plastique. Et, miracle, il céda !

« Haaa... il a trouvé son maître », ou pas, « T'as pas faim ? », demanda-t-il enfin.

Un biscuit entre les doigts, il tendit le reste du paquet vers son ami avant de le déposer devant eux. S'il en voulait, il avait qu'à se servir, le distributeur avait encore plein de choses à offrir.
Et, enfin, le petit gâteau finit entre ses lèvres fines. C'était délicieux ; la bataille en valait le coup !
D'ailleurs, il venait de prouver à son ami quel grand garçon il était. Kyohei pouvait être fier de lui, il n'avait pas baissé les bras face à l'adversité. Il avait su relever le défi, calmement, sans s'énerver et avait réussi. Par contre, il y avait encore un peu de boulot à faire concernant les emballages et comment les ouvrir ; mais ça, c'était un autre sujet.
A Kyohei de savoir ce qu'il allait conclure de tout ça.

« Hm, d'ailleurs, si on te demande, tu m'as jamais vu galérer pour ouvrir un paquet de gâteaux, hein »

Il n'avait pas beaucoup de fierté, mais fallait pas abuser non plus, oh. Un autre rire glissa lentement sur ses lèvres alors qu'il secouait quelque peu la tête. Il n'en revenait pas d'avoir eu autant de mal à ouvrir cet emballage.
Un autre gâteau termina entre ses lèvres alors qu'il regardait son ami tout en mastiquant lentement.

« Il te reste encore beaucoup de séances ici pour ton épaule ? », demanda-t-il alors, « C'est pas trop grave que je t'ai fait arrêter ta séance avant ? S'il faut que tu y retournes, on y retourne hein »

Oui, « on », parce qu'il comptait bien rester avec Kyohei jusqu'au bout de sa séance.

Ren était vraiment un idiot. Franchement, il n’y avait que lui pour dire des choses aussi stupides, un peu masochiste aussi mais ça faisait son charme. Il était mignon et ça avait eu le don de faire sourire le magicien qui n’avait pu s’empêcher de le traiter d’imbécile. Malgré tout ce qu’il pouvait dire, Kyohei était reconnaissant qu’il soit venu lui rendre visite et que peu importait ce qu’ils avaient vécu, son ami était toujours là. Il avait réellement eu peur et cru que celui-ci lui reprochait son investissement chez les NSA, qu’il ne lui pardonnerait pas et n’avait plus envie de lui parler. Hors si Ren était avec lui aujourd’hui, c’était qu’il tenait encore à leur amitié n’est-ce pas ? Et ça réchauffait son coeur de se dire qu’il ne l’avait pas perdu, qu’ils pourraient encore faire les idiots tous les deux, s’amuser d’un rien puis parler de plantes vertes. D’ailleurs en parlant de plantes vertes - bien qu’il n’y avait là aucun rapport - il était content d’apprendre que son camarade avait décidé de retourner travailler. Cela lui permettrait de penser à autre chose, d’éviter de songer à cet homme qui s’était immiscé dans leur vie pour la chambouler pendant encore longtemps. Lui ignorait quant est-ce qu’il retrouverait un nouveau job puisque pour sûr que Kyohei n’avait pas envie de retourner à shopping center en tant qu’agent de sécurité. Les armes, très peu pour lui. Rien que l’idée d’y penser lui provoquait des frissons d’effroi dans tout le corps. Le traumatisme n’était pas prêt de s’effacer de sitôt et certainement que dans des années, il y pensera encore. Avec plus de recul certes cependant la peur resterait ancré quelque part au sein de son coeur.

Kyohei n’avait pas répondu, se contentant de l’observer du coin de l’oeil en train de se batailler avec son paquet. Il lui aurait bien proposé son aide cependant il avait trouvé la chose plus drôle de le regarder se battre avec sa nourriture. Tellement qu’un sourire discret, un brin moqueur, avait étiré ses lèvres et il avait dû se retenir pour ne pas rire. Ce qu’il ne parvint pas lorsque le jeune homme accompli enfin sa tâche, fièrement vraisemblablement. Réellement, le voir aujourd’hui lui faisait plus de bien que ce que le magicien ne déclarait à voix haute. A part sa femme, il ne voyait plus grand monde ces derniers temps. Et ça lui manquait. En cet instant précis, il aimerait faire une énorme fête avec toutes ses connaissances et ils boiraient jusqu’à pas d’heure - mauvaise idée - tout en s’amusant comme des fous. Son unique envie était de se changer les idées, de ne penser à rien d’autre, ça aurait pu être bien. Sans alcool, ça serait tout de même mieux.

- Promis, je ne dirais rien, Avait rétorqué le garçon dans un léger rire, ignorant sa question précédente.

Son ami était incorrigible et tout autant enfant dans l’âme. On ne pouvait pas lui en vouloir puis en vérité, Kyohei était rassuré de le voir agir de la sorte. Le voir sourire aussi... Tout avait été si difficile pour eux que pendant un moment, il avait cru que plus jamais il ne verrait cette brillante étincelle dans les pupilles de Ren. Il s’en serait voulu pour toujours si celui-ci ne s’en était pas remis un tant soit peu.

- On t’as déjà dit que toi aussi tu t’inquiétais trop ? Ca va, ne t’en fais pas. Les kinés me grondent parce que j’en fais trop donc non, ça ne pose pas de problèmes si j’ai arrêté. Mais je suis content de voir que les efforts paient. Je peux bouger plus facilement maintenant.

Pour justifier ses dires, il avait levé comme il le pouvait son bras, non pas sans grimacer un petit peu puis avait porté sa boisson à ses lèvres afin de s’hydrater. Rester assis ici, à discuter, cela faisait du bien et au moins ils étaient en sécurité. Aucun risque qu’on ne vienne les attaquer. Enfin, logiquement. Personne n’est à l’abris de rien désormais.

- Quand j’irais vraiment mieux, on se fera une sortie toi et moi ! Je ne sais pas où mais ça nous ferait pas de mal. Même un petit voyage tient ! T’as pas envie d’aller quelque part en particulier ?

Parcourir l’Himalaya, faire une randonnée à dos de chameau en Afrique, voir les kangourous en Australie, le père noël en Laponie, dépenser tous ses sous à Las Vegas, s’amuser avec les pingouins en Antarctique, jouer avec Pépito au Mexique, monter en haut de la Tour Eiffel - la vraie bien sûr - ce n’était pas l’embarras du choix qui manquait.

Un petit soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres alors qu'il remerciait Kyohei d'un signe rapide de la tête. Il lui revaudrait ça ! Il était pas encore prêt à ce que le monde sache qu'un grand garçon comme lui n'arrivait pas à ouvrir un simple paquet de gâteaux.
On en parlait de la fois où il avait dû demander à sa mère de lui ouvrir une bouteille d'eau ? Oui. Et même que sa mère avait réussi, et pas lui. En plus ça s'était passé il y a quelques mois à peine... Bonté Divine, à croire qu'il n'avait pas mangé assez de soupe durant son enfance pour être aussi fort qu'une fillette de 5 ans.

Il lança un bref regard vers son ami avant de le détourner et de le reporter sur la table. Lui avait-on déjà dit ça ? Voyons voyons. Certainement oui. Mais c'était pas sa faute s'il s'inquiétait autant, non ? Il était comme ça et ne pourrait plus changer. Et savait aussi très bien qu'il ne pourrait pas non plus changer ce côté-là de Kyohei. Ils étaient faits ainsi, et rien ne pourrait les faire voir les choses autrement. Il releva lentement le regard vers son camarade, un fin sourire aux lèvres.
Il était sincèrement heureux de voir que Kyohei s'en sortait avec ses séances de kiné, mais aussi que son bras supportait tout ça et semblait aller mieux.
Une certaine inquiétude vint néanmoins peindre les traits de son visage alors qu'il observait Kyohei lever son bras. Il ne dit rien cependant, et finit par l'applaudir doucement tout en riant faiblement. Il se sentait un peu trop gamin, mais tant pis.

Il recula ensuite légèrement la chaise, se laissant un peu glisser sur celle-ci, collant son dos au dossier du siège. Un petit soupir vint s'écraser dans l'air, qu'est-ce qu'il était bien installé. C'était vraiment confortable... Et ça le surprenait, il aurait pensé que son dos le haïrait pour s'être assis là-dessus, mais pas du tout, il semblait même lui dire merci.

A l'entente des mots de Kyohei, il se redressa immédiatement, et hocha vigoureusement la tête. Il posa alors son doigt sur son menton, humant lentement alors qu'il réfléchissait. Où pourraient-ils bien aller ?
Oh, il avait tout un tas d'idées en tête, et tout autant de destinations insolites. Il fallait dire qu'il y avait tellement de possibilités...
Il aimerait bien aller en Australie, dire bonjour aux kangourous, et aux koalas. Il aimerait bien aussi voir La statue de la Liberté aux Etats-Unis pour s'émerveiller devant elle. Il irait bien en France aussi, à Paris, pour pouvoir dire qu'il y était allé avant d'avoir 70 ans. Il ne serait pas non plus contre faire un tour en Espagne. Apparemment, c'était très beau là-bas aussi. Oh, ou pourquoi pas allez s'égarer sur une jolie plage Hawaïenne ? Il avait un documentaire dernièrement, et l'île paraissait vraiment somptueuse. Même le sable là-bas lui paraissait tout doux et moelleux.
Un faible soupir rêveur lui échappa alors qu'il s'accoudait à la table.

« Y a beaucoup d'endroits que j'aimerais visiter », dit-il simplement, le regard perdu droit devant lui, « Beaucoup trop même. Et je suis pas sûr que mon compte en banque soit totalement d'accord »

Même s'il pouvait négocier avec lui, il ne pensait pas trop pouvoir le faire avec son banquier. Entre les deux, ce serait plus ce dernier qui allait faire la tête que son compte en banque.

« On pourrait aller, hm... Je sais pas. Hawaï, Australie, Espagne... », commença-t-il à énumérer les possibilités, « Hawaï ça a quand même l'être d'être paradisiaque. Si un jour j'y vais, je sais même pas si je rentrerais »

Un petit rire vint alors le secouer alors qu'il s'imaginait très bien s'accrocher à un palmier pour rester là-bas.
Enfin, il disait ça, mais tout le monde le connaissait, tout le monde savait qu'il finirait par rentrer parce que ses proches lui manqueraient trop.

« Sinon on peut faire un tour à Okinawa, c'est plus près », finit-il par conclure en haussant les épaules, « Ou alors on se fait un week-end chez mes parents, c'est encore plus près »

Un autre rire perturba le petit silence qui venait de s'installer alors qu'il se redressait mollement sur sa chaise.

« C'est tout ce que j'ai en stock », enfin, c'était tout à ce quoi il pouvait bien penser.

Il regarda un instant son ami avant de sourire doucement. Il aurait bien voulu lui dire de tout lâcher et qu'il l'emmenait à Hawaï. Mais Kyohei était marié, il ne pouvait sans doute pas aller n'importe où, quand il le voulait. Donc Okinawa. Et puis, c'était tout aussi magnifique que Hawaï.
Cela dit, foi de Ren, un jour il irait là-bas. Et comme souvenir, il rapportait un peu de sable et une feuille de palmier.

« Il y a un endroit en particulier qui te tente toi ? », demanda-t-il alors, « T'aimerais partir où ? Quel pays te fait rêver ? Dis-moi tout »

Il s'accouda à nouveau sur la table, le regard scotché au visage de son ami.

A chaque destination que Ren énonçait, le magicien s’évadait dans ses pensées, imaginant le pays dans lequel ils pourraient aller et un sourire traçait ses lèvres à cause du rêve qui le gagnait à chaque fois. Hawaï, on pouvait surfer à Hawaï non ? Aller sous les cocotiers, essayer de bronzer, observer les belles hawaïennes - tant qu’à faire - et se prélasser au bord de l’eau, boire de délicieux cocktails puis faire la fête le soir jusqu’au petit matin. L’Australie n’était pas une mauvaise idée non plus, il n’avait jamais pu voyager jusqu’ici et voir des kangourous pouvaient être amusants. Oui, parce que pour Kyohei ce pays était synonyme de kangourous et de koalas aussi. Cela devait être incroyable de se promener tranquillement et d’en croiser par hasard sur son trajet. Peut-être même qu’ils pourraient réussir à avoir une photo avec pour la montrer aux autres ensuite. Parce qu’évidemment, il serait terriblement fier de pouvoir dire qu’il avait pu quitter le Japon et rencontrer des kangourous. Ca n’arrivait pas tous les jours, encore moins au pays du soleil levant. L’Espagne ? Ils pourraient parler aux Pépitos ! Quoi que les Pépitos, ce n’était pas au Mexique ? Peut-être au Pérou aussi un peu mais il se passerait bien de prendre le risque de s’aventurer là-bas, il n’avait pas envie de se retrouver pourchasser par un lama qui finirait par lui mordre les fesses. Non, ça c’était une mauvaise idée seulement l’Espagne... On raconte souvent que les espagnoles sont les femmes les plus jolies, ça pouvait être intéressant. Voilà la seule chose que Kyohei retenait de cette destination : les femmes. Espèce d’obsédé. Abruti.

Okinawa par contre, ça ne le faisait pas rêver du tout et son ami avait dû le remarquer ô vu de l’expression qu’avait affiché le jeune homme. Ses sourcils s’étaient froncés instinctivement à ses propos. Il avait parlé de voyages et le Japon, ce n’était pas un voyage à ses yeux... Il voulait partir loin, parler fièrement des péripéties qu’il aurait pu avoir sur place, prendre des tas de photos. Okinawa, ça ne le tentait pas du tout. C’était beaucoup trop proche. Où voulait-il aller alors ? Le magicien se tut quelques instants, plongeant dans maintes et maintes réflexions. Il y avait tant d’endroit qui l’attirait... L’Islande, la Norvège, la Nouvelle Zélande aussi. Les Etats-Unis pour jouer au Cowboy au Texas ou pour grimper en haut de la statut de la liberté. Chanter la musique de Tom Sawyer en naviguant sur le Mississipi. Le Canada pouvait être bien aussi d’ailleurs, ils pourraient aller voir un match de hockey sur glace et faire un grand saut dans les chutes du Niagara - bien que cela devait assurément être interdit. Les îles le tentaient également... Pourquoi pas les Caraïbes ? Ils pourraient être de vaillants pirates ! Et on les nommerait les pirates de Caraïbes ! Ah. Il pourrait être un comique, pour sûr qu’il réussirait dans ce domaine aussi. Le con. Plus sérieusement... Lui-même ne savait pas trop, l’Europe le tentait bien.

- Pas Okinawa déjà, Rétorqua Kyohei en premier lieu d’un ton assez catégorique, Qu’on part loin, je ne sais pas mais dans un endroit fantastique ! On peut visiter l’Europe, passer quelques jours dans plusieurs pays, faire un petit tour. Les kangourous aussi, c’est une bonne idée mais on ne peut pas tout faire ! Après... On peut tout aussi bien aller voir le père noël en Laponie, on lui piquera ses rennes !

Et le traineau qui va avec tant qu’à faire. Le garçon ne put s’en empêcher qu’il se mit à rire avant de s’excuser de sa bêtise et d’hausser les épaules. Parler voyages lui faisait du bien, ça lui permettait de s’évader et il était content que son ami soit venu lui rendre visite. Malgré tout, il lui avait manqué.

Ren hocha simplement la tête. Pas Okinawa. Au moins, c'était clair et précis de ce côté-là.

Kyohei voulait donc partir loin, hm ? Les destinations étaient nombreuses, ils avaient largement le choix. Et il était vrai qu'aller serrer la patte d'un kangourou n'était pas une si mauvaise idée. Ces animaux étaient vraiment trop mignons, même s'ils semblaient avoir un sacré caractère. Ils allaient bien pouvoir en trouver un qui n'allait pas se servir d'eux comme d'un punching-ball non ?

Humant faiblement, Ren posa alors un doigt sur son menton. La Laponie... il ne se voyait pas spécialement aller là-bas, mais ils pouvaient toujours s'amuser à tirer sur la barbe du Père Noël pour voir si c'en était une vraie. Ils n'avaient pas spécialement envie de lui piquer ses rennes par contre ; ils allaient les mettre où ? Et puis, il faisait froid là-bas. Non, Ren rêvait d'une autre destination.

Hawaï. Il n'avait que ça en tête... sans savoir pourquoi. Mais Hawaï lui plaisait bien. Rien que le nom était déjà joli et sonnait bien dans la bouche. Hawaï. Ca glissait justement sur la langue pas vrai ? Et puis ça sentait bon le sable, la mer et les palmiers !
Rien que d'y penser, Ren avait envie d'y aller. De se glisser sur la plage et de ne plus rien faire de la journée. D'aller visiter la ville et s'émerveiller face au premier bâtiment qu'il aurait sous les yeux.
Enfin, ce n'était pas pour aujourd'hui qu'il irait là-bas. Mais il gardait l'idée de côté, au cas où.

Où pouvaient-ils bien aller tous les deux alors ? Il haussa faiblement les épaules, plus pour lui-même qu'autre chose, et leva son regard vers l'horloge accrochée sur le mur en face de lui. Il se pinça rapidement les lèvres, avant de se tourner vers son ami.

« Je vais devoir y aller », dit-il en indiquant l'horloge d'un signe de tête, « C'est l'heure du bain », se justifia-t-il en riant légèrement.

Le bain, c'était sacré !

Il se leva sans bruit, récupérant le papier de ses gâteaux au passage, et sourit à Kyohei.

« On reparlera de tout ça la prochaine fois », ou alors ils pouvaient le faire par téléphone, à condition que Ren remette la main sur ce maudit appareil, « On trouvera où aller, j'ai pas peur pour nous »

Eux et leurs idées bizarres allaient bien finir par trouver un endroit louche où passer quelques jours, les connaissant... Ils finiraient dans une grotte aux pieds d'une montagne avec pour seule compagnie une chèvre que ça ne les choquerait pas. Pas Ren du moins.
Il salua alors son ami, avant de jeter son papier et de quitter la pièce. Il se pencha une dernière fois pour lui faire un signe de main, un faible rire quittant ses lèvres, avant de se redresser.

Ses mains se glissèrent doucement dans ses poches alors qu'il avançait lentement vers la sortie, un fin sourire aux lèvres. Ca lui avait fait du bien de revoir Kyohei.
Il se sentait prêt à tout affronter maintenant ! … Sauf le froid de la Laponie, fallait pas abuser.